GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Nos 39474C et 39517C du rôle Inscrits respectivement les 27 avril et 4 mai 2017
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Audience publique du 24 octobre 2017 Appels formés respectivement par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et le FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, Luxembourg, contre un jugement du tribunal administratif du 27 mars 2017 (no 37538 du rôle) ayant statué sur le recours formé par Madame …, Luxembourg, contre 1) une « décision » du gouvernement en conseil, 2) une décision du FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT et 3) l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette en matière d’acte administratif à caractère réglementaire
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I. Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 39474C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 avril 2017 par Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY, sur base d’un mandat lui conféré à ces fins le 13 avril 2017 par le ministre du Logement, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif le 27 mars 2017 (n° 37538), par lequel ledit tribunal a partiellement reçu le recours en annulation introduit par Madame …, demeurant à L-…, et annulé la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-
Alzette;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2017 par la société anonyme AMMC LAW S.A., inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par Maître Christophe MAILLARD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, établi et ayant son siège à L-2155 Luxembourg, 74, Mühlenweg;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mai 2017 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2017 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, préqualifiée;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juin 2017 au nom de l’Etat appelant;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juin 2017 au nom du FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2017 au nom de Madame …;
II. Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 39517C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mai 2017 par la société anonyme AMMC LAW S.A., représentée par Maître Christophe MAILLARD, au nom de l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, dirigée contre le même jugement rendu par le tribunal administratif le 27 mars 2017;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mai 2017 au nom de Madame …;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2017 au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juin 2017 au nom du FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2017, au nom de Madame …;
I. et II. Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;
Le rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY, Maître Emmanuelle PRISER, en remplacement de Maître Christophe MAILLARD, Maître Steve HELMINGER, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 octobre 2017.
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Le 16 septembre 2014, l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, ci-après désigné par le « FONDS », déclara zone de réserves foncières un ensemble de terrains sis à Esch-sur-Alzette, au quartier dit « Nonnewisen », inscrits au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, à la section A d’Esch-Nord, sur base des articles 97 à 102 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 ».
Par courrier du 28 octobre 2014, Madame …, déclarant agir en sa qualité de co-indivisaire à raison de 50 pourcents des parcelles inscrites au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section …, sous les numéros …, … et … fit introduire auprès du président du comité-directeur du FONDS une réclamation à l’encontre du susdit projet de constitution d’une zone de réserves foncières.
Lors de sa séance du 8 mai 2015, le gouvernement en conseil adopta « (…) le projet d’arrêté grand-ducal concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette (quartier « … ») par le Fonds (…) ».
Le 1er décembre 2015, le Conseil d’Etat avisa ledit projet d’arrêté grand-
ducal.
La constitution de ladite zone de réserves foncières fut approuvée et déclarée d’utilité publique par arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette, ci-après désigné par l’« arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 ». Ledit arrêté grand-ducal est libellé comme suit:
« (…) Art. 1er. La constitution par le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat, dénommé ci-après le «Fonds», d’une zone de réserves foncières au lieu-dit «in den …», est approuvée et déclarée d’utilité publique.
Art. 2. Cette zone de réserves foncières comprend les parcelles de terrains inscrites au cadastre, section A de Esch-Nord, sous les numéros … Art. 3. Le Fonds est autorisé à poursuivre l’acquisition ou l’expropriation des terrains visés à l’article 2.
Pour autant que de besoin, les mêmes parcelles seront expropriées conformément au titre III de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d’une grande voirie de communication et d’un fonds des routes. Les mesures préparatoires relatives à l’expropriation ont été régulièrement accomplies.
Art. 4. La prise de possession des parcelles sera réalisée endéans un délai de cinq ans par le Fonds. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2016, Madame … fit introduire un recours tendant à l’annulation (i) de la « décision » du gouvernement en conseil du 8 mai 2015 portant adoption du projet d’arrêté grand-
ducal concernant la constitution de la susdite zone de réserves foncières à Esch-sur-
Alzette, (ii) de l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 et (iii) de la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS.
Par jugement du 27 mars 2017, le tribunal administratif déclara irrecevable le recours en annulation en ce qu’il visait la « décision » du gouvernement en conseil du 8 mai 2015 reçut le recours en annulation pour le surplus et, au fond, le dit justifié, partant annula la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, le tout en rejetant les demandes tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, telles que formulées par la demanderesse et par le FONDS et en faisant masse des frais et en les imputant pour moitié à l’Etat et pour moitié au FONDS.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 avril 2017, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a régulièrement interjeté appel contre ce jugement du 27 mars 2017.
Par requête d’appel déposée le 4 mai 2017, le FONDS a, à son tour, fait entreprendre ledit jugement du 27 mars 2017.
La Cour est tout d’abord amenée à prononcer la jonction des deux appels dirigés contre le même jugement, de sorte que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et d’une non-prolifération des écritures, il convient de toiser ces deux appels par un seul et même arrêt.
L’Etat, en se référant à un arrêt de la Cour administrative du 22 janvier 1998 (n° 9647C du rôle), fait soutenir en premier lieu qu’une déclaration de constitution d'une zone de réserves foncières par le FONDS, même approuvée par le gouvernement en conseil le 8 mai 2015 ayant adopté un projet d'arrêté grand-ducal concernant la constitution d'une zone de réserves foncières, n'aurait ni le caractère d'acte final de procédure, ni ne pourrait être qualifié d'acte réglementaire.
Ainsi, le jugement entrepris serait à réformer et le recours introductif de première instance à déclarer irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la déclaration du FONDS, faite le 16 septembre 2014.
Ensuite, le délégué du gouvernement soutient que les premiers juges auraient fait une lecture erronée de l'article 101 de la loi du 19 juillet 2004.
Le délégué estime qu’il ne saurait être question de ce que l'arrêté grand-
ducal litigieux du 16 décembre 2015 constituerait une « prolongation » au sens strict de l'arrêté grand-ducal précédant du 1er février 2010. Il s’agirait plutôt d’un « renouvellement » de la constitution d'une zone de réserves foncières.
Or, chacun de ces arrêtés respectifs serait conforme à la loi, cette dernière n’excluant, selon le délégué, point la possibilité de « renouveler » une déclaration en zone de réserves foncières, spécialement dès lors que lors d'une nouvelle déclaration en zone de réserves foncières, toutes les étapes procédurales prévues aux articles 97 et suivants de la loi du 19 juillet 2004 doivent à nouveau être accomplies, et cela notamment afin d'assurer le respect du droit de propriété des propriétaires concernés.
Par ailleurs, le FONDS aurait agi avec diligence et la nouvelle déclaration en zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, accompagnée d'une poursuite des efforts déjà déployés aurait de la sorte été justifié, comme le Conseil d’Etat l’aurait d’ailleurs également retenu dans son avis du 1er décembre 2015.
Le FONDS estime à son tour que le tribunal administratif aurait à tort annulé la déclaration de zone de réserves foncières faite par lui le 16 septembre 2014, ainsi que l'arrêté grand-ducal prévisé du 16 septembre 2015.
En premier lieu, sa déclaration de constitution de zone de réserves foncières ne serait pas destinée à produire, par elle-même, des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame, de sorte qu’elle ne constituerait pas une décision de nature à faire grief.
Ensuite, si les premiers juges auraient à bon droit rejeté le moyen d’annulation tiré d'un détournement de pouvoir, ils auraient à tort retenu une violation de l'article 101 de la loi du 19 juillet 2004.
En premier lieu, le texte dudit article 101 n'interdirait pas la prise d'arrêtés grand-ducaux successifs et les travaux parlementaires ne concerneraient pas la problématique du cas d'espèce.
En effet, dans le cadre des travaux préparatoires, seule la période pendant laquelle un arrêté grand-ducal approuvant le classement en zone de réserves foncières peut sortir ses effets aurait été considérée.
Or, le fait que le législateur ait souhaité, afin de protéger les intérêts des propriétaires concernés, limiter à cinq ans la durée desdits effets ne signifierait néanmoins pas qu'à l'issue de cette période, les fonds considérés, à défaut d'avoir été acquis (par voie amiable ou d'expropriation), ne pourraient plus faire l'objet d'un classement dans une telle zone.
Une nouvelle procédure serait d’ailleurs protectrice des intérêts des propriétaires des parcelles concernées, par le fait de leur permettre de formuler leurs observations ou réclamations, et ce sous le contrôle du Conseil d'Etat, obligatoirement entendu en son avis.
En l'occurrence, le Conseil d'Etat, dans son avis du 1er décembre 2015, aurait d'ailleurs bien pris en considération le fait que deux arrêtés grand-ducaux avaient déjà été précédemment pris. Cela ne l'aurait pas conduit à s'opposer à ce qu'une troisième procédure soit engagée, notamment au regard des efforts déployés par le FONDS pour l'acquisition amiable des terrains.
Le FONDS insiste sur ce qu’un délai de six mois se serait écoulé entre la date à laquelle l'arrêté grand-ducal du 9 juillet 2014 a cessé de produire ses effets et l'entrée en vigueur de l'arrêté grand-ducal du 1er février 2010, sur ce qu’un délai de dix mois se serait encore écoulé entre la date à laquelle l'arrêté grand-ducal du 1er février 2010 a cessé de produire ses effets et l'entrée en vigueur de l'arrêté grand-
ducal litigieux du 16 décembre 2015 et sur le fait que pendant ces deux périodes, la demanderesse initiale n'aurait pris aucune initiative pour mettre en valeur les parcelles.
Il estime encore que le moyen d’inconstitutionnalité réitéré par Madame … ne serait pas justifié.
Le FONDS demande encore à voir réformer le jugement a quo en ce qui concerne le rejet de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000.- € et à se voir allouer pareille indemnité d’un même montant également pour l’instance d’appel.
L’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette déclare se rallier aux argumentations de l’Etat et du Fonds.
Madame … demande en substance la confirmation du jugement entrepris et pour autant que de besoin elle déclare réitérer son moyen tiré de l’inconstitutionnalité de l’article 97 de la loi du 19 juillet 2004 non examiné en première instance.
Il convient de prime abord d’examiner les mérites du moyen d’irrecevabilité du recours introductif de la première instance, réitéré en appel par le délégué du gouvernement et le FONDS, auxquels se rallie l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en ce que la demanderesse initiale vise la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, au motif qu’il s’agirait d’un simple acte préparatoire, ne produisant aucun effet par lui-même et donc non susceptible de recours devant le juge administratif.
Les premiers juges ont à juste titre rappelé que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-
même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm.
2017, V° Actes administratifs, n° 58 et les autres références y citées).
Concernant les actes préparatoires en particulier, il est encore constamment admis qu’ils échappent au recours contentieux, étant donné qu’ils ne font que préparer la décision finale et ne constituent que des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci (cf. Cour adm. 22 janvier 1998, n° 9647C, 9759C, 10080C, 10276C, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 57 et les autres références y citées).
Ceci étant dit, pour déterminer la nature exacte d’une déclaration de zone de réserves foncières par le FONDS, telle celle dont il est question en cause, il convient de tracer le cadre légal la prévoyant et l’entourant.
Aux termes de l’article 97 de la loi du 19 juillet 2004, « (…) Le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat, après délibération du comité-
directeur, est (…) habilité à déclarer zones de réserves foncières un ensemble de terrains destinés à servir soit à la réalisation de logements, des infrastructures et services complémentaires du logement, soit à la réalisation de constructions abritant des activités compatibles avec l’habitat. (…) ».
L’article 98 de la même loi prévoit que « dans les trente jours qui suivent la déclaration visée à l’article 97, le projet est déposé au secrétariat des communes sur le territoire desquelles se trouvent les terrains concernés.
Le public en est informé par voie d’affiches apposées dans la commune de la manière usuelle et par annonce dans au moins quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg.
Conjointement avec cette publication, les propriétaires, nus-propriétaires, usufruitiers et emphytéotes concernés sont avertis par lettre recommandée qui les informe des dispositions du présent chapitre.
La déclaration et le projet pourront être consultés par le public à la maison communale dans un délai de trente jours à compter de la publication du dépôt prévu à l’alinéa 2. ».
En vertu de l’article 99 de la loi du 19 juillet 2004, « dans le délai de trente jours visé à l’article 98, alinéa 4, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par lettre recommandée au (…) président du Fonds pour le développement du logement et de l’habitat. », l’article 100 de la même loi prévoyant qu’« à l’expiration de ce délai, (…) le président du Fonds pour le développement du logement et de l’habitat [transmet] les pièces avec les observations éventuelles aux ministres ayant respectivement l’Intérieur et le Logement dans leurs attributions.
Après délibération du Gouvernement en conseil, le dossier complet est transmis au Conseil d’Etat qui est obligatoirement entendu en son avis. ».
Finalement, aux termes de l’article 101 de ladite loi du 19 juillet 2004, « un arrêté grand-ducal approuve la constitution de la zone de réserves foncières et en déclare l’utilité publique. (…) ».
Or, à l’analyse des susdites dispositions légales, ainsi agencées, une zone de réserves foncières à l’initiative du FONDS est indubitablement constituée par déclaration de ce dernier.
S’il est vrai que cette constitution ne sort pas immédiatement ses effets, mais qu’elle doit être approuvée par un arrêté grand-ducal, pris sur avis du Conseil d’Etat, c’est-à-dire que son exécution est temporisée et conditionnée par ladite approbation, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un acte juridique propre et distinct de l’approbation.
La déclaration de zone de réserves foncières, une fois approuvée, ne constitue partant pas un simple acte préparatoire, mais une décision administrative susceptible de recours direct et le moyen d’irrecevabilité a été rejeté à bon droit par les premiers juges.
Quant à la légalité interne de la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, ainsi que de l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, les premiers juges, répondant au moyen de la demanderesse tiré de ce que les deux décisions en question violeraient les articles 101 de la loi du 19 juillet 2004, 16 de la Constitution et 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », retinrent en substance que le délai quinquennal inséré dans l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004 tendrait à limiter dans le temps la possibilité de l’acquisition des terrains en question par l’auteur de la déclaration de zone de réserves foncières afin d’éviter de cette manière que les pouvoirs publics ne puissent faire planer l’incertitude sur l’application des dispositions afférentes et bloquer, de ce fait, la mise en valeur des terrains en question et que ledit article 101 devrait être interprété comme s’opposant à la prolongation du délai quinquennal y visé par la prise d’arrêtés grand-ducaux successifs accordant, chacun, un nouveau délai à l’administration en vue de prendre possession des parcelles concernées, d’une part, et ils conclurent qu’en raison du fait que les parcelles faisant l’objet des décisions déférées avaient déjà fait l’objet, à deux reprises, d’un classement en zone de réserves foncières par le biais des arrêtés grand-ducaux des 9 juillet 2004 et 1er février 2010 ayant, chacun, accordé à l’administration un délai de cinq ans pour prendre possession des parcelles en question, sans que cette prise de possession ne soit intervenue dans le délai imparti, respectivement sans que la procédure d’expropriation n’ait été entamée, lesdites décisions encourent l’annulation pour violation des dispositions des articles 101 et 102 de la loi du 19 juillet 2004, d’autre part.
La Cour partage essentiellement cette vision des choses.
Aux termes de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004:
« Un arrêté grand-ducal approuve la constitution de la zone de réserves foncières et en déclare l’utilité publique.
Le même arrêté grand-ducal approuve le relevé des terrains concernés et autorise l’Etat, la commune ou le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat à en poursuivre l’acquisition ou l’expropriation. Il fixe un délai au cours duquel la prise de possession des parcelles visées doit être réalisée. Ce délai ne peut dépasser cinq ans.
L’arrêté grand-ducal constate l’accomplissement régulier des mesures préparatoires relatives à l’expropriation sur avis conforme du Conseil d’Etat. ».
A l’instar des premiers juges, la Cour constate que l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que l’arrêté grand-ducal approuvant la constitution d’une zone de réserves foncières doit fixer le délai dans lequel la prise de possession des terrains est à réaliser, précisant expressément que ce délai ne peut pas être supérieur à cinq ans.
Les premiers juges ont pareillement pointé à bon escient l’intention poursuivie par le législateur à travers les dispositions de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004, telle qu’elle se dégage des documents retraçant l’élaboration parlementaire de ladite loi (i.e. le commentaire relatif à l’article 99 du projet de loi n° 4486 concernant l’aménagement communal et le développement communal, doc.
parl. n°44863, p. 79, devenu par la suite l’actuel article 101 de la loi du 19 juillet 2004), desquels il se dégage que : « La décision du gouvernement prise suite à l’avis du Conseil d’Etat revêt la forme d’un arrêté grand-ducal. Le texte impose un délai maximum de cinq ans pour la prise de possession des parcelles concernées, délai au-delà duquel l’arrêté grand-ducal ne pourra plus sortir ses effets, et notamment ne pourra plus justifier l’expropriation des fonds visés.
En effet, l’acquisition, de gré à gré ou par expropriation, est une obligation pour la commune ou l’Etat, lorsqu’il s’agit de zones de réserves foncières, les pouvoirs publics ne pouvant laisser planer l’incertitude sur l’application de[s] dispositions, bloquant de fait la mise en valeur des terrains en question ».
Le mécanisme législatif, avec sa limite temporelle de cinq ans pour l’acquisition des terrains concernés, tend partant clairement à limiter l’immixtion dans le libre exercice des droits des propriétaires des terrains ainsi affectés.
S’il est vrai que ni l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004, ni une autre disposition de ladite loi, n’interdit expressément un renouvellement de la procédure, d’une part, et s’il est vrai encore que pareil renouvellement peut, le cas échéant, se justifier, notamment lorsqu’un délai court a été fixé pour la prise de possession des terrains concernés, et qu’il se dégage des circonstances vérifiées qu’une procédure, par ailleurs diligente, ne pouvait pas être menée à terme pour des raisons indépendantes de la volonté du pouvoir public ayant constitué la zone de réserves foncières, d’autre part, il appert que le délai de cinq ans ne saurait en tout état de cause pas être dépassé sous peine de se heurter au texte et à l’esprit de la loi.
Dans ce contexte, le fait que toute nouvelle procédure de constitution d’une zone de réserves foncières présente à nouveau des garanties procédurales, dont les parties appelantes se prévalent, n’empêche pas que la prise d’arrêtés grand-ducaux successifs portant constitution d’une zone de réserves foncières et accordant un délai de plus de cinq ans a pour effet de placer les propriétaires concernés dans une situation durable d’incertitude et de blocage quant à la mise en valeur de leurs terrains, ce que le législateur entendait précisément éviter.
Admettre que la situation de blocage générée par une déclaration d’une zone de réserves foncières en application de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004 puisse s’étendre sur une durée de plus de cinq ans impliquerait l’acceptation de répercussions sérieuses et dommageables dans le chef des propriétaire des terrains concernés, de sorte à leur imposer une charge spéciale et exorbitante rompant le juste équilibre devant régner entre l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens, tels qu’ils sont garantis par l'article 1er du Protocole additionnel à la CEDH et l'article 16 de la Constitution.
Sur ce, en l’espèce, dès lors qu’il est constant que les différentes parcelles faisant l’objet de l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, dont celles de la partie appelante, avaient déjà fait l’objet d’un classement en zone de réserves foncières par le biais de deux arrêtés grand-ducaux en date des 9 juillet 2004 et 1er février 2010, chacun de ces deux arrêtés grand-ducaux antérieurs ayant fixé à cinq ans le délai dans lequel la prise de possession des parcelles en question devait avoir lieu, sans que cette prise de possession ne soit intervenue dans le délai imparti, respectivement sans que la procédure d’expropriation n’ait été entamée, le renouvellement de ladite procédure encourt l’annulation pour violation de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que tant l’appel de l’Etat que celui du FONDS laissent d’être fondés et les appelants respectifs sont à en débouter, le jugement étant à confirmer, y compris en ce qui concerne le rejet de l’indemnité de procédure sollicitée par le FONDS.
Compte tenu de l’issue du litige, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, d’un montant de 3.000.- €, telle que formulée par le FONDS est à rejeter.
Enfin, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, d’un montant de 3.000.- €, telle que formulée, dans chacun des deux rôles, par Madame …, est, à son tour, à rejeter, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit en la forme et joint les deux appels;
au fond, les déclare non justifiés et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 27 mars 2017;
rejette comme non justifiées les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par le FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT et par Madame …;
fait masse des dépens des deux instances d’appel et les impose pour moitié à l’Etat grand-ducal et pour l’autre moitié au FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour Sam WICKENS.
s. WICKENS s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.10.2017 le greffier de la Cour administrative 12