GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 38357C Inscrit le 18 août 2016
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Audience publique du 26 juillet 2017 Appel formé par la société anonyme … S.A., …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2016 (n° 35925 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur la fortune
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 38357C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 18 août 2016 par Maître Jean-Luc DASCOTTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 13 juillet 2016 (n° 35925 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 janvier 2015 (n° C 18803 du rôle) ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite le 17 juillet 2013 contre le bulletin d’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2009 et contre le bulletin de l’impôt sur la fortune des années 2009 et 2010, tous émis le 2 mai 2013 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2016 par Maître Jean-Luc DASCOTTE pour compte de la société … S.A. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Luc DASCOTTE et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mars 2017.
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Le 2 mai 2013, le bureau d'imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de la société anonyme … S.A., ci-après désignée par la « société … », le bulletin d’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2009, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune des années 2009 et 2010.
En date du 17 juillet 2013, le cabinet fiscal et comptable de la société … introduisit au nom de cette dernière une réclamation contre les prédits bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
Par une décision du 20 janvier 2015 (n° C 18803 du rôle), le directeur statua sur cette réclamation en les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite 17 juillet 2013 par le sieur … et la dame …, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2009, ainsi que contre le bulletin de l'impôt sur la fortune des années 2009 et 2010, tous émis le 2 mai 2013;
Vu le dossier fiscal;
Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO);
Considérant qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, il est loisible au directeur des contributions de joindre des affaires si elles lui paraissent suffisamment connexes (cf.
Conseil d'État du 06.02.1996, n° 8925 du rôle); qu'en l'espèce, les réclamations ayant le même objet, il échet, dans l'intérêt d'une bonne administration de la loi, de les joindre pour y statuer;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir exonéré deux prêts participatifs, en matière de l'établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation, en vertu du paragraphe 60 de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause sans égard aux moyens et conclusions du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public;
qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé;
I.
Considérant que la valeur totale d'une entreprise commerciale est obtenue par la somme de toutes les valeurs individuelles des biens susceptibles d'évaluation diminuée par les dettes et les provisions de l'entreprise (paragraphes 66 et 62 BewG);
Considérant toutefois qu'en vertu du régime des sociétés mère et filiales visé au paragraphe 60 BewG, les participations importantes détenues à la fin de l'exercice d'exploitation qui précède la date-clé de fixation et s'élevant à au moins 10% ou à un prix d'acquisition d'au moins 1.200.000,- euros, sont exonérées de l'impôt sur la fortune;
Considérant que l'alinéa 2 du paragraphe 60 BewG vise entre autres les participations détenues directement dans le capital social d'un organisme à caractère collectif visé par l'article 2 de la directive modifiée du Conseil des CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales (90/435/CEE);
Considérant qu'à la date-clé de fixation au 1er janvier 2009, la réclamante détient deux participations respectives de 99,94% et de 90,33% dans deux sociétés de capitaux non résidentes ayant leur siège dans la République dominicaine;
qu'il résulte du dossier fiscal que le bureau d'imposition a exonéré ces deux participations en vertu du § 60 BewG;
Considérant que la réclamante fait valoir que la déclaration de la fortune au 1er janvier 2009 serait erronée en ce qu'elle entreprendrait une valeur d'exploitation erronée;
Considérant qu'elle expose que les prêts compris dans le réalisable et disponible constitueraient en effet un complément d'apport dans le capital social des deux participations et qu'ils présenteraient toutes les caractéristiques d'un apport en fonds propres;
Considérant que la requérante explique encore que « les contrats de prêts participatifs sont soumis à l'arbitrage du Tribunal Arbitral de Barcelone et donc au droit espagnol, conformément auquel (article 20 du Décret Législatif Royal 7/1996 «sobre medidas urgentes de caràcter fiscal y de fomento y liberalizacion de la actividad économica ») ils sont également considérés comme des participations aux fonds propres des sociétés dominicaines »;
Considérant d'abord qu'il y a lieu de relever que le conseil d'administration avait dénoncé l'ancien siège de la réclamante en date du 1er janvier 2006;
Considérant qu'il résulte d'une publication au Mémorial C que la réclamante a transféré son siège en date du 25 mai 2012 à L -1724 Luxembourg, boulevard du Prince Henri;
Considérant en outre qu'à défaut de remises de déclarations fiscales, les bases d'imposition des années 2008 et 2009 ont dû être établies par voie de taxation par le bureau d'imposition, en vertu des dispositions du § 217 AO;
Considérant que la réclamante avait remis au bureau d'imposition ses revenus des années 2008 et 2009, couchés sur le formulaire de la déclaration pour l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2008 et 2009 et les pièces comptables y afférentes ;
que les comptes annuels des années 2008, 2009 et 2010 n'ont été déposés au registre de commerce et des sociétés qu'en date du 15 avril 2013, en violation des dispositions de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales;
Considérant que les pièces comptables de l'année 2008 comprennent au total 5 pages, dont une page de couverture, ainsi que deux formulaires relatifs aux participations détenues;
Considérant que les pièces comptables reprennent à l'actif, d'une part, des immobilisations financières et, d'autre part, des créances dénommées « Amounts owed by associates and shareholders » et des avoirs en banques de montants respectifs de … euros et de … euros;
Considérant que même si la requérante a versé en cours d'instance des copies des conventions de prêts conclues avec les deux filiales, ces pièces ne sauraient servir de moyen concluant afin de bénéficier de l'application des dispositions du paragraphe 60 BewG;
que c'est à bon droit que le bureau d'imposition a évalué le réalisable et disponible à … euros;
Considérant que pour le surplus, l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2009 est d'ailleurs conforme à la loi et aux faits de la cause;
II.
Considérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes (§ 232 alinéa 2 AO) ;
qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2009 ;
Considérant d'ailleurs que si un bulletin d'établissement a fait l'objet d'une réclamation, sa réformation entraînera d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur base dudit bulletin d'établissement (§ 218 alinéa 4 AO) ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme;
les rejette comme non fondées ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 février 2015, inscrite sous le numéro 35925 du rôle, la société … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du directeur du 20 janvier 2015.
Dans son jugement du 13 juillet 2016, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, au fond, le dit non fondé et en débouta la demanderesse, tout en condamnant cette dernière aux frais.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 18 août 2016, la société … a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 13 juillet 2016.
Quant aux faits, elle expose qu’elle aurait octroyé le 15 avril 2005 deux prêts participatifs à ses filiales constituées selon le droit de la République dominicaine, les sociétés … S.A. et … S.A., pour des montants respectifs de … € et … €. Elle détiendrait 99,94 % dans le capital social de la première de ces entreprises et 90,33 % du capital social de la deuxième. Ces participations auraient été dûment détaillées dans les cases 51 à 60 des déclarations de la fortune au 1er janvier 2009 et au 1er janvier 2010. Cependant, cette même déclaration reprendrait des montants erronés dans les cases 10 et 12 en ce qu’elles incluraient les prêts dans la fortune totale de la requérante. Ces mêmes erreurs matérielles auraient été reproduites dans la déclaration de la fortune au 1er janvier 2010, de sorte que les déclarations de la fortune au 1er janvier 2009 et au 1er janvier 2010 seraient erronées en ce qu’elles retiennent une valeur d’exploitation incorrecte.
En droit, l’appelante critique le jugement entrepris pour avoir confirmé le traitement fiscal tel qu'appliqué dans les bulletins en cause, à savoir l'inclusion dans la valeur unitaire d'exploitation de sa fortune des deux prêts participatifs octroyés à ses deux filiales dominicaines, alors même qu’elle aurait justifié que lesdits prêts étaient à considérer comme un complément d'apport par rapport aux participations détenues dans le capital social de ses deux filiales dominicaines et partant comme du capital fiscal faisant partie des participations directes éligibles au bénéfice de l'article 166 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».
Elle fait valoir que la LIR ne définirait pas les critères permettant de qualifier un instrument comme de la dette ou des fonds propres et qu’en l'absence de tels critères, il conviendrait de se référer aux principes généraux de la fiscalité luxembourgeoise, dont le principe de l’appréciation d’après la réalité économique devant prévaloir sur la qualification purement juridique, encore appelé principe « substance over form », entraînant que l'approche économique devrait également être adoptée pour décider si un instrument doit être qualifié de dette ou de fonds propres selon ses caractéristiques économiques. Ce principe aurait notamment été admis comme critère à la base de l’application de l’article 97 LIR pour savoir si un titre est à considérer comme une participation. L’appelante en déduit que la qualification fiscale d'un instrument devrait être déterminée au regard de l'ensemble de ses caractéristiques principales et notamment des caractéristiques suivantes :
- la durée dans le sens qu’un instrument dont la durée est particulièrement longue voire perpétuelle serait caractéristique d’une participation ;
- le revenu dans la mesure où un instrument serait généralement qualifié de participation sur le plan fiscal lorsque sa rémunération est déterminée en fonction du profit réalisé par la partie emprunteuse, par opposition à un taux d'intérêt fixe ou variable, dû même en cas de perte, qui serait une caractéristique d’une dette ;
- le droit au boni de liquidation qui serait un droit de l'actionnaire, par opposition à la situation d'un créancier ordinaire, puisqu’il participe aux possibilités de gains de la société emprunteuse ;
- le rang de subordination de l'instrument par rapport à d'autres titres pourrait être un élément caractéristique des fonds propres alors que le caractère préférentiel d'un instrument pourrait être un élément caractéristique d’une dette ;
- le « stapling », correspondant à une disposition empêchant le transfert de l'instrument indépendamment de celui des actions de la société emprunteuse, serait également un élément caractéristique de fonds propres.
L’appelante souligne que ces critères ne seraient pas cumulatifs et qu'aucun d’eux ne serait donc à lui seul décisif. Ainsi, une analyse correcte ne pourrait consister en l'examen d'un seul d'entre eux, comme le tribunal l'aurait cependant fait en ne motivant sa décision que par le seul défaut de subordination, mais qu’il faudrait examiner également tous les autres critères qui se trouveraient vérifiés en l’espèce, de manière que les prêts devraient être qualifiés comme un complément d'apport par rapport aux participations détenues dans le capital social des deux sociétés dominicaines. Ainsi, les deux contrats de prêt ne prévoiraient pas de date fixe de remboursement et seule la survenance d'événements limitativement énumérés - vente des immeubles financés, qui sont par ailleurs les seuls actifs détenus par les emprunteurs, ou faillite de l'emprunteur - seraient susceptibles d'entraîner l'exigibilité du prêt ;
aucun intérêt n'aurait été payé durant toute la durée des prêts jusqu'à leur transfert à la société mère de l’appelante le 31 décembre 2011 ;
la rémunération aurait été effectuée en proportion de la plus-value éventuelle réalisée sur la vente d'actifs financés, qui seraient par ailleurs les seuls actifs détenus par les emprunteurs ;
la subordination légale conformément au droit espagnol régissant les prêts participatifs eu égard à la qualité de l'investisseur.
Quant au dernier point, l’appelante soutient que les contrats de prêt contiendraient une clause d'attribution de compétence au Tribunal arbitral de Barcelone et que l’article 34 de la loi espagnole 60/2003 régissant son fonctionnement prévoirait qu'à défaut de clause d'élection du droit applicable, le Tribunal le choisira lui-même, de manière qu’il faudrait en déduire l'intention des parties, et indirectement celle de leur actionnaire unique commun espagnol, de soumettre le contrat au droit espagnol, par l'attribution de compétence au Tribunal arbitral de Barcelone. L’appelante ajoute que la loi espagnole n° 22/2003 du 9 juillet 2003 sur les faillites prévoirait que toute créance accordée par une société actionnaire majoritaire de la société débitrice serait affectée d'une subordination, tout comme suivant l'article 20 du décret-loi royal espagnol 7/1996 du 7 juin 1996 sur les mesures fiscales urgentes et la promotion et la libéralisation de l'activité économique, « les prêts participatifs ne sont remboursés en rang qu'après les créanciers ordinaires », ces deux dispositions emportant qu’en cas d'insolvabilité du débiteur, les prêts participatifs ne seraient remboursés qu'après le désintéressement de tous les autres créanciers privilégiés et ordinaires.
Au-delà de cette conclusion, l’appelante insiste sur l'importance relative du critère de subordination par rapport, notamment, à ceux de la date de remboursement, d'intérêt périodique ou de rémunération dans l'analyse de la qualification fiscale d'un instrument et sur le fait que ces critères ne seraient pas cumulatifs, de sorte qu'aucun de ces critères ne serait à lui seul décisif. Dès lors, du moment que les prêts participatifs en cause présenteraient toutes les autres caractéristiques d'un complément d'apport par rapport aux participations détenues dans le capital social des deux sociétés dominicaines, l'absence de subordination n'affecterait pas à elle seule la qualification des prêts comme complément d'apport dans le cas d'espèce.
Par rapport au § 60 de la loi modifiée du 16 octobre 1934 sur l’évaluation des biens et valeurs, appelée « Bewertungsgesetz », en abrégé « BewG », l’appelante rappelle que suivant cette disposition, la participation détenue par un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable directement dans le capital social d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, est exonérée de l'impôt sur la fortune entre les mains de la société détentrice pour autant que le détenteur, à la fin de l'exercice d'exploitation qui précède la date clé de fixation, ait soit une participation d'au moins 10%, soit une participation dont le prix d'acquisition est d'au moins 1.200.000,- d’euros dans le capital de l'entité considérée. Quant à l’exigence d’une pleine imposabilité de la filiale à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, l’appelante précise que le taux d'imposition à l'impôt des sociétés commerciales en République dominicaine aurait été de 25% pour les exercices 2008, 2009 et 2010, de 29% pour les exercices 2011, 2012 et 2013, et de 28% pour l'exercice 2014.
D’après l’appelante, pour le surplus, pour la détermination de la valeur unitaire au ler janvier 2009 et au ler janvier 2010, la valeur des participations importantes à éliminer de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation conformément au § 60 BewG doit donc être déterminée selon les mêmes principes que ceux utilisés pour l'application de l'article 166 LIR.
L’appelante se réfère à la doctrine luxembourgeoise qui recommanderait d'invoquer le privilège mère et filiales en tant que corollaire à l'article 164 LIR à l'endroit de toute distribution dont ce dernier en refuserait ou limiterait la déductibilité fiscale si le débiteur était une société luxembourgeoise et qui retiendrait que selon la pratique actuelle, une exonération de ces revenus de participation sous l'article 166 LIR ne serait possible que si, en complément du prêt hybride en question, la société prêteuse détenait une participation directe d'au moins 10% ou bien de 1.200.000,- d’euros dans le capital social de la société emprunteuse.
Tout en admettant qu'aucune convention préventive contre les doubles impositions n'ait été conclue entre le Luxembourg et la République dominicaine, l’appelante fait finalement valoir que le principe « substance over form » serait également consacré par la doctrine fiscale internationale et en particulier par les commentaires du modèle de convention fiscale de l'OCDE, qui recommandent que lorsqu'un prêt ou un autre apport à la société ne représente pas du capital, au sens strict de la législation sur les sociétés, mais lorsque sur la base du droit ou des usages internes, le revenu qui en provient est considéré comme un dividende par l'article 10 dudit modèle, la valeur de ce prêt ou de cet apport devrait aussi être considérée comme du "capital", ledit article 10 englobant non seulement les dividendes proprement dits mais aussi les intérêts d'emprunts, dans la mesure où le prêteur partage effectivement les risques encourus par la société. L’appelante rappelle à cet égard que les prêts participatifs litigieux seraient soumis à l'arbitrage du Tribunal Arbitral de Barcelone et donc au droit espagnol, conformément auquel ils seraient également considérés comme des participations aux fonds propres des sociétés dominicaines.
A titre superfétatoire, l’appelante invoque le fait que la situation financière des deux sociétés emprunteuses se serait fortement détériorée depuis la conclusion des prêts participatifs litigieux, les fonds propres de ces deux sociétés ayant été négatifs dès l’année 2009, de manière qu’une réduction de valeur aurait dû être pratiquée sur ces créances, eu égard au caractère improbable de leur remboursement.
Sur base de ces arguments, l’appelante conclut que les prêts participatifs litigieux constitueraient un complément d'apport par rapport aux participations par elle détenues dans le capital social des deux sociétés dominicaines et seraient partant à considérer comme des participations directes éligibles au bénéfice de l'article 166 LIR, de sorte que le directeur aurait dû faire droit à sa réclamation en excluant de sa valeur unitaire d'exploitation la valeur d'actif net des prêts participatifs octroyés à ses deux filiales dominicaines.
L’Etat oppose à cette demande en premier lieu un moyen tiré du non-respect par l’appelante de ses obligations de collaboration et de déclaration de la matière imposable. Il rappelle que l’appelante aurait dénoncé son siège de domiciliation en janvier 2006 pour n’en désigner un nouveau qu’en mai 2012, qu’elle n’aurait pas déposé de déclarations fiscales pour les années en cause, de manière que le bureau d'imposition aurait dû procéder à une taxation des revenus et de la fortune, et que l’appelante n’aurait soumis ses déclarations pour les années 2008 et 2009 que le 12 avril 2013 suite à ces taxations. Il souligne ensuite que les bulletins litigieux auraient été émis le 2 mai 2013 sur base et conformément aux déclarations fiscales et aux comptes annuels remis par l’appelante, ces derniers ayant renseigné les deux prêts litigieux à la valeur de … € dans l’actif sous le poste des « current assets » depuis l’année 2005. Ce ne serait qu’après l’émission des bulletins litigieux que l’appelante aurait formulé pour la première fois sa demande de considérer les deux prêts participatifs comme du capital. L’Etat en conclut que ce serait à juste titre que le directeur a confirmé l’imposition effectuée par le bureau d'imposition au motif que la demande nouvellement formée devant lui serait en contradiction manifeste avec les déclarations et documents comptables déposés par l’appelante même.
Il est vrai que les comptes annuels de l’appelante des années 2008, 2009 et 2010 renseignent de manière constante à l’actif des participations d’une valeur totale de …€, soit de … € dans la société … S.A. et de … € dans la société … S.A., ainsi que des créances à l’égard de sociétés liées à hauteur de … € représentant les deux prêts participatifs dans les deux sociétés susvisées. De même, les déclarations à l’impôt sur la fortune des années 2008 et 2009 font état d’une valeur unitaire de la fortune d’exploitation de l’appelante de … € déclarée comme étant la valeur unitaire nette après déduction de la valeur des participations dans les deux sociétés susvisées. Les bulletins d’impôt litigieux du 2 mai 2013 fondent la fixation de la valeur unitaire et de l’impôt foncier sur ces déclarations de l’appelante. Ce n’est effectivement que dans le cadre de sa réclamation du 17 juillet 2013 que l’appelante a pour la première fois formulé la demande de voir les deux prêts participatifs considérés comme rentrant dans la notion de participation au sens du § 60 BewG.
Cependant, cette circonstance n’est pas de nature à empêcher l’appelante de faire valoir cette argumentation tendant à un changement de la qualification du montant des prêts participatifs litigieux. En effet, le régime spécifique de rectification ou de modification du bilan à la base d’une déclaration fiscale ancré dans l’article 41 LIR ne s’applique que dans le cadre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur le revenu des collectivités. En outre, le § 165e de de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », impose certes au contribuable l’obligation de communiquer au bureau d'imposition toute inexactitude ou lacune dans sa déclaration d’impôt qu’il a décelée avant l’expiration du délai de prescription de l’impôt et qui pourrait avoir entraîné une réduction indue de l’impôt et cette obligation est certes interprétée par la doctrine luxembourgeoise comme visant tant la déclaration d’impôt au sens formel que les autres déclarations et informations que le contribuable est tenu de faire au bureau d'imposition dans le cadre de la fixation de sa dette d’impôt, de manière à inclure les bilans déposés à l’appui de la déclaration d’impôt et dont les non-conformités aux prescriptions fiscales doivent dès lors être rectifiées (voir Jean OLINGER : Les problèmes de l’intégration de la loi sur l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967 dans le système légal existant, Etudes Fiscales nos 31, 32, 33, n° 175 ; A. STEICHEN : Précis de droit fiscal de l’entreprise, 3e édit., n° 140). Le § 165e AO ne régit pourtant que l’hypothèse où les inexactitudes ou lacunes découvertes sur le tard ont eu pour conséquence la fixation d’une cote d’impôt inférieure à celle due d’après les éléments factuels et juridiques effectifs du cas d’imposition. Or, en l’espèce, la situation est au contraire celle où le contribuable se prévaut sur le tard d’une inexactitude qui est de nature à réduire sa charge d’impôt.
Par voie de conséquence, la situation de l’espèce tombe dans le champ du régime général relativement à la déclaration de l’impôt se dégageant des dispositions des §§ 166, 170, 171, 204 et 205 AO, qui instaurent un régime qui ne fait bénéficier une déclaration d’impôt d’aucune présomption de véracité, mais impose au bureau d’imposition une mission de contrôle et d’examen objectif et impartial de la déclaration et d’investigation supplémentaire en cas de doutes raisonnables sur le caractère véridique et complet de la déclaration, le contribuable étant corrélativement soumis à un devoir de collaboration avec le bureau d’imposition en clarifiant les points douteux et en produisant les éléments de preuve qu’on peut raisonnablement attendre de sa part. Il s’ensuit que le § 166 AO ne constitue pas un obstacle au droit de l’appelante d’invoquer à l’appui de sa réclamation et dans le cadre du présent recours que, nonobstant les termes de ses déclarations, les prêts participatifs litigieux devraient être qualifiés de participation au sens du § 60 BewG, la charge de la preuve quant à cette prétention lui incombant néanmoins.
Quant au fond, l’Etat renvoie en premier lieu à la motivation contenue dans le jugement entrepris et estime qu’il y aurait lieu de confirmer cette approche en instance d’appel et que ce serait à tort que l’appelante entend voir reconnaître les deux prêts litigieux comme compléments d’apport aux participations détenues dans les deux filiales éligibles aux exonérations prévues par les article 166 LIR et § 60 BewG. Il considère que les quatre caractéristiques invoquées par l’appelante ne seraient pas établies à suffisance de droit.
Ainsi, plus particulièrement, il ne ressortirait pas des termes des contrats que les prêts seraient subordonnés, voire qu’une subordination découlerait du droit applicable aux contrats, l’avis juridique soumis en cause par l’appelante ayant été dressé pour les besoins de la cause, n’engageant que son auteur et ne pouvant pas pallier à l’absence de jurisprudence ou d’un certificat de coutume. L’Etat soutient finalement que même à supposer que les caractéristiques invoquées soient toutes vérifiées dans le chef des contrats de prêt litigieux, elles ne permettraient pas de les considérer d’un point de vue économique comme des participations au sens du § 60 BewG.
Par rapport à la demande de l’appelante, le § 60 BewG dispose que : « (1) La participation détenue par :
1. un organisme à caractère collectif résidant pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’alinéa 4, 2. une société de capitaux résidant pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. un établissement stable indigène d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive modifiée du Conseil CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal, applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents (90/435/CEE), 4. un établissement stable indigène d’une société de capitaux qui est un résident d’un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, 5. un établissement stable indigène d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est résident d’un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne, est exonérée lorsque le détenteur, à la fin de l’exercice de l’exploitation qui précède à la date clé de fixation (alinéa 2 d) §§ 21 – 23) 1) a soit une participation d’au moins 10 %, soit une participation dont le prix d’acquisition est d’au moins 1.200.000,- €.
(2) L’exonération s’applique uniquement à une participation détenue directement dans le capital social :
1. d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive modifiée du Conseil des CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents (90/435/CEE), 2. d’une société de capitaux résident pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. d’une société de capitaux non résident pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités. […] ».
La participation détenue par une personne morale visée à l’alinéa (1), points 1 à 5, du prédit paragraphe est partant exonérée de l’impôt sur la fortune lorsque ce même détenteur a détenu, à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de fixation, soit une participation directe d’au moins 10 %, soit une participation directe dont le prix d’acquisition est d’au moins 1.200.000,- € dans le capital d’une personne morale visée à l’alinéa (2), points 1 à 3 du § 60 BewG.
Le § 60 BewG est en matière d’impôt sur la fortune le pendant de l’article 166 LIR en matière d’impôt sur le revenu et les conditions d’application du régime se rapprochent de celles applicables en matière d’impôt sur le revenu, de manière que la notion de participation importante est définie en des termes identiques à ceux retenus par l’article 166 LIR. Ainsi, tout comme en matière d’impôt sur le revenu, les apports déguisés et le capital déguisé « sont, à tous les points de vue, assimilés au capital formel », de sorte qu’il faut les additionner au capital social pour déterminer la participation (Roger MOLITOR: Sociétés mères et filiales, Etudes fiscales, mai 2009, p. 43 ; dans le même sens Guy HEINTZ, L’impôt sur le revenu des collectivités, Etudes fiscales n° 113/114/115, p. 86 : « La notion de capital vise d’abord le capital souscrit et libéré d’une société. Les prêts considérés comme capital caché sont assimilés au capital stricto sensu ») et qu’ils sont exonérés au niveau de la société mère par le § 60 BewG (cf. Roger MOLITOR, Sociétés mères et filiales, Etudes fiscales, mai 2009, pp. 159-161).
Concernant la notion de capital déguisé, les travaux parlementaires relatifs à la LIR enseignent que :
« Il se peut que les sociétaires qui participent au capital dans les formes prévues par la loi accordent en plus un prêt à la société. En l'occurrence le prêt peut constituer une façon déguisée de doter la société du capital nécessaire à la poursuite de son but. Dans certaines conditions un prêt pareil est considéré, dans le chef de la société et à l'égard de l'impôt sur le revenu des collectivités, comme capital social occulte de la société. Les intérêts accordés en raison du prêt ne sont, en l'occurrence, pas déductibles comme charges de la société. En conséquence il faut considérer le prêt, dans le chef du sociétaire, comme participation supplémentaire et les intérêts comme dividendes de cette participation. Il est difficile de prévoir des règles générales et précises qui permettraient de déterminer, dans un cas particulier, si le prêt constitue une participation au sens de l'article 114. En général, le prêt est à considérer comme participation, lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, eût été l'augmentation de capital et qu'il résulte clairement des circonstances que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que dans un but d'évasion fiscale. Le défaut des formes juridiques usuelles du prêt, à savoir la fixation du taux des intérêts et des modalités de remboursement, l'affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties, la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés fournissent autant de présomptions de l'existence d'une participation déguisée sous la forme du prêt. Il importe aussi de tenir compte des circonstances dans lesquelles le prêt est accordé. Lorsque le prêt est p. ex. immédiatement consécutif à un remboursement de capital, il ne peut y avoir aucun doute sur la nature économique du prêt » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 114, p. 180).
Cet extrait des travaux parlementaires motive la requalification des prêts par l'analyse de leurs caractéristiques financières et prévoit que cette requalification s'impose dès que le prêt peut être assimilé sur le plan financier à des fonds propres. Ledit extrait exprime l'intention du législateur luxembourgeois de ne pas suivre l’évolution de la jurisprudence opérée à l’époque par le Bundesfinanzhof allemand (BFH) – qui a insisté à ce moment sur la liberté de l'actionnaire de doter sa filiale avec des fonds propres ou de lui accorder des prêts et sur la nécessité de fonder l’analyse sur la forme juridique de l’opération choisie par les parties (« bürgerlich-rechtliche Gestaltung ») sans recourir systématiquement à une appréciation d’après des critères économiques (voir notamment BFH 17 novembre 1950, I 20/50 U, BStBl. III 1951, p. 12 ; BFH 20.8.1954, I 130/53 U, BStBl. III 1954, p. 336) – et de maintenir au Luxembourg les principes dégagés par l’ancienne jurisprudence allemande et fondés sur l'analyse économique et financière de l’opération qui pouvait entraîner la requalification d’un prêt en capital déguisé, pareille requalification pouvant jouer en faveur ou en défaveur du contribuable.
Comme les travaux parlementaires précités l’indiquent, un prêt accordé par des associés ou actionnaires à une société de capitaux est à requalifier en apport caché de capital lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, aurait été l’augmentation de capital et qu’il résulte clairement des circonstances que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que pour des raisons fiscales, des particularités inhabituelles relatives aux conditions du prêt, concernant notamment la fixation du taux des intérêts et des modalités de remboursement, l'affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties, la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés, ainsi que les circonstances dans lesquelles le prêt est accordé, constituant des éléments permettant de présumer l'existence d'une participation déguisée sous la forme du prêt.
En l’espèce, il se dégage des traductions des stipulations des deux contrats de prêt conclus par l’appelante avec les sociétés … S.A. et … S.A. le 14 avril 2005 qu’au lieu d’un intérêt fixe sur le capital prêté, l’appelante avait droit à des « intérêts participatifs » au taux de 75% sur toutes les sommes perçues par l’emprunteur respectif pour la vente ou la cession à tout autre titre des établissements hôteliers dont ledit emprunteur était propriétaire en République dominicaine et qui excédaient la valeur nette comptable de ces actifs. En outre, les deux contrats ne prévoient aucune date fixe de remboursement des deux prêts, mais stipulent leur annulation totale ou partielle essentiellement dans l’hypothèse de la vente ou de la cession à tout autre titre, voire de la perte de la propriété des hôtels financés à travers les prêts, la cession de paiements ou la faillite d’une des deux parties étant une autre cause d’annulation. Cette annulation totale ou partielle du prêt emporte l’obligation pour l’emprunteur de faire au prêteur un paiement unique comportant le montant total ou partiel correspondant au principal du prêt et le montant des « intérêts participatifs » calculés conformément à la clause susvisée. Conformément au point 5 des deux contrats, le prêteur se réserve à chaque fois un droit de consentement à toute opération de vente ou de cession à tout autre titre des hôtels financés. Finalement, les deux contrats attribuent la compétence pour tout litige en résultant au Tribunal arbitral de Barcelone conformément aux normes du règlement de procédure de ce dernier.
Il découle d’une analyse économique de ces stipulations des deux contrats en cause que l’appelante a mis successivement à disposition de ses deux filiales les sommes visées dans les deux contrats et inscrites dans ses comptes en vue du financement d’acquisitions d’hôtels et que ces sommes restent à la disposition des deux filiales sans une contrepartie de paiements d’intérêts tant qu’elles restent propriétaires des hôtels et ne tombent pas en faillite ou en cessation de paiements, entraînant que l’appelante ne participe pas, à travers lesdits contrats, aux résultats courants de ses filiales découlant de l’exploitation ou de la location des hôtels. D’un autre côté, lors de toute cession d’un hôtel financé à travers les deux prêts litigieux, l’appelante s’assure une participation à hauteur de 75% dans toute plus-value dégagée par une filiale lors d’une cession d’un hôtel. De la sorte, l’appelante participait aux résultats courants de ses deux filiales seulement par la voie usuelle des distributions de bénéfices, mais s’assurait à travers les deux contrats de prêt l’attribution directe de la majeure partie des résultats positifs dégagés par ses deux filiales à travers des cessions de biens hôteliers.
Par rapport aux critères ci-avant précisés pour une requalification en apport déguisé de capital, il convient de constater en premier lieu que les sommes mises à disposition des deux filiales ont été affectées à des investissements dans des biens immobiliers destinés a priori à représenter des investissements à moyen ou long terme en tant que biens de l’actif investi et qu’en l’absence d’une clause prévoyant un plan de remboursement ou une échéance fixe, les sommes étaient destinées à rester à la disposition des filiales pour une durée non autrement limitée. En outre, cette disponibilité des fonds ne donnait lieu à aucune contrepartie fixe de la part des deux filiales mais seulement à une participation de l’appelante aux plus-values dégagées par des cessions d’hôtels, cette participation s’élevant à trois quarts des plus-values obtenues par les filiales.
Il convient de conclure que les sommes mises à disposition des deux filiales par l’appelante l’ont été non pas en tant que financement de la part d’un prêteur soucieux de récupérer le capital prêté, mais en tant qu’investissement à risque axé sur des gains de valeur des hôtels financés à travers les deux prêts, de manière que ces sommes sont à assimiler à des apports en espèces aux filiales et que la voie normale de la mise à disposition desdites sommes aurait été l’augmentation de capital. Aucun autre intérêt économique particulier justifiant le remplacement d’apports de capital par des prêts ne se dégageant des éléments en cause ou n’ayant été mis en avant par l’une des parties, il y a lieu de conclure que l’intérêt fiscal essentiel consistait dans la déduction des « intérêts participatifs » par les filiales en République dominicaine en tant que charges en relation avec les plus-values imposables dégagées par lesdites filiales.
Quant à la question du caractère subordonné des deux prêts, il est vrai que la subordination alléguée ne ressort pas des stipulations mêmes des contrats de prêt et que les premiers juges avaient conclu qu’aucun élément de fait ou de droit soumis à leur appréciation ne permettait de conclure que les prêts litigieux seraient subordonnés par rapport à d’autres titres ou que cette subordination résulterait du droit applicable aux instruments juridiques litigieux. L’appelante a néanmoins présenté en instance d’appel un avis juridique émis par un avocat espagnol qui conclut que la soumission à l’arbitrage du Tribunal arbitral de Barcelone emporte également la soumission des contrats de prêt au droit espagnol et que les créances découlant de prêts accordés à une société par des associés sont subordonnées par rapport à d’autres créanciers si la participation dépasse un certain seuil. En outre, l’appelante fait partie d’un groupe de sociétés dont la société faîtière est résidente espagnole et à laquelle l’appelante a par ailleurs transféré les deux contrats de prêt le 31 décembre 2011. Les éléments présentés à la Cour permettent partant de conclure au caractère subordonné des créances de l’appelante découlant des deux contrats de prêt litigieux. En toute occurrence, le caractère subordonné ou non du prêt ne constitue qu’un élément parmi plusieurs à prendre en considération dans le cadre de l’analyse globale s’il correspond à la voie normale de financement dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, analyse à laquelle le tribunal aurait également dû procéder au lieu de s’attacher à la seule question du caractère subordonné ou non des prêts en cause.
Au vu des éléments ci-avant dégagés, il y a lieu de conclure qu’au vu des conditions auxquelles ils ont été accordés, les prêts litigieux s’analysent en réalité au niveau fiscal en des apports de capitaux déguisés qui s’ajoutent aux participations dans le capital social nominal des sociétés … S.A. et … S.A. détenues par l’appelante et qui sont ainsi à qualifier de participation dans le capital social de ces sociétés au sens du § 60 BewG.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel sous examen est justifié et que le jugement entrepris encourt la réformation en ce sens que, par réformation de la décision directoriale déférée du 20 janvier 2015, le bulletin d’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2009 est à modifier en ce sens que les deux prêts participatifs accordés par l’appelante à ses filiales constituées selon le droit de la République dominicaine, les sociétés … S.A. et … S.A., pour des montants respectifs de … € et de … € sont à exonérer en tant qu’apport de capital déguisé dans le cadre de l'établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation, en vertu du § 60 BewG, étant précisé que cette réformation du bulletin d’établissement prévisé entraînera, conformément au § 218 (4) AO, d'office un redressement du bulletin d'impôt sur la fortune établi sur base dudit bulletin d'établissement, comme le directeur l’a précisé à bon droit.
L’appelante sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 € en arguant que ses frais comprendraient notamment les honoraires d’avocat à régler par elle.
Il y a cependant lieu de rejeter comme non justifiée cette demande, étant donné qu’il n’est pas inéquitable de laisser à charge de l’appelante les frais irrépétibles au vu de l’ensemble des éléments du dossier et de la solution au fond du litige.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 18 août 2016 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 13 juillet 2016, dit que le bulletin d’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2009 est à modifier en ce sens que les deux prêts participatifs accordés par l’appelante à ses filiales constituées selon le droit de la République dominicaine, les sociétés … S.A. et … S.A., pour des montants respectifs de … € et de … € sont à exonérer en tant qu’apport de capital déguisé dans le cadre de l'établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation, en vertu du § 60 de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande de l’appelante en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000,- €, condamne l’Etat aux dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 26 juillet 2017 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
S .WILTZIUS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier en chef de la Cour administrative 13