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07/02/2017 | LUXEMBOURG | N°38584C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 février 2017, 38584C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38584C du rôle Inscrit le 17 octobre 2016 Audience publique du 7 février 2017 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 7 septembre 2016 (n° 37287 du rôle) ayant statué sur le recours de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV « … », a.s.b.l., des époux … et …, L-…, et des époux … et …, L-…, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière d’aménagement du territoire Vu la requête d’appel inscrit

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38584C du rôle Inscrit le 17 octobre 2016 Audience publique du 7 février 2017 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 7 septembre 2016 (n° 37287 du rôle) ayant statué sur le recours de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV « … », a.s.b.l., des époux … et …, L-…, et des époux … et …, L-…, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière d’aménagement du territoire Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 38584C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 17 octobre 2016 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre du Développement durable et des Infrastructures, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 7 septembre 2016 (n° 37287 du rôle) ayant déclaré recevable et fondé le recours introduit par l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV « … » a.s.b.l., établie et ayant son siège à L-…, inscrite au RCSL sous le numéro F… et représentée par son conseil d’administration en fonctions ; les époux … et …, demeurant ensemble à L-…, ainsi que les époux … et …, demeurant ensemble à L-…, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures, publiée le 19 novembre 2015, de ne pas procéder à une analyse approfondie des incidences environnementales dans le cadre du Plan d’occupation du sol (POS) « Structure provisoire d’accueil d’urgence pour demandeurs de protection internationale, déboutés de la procédure de protection internationale et bénéficiaires d’une protection internationale à … », pour annuler cette décision, rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure des demandeurs et condamner la partie étatique aux frais ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 novembre 2016 par Maître Laurent LIMPACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV « … », ainsi que des époux … et …, de même que des époux … et …, tous préqualifiés, les intimés ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2016 par Maître Patrick KINSCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1 17 janvier 2017 par Maître Laurent LIMPACH au nom des intimés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Patrick KINSCH et Laurent LIMPACH, assisté de Maître Joé LEMMER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 janvier 2017.

___________________________________________________________________________

Le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après « le ministre », publia en date du 19 novembre 2015 sa décision de ne pas réaliser d’évaluation environnementale dans le cadre du projet de plan d’occupation du sol (« POS ») avec l’objet d’établir une structure d’accueil pour les demandeurs de protection internationale, les déboutés de la procédure de protection internationale et les bénéficiaires d’une protection internationale sur le territoire de la commune de …, et ce au motif, d’une part, que le projet de POS n’entraînerait que des modifications mineures du plan d’aménagement général (PAG) de la commune de … en vigueur, et d’autre part, qu’après réalisation d’une évaluation sommaire des incidences environnementales, il se serait avéré qu’aucune incidence notable ne serait à escompter.

Cette publication du 19 novembre 2015 est de la teneur suivante : « Il est porté à la connaissance du public que dans le cadre du projet de plan d'occupation du sol avec l'objet d'y établir des structures d'accueil pour les demandeurs de protection internationale, les déboutés de la procédure de protection internationale et les bénéficiaires d'une protection internationale sur le territoire de la commune de …, Monsieur le Ministre du Développement durable et des Infrastructures a décidé, Madame la Ministre de l'Environnement entendue en son avis, de ne pas réaliser une évaluation environnementale.

En effet, le projet de plan d'occupation du sol n'a pour effet que des modifications mineures du plan d'aménagement général de la commune de … actuellement en vigueur et n'est pas susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement.

Toutefois, afin de s'assurer qu'aucune incidence notable n'est à attendre, Monsieur le Ministre a procédé à une évaluation sommaire des incidences environnementales qui conclut que - sous réserve de quelques critères d'aménagement - aucune incidence notable n'est à attendre et que l'élaboration d'un rapport sur les incidences environnementales n'est de ce fait pas nécessaire.

La décision de Monsieur le Ministre, l'avis de Madame la Ministre de l'Environnement ainsi que l'évaluation sommaire des incidences environnementales peuvent être consultées dans le cadre de l'enquête publique du projet de plan d'occupation du sol avec l'objet d'y établir des structures d'accueil pour les demandeurs de protection internationale, les déboutés de la procédure de protection internationale et les bénéficiaires d'une protection internationale sur le territoire de la commune de ….

Les intéressés peuvent en prendre connaissance sur le site internet du Département de l'aménagement du territoire www.dat.public.lu.

De plus, la décision du Ministre ayant l'aménagement du territoire dans ses compétences sera également annexée au plan pré-mentionné qui sera soumis à enquête publique à partir du 20 novembre 2015.

2La décision de ne pas procéder à une évaluation environnementale stratégique peut faire l'objet d'un recours en annulation qui doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de quarante jours de la présente publication, conformément à l'article 12 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. (…) ».

L’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV « … » a.s.b.l., ci-après « la BIERGERINITIATIV », ainsi que quatre voisins du site retenu, à savoir les époux … et …, ainsi que les époux … et … ont, par requête du 15 décembre 2015 (n° 37287 du rôle) introduit un recours en annulation contre cette décision ministérielle.

Par requête séparée du 9 mars 2016 (n° 37644 du rôle), les mêmes demandeurs ont introduit une demande en sursis à exécution devant le président du tribunal administratif qui l’a rejetée par ordonnance du 18 mars 2016.

Par jugement du 7 septembre 2016, le tribunal déclara le recours recevable et fondé pour annuler la décision ministérielle critiquée du 19 novembre 2015 et rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure des demandeurs avec condamnation de l’Etat aux frais.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 17 octobre 2016, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait entreprendre le jugement précité du 7 septembre 2016 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir déclarer le recours initial irrecevable, sinon non fondé et de voir condamner les demandeurs initiaux aux frais.

In limine litis, la BIERGERINITIATIV ainsi que les époux … et …, ci-après « les intimés », soulèvent la caducité de l’appel au motif qu’aucune signification de l’appel déposé le 17 octobre 2016 au greffe de la Cour administrative n’aurait été faite aux parties intimées à la date du dépôt du mémoire en réponse, le 18 novembre 2016.

Par rapport à l’argumentation étatique suivant laquelle, en application de l’article 50 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le greffe est appelé à notifier la requête d’appel introduite par l’Etat, les intimés font valoir que le fait d’appliquer ledit article 50 et d’écarter de la sorte la nécessité d’une signification par voie d’huissier de justice à toutes les parties ayant figuré en première instance, en application de l’article 39 de la même loi, romprait l’égalité des armes. De la sorte, les exigences d’un procès équitable telles que résultant plus particulièrement de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) seraient violées.

L’article 39 de la loi du 21 juin 1999 porte en ses deux premiers paragraphes : « (1) l’appel est interjeté par une requête déposée au greffe de la Cour administrative, dénommée ci-après « Cour », en original et quatre copies et signifié aux parties ayant figuré en première instance ou y ayant été dûment appelées.

(2) Faute par le requérant de signifier son recours dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc. ».

L’article 50 de la même loi dispose que : « par dérogation à l’article 39, en cas d’appel interjeté de la part de l’Etat, le greffier communique, selon les formalités prévues à l’article 34, aux parties en cause en première instance copies de la requête d’appel, des 3mémoires et pièces fournis. La partie intimée et le tiers intéressé sont tenus de répondre dans le délai prévu à l’article 46 ».

L’article 34 consacre la notification par la voie du greffe qui s’opère par pli fermé et recommandé à la poste, accompagné d’un avis de réception.

Il est constant en cause qu’en l’occurrence les notifications par pli fermé et recommandé accompagné d’un accusé de réception ont été effectuées tant à la BIERGERINITIATIV qu’au mandataire des intimés. Ces notifications furent opérées respectivement en dates des 20 et 19 octobre 2016. Le mandataire des intimés a fourni le 18 novembre 2016 un mémoire en réponse en appel au nom de tous les intimés.

Outre, le fait que l’article 50, de manière expresse, consacre à la fois la notification par la voie du greffe et la non-applicabilité de l’article 39, aucune inégalité des armes n’est résultée de la manière de procéder du greffe en ce que le mandataire des intimés a reçu une notification de la requête d’appel dès son dépôt et qu’il a pu valablement fournir son mémoire en réponse au nom de tous les intimés dans les délais de la loi. Par conséquent, les exigences d’un procès équitable prévu par l’article 6 de la CEDH se trouvent valablement rencontrées à leur tour sous cet aspect.

Le moyen laisse dès lors d’être justifié.

Les intimés soulèvent encore l’irrecevabilité de l’appel pour défaut d’intérêt, sinon de capacité à agir en instance d’appel de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, en ce que celui-ci n’aurait pas figuré en première instance, mais seulement le ministre y aurait été représenté.

Il est constant que bien que la décision critiquée émane du ministre, ce n’est pas celui-

ci qui est partie à l’instance, mais bien l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg pour compte de qui le ministre a agi de la sorte. L’Etat ayant été partie défenderesse en première instance, il a éminemment capacité et intérêt à agir en tant que partie appelante, la décision ministérielle critiquée par les intimés ayant été annulée par le jugement dont appel.

Les intimés soulèvent ensuite l’irrecevabilité de l’appel sinon son caractère mal fondé au vu de l’acceptation du jugement dont appel par la partie étatique.

Suivant les intimés, l’on se trouverait devant le double fait que, d’un côté, le tribunal a annulé la décision ministérielle critiquée au motif que celle-ci, ayant consisté à ne pas procéder à une étude environnementale, était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, tandis que, d’un autre côté, le ministre aurait publiquement et officiellement accepté ce jugement en ce qu’il aurait reconnu que l’étude environnementale était nécessaire au titre de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la loi du 22 mai 2008 ». Les intimés se réfèrent à une conférence de presse ministérielle tenue le 15 septembre 2016 lors de laquelle il aurait été avoué que l’étude sommaire réalisée jusque lors était insuffisante et qu’il y avait lieu de réaliser une étude environnementale telle que demandée par le tribunal.

Il y aurait dès lors bel et bien eu acceptation du jugement dont appel rendant l’appel sinon irrecevable, du moins non fondé.

Il résulte des pièces versées en cause et plus particulièrement du communiqué de 4presse du 15 septembre 2016 que le gouvernement a à la fois envisagé de ne pas exécuter le POS et d’approfondir les études environnementales pour le site concerné, de même qu’il a exprimé l’intention d’interjeter appel contre le jugement du 7 septembre 2016.

Il est patent que l’Etat n’a pas accepté l’argumentation des premiers juges concernant la consistance des faits à prendre en considération dans le cadre d’un recours en annulation à la date de la prise de la décision ministérielle, de même que leur conclusion d’une erreur manifeste d’appréciation dégagée dans le chef du ministre. Il ne saurait dès lors être question d’une acceptation étatique du jugement dont appel.

Ce moyen laisse partant encore d’être fondé.

L’appel ayant pour le surplus été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Au fond, l’Etat déclare d’abord maintenir sa contestation de la recevabilité du recours initial.

Si les intimés, requérants initiaux, invoquaient leur intérêt à ne pas mettre en place en exécution du POS litigieux, un « Containerduerf … », c’est-à-dire une structure provisoire d’accueil des demandeurs de protection internationale, des déboutés de la procédure de protection internationale et des bénéficiaires d’une protection internationale, il resterait à examiner si cet intérêt est un fait suffisant pour leur permettre de faire valoir le moyen qui a été finalement accueilli par le tribunal, tiré spécifiquement de l’obligation d’instituer une évaluation environnementale pour la protection d’une espèce de chauves-souris, les Grands Murins.

Si, le cas échéant, les requérants initiaux, personnes physiques, avaient pu avoir un intérêt à agir pour obtenir l’annulation du POS eu égard à la proximité de leurs domiciles respectifs par rapport à l’emplacement envisagé du Containerduerf dont s’agit, par rapport auquel l’Etat déclare se rapporter à prudence de justice, ils n’auraient cependant pas eu un intérêt, au sens du droit du contentieux administratif, à invoquer chacun des moyens par eux mis en avant.

Si, en principe, un requérant ayant un intérêt à agir reconnu, au sens du droit du contentieux administratif, pouvait invoquer chacun des moyens par lui mis en avant en vue d’obtenir l’annulation de l’acte attaqué, il en irait différemment pour un des cinq cas d’ouverture prévus par l’article 2, paragraphe 1er, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », à savoir celui de la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés. Sous cet aspect, il ne suffirait pas qu’une prescription d’ordre formel, c’est-à-dire un vice de procédure, soit invoquée par un requérant qui, par ailleurs, a intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué, mais encore faudrait-il que la règle de procédure méconnue ait été instituée pour protéger les intérêts privés.

L’Etat reproche sous cet aspect aux premiers juges d’avoir admis l’invocation par les requérants, personnes physiques, du moyen tiré de la nécessité de protéger, procéduralement, le Grand Murin. En effet, la présence souterraine de Grands Murins en-dessous du futur centre d’accueil pour demandeurs d’asile ne pourrait pas sérieusement avoir été invoquée par les requérants comme étant un élément de leur propre qualité de vie. Il s’agirait en l’occurrence tout au plus de la qualité de vie des Grands Murins eux-mêmes qui constituerait 5l’intérêt protégé par la règle de « forme » en cause dans le présent litige.

Dès lors, les premiers juges auraient dû exclure l’analyse du moyen tiré de la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés des requérants.

Au-delà de ce que cette conclusion vaudrait également pour la BIERGERINITIATIV, ce serait le recours de celle-ci qui aurait dès l’ingrès dû être déclaré irrecevable, suivant les conclusions de l’Etat.

Suivant l’Etat, il n’aurait pas suffi, pour affirmer la recevabilité de l’action de la BIERGERINITIATIV, de retenir, comme les premiers juges l’auraient fait, que cette association n’étant pas une association d’une importance nationale, elle n’était pas obligée de disposer d’un agrément ministériel pour pouvoir invoquer l’article 12, alinéa 3, de la loi du 22 mai 2008.

L’Etat estime que si cette association n’est pas une association d’importance nationale agréée par le ministre, elle ne bénéficie d’aucune situation privilégiée en ce qui concerne son intérêt à agir devant le juge administratif et l’exigence d’un intérêt personnel s’appliquerait à elle au même titre qu’à une personne physique. Dès lors, l’intérêt à agir des associations n’existerait pas là où l’intérêt pour agir des membres des associations n’existerait pas à son tour. Dans cette optique, l’Etat déclare opposer à la recevabilité de l’action de la BIERGERINITIATIV exactement la même exception, tirée de l’absence d’intérêt par rapport au moyen d’illégalité pour vice de procédure, opposé déjà ci-avant aux requérants, personnes physiques. En somme, l’Etat demande à la Cour de constater qu’aucun des requérants initiaux, intimés actuels, n’avait intérêt à invoquer en première instance la législation instituant des procédures dans le contexte spécifique de la protection des Grands Murins.

Dans le contexte de la loi du 22 mai 2008, et même au-delà de la question de savoir dans quelle mesure la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998, intitulée « la Convention d’Aarhus », approuvée par une loi du 31 juillet 2005, est appelée à trouver application en l’espèce, il s’agirait en toute occurrence d’analyser l’intérêt à agir des requérants initiaux, à la fois personnes physiques et BIERGERINITIATIV, in concreto.

Le jugement dont appel encourrait la réformation sur ce point.

Les intimés, à la fois personnes physiques et BIERGERINITIATIV, insistent, chacun en ce qui le concerne, sur leur intérêt à agir respectif. Ils estiment également, par confirmation du jugement dont appel, que l’intérêt pour invoquer le moyen tiré d’une violation de la loi du 22 mai 2008, victorieusement invoqué en première instance, serait vérifié, tel que les premiers juges l’auraient retenu à bon escient.

L’argumentaire étatique serait non fondé à plusieurs titres. Concernant les personnes physiques, la loi du 7 novembre 1996 ne prévoirait pas de différence, en termes de recevabilité, entre les différents moyens invoqués par les requérants.

Ainsi, la jurisprudence retiendrait que ce serait par rapport à l’objet de la demande, et non pas par rapport aux moyens invoqués, que l’intérêt pour un requérant à obtenir ce qu’il demande devrait être apprécié.

6Quant au cas d’ouverture spécifique de la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, prévu par l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996, les intimés estiment que ledit article ne consacrerait pas l’intérêt au moyen, tel que mis en avant par la partie étatique.

Pour le surplus, le tribunal aurait annulé la décision ministérielle critiquée pour cause d’erreur manifeste d’appréciation, celle-ci relevant du cas d’ouverture de la violation de la loi.

Les intimés estiment que l’argumentation déployée pour compte des requérants initiaux, personnes physiques, vaudrait également pour la BIERGERINITIATIV.

Il est constant que le recours exercé par les requérants initiaux, à la fois la BIERGERINITIATIV et les personnes physiques, s’analyse en recours en annulation tel que prévu par l’article 12 de la loi du 22 mai 2008 et qu’il est dirigé contre la décision du ministre de ne pas procéder à une étude environnementale appropriée. Le cadre ainsi tracé dépasse celui des formalités destinées à protéger les intérêts privés et l’argumentaire utilement visé par les requérants initiaux relève du cas d’ouverture de la violation de la loi.

L’intérêt à agir proprement dit des recourants initiaux n’étant pas foncièrement contesté en tant que tel et la question de l’intérêt à soulever un moyen tiré d’une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés ne se trouvant pas utilement posée, le moyen d’irrecevabilité est à rejeter sous tous ses aspects.

Il convient de noter qu’à ce stade, le motif déterminant ayant poussé les requérants initiaux à former leur recours en annulation de la décision ministérielle critiquée n’est pas de nature à conditionner en définitive la recevabilité de leur recours.

Plus loin au fond, l’Etat reproche aux premiers juges une interprétation de la loi du 22 mai 2008 de manière à rendre celle-ci manifestement impraticable. Suivant l’Etat, il y aurait lieu de craindre que le jugement dont appel puisse servir à l’avenir de précédent à une solution objectivement inadmissible, selon laquelle l’identification de la mise en cause de l’un des éléments énumérés par l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004, en l’occurrence des mares, marécages, marais, sources, pelouses sèches, landes, tourbières, couvertures végétales constituées par des roseaux ou des joncs, haies, broussailles ou bosquets, sinon de l’habitat d’une espèce protégée voire d’animaux protégés par l’article 20 de la même loi, serait suffisante pour conclure ipso facto à l’existence d’une incidence notable sur l’environnement déclenchant ainsi l’obligation procédurale de faire effectuer une évaluation environnementale.

Le même raisonnement vaudrait pour la motivation mise en avant par le tribunal suivant laquelle il est suffisant que des facteurs permettant de mettre en cause l’un de ces éléments soit découverts ex post, postérieurement à la prise de la décision du ministre, pour faire annuler sa décision de ne pas faire procéder à une évaluation environnementale comme étant « entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ».

Suivant l’Etat, le jugement dont appel serait, de surcroît, concrètement erroné au moins sous deux aspects. En premier lieu, l’Etat estime que même si le ministre avait eu connaissance à l’époque de la prise de décision de la présence de l’espèce protégée dite Grand Murin, sa décision ne serait pas pour autant illégale au regard de la loi du 22 mai 2008.

Encore faudrait-il que la réalisation du POS soit de nature à avoir des incidences « notables » 7sur l’environnement. Une atteinte quelconque à l’habitat du Grand Murin ne suffirait pas, de même qu’une suppression d’éléments pourtant énumérés par l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004, précités, serait insuffisante en tant que telle. Il faudrait pour le moins que la mise en œuvre du POS soit de nature à durablement affecter la composition des sols, la faune et la flore ou encore le paysage.

A cet escient, l’Etat cite un arrêt de la CJCE du 24 octobre 1996 (aff. C-72/95). Si les éléments découverts ex post concernant la présence du Grand Murin dans un tunnel d’évacuation des eaux situé à plusieurs mètres en dessous de la surface du sol était à considérer comme un site de reproduction tombant sous les dispositions de l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004, ce site ne concernerait cependant pas un terrain de chasse essentiel tombant sous l’article 20 de la même loi, mais tout au plus un simple habitat d’espèce déclenchant un régime d’autorisation et de mesures compensatoires visant à éviter une détérioration du site de reproduction. Ces mesures seraient à réaliser lors de la mise en œuvre du projet et non pas au niveau du classement des terrains envisagé par le projet de POS.

L’Etat souligne qu’il serait clair que le tunnel ne serait pas détruit par le projet prévu sur le site.

Pour le surplus, il faudrait de surcroît que l’incidence notable mise en avant existe avec une probabilité raisonnable tel que le suggérerait le guide de la « Mise en œuvre de la directive 2001/42 » de la Commission européenne en son point 3.50 à la page 18.

S’agissant d’un tunnel situé en-dessous de la surface étudiée et qui, pour le surplus, ne serait pas affecté par la mise en œuvre du POS, l’on ne saurait parler de probabilité raisonnable de la présence d’une espèce protégée. A partir de tous ces éléments, l’Etat estime que ce serait à tort que le tribunal a conclu à l’existence d’une incidence notable sur l’environnement dans le cas d’espèce.

Dans un deuxième ordre d’idées, l’Etat estime qu’il ne suffirait pas qu’une espèce protégée ait été découverte après que le ministre eût pris sa décision pour que celle-ci devienne rétroactivement illégale. L’Etat estime que la motivation mise en avant par les premiers juges ouvrirait des opportunités inouïes à tous les requérants présents et futurs en vue d’essayer de bloquer toutes sortes de projets. Si elle était confirmée, elle ferait le bonheur des bureaux de scientifiques libéraux qui auraient pour mission de rechercher, à la demande de voisins mécontents, s’il n’y avait pas, par hasard, dans un espace déterminé, l’une ou l’autre espèce animale ou végétale protégée.

L’Etat insiste que cette façon de procéder serait incompatible avec la logique précise de la loi du 22 mai 2008 qui, elle, serait une loi organisant une procédure administrative qui, une fois légalement menée, ne saurait plus être remise en cause quant à sa légalité par la découverte ex post d’espèces protégées.

Si dès lors, les intimés étaient à considérer comme recevables à soulever la violation de la loi du 22 mai 2008 quant à la présence du Grand Murin, il faudrait pour le moins qu’ils prouvent que réellement, le vice de procédure qu’ils allèguent a été commis. Suivant l’Etat, il n’y aurait pas de vice de procédure si le ministre avait pris en considération tous les éléments dont il disposait au moment de sa prise de décision. En tout cas, la loi du 22 mai 2008 n’imposerait pas au ministre une obligation de résultat, étrangère au droit administratif en général et plus particulièrement au droit administratif de l’environnement, fût-elle de connaître tous les éléments de présence, ou d’absence, d’une espèce animale ou végétale sur 8l’intégralité du territoire national. Le modèle exigé par la loi du 22 mai 2008 ne serait pas celui d’un décideur omniscient.

Les intimés sollicitent en substance la confirmation du jugement dont appel à partir des éléments d’argumentaire par lui retenus. Ils insistent pour le surplus sur le fait que la loi du 22 mai 2008 et la directive 2001/42/CE du Parlement Européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation sur les incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la directive 2001/42/CE », dont elle est la transposition, prescrirait une étude environnementale, dès lors qu’un projet ou programme est susceptible d’avoir une incidence quelconque sur un élément de l’environnement, en l’occurrence une atteinte à l’habitat du Grand Murin.

Les intimés critiquent encore que les études sommaires effectuées pour quatre sites envisagés dans le même sens que celui de … étaient toutes des études standardisées et que dès lors les spécificités du site n’avaient pas été suffisamment prises en considération. Les intimés rejettent l’appréciation étatique suivant laquelle on serait en présence d’une petite zone au niveau local et d’une modification mineure engendrée par le POS pour justifier la non-réalisation d’une évaluation environnementale.

Au besoin, un renvoi devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pourrait être envisagé par la Cour en vue de l’interprétation des notions de « petite zone au niveau local » et de « modification » par rapport aux exigences de la directive 2001/42/CE.

Les intimés contestent encore le caractère ex post de la découverte de l’espèce protégée du Grand Murin dans la mesure où déjà le rapport GESSNER de mai 2015, pourtant cité dans l’étude sommaire LUXPLAN, retiendrait qu’il existait des chauves-souris sur un site à proximité immédiate de celui sur lequel est prévu le POS. Malgré cette information, aucune analyse par rapport à la présence de chauves-souris n’aurait été menée pour les terrains concernés par le plan. Le rapport GESSNER de février 2016, confectionné suite au recours des intimés actuels, aurait, de l’avis de ceux-ci, dû être diligenté avant toute prise de décision par le ministre dans le contexte de la loi du 22 mai 2008.

Suivant les intimés, l’étude LUXPLAN serait manifestement fausse en ce qu’elle exclurait la présence de chauves-souris tant en se basant sur ladite étude GESSNER de mai 2015 qui, cependant, aurait constaté déjà leur présence sur un site à proximité immédiate et contigu au terrain concerné.

Les intimés mettent encore en avant un risque certain de pollution par les hydrocarbures présents sur place dus à l’utilisation passée du terrain par … en désignant le terrain de « Altlastenverdachtsflächen », ainsi que le risque de scellement des sols inhérent au POS.

De plus, toute la partie couverte par le POS n’aurait pas été prise en considération sous ces derniers aspects.

C’est tout d’abord à bon escient que les premiers juges ont retenu qu’un POS est susceptible de faire partie des plans et programmes visés par la loi du 22 mai 2008 en application de la directive 2001/42/CE.

De même, il est constant que l’article 2 de la loi du 22 mai 2008 consacre le principe 9de la confection d’une étude environnementale pour les plans et programmes y visés, la non-nécessité de pareille étude, consacrée par le paragraphe 3 du même article 2, étant, sous cet aspect, l’exception.

L’article 12 de la loi du 22 mai 2008 prévoit un recours en annulation plus précisément dans l’hypothèse où l’autorité compétente estime qu’il s’agit d’un plan ou programme déterminant l’utilisation de petites zones au niveau local ou de modifications mineures de pareil plan ou programme. Dans ces deux hypothèses, le recours à une évaluation environnementale n’est pas requis lorsque l’autorité responsable du plan ou programme estime, le ministre de l’Environnement entendu dans son avis, que ce plan ou programme n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

A ce stade de la procédure l’analyse s’effectue en termes de potentialités, en vue de mesurer si le plan ou programme est potentiellement de nature, c’est-à-dire susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

C’est bien dans le contexte de la disposition du paragraphe 3 de l’article 2 de la loi du 22 mai 2008 que le ministre a décidé, tel que relaté à travers la publication du 19 novembre 2015 litigieuse, de ne pas voir procéder à une étude environnementale approfondie, étant entendu qu’avant la prise de cette décision, il avait fait procéder à un succédané d’étude environnementale, l’étude sommaire LUXPLAN.

A priori, le ministre pouvait dès lors aboutir, sur base des dispositions de l’article 2, paragraphe 3, de la loi du 22 mai 2008, à la conclusion qu’il n’y avait pas lieu, pour le POS dont s’agit, de procéder à la confection d’une étude environnementale approfondie, à condition qu’il fût établi par rapport à la situation de fait pertinente du jour de la prise de sa décision, que ce plan n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

C’est la situation de fait telle qu’elle a existé au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée qui est déterminante à la fois pour apprécier le bien-fondé de cette décision ministérielle et, à sa suite, celui du recours en annulation porté devant la juridiction administrative compétente en application de l’article 12 de la loi du 22 mai 2008.

C’est à partir des exigences posées dans le contexte de ce recours en annulation qu’il s’agit de cadrer la notion de situation de fait telle qu’elle a existé au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée.

Classiquement, dans un recours en annulation, le juge administratif statue par rapport à la situation de fait et de droit telle qu’elle a existé au moment de la prise de la décision administrative portée devant lui. Par contre, dans le contexte d’un recours en réformation, le juge administratif serait amené à statuer ex nunc et à se placer au jour de sa propre décision pour évaluer, en principe, à cette date plus évoluée dans le temps les éléments de fait et de droit tels qu’ils se présentent alors à lui.

Pour résoudre le cas présentement litigieux, dans un contexte où la collecte des faits appartenait à l’administration, il convient de circonscrire avec précision la notion de situation de fait telle qu’elle a existé au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée.

Il est évident que dans le contexte d’un recours en annulation, le juge ne peut pas tenir 10compte de faits qui n’ont pas encore existé au moment de la prise de la décision administrative faisant l’objet du recours en annulation porté devant lui, alors qu’en aucune manière l’autorité administrative de décision n’aurait pu en avoir connaissance.

L’élément pertinent est bien celui de l’existence des faits au moment de la prise de la décision administrative faisant l’objet du recours en annulation, tandis qu’au niveau des éléments de droit il s’agit de l’ensemble de l’ordonnancement juridique en vigueur à ce moment précis.

Le critère de l’existence des faits au moment de la prise de la décision administrative litigieuse est encore celui qui tient le mieux compte de la réalité de la situation en fait et correspond au mieux aux exigences du recours effectif telles que se dégageant plus particulièrement de l’article 13 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, dans la mesure où le droit de l’Union est mis en œuvre.

La Cour avait déjà à plusieurs reprises, dans le cadre d’un recours en annulation, à juger de la question de savoir si des faits non prouvés ou non révélés dans le chef de l’autorité de décision au moment de la prise d’une décision administrative litigieuse devaient néanmoins être pris en considération, même si cette autorité ayant pris la décision ne les détenait pas dans son dossier ou s’ils ne lui avaient pas été révélés ou si encore la preuve afférente n’avait été complètement rapportée que postérieurement.

La Cour avait déjà opté antérieurement pour la solution la plus réaliste, à savoir celle qui considère tous les faits ayant effectivement existé au moment de la prise de la décision administrative litigieuse. Cette solution a notamment été dégagée par l’arrêt de la Cour du 20 mars 2014 cité à bon escient par les premiers juges à l’appui de leur jugement (n° 33780C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en annulation, n° 245, y figurant parmi d’autres arrêts et jugements référencés ayant statué dans le même sens).

Si la Cour avait opté pour la solution préconisée initialement par l’Etat, suivant laquelle il n’y aurait lieu de prendre en considération que les seuls faits qui se trouvaient dans le dossier de l’autorité administrative ayant statué voire qui avaient été portés à sa connaissance, la dimension des faits à prendre en considération utilement dans le cadre du recours en annulation dépendrait directement de la collecte des faits opérée par l’autorité administrative à l’origine de la décision administrative critiquée et, suivant les circonstances, pourrait se trouver plus ou moins éloignée de la réalité des choses.

En tout cas, le juge ne statuerait plus par rapport à l’ensemble des faits ayant existé, de manière vérifiée, au moment de la prise de la décision litigieuse. Pareille approche serait non seulement passablement irréaliste, mais hypothéquerait d’autant les exigences du caractère effectif du recours en annulation.

Le critère de l’existence vérifiée des faits au moment de la prise de la décision administrative litigieuse est par ailleurs en phase avec l’autre critère de l’existence des motifs – comprenant en partie les éléments de fait – au moment de la prise de la décision litigieuse et qui, d’après une jurisprudence dorénavant constante, peuvent encore être proposés par la partie publique en cours d’instance contentieuse. Ici encore, l’accent a été clairement mis par la jurisprudence sur l’existence vérifiée des motifs en question au moment de la prise de la décision administrative litigieuse.

11 En conclusion, la Cour confirme dès lors de manière expresse la démarche des premiers juges ayant consisté à prendre en considération, dans le cadre de l’analyse du bien-

fondé du recours en annulation porté devant eux, l’ensemble des faits ayant existé de manière vérifiée au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée.

De manière abstraite, le cadrage ainsi opéré, pour des raisons de réalisme et de cohérence, ne permet plus de limiter l’analyse du bien-fondé du recours à la question de savoir si l’autorité administrative avait raison ou non de statuer tel qu’elle l’a fait ou si, compte tenu des éléments présents dans son dossier, l’autorité administrative avait correctement apprécié la situation.

Toujours in abstracto, du fait qu’il y a lieu, pour les raisons pré-exposées, de tenir compte de l’ensemble des faits ayant existé au moment de la prise de la décision administrative contestée, le bien-fondé du recours dépend également à la fois de la collecte des faits à la base du dossier administratif par rapport auquel l’autorité administrative a statué et, pour certains d’entre eux, de leur révélation opérée ou de la preuve y relative rapportée ultérieurement, étant constant que ces faits doivent avoir existé de manière vérifiée au moment de la prise de la décision litigieuse.

Autrement dit, la question de bien-fondé du recours en annulation peut dépendre, dans certains cas, de la façon dont le dossier a été constitué par l’autorité administrative.

Concrètement, à partir de l’ensemble des faits ayant existé au moment de la prise de la décision litigieuse et se trouvant vérifiés devant lui, le juge administratif est amené à apprécier, dans chaque cas d’espèce, si en application de l’article 2, paragraphe 3, de la loi du 22 mai 2008, le plan projeté, en l’occurrence le POS litigieux, est susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement.

Tout d’abord, la crainte exprimée par le mandataire de l’Etat, suivant laquelle il suffirait, en la matière, que sur le tard quelqu’un découvre l’existence de tel élément de la flore ou de la faune, protégé suivant l’ordonnancement juridique en vigueur au moment pertinent, pour que l’obligation de confectionner une étude environnementale se déclenche, laisse d’être vérifiée comme telle. En général, l’existence d’un élément de flore ou de faune, fût-il protégé, ne saurait être considérée de manière isolée, sauf exception prévue par l’ordonnancement juridique en place, étant donné que l’espace naturel se caractérise essentiellement par un grand équilibre, évolutif dans le temps, où chaque espèce connaît ses prédateurs et se trouve imbriquée dans un ensemble de cycles multiples qui conditionnent à la fois son existence et son développement.

Ce n’est donc pas la seule présence sur le site litigieux d’une espèce de chauves-

souris, passablement commune, mais néanmoins protégée suivant l’ordonnancement juridique en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, qui doit déterminer la réponse à la question de savoir s’il y avait lieu ou non de passer par une étude environnementale approfondie dans le cas d’espèce, dans le contexte des prévisions de l’article 2, paragraphe 3, de la loi du 22 mai 2008.

Il est constant que le Grand Murin, « grousst Mausouer », Myotis myotis, est protégé en étant inscrit à l’Annexe II de la directive CEE 92/43 du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

12En vertu de l’article 11bis, paragraphe 1er de la Constitution, la protection de l’environnement humain et naturel se trouve garantie, tandis que son paragraphe 2 dispose que l’Etat promeut la protection et le bien-être des animaux, étant entendu que cette norme constitutionnelle vise à assurer le respect de l’animal, pour soi-même, dans la manière de l’utiliser et de le traiter (Cour constitutionnelle, 9 décembre 2016, n° 00127 du registre).

La présence du Grand Murin sur les lieux se trouve vérifiée à la date de la prise de la décision litigieuse, non seulement à travers les rapports GESSNER précités, mais encore sur base des explications afférentes du garde-forestier local, relatées en détail par les premiers juges. Cette même présence est évolutive dans le temps et dépend notamment des cycles d’accouplement et de nidation inhérents à cette race de chauves-souris, de sorte que suivant la saison, celles-ci ne se trouvent pas nécessairement au même endroit.

Une des raisons de la collecte imparfaite des faits au niveau du dossier ministériel appert comme ayant pu consister dans le fait que plutôt que de voir influer au dossier les observations de spécialistes proches du terrain, des évaluations plus globales – au niveau des études faites dans le cadre du PAG de la commune de … – voire sommaires d’un bureau d’études se sont retrouvées à l’époque de la prise de la décision ministérielle dans ce dossier.

Dans la balance de la potentialité d’une incidence notable sur l’environnement que la Cour est amenée à effectuer, non seulement la présence vérifiée du Grand Murin sur le site litigieux, mais encore l’affectation antérieure de ce site dans l’intérêt de … doit entrer en ligne de compte.

A partir des éléments actuellement fournis au dossier, qui ont tous existé à l’époque de la prise de la décision ministérielle contestée, il appert que des questions de contamination du sol sont susceptibles de se poser par rapport à des hydrocarbures dégagés, voire des éléments d’installations …, tels les supports de …, ayant pu avoir des effets nocifs sur le sol.

Ces questions conditionnent potentiellement à la fois l’environnement humain, c’est-à-dire la santé des personnes appelées un jour à habiter sur les lieux dans le contexte du POS litigieux, mais encore le milieu naturel en cas notamment de mesures de décontamination nécessitées et d’enlèvement voire de transferts des sols en fonction de la présence effective d’éléments nocifs, le cas échéant, détectés sur place.

A partir de la présence conjuguée à la fois du Grand Murin et d’éléments potentiels de contamination relevant de l’activité antérieure de dépôt du chemin de fer par rapport au site litigieux formant l’assiette du POS, la Cour arrive à la conclusion que pour tous ces faits ayant existé de manière vérifiée à l’époque de la prise de la décision ministérielle critiquée, le POS litigieux doit être entrevu comme ayant été, dès l’époque, susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement à la fois humain et naturel.

La Cour est dès lors amenée à conclure à un dépassement de sa marge d’appréciation dans le chef de l’autorité ministérielle ayant pris la décision critiquée de ne pas procéder à une évaluation environnementale approfondie en application de l’article 2, paragraphe 3, de la loi du 22 mai 2008. D’emblée, ce dépassement résulte, essentiellement, d’après les considérations qui précèdent, d’une collecte incomplète des faits au niveau du dossier administratif ayant conditionné à sa base la décision ainsi prise et le dépassement de la marge d’appréciation en résultant.

La Cour ne peut dès lors que partager la conclusion dégagée par les premiers juges 13qui est celle de l’annulation de la décision ministérielle concrétisée par la publication du 19 novembre 2015 et consistant à ne pas procéder à une étude environnementale approfondie dans le cas d’espèce.

Implicitement, mais nécessairement, cette annulation comporte le renvoi du dossier devant le ministre compétent, encore que ce renvoi puisse rester sans effet utile dans la mesure où la confection de pareille étude environnementale approfondie a d’ores et déjà été mise en œuvre.

Les intimés concluent encore à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000.- € pour l’instance d’appel.

Il n’y a pas lieu d’allouer pareille indemnité de procédure, les conditions légales y afférentes n’étant pas remplies, l’iniquité de laisser à charge des parties intimées les dépens irrépétibles par eux engagés ne se trouvant pas à suffisance vérifiée.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute la partie appelante ;

confirme le jugement dont appel ;

rejette la demande des intimés en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour André WEBER.

s. WEBER s. DELAPORTE 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38584C
Date de la décision : 07/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2017-02-07;38584c ?

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