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17/01/2017 | LUXEMBOURG | N°38196C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 janvier 2017, 38196C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38196C du rôle Inscrit le 20 juillet 2016

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Audience publique du 17 janvier 2017 Appel formé par la société … Co., Ltd, … (…), contre un jugement du tribunal administratif en matière de restitution de sommes consignées Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 38196C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juillet 2016 par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … Co. Ltd, soci...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38196C du rôle Inscrit le 20 juillet 2016

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Audience publique du 17 janvier 2017 Appel formé par la société … Co., Ltd, … (…), contre un jugement du tribunal administratif en matière de restitution de sommes consignées Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 38196C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juillet 2016 par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … Co. Ltd, société constituée et existant comme « limited company » sous le droit de la République de … (…), ayant son siège social à …, immatriculée sous le numéro …, représentée par son organe de gestion actuellement en fonctions, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 27 juin 2016 (no 35793 du rôle), par lequel ledit tribunal a rejeté son recours en annulation dirigé contre « la décision de refus de la Caisse de (…) Consignation (…) de procéder à la restitution de la caution judiciaire de 30.000 € découlant du silence gardé par la Caisse de (…) Consignation (…) sur base de la demande introduite par la requérante en date du 2 juin 2014 »;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2016 par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 octobre 2016 en nom et pour compte de l’appelante;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2016;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

1 Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yves PRUSSEN et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 novembre 2016, de même que Maître Yves PRUSSEN et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT, assistée de Madame Vanessa PETER, attachée à la Trésorerie de l’Etat, en leurs observations complémentaires à l’audience publique du 15 décembre 2016.

Par arrêt du 13 mai 2015, numéro 42017 du rôle, la Cour d’appel de Luxembourg, après s’être déclarée compétente pour en connaître, déclara irrecevable la demande de la société … Co. Ltd., ci-après désignée par la « société … », visant à voir retenir que le refus de débloquer une somme de 30.000.- €, consignée en exécution d’une ordonnance de référé du 4 février 2013, équivaut à une voie de fait de la part de l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg qu’il convenait de faire cesser, sous peine d'astreinte, moyennant le déblocage de ladite somme et son paiement entre les mains de Maître Arsène KRONSHAGEN.

Ladite décision judiciaire est libellée comme suit :

« Dans deux litiges opposant, entre autres, … CO. LTD, société de droit de la République de … (…) et … … S.A., société de droit luxembourgeois, le juge des référés auprès du tribunal d'arrondissement de Luxembourg désigne par ordonnance du 4 janvier 2013 Maître Arsène KRONSHAGEN, et comme administrateur provisoire de … … S.A., et comme séquestre des 540 000 actions émises par … … S.A. le 10 janvier 2012, précise les pouvoirs inhérents à ces fonctions, et ordonne à … CO. LTD de fournir dans la quinzaine de la signification de l'ordonnance, chaque fois la somme de 15.000.- euros à titre de caution judiciaire à la Caisse de Consignation, afin de garantir les frais résultant des deux litiges l'opposant à … … S.A.

Par arrêt du 10 juillet 2013, les demandes sont par voie de réformation de l'ordonnance du 4 janvier 2013 déclarées irrecevables, … CO. LTD étant condamnée aux frais et dépens des deux instances.

Par ordonnance du 11 octobre 2013, le juge des référés charge Maître Arsène KRONSHAGEN des mêmes fonctions que celles lui attribuées par ordonnance de référé du 4 janvier 2013, précisant que les frais et honoraires de l'administrateur provisoire sont à prélever sur l'actif de … … S.A., sinon à avancer par … CO. LTD et ….

Cette ordonnance est confirmée par arrêt du 2 juillet 2014.

Faisant valoir que les instances, dans le cadre desquelles est ordonnée la consignation de la somme de 30.000.- euros sont définitivement vidées, que dès lors les montants consignés sont à libérer et à verser au compte tiers de l'administrateur provisoire, seul représentant actuel de … … S.A. en faveur de laquelle les consignations ont été ordonnées, pour couvrir les frais de l'administrateur provisoire, que la Caisse de Consignation ne confère aucune suite aux itératives demandes afférentes, soutenant que 2 lors d'un entretien téléphonique, la Trésorerie de l'Etat lui fait savoir ne pas avoir le temps de s'en occuper et qu'en attendant, ces sommes resteraient donc bloquées, que cette attitude équivaut à une voie de fait à laquelle il convient de mettre fin, … CO. LTD assigne par exploit d'huissier du 25 novembre 2014 l'ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG à comparaître devant le juge des référés auprès du tribunal d'arrondissement afin de voir, entre autres, retenir que le refus de débloquer la somme consignée équivaut à une voie de fait et condamner l'ETAT, sous peine d'astreinte, à débloquer la somme de 30.000.- euros consignée en vertu de l'ordonnance de référé du 4 février 2013 et à la payer entre les mains de Maître Arsène KRONSHAGEN.

Par exploit d'huissier du 5 janvier 2015, … CO. LTD assigne … … S.A. à intervenir dans le litige introduit le 25 novembre 2014 pour voir constater qu'un accord existe entre l'assignée, bénéficiaire de la caution judiciaire -« qui a confirmé ne pas avoir de créance résultant de la procédure pour laquelle consignation a été constituée »-

et le consignant … CO. LTD -« qui a demandé que le montant consigné soit versé à … … S.A. pour servir de provision à l'administrateur provisoire »-, … CO. LTD demandant en conséquence à voir ordonner à la Trésorerie de l'Etat, Caisse de Consignation, la restitution de la somme de 30.000.- euros consignée en vertu de l'ordonnance de référé du 4 janvier 2013 « et le paiement à l'administrateur provisoire de … … S.A.

conformément aux instructions de » … CO. LTD.

Par exploit d'huissier du 3 février 2015, … CO. LTD interjette régulièrement appel contre l'ordonnance du 20 janvier 2015 aux termes de laquelle le juge des référés se déclare incompétent pour connaître de la demande de déblocage et de la condamnation en paiement.

L'appelante conclut à ce que par voie de réformation il soit fait droit à sa demande.

… … S.A. se rallie aux conclusions de l'appelante.

L'ETAT conclut au rejet de rappel.

… CO. LTD fait à juste titre grief au premier juge de retenir que l'objet de la demande tend « à voir remettre en cause la décision administrative litigieuse » de refus de déconsignation, et que, dès lors, les juridictions de l'ordre judiciaire seraient sans compétence pour en connaître, seules les juridictions administratives ayant compétence à cet égard.

D'une part, la demande ne porte pas sur la question de la remise en cause de la décision administrative de la décision de la Trésorerie de l'Etat consistant à ne pas encore avoir fait droit à la demande de déconsignation, seules les juridictions administratives ayant compétence à cet égard.

3 D'autre part, la demande est basée sur le référé voie de fait de l'article 933 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile, dont seules les juridictions judiciaires sont habilitées à connaître.

Or, l'intervention du juge des référés sur la base du référé sauvegarde exige la constatation d'une voie de fait, partant d'une atteinte manifestement illicite et intolérable à un droit certain et évident d'autrui par l'accomplissement par son auteur d'actes, en principe matériels, aux fins d'usurper un droit qu'il n'a pas ou pour se faire justice soi-

même.

La loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l'Etat, aux termes de laquelle «la Trésorerie de l'Etat est la caisse de consignation au sens de la présente loi » (cf article 2), prévoit:

Article 1 :

« (1) Tout bien à consigner en vertu … d'une décision judiciaire ou administrative doit être consigné auprès de la caisse de consignation, … ».

« (2) Tout bien à consigner volontairement par un débiteur pour se libérer à l'égard d'un créancier peut être consigné .,. auprès de la caisse de consignation … ».

Article 6 :

« (1) La restitution des biens aux ayants droit nécessite une décision motivée de la part de la caisse de consignation. En cas de consignation sur la base de l'article 1er (1), la restitution intervient suite à l'acte qui l'autorise. En cas de consignation sur la base de l'article 1er (2), la restitution intervient sur demande dûment justifiée ».

Au vu de ce libellé des articles 1 (1) et 6 (1) en vertu desquels, en cas de consignation obligatoire, « la restitution intervient suite à l'acte qui l'autorise », la position de l'ETAT selon laquelle la restitution des sommes obligatoirement consignées n'a lieu que sur décision motivée afférente de sa part, et que cette décision motivée de restitution requiert, en l'espèce, où la consignation est ordonnée par une ordonnance de référé, également une ordonnance du juge des référés décidant ou constatant qu'il y a lieu à déconsignation de tout ou partie des sommes obligatoirement consignées, ne saurait constituer une voie de fait, soit un acte manifestement illicite de la part de la Trésorerie de l'Etat, et qui préjudicierait un droit certain et évident dans le chef de … CO. LTD.

La position contraire de … CO. LTD revient à ne pas tenir compte de la loi instituant des régimes de restitution des consignations différant selon le caractère volontaire ou obligatoire des consignations intervenues.

Il découle de l'ensemble de ces développements qu'il existe des contestations sérieuses quant à l'existence-même de la voie de fait alléguée.

La demande basée sur l'article 933 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile est dès lors irrecevable.

4 Contrairement encore à l'argumentation de … CO. LTD, le juge des référés est sans pouvoir pour allouer des dommages et intérêts, ne pouvant préjudicier au principal et toiser le fond du droit.

Aucune des parties ne justifiant de la condition de l'iniquité posée par l'article 240 du nouveau code de procédure civile, leurs demandes en déduites pour les deux instances sont non fondées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour d'appel, septième chambre, siégeant en matière d'appel de référé, statuant contradictoirement, reçoit l'appel, le dit partiellement fondé, par voie de réformation de l'ordonnance de référé du 20 février 2015, se dit compétent pour connaître de la demande de … CO. LTD, dit la demande de … CO. LTD basée sur l'article 933 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile irrecevable, dit non fondée la demande en obtention d'une indemnité de procédure de l'ETAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG, confirme l'ordonnance de référé du 20 février 2015 pour le surplus, (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2015, la société … fit introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision de refus de la Caisse de (…) Consignation (…) de procéder à la restitution de la caution judiciaire de 30.000 € découlant du silence gardé par la Caisse de (…) Consignation (…) sur base de la demande introduite par la requérante en date du 2 juin 2014 ».

Par jugement du 27 juin 2016, le tribunal administratif reçut ce recours en annulation en la forme, le déclara cependant non justifié et en débouta la demanderesse, tout en rejetant sa demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- €.

Les premiers juges constatèrent essentiellement que la demanderesse avait omis de se prévaloir d’une décision judiciaire ordonnant la restitution des biens par elle consignés suivant ordonnance présidentielle du 4 janvier 2013 et ils en conclurent que la décision implicite de refus de restituer les fonds consignés prise par la Caisse de Consignation était valablement motivée.

5 Par requête déposée le 20 juillet 2016 au greffe de la Cour administrative, la société … a régulièrement relevé appel du jugement du 27 juin 2016.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante soutient que les premiers juges auraient à tort considéré que l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat, ci-après désigné par « la loi du 29 avril 1999 », exigerait la production d’une décision judiciaire pour libérer des sommes consignées par une ordonnance présidentielle de référé, la prétendue équivalence des formes n’étant pas prévue par le texte de loi, de sorte qu’une déconsignation serait également de mise dans d’autres cas de figure, notamment en cas d’arrangement transactionnel entre parties ou de constat du seul créancier éventuel au bénéfice duquel une consignation a été faite que rien ne lui est dû.

Il est précisé qu’en l’espèce, il y aurait eu accord entre le bénéficiaire de la consignation et le consignant pour voir libérer les fonds et les voir virer au bénéficiaire de la consignation pour payer les frais courants de l’administration provisoire et cet état des choses aurait appelé la Caisse de Consignation à libérer les fonds consignés. En n’entérinant pas cette vision des choses, les premiers juges auraient ignoré un acte qui autorise la déconsignation et, de la sorte, ajouté au texte de loi une condition qui n’y figurerait pas.

Dans un deuxième ordre d’idées, l’appelante qualifie les procédures intervenues devant les instances judiciaires d’« ubuesques » et soutient qu’elles impliqueraient une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable. Selon l’appelante, l’Etat aurait en effet mis en place une administration qui « veille à ce que les montants consignés restent indéfiniment bloqués auprès de l’Etat et confisque ainsi l’argent déposé et ses tribunaux laissent le blocage en place en refusant de répondre aux moyens des justiciables ».

La société appelante demande encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 15.000.- €.

En termes de réplique, l’appelante réitère en substance qu’en cas de consignation en application d’une décision de justice, la restitution ne requerrait pas en tout état de cause la prise d’une décision de justice, tout comme en cas de consignation en vertu de la loi, la restitution ne dépendrait pas de la prise d’une loi pour donner instruction au préposé de la Caisse de consignation de débloquer les fonds. La règle de l’équivalence des formes ne serait pas prévue et il incomberait à la Caisse de consignation de vérifier la qualité de celui qui demande le paiement, ce qui en l’espèce ne serait guère compliqué.

Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement entrepris.

6 Il est ainsi demandé à la Cour d’entériner la lecture que les premiers juges ont faite des articles 1er et 6 de la loi du 29 avril 1999 et de retenir que ces dispositions consacreraient le parallélisme des formes qui présiderait à la restitution des biens ou sommes obligatoirement consignés, c’est-à-dire ceux consignés en vertu d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice.

Ainsi, « si la consignation a été faite en vertu d'un tel acte (une loi, un règlement ou une décision de justice donc), il faut présenter un acte de même nature qui autorise expressément la restitution » et l'expression « l'acte qui l'autorise » employée à l'article 6 en question serait à lire en ce sens.

Selon le délégué, la loi exigerait qu'« à la fin du litige qui oppose les parties à propos de la débition, ou non, des sommes qui ont fait l'objet d'une consignation auprès de la Caisse de consignation à la suite d'une décision de justice, la juridiction qui est saisie de ce litige statue (en plus des frais et dépens) sur le sort des sommes consignées ».

Or, faute de production de pareille pièce, la demande de déconsignation de la partie appelante serait nécessairement vouée à l’échec.

Le représentant étatique estime par ailleurs, que la partie appelante doit s’en prendre à elle-même si elle oublie de demander à la juridiction saisie du litige au principal de prononcer cette déconsignation.

En termes de réplique, le délégué insiste encore une fois sur les objectifs spécifiques de la règlementation de la restitution dans le cadre d'une consignation dite obligatoire, à savoir l’idée de voir enlever tout doute sur la qualité de l'ayant-droit et il soutient qu’en l’espèce, tout doute afférent ne serait levé que par une décision explicite du juge judiciaire sur le sort des sommes consignées à la fin du litige opposant les parties au principal.

Dans le cas d'une consignation ordonnée par la loi, la Caisse de consignation n'autoriserait la restitution qu'aux personnes auxquelles reviennent les sommes consignées de par la loi également, étant donné qu’il n'appartiendrait pas à la Caisse de Consignation de déterminer si la personne qui introduit une demande de restitution est bien la personne à laquelle la loi reconnaît la qualité d'ayant-droit.

Il est par ailleurs insisté que la partie appelante aurait pu et même dû demander à la Cour d'appel, statuant en référé, de statuer également sur le sort des sommes consignées.

L’article 1er de la loi du 29 avril 1999 trace le champ d’application de ladite loi dans les termes suivants :

« (1) Tout bien à consigner en vertu d’une loi, d’un règlement, d’une décision judiciaire ou administrative doit être consigné auprès de la caisse de consignation, 7 conformément aux dispositions de la présente loi, nonobstant toutes dispositions légales ou règlementaires antérieures.

(2) Tout bien à consigner volontairement par un débiteur pour se libérer à l'égard d'un créancier peut être consigné avec effet libératoire pour le débiteur auprès de la caisse de consignation, conformément aux dispositions de la présente loi, lorsque la consignation a lieu sur base des articles 1257 à 1263 ou 1264 du Code civil ou lorsque le débiteur, sans faute de sa part, ne peut se libérer en toute sécurité pour des raisons relatives au créancier.

(3) La présente loi s'applique aussi aux consignations faites par l'Etat ».

L’article 6 de la loi du 29 avril 1999 a trait à la restitution des biens consignés. Il est disposé y relativement ce qui suit :

« (1) La restitution des biens consignés aux ayants droit nécessite une décision motivée de la part de la caisse de consignation.

En cas de consignation sur base de l’article 1er (1), la restitution intervient suite à l’acte qui l’autorise. En cas de consignation sur base de l’article 1er (2), la restitution intervient sur demande dûment justifiée.

(2) La restitution porte soit sur les biens consignés en nature, soit sur les sommes acquises en lieu et place des biens initialement consignés. Sous réserve de l'article 5(5), elle porte également sur les fruits et produits de ces biens et sommes, tels qu'établis par la caisse de consignation. La caisse de consignation n'est pas tenue de verser ces fruits et produits avant la fin de la consignation.

(3) La caisse de consignation ne peut effectuer la restitution qu'après avoir reçu paiement, de la part des ayants droit au profit du Trésor, des frais restant dus ».

Il se dégage de l’examen des dispositions combinées des articles 1er, alinéa 1er, et 6 de la loi du 29 avril 1999 en ce qu’ils prévoient que la restitution des biens consignés requiert « une décision motivée de la part de la caisse de consignation », d’une part, et qu’en présence d’une consignation dite obligatoire, la restitution intervient suite à « l’acte qui l’autorise », que le mécanisme institué par le législateur appelle la Caisse de consignation, dans le cadre de la compétence lui attribuée, à vérifier si les prétentions de la personne qui revendique la libération de fonds consignés en application d’une décision de justice sont valablement soutenues par un « acte qui l’autorise ». Ainsi, il n’appartient pas à la Caisse de consignation de déterminer la qualité d’ayant-droit dans le chef de la personne qui requiert une restitution de fonds consignés, mais elle est appelée à contrôler cette qualité dans son chef en examinant, sur base des éléments de fait lui soumis, si la personne la requérant se fonde sur un acte l’y autorisant.

Ceci étant dit, la Cour ne saurait suivre la thèse soutenue par la partie étatique intimée consistant à vouloir déduire de l’article 6, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 et, 8 plus particulièrement de l’emploi des termes « la restitution intervient suite à l’acte qui l’autorise », une consécration de la règle de l’équivalence des formes et de la sorte, à assimiler et à réduire ledit « acte qui l’autorise » à une décision de justice lorsque la consignation est intervenue en application de pareille décision de justice ou encore de la réduire à l’exigence de la prise respectivement d’une loi ou d’un règlement lorsque la consignation est intervenue en application d’une disposition légale ou règlementaire.

Ne sauraient pas non plus être entérinées les exigences prônées par la partie intimée qu’en présence d’une consignation intervenue en application d’une décision de justice, la déconsignation requiert obligatoirement une demande afférente à adresser au juge qui en a décidé et une décision expresse de celui-ci ordonnant la libération et définissant ses modalités.

Dans ce contexte, il convient de relever que la disposition légale pointée parle d’un « acte » qui autorise la restitution et non pas d’un « acte de même nature » l’autorisant.

Au-delà, il paraît tout simplement inconcevable que pour voir déconsigner une somme consignée en application d’une disposition légale ou règlementaire, le législateur ait entendu qu’une loi ou un règlement serait à prendre ultérieurement pour obtenir sa déconsignation, de même qu’il convient de se demander que si tel devait être le cas ou si la déconsignation était obligatoirement à demander au juge qui a ordonné ou autorisé une consignation et que ce dernier devrait expressément l’ordonner -d’ailleurs vis-à-vis d’un tiers dépositaire qui bien souvent n’est même pas partie dans la cause- pour être effective, l’on se demande sur quoi porterait encore la « décision motivée » que l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 appelle la Caisse de consignation à prendre.

Dès lors que ces lectures réductrices des dispositions de la loi du 29 avril 1999 sont de nature à introduire des limitations voire des conditions que le législateur n’a pas exprimé ni ne semble avoir admis, de même qu’elles versent dans un formalisme tout simplement outrancier, elles ne sauraient être consacrées par la Cour.

Ceci dit, en l’espèce, il se dégage des éléments de la cause que par ordonnance du 4 janvier 2013, le juge des référés auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait ordonné à la partie appelante de consigner les sommes dont la libération est actuellement en discussion « à titre de cautio judicatum solvi afin de garantir les frais résultant des deux procès l’opposant à … … S.A. ». L’ordonnance précise que « … Co.

Ltd, n’est pas tenue de fournir une caution judiciaire au profit des sociétés … Limited et … Pte.Ltd et à … et … ».

Par arrêt du 10 juillet 2013, la Cour d’appel, statuant sur appel du 22 janvier 2013 dirigé contre la susdite ordonnance du 4 janvier 2013, réforma cette dernière, déclara les demandes de l’actuelle appelante irrecevables et la condamna aux frais et dépens des deux instances.

9 La consignation étant intervenue dans le cadre spécifique ainsi délimité, et restant étrangère aux procédures ultérieurement suivies en vue de la nomination d’un administrateur provisoire de la société … … S.A., le constat s’impose que les sommes consignées sont a priori à employer pour obtenir le paiement des frais occasionnés dans le chef de la société … … S.A. par les demandes de l’actuelle appelante, respectivement pour le paiement d’éventuels frais de justice étatiques générés par elles, l’éventuel excédant étant par la force des choses à rembourser au consignant.

Or, comme il se dégage des prises de positions émanant de l’administrateur provisoire de la société … … S.A., nommé judiciairement, que des frais n’ont pas été générés dans le chef de cette société ou du moins qu’elle n’en réclamait aucun remboursement, d’une part, et comme il est constant en cause, le délégué du gouvernement l’ayant expressément confirmé, sur question afférente, lors de l’audience des plaidoiries du 15 décembre 2016, que l’Etat ne réclame pas de frais de justice, d’autre part, la Cour n’entrevoit pas de motif valable justifiant la non-restitution par la Caisse de consignation des sommes consignées par l’appelante, sans préjudice de la déductibilité par ladite Caisse des frais de garde.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, bien que ni l’arrêt prévisé du 10 juillet 2013, ni celui précité du 13 mai 2015, ni une quelconque autre décision judiciaire ne précisent expressément le sort à réserver aux consignations judiciaires litigieuses de 2 x 15.000.- €, les éléments de réponse à réserver à la question afférente se dégagent à suffisance de droit de l’arrêt du 10 juillet 2013 permettant de la sorte à la Caisse de consignation de statuer y relativement, comme l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 l’appelle à le faire, la décision implicite de refus de restitution des deux cautions judiciaires litigieuses est partant à annuler et le jugement est à réformer en ce sens, sans qu’il y ait encore lieu d’examiner plus en avant les autres moyens de réformation soulevés par la partie appelante, cet examen devenant surabondant.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 15.000.- € encore formulée par la partie appelante laisse d’être fondée, les conditions légalement posées n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

le dit fondé et, réformant, annule la décision implicite de la Caisse de Consignation portant refus de libérer la somme de 2 x 15.000.- €, consignée en exécution de l’ordonnance, n° 9/2013, n°s 150018 et 150020 du rôle, prise le 4 février 2013 par le juge des référés auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg;

10 renvoie le dossier devant la Caisse de consignation en prosécution de cause;

rejette la demande de l’appelante en allocation d’une indemnité de procédure;

condamne l’Etat aux frais des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour André WEBER.

s. WEBER s. CAMPILL 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38196C
Date de la décision : 17/01/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2017-01-17;38196c ?

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