GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38176C du rôle Inscrit le 18 juillet 2016
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Audience publique du 17 janvier 2017 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 6 juin 2016 (n° 36643 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur … et de son épouse, Madame …, contre deux décisions de la Trésorerie de l’Etat - Caisse de Consignation en matière de restitution de sommes consignées Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 38176C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 18 juillet 2016 par la société en commandite simple CLIFFORD CHANCE, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant la société à responsabilité limitée CLIFFORD CHANCE GP, elle-même représentée par son gérant Maître Albert MORO, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, agissant pour la Trésorerie de l’Etat, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 6 juin 2016 (no 36643 du rôle), par lequel ledit tribunal a reçu en la forme et déclaré fondé le recours en annulation introduit par Monsieur … et son épouse, Madame …, demeurant ensemble à …(…), …, à l’encontre d’une décision implicite de rejet de la Caisse de Consignation portant refus de restitution de fonds consignés;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 28 juillet 2016 portant signification dudit recours à Monsieur … et à son épouse, Madame …, préqualifiés;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2016 par Maître Alex SCHMITT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2016 en nom et pour compte de l’Etat appelant;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2016 en nom et pour compte des parties intimées;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier POELMANS, en remplacement de Maître Albert MORO, et Maître Alain GROSJEAN, en remplacement de Maître Alex SCHMITT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2017.
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Le 26 juin 1998, Monsieur … et Madame … procédèrent à une saisie-arrêt entre les mains de la société anonyme BANCO … sur les avoirs que celle-ci pourrait redevoir à Monsieur … et à son épouse, Madame …, ci-après désignés par les « époux … », pour avoir paiement de la somme de ….- USD.
Par jugement du 7 juin 2001, portant le numéro 64990 du rôle, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg annula cette saisie-arrêt et en ordonna la mainlevée.
Dans le cadre de la procédure d’appel, ouverte le 17 octobre 2001, diligentée contre ce jugement et suite à un arrêt du 21 juillet 2005 ayant prononcé un sursis à statuer en attendant que les parties saisissantes se procurent un titre devant le juge du fond appelé à statuer quant à la créance invoquée, en l’occurrence les juridictions brésiliennes, la Cour d’appel, par arrêt du 30 avril 2014, en considération du fait que la société BANCO … mettait fin à ses activités au Luxembourg, autorisa le transfert des sommes saisies auprès de la Caisse de consignation.
Par arrêt du 4 mars 2015, portant le numéro 26196 du registre, la Cour d’appel confirma le jugement précité du tribunal d’arrondissement du 7 juin 2001, au motif essentiellement que les parties saisissantes restaient toujours -plus de neuf ans après l’arrêt ayant sursis à statuer- en défaut de produire un titre exécutoire consacrant leur créance et constatant son caractère certain, liquide et exigible, ensemble la considération que l’on ne saurait faire perdurer de manière illimitée l'indisponibilité des avoirs d'une partie saisie, sous peine de compromettre ses intérêts. Ledit arrêt confirma partant la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 26 juin 1998.
Par courrier électronique du 17 mars 2015, le mandataire des époux … transmit à la Caisse de consignation un exemplaire de l’arrêt précité de la Cour d’appel du 4 mars 2015 et l’informa « qu’un éventuel pourvoi en cassation de la partie adverse n’aurait pas d’effet suspensif sur l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel (…) ».
Ce courrier électronique fut suivi de l’envoi par le mandataire des époux … d’un autre courrier électronique à l’adresse de la Caisse de consignation en date du 18 mars 2015 ayant trait aux modalités de transfert des espèces et des titres détenus par la Caisse de consignation.
Suite au silence de la Caisse de consignation, le mandataire des époux … invita, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2015, la Caisse de Consignation à procéder au virement des avoirs consignés dans la quinzaine.
Le 24 avril 2015, la Caisse de consignation prit position dans les termes qui suivent :
« Nous comprenons parfaitement le désarroi de vos clients devenus impatients par les procédures en cours.
Nous avons également bien pris note de votre message du 17 mars 2015 qu’« en matière civile, sauf disposition contraire, le pourvoi en cassation n'est pas suspensif ».
Or, il appartient à la Caisse de consignation d'effectuer en connaissance de cause une restitution à qui de droit.
Les pièces dont nous disposons à ce jour ne nous permettent pas d'effectuer une analyse approfondie du dossier. De ce fait, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir, soit par fax soit par message électronique, une copie du jugement du 7 juin 2001, et des arrêts du 21 juillet 2005 et du 7 mars 2012.
Devant en plus prendre en considération les montants en jeu, le caractère international du litige, les procédures au Luxembourg et au … et les différents volets y allégués, que ce soit au niveau civil ou pénal, nous vous prions de bien vouloir nous faire parvenir une pièce certifiant que la décision du 4 mars 2015 n'a pas été frappée d'un pourvoi en cassation. » Par courrier électronique du 27 avril 2015, le mandataire des époux … communiqua à la Caisse de consignation un exemplaire du jugement du 7 juin 2001 ainsi que des arrêts réclamés des 21 juillet 2005 et 7 mars 2012. Il rappela que la Caisse de consignation disposerait de l’arrêt du 4 mars 2015 prévoyant la mainlevée de la saisie et il confirma qu’il n’y aurait pas eu de pourvoi en cassation jusque lors. Il insista encore une fois sur le fait qu’un pourvoi en cassation n’aurait de toute façon pas d’effet suspensif et demanda à la Caisse de consignation de restituer les montants consignés dans les meilleurs délais.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2015, le mandataire des époux … saisit le ministre des Finances d’un « recours gracieux ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2015, les époux … firent déposer un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision de la Caisse de consignation du 24 avril 2015, ainsi que de sa décision implicite de rejet suite au silence gardé par la Caisse de consignation après l’envoi du courrier précité du 23 avril 2015.
Par jugement du 6 juin 2016, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, déclara irrecevable le recours en annulation dirigé contre la décision de la Caisse de consignation du 24 avril 2015; reçut le recours en annulation visant la décision implicite de rejet de la Caisse de consignation, le déclara encore justifié, partant annula la décision implicite de la Caisse de consignation et renvoya le dossier en prosécution de cause devant ladite Caisse, le tout en rejetant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulée par les parties demanderesses et en condamnant l’Etat aux frais.
Par requête déposée le 18 juillet 2016 au greffe de la Cour administrative, l’Etat a régulièrement relevé appel du jugement du 6 juin 2016.
A l’appui de sa requête d’appel, l’Etat expose dans un premier ordre d’idées que la restitution de biens consignés devrait impérativement avoir lieu dans les conditions de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat, ci-après désignée par « la loi du 29 avril 1999 ».
Or, il se dégagerait de la loi du 29 avril 1999, notamment de ses articles 5, alinéa 1er, et 6, alinéa 1er, que la restitution devrait se faire entre les mains des seuls « ayants droits » des fonds consignés, à comprendre comme « la personne qui a droit aux biens consignés de manière définitive (irrévocable) et non pas seulement « à titre provisoire » ».
Dès lors, comme un arrêt de la Cour d’appel pourrait faire l’objet d’un recours en cassation tant que le délai y afférent ne serait pas expiré et que l’arrêt d’appel pourrait se faire casser, une restitution effectuée avant que l’arrêt d’appel n’eût acquis un caractère définitif interviendrait « à titre provisoire » et donc contrairement à la loi du 29 avril 1999.
Ainsi, la Caisse ne serait pas critiquable en ce qu’elle n’a pas restitué les sommes consignées auprès d’elle sans la production des pièces par elle réclamées justifiant le caractère définitif de la décision judiciaire de mainlevée.
En termes de réplique, l’Etat fait préciser que s’il est vrai qu’au cours de la procédure d’appel, soit en date du 22 juillet 2016, les intimés viendraient de communiquer un certificat de non-cassation daté du 13 juin 2016, cet état des choses ne serait pas de nature à affecter la légalité de la décision implicite de refus litigieuse.
Dans un deuxième ordre d’idées, l’Etat ajoute qu’en vertu des articles 1er, alinéa 1er, et 6, alinéa 1er, paragraphe 2, de la loi du 29 avril 1999 dans le cadre d’une consignation obligatoire, en vertu d’une loi, d’un règlement ou d’une décision de justice, la déconsignation requerrait, en vertu de la règle du parallélisme des formes, un « acte de même nature qui ordonne expressément cette déconsignation », l’expression « acte qui l’autorise » employée à l’article 6, alinéa 1er, paragraphe 2, de la loi du 29 avril 1999 étant selon la partie appelante à entendre en ce sens.
Ainsi, selon la thèse étatique, une déconsignation d’une somme consignée en vertu d’une décision de justice « doit également avoir été demandée et ordonnée expressément par une décision de justice » et l’autorisation de restitution ne saurait se déduire implicitement d’un autre acte.
En l’espèce, dès lors qu’aucune décision de justice mentionnant expressément qu’elle autorise la déconsignation et désignant la personne habilitée à recevoir les biens en retour n’existerait, la demande de déconsignation ne serait pas légalement justifiée et le jugement a quo serait à réformer en ce sens.
A travers son mémoire en réplique, l’Etat fait encore soutenir qu’il ne serait pas à considérer comme un tiers saisi du fait de la consignation entre les mains de la Caisse de consignation et que même si tel devait être le cas les règles de la loi du 29 avril 1999 primeraient les règles du Nouveau Code de Procédure civile.
Enfin, à travers un courrier adressé à la Cour suite au dépôt du mémoire en duplique, l’Etat estime que le mémoire en duplique des parties intimées serait à écarter, ensemble avec la pièce y jointe, pour avoir été fourni tardivement.
La partie appelante insiste sur ce que son mémoire en réplique aurait été notifié au mandataire des intimés dès le 28 octobre 2016, alors que leur mémoire en duplique n’aurait été communiqué à son mandataire qu’en date du 29 novembre 2016, c’est-à-dire après expiration du délai d’un mois prévu par l’article 46 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 ».
La partie intimée conclut en substance au rejet de la demande tendant à voir écarter son mémoire en duplique, de même qu’elle demande le rejet de l’appel pour manquer de fondement.
Quant à la recevabilité du mémoire en duplique, aux termes de l’article 39 de la loi du 21 juin 1999 : « (1) L'appel est interjeté par une requête déposée au greffe de la Cour administrative, dénommée ci-après «Cour», en original et quatre copies et signifiée aux parties ayant figuré en première instance ou y ayant été dûment appelées.
(2) Faute par le requérant de signifier son recours dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc.
(3) Le dépôt de la requête d'appel vaut signification à l'Etat. Il en est de même pour le dépôt des mémoires subséquents.
(4) La requête d'appel doit être signée par un avocat, inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des ordres des avocats, ou par le délégué du Gouvernement ayant reçu mandat exprès à cet effet de l'Etat.
(5) Les règles établies pour les significations en matière de procédure civile sont applicables ».
L’article 46 de la loi du 21 juin 1999 dispose que « (1) La partie intimée et le tiers intéressé sont tenus de fournir leur réponse dans le délai d’un mois à dater de la signification de la requête d’appel.
(2) L’appelant peut fournir une réplique dans le mois de la notification de chaque réponse; la partie intimée et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.
(3) Les délais qui sont prévus aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus sont fixés à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. (…) ».
En l’espèce, le mémoire en réplique de l’Etat appelant a été déposé par les soins de son litismandataire au greffe de la Cour en date du 11 novembre 2016, ladite réplique ayant été communiquée à l’avocat constitué pour les intimés dès le 28 octobre 2016.
Le mémoire en duplique déposé en réponse à ladite réplique a été déposé quant à lui au greffe de la Cour en date du 25 novembre 2016 et il appert avoir été communiqué, suite à une demande afférente de la partie appelante, à son mandataire en date du 29 novembre 2016.
Ainsi, au regard de la communication de la réponse le vendredi 28 octobre 2016, le mémoire en duplique était à déposer et à communiquer pour le lundi 28 novembre 2016, au plus tard. Or, dès lors que la duplique a été déposée au greffe de la Cour le 25 novembre 2016 et qu’en vertu de l’article 39 (3) de la loi du 21 juin 1999, constituant le droit commun en la matière, le dépôt au greffe vaut communication à l’Etat, la duplique a été fournie en temps utile, le moyen tendant à la faire écarter étant partant à rejeter.
En effet, c’est à tort que la partie étatique, en raison du fait qu’elle ne se fait en l’espèce pas représenter par un délégué du gouvernement, mais par un avocat, entend voir constituer la communication entre avocats en obligation, alors qu’elle ne constitue qu’une simple faculté dérogatoire au droit commun que l’article 10 de la loi du 21 juin 1999 ouvre aux parties, le droit commun conservant tout son office.
Quant au fond, la Cour examine en premier lieu l’élément de motivation additionnel développé par la Caisse de consignation en termes de réplique pour justifier sa décision implicite de refus, à savoir celui tiré du défaut d’un acte de même nature que celui qui a ordonné la consignation, à savoir un jugement, ordonnant expressément la déconsignation, ce moyen étant préalable.
L’article 1er de la loi du 29 avril 1999 trace le champ d’application de ladite loi dans les termes suivants :
« (1) Tout bien à consigner en vertu d’une loi, d’un règlement, d’une décision judiciaire ou administrative doit être consigné auprès de la caisse de consignation, conformément aux dispositions de la présente loi, nonobstant toutes dispositions légales ou règlementaires antérieures.
(2) Tout bien à consigner volontairement par un débiteur pour se libérer à l'égard d'un créancier peut être consigné avec effet libératoire pour le débiteur auprès de la caisse de consignation, conformément aux dispositions de la présente loi, lorsque la consignation a lieu sur base des articles 1257 à 1263 ou 1264 du Code civil ou lorsque le débiteur, sans faute de sa part, ne peut se libérer en toute sécurité pour des raisons relatives au créancier.
(3) La présente loi s'applique aussi aux consignations faites par l'Etat ».
L’article 6 de la loi du 29 avril 1999 a trait à la restitution des biens consignés. Il est disposé y relativement ce qui suit :
« (1) La restitution des biens consignés aux ayants droit nécessite une décision motivée de la part de la caisse de consignation.
En cas de consignation sur base de l’article 1er (1), la restitution intervient suite à l’acte qui l’autorise. En cas de consignation sur base de l’article 1er (2), la restitution intervient sur demande dûment justifiée.
(2) La restitution porte soit sur les biens consignés en nature, soit sur les sommes acquises en lieu et place des biens initialement consignés. Sous réserve de l'article 5(5), elle porte également sur les fruits et produits de ces biens et sommes, tels qu'établis par la caisse de consignation. La caisse de consignation n'est pas tenue de verser ces fruits et produits avant la fin de la consignation.
(3) La caisse de consignation ne peut effectuer la restitution qu'après avoir reçu paiement, de la part des ayants droit au profit du Trésor, des frais restant dus ».
Il se dégage de l’examen des dispositions combinées des articles 1er, alinéa 1er, et 6 de la loi du 29 avril 1999 en ce qu’elles prévoient que la restitution des biens consignés requiert « une décision motivée de la part de la caisse de consignation », d’une part, et qu’en présence d’une consignation dite obligatoire, la restitution intervient suite à « l’acte qui l’autorise », que le mécanisme institué par le législateur appelle la Caisse de consignation, dans le cadre de la compétence lui attribuée, à vérifier si les prétentions de la personne qui revendique la libération de fonds consignés en application d’une décision de justice sont valablement soutenues par un « acte qui l’autorise ». Ainsi, il n’appartient pas à la Caisse de consignation de déterminer la qualité d’ayant-droit dans le chef de la personne qui requiert une restitution de fonds consignés, mais elle est appelée à contrôler cette qualité dans son chef en examinant si la personne la requérant se fonde sur un acte l’y autorisant.
Ceci étant dit, la Cour ne saurait suivre la thèse soutenue par la partie appelante consistant à vouloir déduire de l’article 6, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 et, plus particulièrement, de l’emploi des termes « la restitution intervient suite à l’acte qui l’autorise », une consécration de la règle de l’équivalence des formes et de la sorte, à assimiler et à réduire ledit « acte qui l’autorise » à une décision de justice lorsque la consignation est intervenue en application de pareille décision de justice ou encore de la réduire à l’exigence de la prise respectivement d’une loi ou d’un règlement lorsque la consignation est intervenue en application d’une disposition légale ou règlementaire.
Ne sauraient pas non plus être entérinées les exigences prônées par la partie appelante qu’en présence d’une consignation intervenue en application d’une décision de justice, la déconsignation requiert obligatoirement une demande afférente à adresser au juge et une décision expresse de celui-ci ordonnant la libération et définissant ses modalités.
En effet, il convient de relever que la disposition légale pointée parle d’un « acte » qui autorise la restitution et non pas d’un « acte de même nature » qui l’autorise.
Au-delà, il paraît tout simplement inconcevable que pour voir déconsigner une somme consignée en application d’une disposition légale ou règlementaire, le législateur ait entendu qu’une loi ou un règlement serait à prendre ultérieurement pour obtenir sa déconsignation, de même qu’il convient de se demander que si tel devait être le cas ou si la déconsignation était obligatoirement à demander au juge qui a décidé la consignation et que ce dernier devrait expressément l’ordonner pour être effective, l’on se demande sur quoi porterait encore la « décision motivée » que l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999 appelle la Caisse de consignation à prendre.
Cette lecture réductrice des dispositions de la loi du 29 avril 1999 introduisant des limitations voire des conditions que le législateur n’a pas exprimé ni ne paraît avoir admis, de même qu’elles versent dans un formalisme tout simplement outrancier, elles ne sauraient être consacrées par la Cour.
Sur ce, en l’espèce, force est de constater que dès lors qu’il se dégage indubitablement des éléments de la cause que par l’arrêt précité du 4 mars 2015, la Cour d’appel, par confirmation du jugement appelé du tribunal d’arrondissement du 7 juin 2001, a annulé et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 26 juin 1998, cette saisie-arrêt n’a plus vocation à exister et elle perd tout effet, les fonds bloqués d’abord entre les mains de la société anonyme BANCO …, transférés par la suite entre les mains de la Caisse de consignation, étant donc en principe à libérer en faveur de la partie saisie en exécution de cette décision.
Le motif de refus additionnel tiré de l’absence de décision judiciaire ordonnant explicitement à la Caisse de consignation de restituer les montants consignés à la partie saisie laisse partant de justifier la décision litigieuse de la Caisse de consignation.
Ceci étant dit, la Caisse de consignation a encore estimé et estime toujours que l’arrêt de la Cour d’appel du 4 mars 2015 pour emporter une quelconque conséquence aurait dû être définitif et exécutoire et que tel n’aurait pas été le cas du fait de la possibilité d’introduction d’un recours en cassation par la partie saisissante, la partie intimée ayant omis de satisfaire à sa demande tendant à voir produire un certificat de non-cassation. Elle précise que le fait qu’un tel certificat, portant date du 13 juin 2016, aurait été fourni au cours de la procédure contentieuse ne serait pas de nature à ébranler la légalité de la décision litigieuse, qui serait à apprécier en tenant compte de la situation de fait ayant existé au jour de sa prise et non pas au regard de la situation de fait telle qu’elle se présente au jour où le juge est appelé à statuer.
C’est cependant à bon escient que la partie intimée fait en substance valoir que ce qui importe en l’occurrence n’est pas de savoir si l’arrêt de la Cour du 4 mars 2015 est définitif ou non, mais il importe d’examiner s’il a un caractère exécutoire ou non, fût-il provisoire.
Or, force est de constater que le caractère exécutoire de cette décision judiciaire est acquis à la suite de la signification de l’arrêt en question et ni un pourvoi en cassation, ni a fortiori la potentialité de pareil pourvoi n’ont un effet suspensif sur son exécution.
Il s’ensuit que le défaut de fourniture d’un certificat de non-cassation au jour de la prise de la décision litigieuse ne saurait légalement sous-tendre le refus de la Caisse de consignation de restituer les montants consignés auprès d’elle dans le cadre de l’affaire de saisie-arrêt en question.
Force est encore de constater sur base des éléments d’appréciation soumis en cause qu’au jour où la décision implicite litigieuse est réputée prise par la Caisse de consignation, à savoir après trois mois de silence gardés par la Caisse à la suite de la demande des intimés du 23 avril 2015, soit en date du 23 juillet 2015, l’arrêt du 4 mars 2015 avait été signifié aux saisissants, Monsieur … et Madame …, par exploit d’huissier de justice, en date du 28 mai 2015, de même qu’il avait été signifié à l’avoué constitué pour eux en date du 3 juin 2015. S’il est vrai que cet état des choses n’avait pas été porté à la connaissance de la Caisse de consignation, il n’en reste pas moins que cette dernière n’avait pas sollicité cette information, de sorte que la Cour n’est pas amenée à en tirer un motif devant se substituer aux deux motifs avancés par la Caisse de consignation et ci-
avant rejetés.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et que le jugement a quo est à confirmer.
Eu égard à l’issue du litige, les demandes en allocation d'une indemnité de procédure formulées par l'Etat appelant, d’un montant de 5.000.- € pour la première instance, respectivement d’un montant de 5.000.- € pour l’instance d’appel, sont à rejeter, les conditions d'application de l'article 33 de la loi du 21 juin 1999 n'étant pas remplies en cause.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
déboute l’appelante de ses demandes en allocation d'une indemnité de procédure;
condamne l'appelante aux dépens de l'instance d'appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour André WEBER.
WEBER CAMPILL 10