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27/07/2016 | LUXEMBOURG | N°36841C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 27 juillet 2016, 36841C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 36841C Inscrit le 20 août 2015

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Audience publique du 27 juillet 2016 Appel formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l. et la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2015 (n° 35017 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matièr

e d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 36841C Inscrit le 20 août 2015

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Audience publique du 27 juillet 2016 Appel formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l. et la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2015 (n° 35017 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 36841C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 20 août 2015 par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à L-…, …, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonction, et la société à responsabilité limitée … s.à r.l., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à …, …, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonction, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 13 juillet 2015 (n° 35017), les ayant déboutées de leur recours tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 16 juin 2014 portant le numéro C 19655 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2015 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2015 par Maître Alain STEICHEN pour compte des sociétés à responsabilité limitée … s.à r.l. et … s.à r.l. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 décembre 2015 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Virginie APARD, assistée de Maître Pol MELLINA, en remplacement de Maître Alain STEICHEN, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2016.

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Par trois courriers séparés du 15 janvier 2014, le préposé du bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par la « société … », quant aux déclarations de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011, qu’il envisageait de s’écarter sur différents points de ces déclarations au motif tiré du « défaut de la demande d’intégration fiscale au sens de l’article 164bis L.I.R. ». Il pria la société … de formuler ses objections éventuelles pour le 6 février 2014 au plus tard.

Par courrier de leur mandataire du 5 février 2014, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par la « société … » et la société … apportèrent des éléments de clarification quant à la demande de l’application de l’article 164bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

Par courrier du 27 février 2014, le vérificateur du bureau d’imposition informa le mandataire de la société … et de la société … « qu’il ne donne pas de suite aux déclarations fiscales rectificatives déposées en date du 19 février 2014, concernant les années fiscales 2009, 2010 et 2011 des sociétés … S.àr.l. et … S.àr.l. ». Il fit encore référence à un courriel dans lequel une structure de financement alternative avec effet rétroactif serait refusée.

Le bureau d’imposition émit en date du 19 février 2014 les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011 à l’encontre de la société ….

Par courrier de leur litismandataire du 10 avril 2014, les sociétés … et … introduisirent une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et contre les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011, tous émis en date du 19 février 2014 à l’égard de la société ….

Le directeur prit position, par décision du 16 juin 2014, inscrite sous le numéro C19655 du rôle, qui est libellée comme suit :

« Vu la requête introduite le 11 avril 2014 par Maître Alain Steichen, au nom de la société à responsabilité limitée …, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2009, 2010 et 2011 et contre les bulletins de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011, tous émis en date du 19 février 2014 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-

même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de lui avoir refusé l'application des dispositions prévues à l'endroit de l'article 164bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), i.e. l'admission au régime dit de l'intégration fiscale, qui aurait été sollicité pour la première fois à partir de l'année d'imposition 2009 ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, en matière de principe, que l'article 164bis L.I.R. met sur pied un régime facultatif d'imposition du bénéfice consolidé d'un groupe de sociétés, principe communément appelé « régime d'intégration fiscale » ; qu'en vertu de l'alinéa 1er de l'article 164bis L.I.R., peuvent notamment, sur demande écrite, être intégrées fiscalement dans la société mère ou dans l'établissement stable indigène, les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, dont 95 pour cent au moins du capital social est détenu directement ou indirectement par une autre société de capitaux résidente pleinement imposable ou par un établissement stable indigène d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, de façon à faire masse de leurs résultats fiscaux respectifs avec celui de la société mère ou de l'établissement stable indigène proprement dit ;

Considérant, comme cité brièvement en rubrique, que le régime d'intégration fiscale est tout de même lié à une condition de forme pour le moins essentielle, à savoir celle d'une demande écrite préalable : qu'il s'agit plus précisément de l'alinéa 4 de l'article 164bis L.I.R. qui retient avec insistance que le régime d'intégration fiscale est subordonné à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l'établissement stable indigène et des filiales visées, cette demande étant à introduire auprès de l'Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d'intégration fiscale est demandé, période devant, en outre, couvrir au moins 5 exercices d'exploitation :

que toute la polémique invoquée par la présente requête ne porte, à vrai dire, que sur l'existence en bonne et due forme (ou non) d'une telle demande écrite préalable ;

Considérant plus particulièrement à ce titre, que depuis l'introduction de l'article 164bis L.I.R., l'octroi du régime d'intégration fiscale était lié à la condition que les filiales fussent intégrées au point de vue financier, économique et organisationnel dans la société dominante et que le Ministre des Finances acquiesçât au régime ; qu'or, à partir de l'année d'imposition 2002, il faut et il suffit que les sociétés qui sollicitent l'application de l'article 164bis L.I.R. soient intégrées au point de vue financier, i.e. que la société faîtière détienne de manière directe ou indirecte une participation de 95 pour cent au moins dans la ou les filiales à intégrer ;

Considérant que la suppression des critères de l'intégration économique et de l'intégration organisationnelle a permis d'abroger l'agrément ministériel exigible jusqu'ici et de faciliter ainsi la procédure de l'octroi du régime d'intégration fiscale ; qu'il suffit dorénavant que les sociétés concernées déposent une demande écrite conjointe auprès de l'Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime est demandé ; que bien que le texte de loi ne spécifie pas expressément le service auquel cette demande est à adresser, il vise en fait le bureau d'imposition compétent pour l'imposition de la société faîtière, ce dernier vérifiant la demande et informant les sociétés concernées, ainsi que le(s) bureau(x) d'imposition compétent(s) pour l'imposition de la (des) filiale(s), si les conditions de l'article 164bis L.I.R.

sont remplies ou non ;

Considérant qu'est encore à noter que dans les cas où l'intégration financière s'élève à au moins 75 pour cent sans atteindre 95 pour cent, l'article 164bis L.I.R. est seulement applicable si le Ministre des Finances confirme en outre que la participation est particulièrement apte à promouvoir l'expansion et l'amélioration structurelle de l'économie nationale et si les actionnaires minoritaires représentant au moins 75 pour cent de la quote-

part de capital non détenue par la société mère ou l'établissement stable indigène acquiescent au régime ;

Considérant que la réclamante, en guise de bref rappel des faits, s'exprime comme suit à l'endroit de son placet :

« Des discussions orales sur la situation fiscale des deux sociétés (dont la requérante) ont été engagées entre la société … et le préposé du bureau d'imposition (…).

Suite à ces discussions, la société … a fait parvenir, le 18 septembre 2008, à M. (…) une demande d'accord fiscal préalable pour les sociétés… S.à r.l. et … S.à r.l. (en l'espèce la réclamante), détaillant la structure ainsi que le traitement fiscal applicable aux activités des deux sociétés.

Cette demande fait spécifiquement référence au régime d'intégration fiscale dont les sociétés … S.à r.L et … S.à r.l. entendaient bénéficier. Il était d'ailleurs précisé à ce titre qu'une demande d'application de ce régime serait adressée par courrier séparé.

La demande d'accord fiscal préalable a été approuvée par M. (…) le 20 octobre 2008, en sa qualité de préposé du bureau d'imposition (…).

Le 29 septembre 2008, conformément à ce qui avait été annoncé au moment des discussions puis indiqué dans la demande d'accord fiscal préalable, les sociétés … S.à r.l. et … S.à r.l. ont adressé, par l'intermédiaire de la société … (anciennement dénommée …), à M.

(…) une demande conjointe d'application du régime d'intégration fiscale prévu par l'article 164bis de la loi concernant l'Impôt sur le Revenu (…).

Par courrier en date du 15 janvier 2014, le bureau Sociétés (…) informa les sociétés …… S.à r.l. et …… S.à r.l. qu'il envisageait de s'écarter des déclarations fiscales 2009, 2010 et 2011 (…) au motif que « étant donné qu'aucune demande fiscale au sens de l'article 164bis L.I.R. n'a été présentée et que le bureau d'imposition ne dispose pas d'une pièce justificative, le régime d'intégration est refusé » (…).

Suite à cette décision, et malgré une réunion du 4 février 2014 organisée entre … et les inspecteurs, (…) et (..), les explications apportées par les sociétés par courrier du 5 février 2014 (…) et les déclarations fiscales rectificatives envoyées le 19 février 2014, le bureau Sociétés (…) décida de maintenir sa position (lettre de Monsieur le vérificateur du 27 février 2014 - (.. )).

Les bulletins d'imposition reflétant la position du bureau Sociétés (…) furent émis en date du 19 février 2014.

Depuis cette date cependant, et après analyse du dossier, les gérants de …… S.à r.l.

et …… S.à r.l. ont pu collecter de nouveaux éléments de preuves établissant avec certitude l'envoi de la demande d'application du régime d'intégration fiscale, tels qu'ils vous seront exposés ci-après ».

Les sociétés soussignées demandent dès lors un réajustement du montant de l'impôt par application du régime d'intégration fiscale, et ce pour les motifs exposés ci-après. » ;

Considérant, d'un point de vue juridique, que la requérante tend à corroborer ses énonciations, tout comme elle ne se lasse pas de tâcher de faire passer ses proposition et souhait, notamment à l'aide des arguments et développements suivants :

« Aucune exigence de forme, relative à l'envoi de cette demande, n'est exigée par la loi.

En l'espèce, nous aimerions attirer votre attention sur le fait que non seulement l'intention des sociétés d'opter pour le régime de l'intégration fiscale dès la mise en place de la transaction ne fait aucun doute mais surtout que, en droit, les éléments factuels du dossier tels que nous les exposons ci-après suffisent à attester le fait que la demande a bien été introduite auprès de vos services.

En effet, la demande d'accord fiscal préalable pour les sociétés …… S.à r.l. et …… S.à r.l. a été discutée avec M. (.. ) sitôt la société constituée puis approuvée par celui-ci en sa qualité de préposé du bureau d'imposition Sociétés (…) le 20 octobre 2008. Pour rappel, cette demande d'accord fiscal préalable couvrait ab initio le fait que les sociétés entendaient bénéficier du régime d'intégration fiscale.

Par ailleurs, et conformément aux discussions intervenues et à cette demande d'accord fiscal, une demande écrite conjointe a été faite par la société mère, …… S.à r.l., et sa filiale, …… S.à r.l.. La demande a été adressée le 29 septembre 2008 à l'Administration des Contributions Directes, Bureau des Sociétés (..), conformément aux prescriptions de la loi et de la circulaire du directeur des contributions, L.I.R. n°164bis/1 du 27 septembre 2004.

Cette demande a été envoyée par courrier simple, de sorte que les sociétés ne disposent pas de preuve formelle de réception par vos services.

Cependant, la société …, domiciliataire de …… S.àr.l.et …… S.à rl., est en mesure de démontrer que la demande écrite conjointe a bien été préparée et envoyée, notamment au regard des éléments suivants :

- La demande conjointe, datée, signée, fut assortie d'une lettre d'accompagnement également datée et envoyée le 29 septembre 2008 (…) ;

- Le fichier Excel récapitulatif des prestations accomplies le 29 septembre 2008 par … pour le compte de …… S.àr.l. et …… S.àr.l. indique l'envoi d'une « Letter to administration » for «… and … » (…). Ce fichier Excel n'a pas été modifié depuis le 30 septembre 2008 (…) ainsi qu'en atteste cette pièce ;

- Il apparaît clairement dans la facture du 30 septembre 2008, que des frais ont été exposés pour que cette correspondance soit envoyée : « Disbursement VAT 15% Delivery documents Adm. Contribution. Lux. » (…) ; et - La convention entre … et la société Michel GRECO S.A. pour la collecte quotidienne du courrier à délivrer (…) :

o L'objet (art. 1) de la convention est d'ailleurs très clair et stipule :

 «La prestation de services sera assurée tous les jours ouvrables dans le secteur bancaire luxembourgeois, pendant les horaires repris à l'Annexe 1 (retrait du courrier entre 17h15 et 17h30), et pour une durée totale de prestation ne dépassant pas 8 par jour et par opérateur. » Enfin, Messieurs … et …, gérants de catégorie B de …… S.à r.l. et …… S.à r.l., (…) confirment ce point et se souviennent parfaitement avoir signé la demande écrite conjointe du 29 septembre 2008 et avoir remis une copie de ce courrier à leur collaboratrice, Madame …, pour qu'elle la dépose auprès de la réception pour sa collecte et livraison ultérieure par le prestataire postal Michel Greco S.A..

Il y a encore lieu de souligner que cette demande a été envoyée ensemble avec les volumineux statuts des sociétés …… S.à r.l. et …… S.à r.l., qui étaient versés en annexe de la demande écrite conjointe. Il ne serait dès lors pas impossible que vos services aient pu par mégarde égarer ou classer au mauvais endroit cette demande.

Sur ce dernier point, il ressort d'ailleurs des renseignements pris auprès de l'un des co-investisseurs, les sociétés … et …, également candidates à l'application du régime de l'intégration fiscale, que leur demande écrite conjointe du 20 octobre 2009 n'a été approuvée par votre administration que le 22 juillet 2011 (…), soit près de deux ans après leur dépôt.

Il résulte de ce qui précède qu'un faisceau d'indices concordants démontre l'envoi de la lettre. Or, il est de jurisprudence constante que si la production des pièces n'est pas probante, elles peuvent, ensemble avec les déclarations du contribuable, constituer un faisceau d'indices de nature à rendre probables les affirmations du contribuable.

Les modalités prévues à l'article 164bis de la loi concernant l'impôt sur le Revenu ont dès lors bien été respectées. Partant, les sociétés …… S.àr.l. et …… S.àr.l, sont à admettre au bénéfice du régime de l'intégration fiscale. Partant, le montant de l'impôt dû par …… S.àr.l. et …… S.àr.l., doit être revu à la baisse et être réajusté conformément aux déclarations fiscales de ces dernières. » ;

Considérant que même si les assertions de la requérante, débordantes d'entrain et de créativité, incitent vivement à la riposte, il n'en demeure pas moins qu'il y a pleinement lieu de négliger comme superfétatoires les sérieux doutes à propos de la véracité de ses énonciations, ainsi que de laisser de côté comme inappropriées et peu utiles les contradictions cruciales s'en dégageant, eu égard au fait que tout débat à propos du respect et de la conformité éventuelle aux dispositions du § 171 AO s'avère dorénavant oiseux face aux explications et considérations subséquentes ; qu'à pur titre d'information, les modalités du § 171 AO ont trait, entre autres, au fait qu'il incombe au contribuable de fournir la preuve de l'exactitude de ses déclarations qu'en cas de contestations émises par l'Administration des contributions directes sur la déclaration et les indications faites par le contribuable, celui-ci est légalement tenu à faire parvenir à l'administration les renseignements et explications demandés, étant donné que la charge de la preuve de l'exactitude des déclarations faites pèse désormais sur lui (Tribunal administratif du 17 octobre 2007, n° 22366) ;

Considérant qu'en ce qui concerne plus particulièrement les modalités du régime d'intégration fiscale en général, il importe de mettre en exergue que toute décision relative à l'admission d'un groupe de sociétés au régime de l'intégration fiscale doit être qualifiée de décision distincte de l'imposition même ; que dès lors, un recours contentieux dirigé exclusivement contre des bulletins d'impôt stricto sensu, ne peut pas, indépendamment de l'argumentation déployée à son appui, être considéré comme demande de réexamen d'une décision antérieure de refus de l'application du régime de l'intégration fiscale, en raison du caractère indépendant de cette décision (Cour administrative du 28 avril 2011, n° 27626C) ;

Considérant encore que dans la mesure où le régime de l'intégration fiscale constitue une faculté pour les contribuables pour laquelle ils peuvent opter et où la loi du 21 décembre 2001 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects a aboli la condition de l'incorporation des filiales dans la société mère du point de vue économique et de l'organisation et le pouvoir d'appréciation afférent du Ministre des Finances, le régime d'intégration fiscale doit être qualifié au moins depuis lors de droit pour les contribuables qui répondent aux conditions matérielles fixées par l'article 164bis L.I.R., de manière que le pouvoir d'agrément conféré au bureau d'imposition est à qualifier de compétence liée en ce sens qu'il n'est appelé qu'à vérifier le respect par les sociétés incluses dans le périmètre de l'intégration fiscale desdites conditions matérielles ; qu'en outre, le régime de l'intégration fiscale doit être qualifié d'avantage en faveur des contribuables visés ; que par voie de conséquence, une décision du bureau d'imposition quant à l'admission d'un groupe défini de sociétés au régime de l'intégration fiscale doit être qualifiée de « Bescheid über sonstige Steuervergünstigungen, auf deren Gewährung oder Belassung ein Rechtsanspruch besteht » au sens du § 235, n° 5 AO et une telle décision doit être contestée, au vœu du § 228 AO, à travers une réclamation introduite devant le directeur (Cour administrative du 28 avril 2011, n° 27626C) ;

Considérant qu'en l'occurrence aucune décision à propos de l'admission éventuelle de la requérante au régime de l'intégration fiscale n'a été rendue jusqu'à présent par le bureau d'imposition, du fait que celui-ci s'est trouvé, selon ses indications, dans l'impossibilité matérielle d'en fournir une, aucune demande ne lui ayant été adressée à ce jour de la part de la réclamante ; que toute cette discussion afférente à la remise en bonne et due forme d'une demande préalable (cf. § 171 AO) s'avère cependant oiseuse du fait que la problématique qui l'entoure se situe dorénavant à un tout autre niveau ; qu'il importe dans cet ordre d'idées d'analyser l'impact de la remise par la requérante des déclarations litigieuses avant qu'elle n'eût reçu une réponse écrite officielle de la part du bureau d'imposition à sa demande préalable ;

Considérant plus particulièrement à ce titre que s'il est certes vrai, à l'instar de ses propres dires, que la réclamante s'est consacrée avec un dévouement méticuleux à la recherche de l'ensemble des justificatifs qu'elle soumet en tant qu'annexes aux mains du directeur afin de démontrer la remise en bonne et due forme et, surtout, en temps utile de sa demande écrite préalable en vue de l'admission au régime d'intégration fiscale il ne reste, certes, pas moins vrai qu'une véritable investigation telle qu'elle l'a menée, aurait avec grande certitude dû révéler que la pièce la plus primordiale, à savoir justement la lettre réponse à sa prétendue demande préalable qui aurait dû lui être communiquée de la part du bureau d'imposition, fût-elle positive ou négative, faisait défaut ;

Considérant qu'il existe dès lors deux éléments constitutifs qu'il importe de mettre en exergue, d'un côté le fait que la décision à propos de l'admission éventuelle au régime d'intégration fiscale, décision émanant du bureau d'imposition, s'avère une décision contestable en soi et disjointe de l'ensemble des impositions qui en tiennent compte, et, de l'autre côté, le fait que l'admission au régime de l'intégration fiscale est subordonnée à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l'établissement stable indigène et des filiales visées, cette demande étant à introduire auprès de l'Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d'intégration fiscale est demandé ; qu'inversement, un délai précis endéans lequel le bureau d'imposition est légalement tenu d'y répondre n'existe d'ailleurs point ;

Considérant qu'en toute logique, la réponse du bureau d'imposition doit nécessairement intervenir avant la remise des déclarations fiscales qui en sont concernées, l'hypothèse inverse menant le contribuable dans une situation d'impéritie pure et simple qui s'avère non seulement inéquitable et insoutenable mais qui, par ailleurs, se doit d'être évitée soigneusement pour constituer une entrave à tout déroulement sans faille et sans accroc des processus et mécanismes administratifs, le tout dans le but de protéger le contribuable désireux de bénéficier des avantages de l'article 164bis L.I.R. ;

Considérant que la réclamante, hautement spécialisée dans le domaine de la législation fiscale et sans nul doute en parfaite connaissance des finesses juridiques afférentes aux modalités et dispositions de l'article 164bis L.I.R., s'est naturellement vue contrainte d'étudier le dossier jusque dans le moindre détail avant de dresser et de remettre les déclarations litigieuses ; qu'elle a donc, paraît-il, remis les déclarations fiscales afférentes aux années 2009, 2010 et 2011 en parfaite connaissance de cause, le fait que la réponse du bureau d'imposition à sa prétendue demande écrite préalable datant apparemment du 29 septembre 2008 et constituant certainement le document décisif de l'espèce ne lui étant pas encore parvenue, semble ne pas trop l'avoir inquiétée ;

Considérant, derechef et en guise de conclusion, que la décision du bureau d'imposition quant à l'admission d'un groupe défini de sociétés au régime de l'intégration fiscale doit être qualifiée de « Bescheid über sonstige Steuervergünstigungen, auf deren Gewährung oder Belassung ein Rechtsanspruch besteht » au sens du § 235, n° 5 AO et une telle décision doit être contestée, au vœu du § 228 AO, à travers une réclamation introduite devant le directeur ; que celle-ci est disjointe des impositions (et dès lors des réclamations éventuelles contre ces impositions) qui s'appuyent, le cas échéant, sur elle ; que la présente instance s'avère donc, dans le cadre de réclamations contre les bulletins des années 2009, 2010 et 2011 dans l'impossibilité matérielle de trancher sur la question de l'admission de la réclamante au régime de l'intégration fiscale : que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2014, les sociétés … et … firent introduire un recours tendant à la réformation de ladite décision du directeur du 16 juin 2014.

Dans son jugement du 13 juillet 2015, le tribunal administratif reçut le recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demanderesses, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros formulée par les demanderesses et condamna ces dernières aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 20 août 2015, les sociétés … et … ont fait régulièrement relever appel de ce jugement du 13 juillet 2015.

Elles rappellent d’abord en fait que des discussions orales sur la situation fiscale des deux sociétés auraient été engagées entre leur conseil et le préposé du bureau d'imposition, que suite à ces discussions, leur conseil aurait fait parvenir, le 18 septembre 2008, au préposé une demande d'accord fiscal préalable pour les appelantes, détaillant la structure ainsi que le traitement fiscal applicable aux activités des deux sociétés et que cette demande ferait spécifiquement référence au régime d'intégration fiscale dont les appelantes entendaient bénéficier, la demande précisant à ce titre qu'une demande d'application de ce régime serait adressée par courrier séparé. Cette demande d'accord fiscal préalable aurait été approuvée par le préposé du bureau d'imposition le 20 octobre 2008. Le 29 septembre 2008, conformément à ce qui avait été annoncé au moment des discussions puis indiqué dans la demande d'accord fiscal préalable, les appelantes auraient adressé, par l'intermédiaire de leur domiciliataire de l’époque, au préposé du bureau d'imposition une demande conjointe d'application du régime d'intégration fiscale. Dans le cadre de leurs déclarations de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal respectives, les appelantes auraient appliqué le régime de l’intégration fiscale pour les exercices concernés. Le bureau d'imposition aurait cependant informé les appelantes, par courriers du 15 janvier 2014, qu'il envisageait de s'écarter des déclarations fiscales 2009, 2010 et 2011 au motif que « étant donné qu'aucune demande fiscale au sens de l'article 164bis L.I.R. n'a été présentée et que le bureau d'imposition ne dispose pas d'une pièce justificative, le régime d'intégration est refusé » et, malgré une réunion du 4 février 2014 organisée entre le conseil des appelantes et les inspecteurs du bureau d'imposition, les bulletins d'imposition en cause émis en date du 19 février 2014 refléteraient la position du bureau d'imposition.

A titre principal, les appelantes font valoir que le directeur reconnaîtrait dans sa décision déférée que le régime d’intégration fiscale devrait être qualifié de droit pour les contribuables qui répondent aux conditions matérielles posées par l’article 164bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », disposition qui ne spécifierait pour le surplus aucune exigence de forme particulière quant à la décision du bureau d'imposition alors même que la forme écrite serait requise pour la demande conjointe des sociétés destinées à faire partie du périmètre d’intégration. Ainsi, en l’absence de règles de forme particulières contenues à l’article 164bis LIR, les règles générales de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », seraient applicables et le § 91 (2) AO admettrait la forme orale pour la communication d’une décision, solution qui correspondrait à celle admise en droit administratif général. Les appelantes en déduisent que la décision du préposé du bureau d'imposition relative à leur admission au régime d’intégration fiscale aurait valablement pu être rendue oralement. Or, en fait, le préposé du bureau d'imposition aurait fait part oralement de son accord à l’application du régime de l’intégration fiscale aux appelantes pendant l’une des réunions régulières avec le conseil des appelantes et, au vu de la soumission de la demande conjointe de soumission au régime d’intégration du 29 septembre 2008, l’application de ce régime aurait été approuvée au moins implicitement le 20 octobre 2008 dans le cadre de l’approbation de l’accord fiscal préalable par le préposé. Dans ces conditions et dans la mesure où la décision orale du préposé aurait été parfaitement logique par rapport au contenu des discussions antérieures et à la décision d’approbation écrite du 20 octobre 2008, les appelantes affirment qu’elles n’auraient pas eu de raisons de s’inquiéter de l’absence de réponse expresse et qu’elles auraient valablement pu établir leurs déclarations fiscales sur base de l’acceptation orale, sinon écrite, de l’application du régime de l’intégration fiscale par le bureau d'imposition.

En poursuivant plus loin la même logique, les appelantes soutiennent que ni l’article 164bis LIR, ni le règlement grand-ducal du 1er juillet 1981 portant exécution de l’article 164bis (5) LIR n’imposeraient que l’autorité compétente prenne une décision d’admission ou de refus concernant l’admission au régime d’intégration fiscale, voire la forme d’une telle décision et ce en tant que condition supplémentaire de la procédure d’octroi de ce régime.

Elles concluent que l’administration ne serait pas obligée de par la loi à répondre de manière formelle à une demande d’intégration fiscale d’un groupe de sociétés et que, dès lors que les trois conditions légales de fond se trouveraient remplies, les contribuables seraient admis à considérer que l’application du régime d’intégration fiscale serait de droit sans devoir attendre une confirmation écrite.

Cette argumentation des appelantes tend à voir reconnaître à leur bénéfice l’existence d’une décision d’accord pour leur admission au régime de l’intégration fiscale au vu des échanges intervenus entre leur conseil et le bureau d'imposition abstraction faite de la question de l’introduction effective ou non d’une demande écrite spécifique en ce sens de leur part auprès du même bureau d'imposition.

L’article 164bis (4) dispose que « le régime d’intégration fiscale est subordonné à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l’établissement stable indigène et des filiales visées. La demande est à introduire auprès de l’Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d’intégration fiscale est demandé, période devant couvrir au moins 5 exercices d’exploitation ».

Il est vrai que cette disposition requiert la forme écrite pour la seule demande d’admission au régime de l’intégration fiscale de la part des sociétés destinées à faire part du périmètre d’intégration et qu’aucune disposition de l’article 164bis LIR ne prévoit formellement ni la prise d’une décision afférente du bureau d'imposition compétent, ni la même forme pour une décision y relative. Cependant, la Cour ne saurait en tirer la même conclusion de la liberté des formes et de l’applicabilité du § 91 AO telle qu’invoquée par les appelantes, voire plus loin celle de l’absence d’une nécessité d’une décision distincte à cet égard.

En effet, en premier lieu, une décision relative à l’admission d’un groupe de sociétés au régime de l’intégration fiscale doit être qualifiée de décision distincte de l’imposition même. Ainsi, l’article 164bis LIR prévoyait dans sa teneur initiale que le bénéfice de l’intégration fiscale était accordé par un agrément du ministre des Finances et cet agrément constituait partant une décision autonome distincte des impositions des sociétés concernées et donnant suite à une demande particulière en ce sens. Si la loi du 21 décembre 2001 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects a supprimé cette compétence du ministre des Finances afin de « faciliter la procédure de l’octroi du régime de l’intégration fiscale » (projet de loi portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects, doc. parl. 4855, commentaire des articles, p. 131) et si la compétence afférente a été implicitement reconnue aux bureaux d’imposition, rien n’indique que le législateur ait, à ce moment, également entendu abolir le caractère autonome de la décision sur l’admission au régime de l’intégration fiscale, lequel caractère découlant encore nécessairement du fait qu’une telle décision porte sur un certain nombre d’années d’imposition et qu’elle concerne une pluralité de sociétés imposables relevant, le cas échéant, de la compétence de différents bureaux d’imposition (Cour adm. 28 avril 2011, n° 27626C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 461).

En deuxième lieu, cette même caractéristique qu’une telle décision porte sur un certain nombre d’années d’imposition et qu’elle concerne une pluralité de sociétés imposables relevant, le cas échéant, de la compétence de différents bureaux d’imposition, implique qu’elle puisse être communiquée à une pluralité de destinataires et de bureaux d’imposition pour être appliquée durant un certain nombre d’années d’imposition. Or, une telle exécution par une pluralité de sociétés et de bureaux d'imposition est difficilement concevable si la décision d’admission au régime de l’intégration fiscale ne se trouve pas matérialisée sur un certain support susceptible d’être communiqué à ses destinataires.

En troisième lieu, il convient également de faire application du principe du parallélisme des formes en ce sens que dès lors que la loi impose la forme écrite pour la soumission de la demande d’admission au régime de l’intégration fiscale par les sociétés concernées indépendamment de la déclaration fiscale, celles-ci doivent recevoir la décision quant à cette demande dans la même forme d’une décision écrite distincte d’un bulletin d’impôt que celle à travers laquelle elles ont dû soumettre leur demande.

En quatrième lieu, il y a lieu de rappeler que dans la mesure où le régime de l’intégration fiscale constitue une faculté pour les contribuables pour laquelle ils peuvent opter et où la loi prévisée du 21 décembre 2001 a aboli la condition de l’incorporation des filiales dans la société mère du point de vue économique et de l’organisation et le pouvoir d’appréciation afférent du ministre des Finances, le régime d’intégration fiscale doit être qualifié au moins depuis lors de droit pour les contribuables qui répondent aux conditions matérielles fixées par l’article 164bis LIR, de manière que le pouvoir d’agrément conféré au bureau d'imposition compétent est à qualifier de compétence liée en ce sens qu’il n’est appelé qu’à vérifier le respect par les sociétés incluses dans le périmètre de l’intégration fiscale desdites conditions matérielles (cf. A. STEICHEN, Manuel de Droit Fiscal, tome 2, éd.

Saint-Paul, 2002, p. 414).

Or, malgré cette qualification, il n’en reste pas moins que le bureau d'imposition compétent, saisi de la demande prévue par l’article 164bis (4) LIR, est toujours compétent pour vérifier si les conditions matérielles pour l’admission au régime de l’intégration fiscale se trouvent remplies dans le cas d’espèce lui soumis et qu’il est amené à décider si tel est le cas en vue de reconnaître l’applicabilité du régime ou s’il doit rejeter la demande faute par les sociétés impliquées de satisfaire effectivement à toutes les conditions de fond. En outre, tout comme l’agrément ministériel était un préalable nécessaire pour l’application du régime jusqu’en l’année 2001, rien n’indique que la loi prévisée du 21 décembre 2001 ait entendu abolir cette exigence du caractère préalable dans le chef d’une décision du bureau d'imposition compétent depuis l’année 2002.

En cinquième lieu, outre le fait que le régime d’intégration fiscale doit être qualifié de droit pour les contribuables qui répondent aux conditions matérielles fixées par l’article 164bis LIR, de manière que le pouvoir d’agrément conféré au bureau d'imposition compétent est à qualifier de compétence liée, le régime de l’intégration fiscale, ayant pour but « la suppression de certaines contraintes d’ordre fiscal, susceptibles d’entraver une modernisation ou une restructuration des structures des groupes d’entreprises » (projet de loi ayant pour objet de compléter la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 2498, p. 3), doit également être qualifié d’avantage en faveur des contribuables visés.

Par voie de conséquence, une décision du bureau d'imposition quant à l’admission d’un groupe défini de sociétés au régime de l’intégration fiscale doit être qualifiée de « Bescheid über sonstige Steuervergünstigungen, auf deren Gewährung oder Belassung ein Rechtsanspruch besteht » au sens du § 235 n° 5 AO (Cour adm. 28 avril 2011, n° 27626C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 461) qui vise les allègements fiscaux dont l’octroi s’analyse certes en un droit du contribuable mais qui ne prennent effet que suite à une demande en ce sens de la part du bénéficiaire (HERRMANN, HEUER, RAUPACH, RAO-

Kommentar, § 235, Anm. 5). Dans la mesure où une telle décision constitue au vœu de cette disposition un bulletin (« Bescheid »), mais non pas un bulletin d’impôt, vu qu’elle ne fixe aucune cote d’impôt, ou un bulletin d’établissement, vu qu’elle ne fixe pas des bases d’imposition, ou un bulletin de la base d’assiette, vu qu’elle ne fixe aucune base d’assiette, les règles de forme quant à ces catégories de bulletins, à savoir les §§ 210 à 216 AO, et plus particulièrement l’exigence de la forme écrite, ne trouvent pas application. Cependant, le § 246 (3) AO prévoit l’obligation d’indiquer les voies de recours pour toutes les décisions qualifiées de « Bescheide » et rentrant dans le champ des §§ 228 et 235 AO et cette exigence s’applique partant également à une décision portant rejet d’une demande d’accès au régime de l’intégration fiscale. Or, il paraît difficilement concevable de se conformer à cette exigence sans donner une forme écrite à cette indication des voies de recours. Par voie de conséquence, la mention d’une instruction sur les voies de recours est imposée comme exigence de forme et elle entraîne en principe l’exigence de la forme écrite.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour conclut que le bureau d'imposition compétent, saisi d’une demande de plusieurs sociétés en vue de l’admission au régime de l’intégration fiscale, doit prendre une décision sur cette admission qui est autonome par rapport à un bulletin d’impôt et que cette décision doit nécessairement prendre la forme écrite sans pouvoir être prise sous une forme exclusivement orale. Cette exigence de la forme écrite implique également que le contenu de la décision écrite statue expressément sur cette demande d’admission au régime de l’intégration fiscale.

Il s’ensuit que les appelantes ne sauraient se prévaloir utilement d’une décision orale du préposé du bureau d'imposition les ayant autorisé à appliquer le régime de l’intégration fiscale à partir de l’exercice 2008. De même, l’approbation de l’accord fiscal préalable par le préposé du bureau d'imposition ne saurait être considérée comme constituant également une décision par rapport à l’admission au régime de l’intégration fiscale, d’autant plus que la demande d’accord fiscal préalable du 18 septembre 2008 précise que « the request for the application of the fiscal consolidation regime provided for by Article 164bis (1) & (4) LITL shall be filed shortly (and at the latest before year end) with your office. The formal application will be sent in a separate letter in compliance with the provisions of Article 164bis (4) LITL » et que l’accord afférent du préposé ne comporte aucune mention supplémentaire quant à l’admission des appelantes au régime de l’intégration fiscale.

Il s’ensuit que le moyen principal des appelantes laisse d’être justifié.

A titre subsidiaire, les appelantes font valoir que les bulletins litigieux emporteraient décision implicite de rejet de la demande d'admission au régime d'intégration fiscale qui constituerait une décision distincte de l'imposition elle-même. Elles font plaider qu’étant donné qu’aucune exigence de forme ne serait prescrite par l'article 164bis LIR, rien n'empêcherait de considérer que la décision soit contenue de manière implicite dans les bulletins litigieux. Elles considèrent, en effet, qu’étant donné qu’elles n’auraient reçu aucune décision formelle et distincte de refus du régime de l’intégration fiscale, le bureau d'imposition aurait exprimé, certes de manière implicite, mais néanmoins univoque, sa décision de ne pas admettre les sociétés du groupe à pouvoir bénéficier du régime d'intégration fiscale par le fait de liquider l'impôt en refusant de tenir compte de l'intégration fiscale. Par ailleurs, elles rappellent que le silence de l'administration ne serait en matière fiscale pas considéré comme décision implicite de refus qui serait attaquable en tant que telle au contentieux, de sorte qu’elles n'auraient pas eu d'autre choix que de prendre acte des bulletins litigieux, qui matérialiseraient de manière univoque la décision du bureau d'imposition de ne pas admettre le groupe comme bénéficiaire du régime d'intégration fiscale, pour pouvoir introduire sa réclamation devant le directeur.

Elles ajoutent que le courrier du bureau d'imposition du 15 janvier 2014 ne constituerait pas une décision finale faisant grief en ce qu’il se confinerait, conformément au § 205 (3) AO, à informer le contribuable d’un éventuel redressement envisagé et à l’inviter à présenter ses observations. De même, le courrier du vérificateur du bureau d’imposition du 27 février 2014 ne pourrait pas non plus être considéré comme décision relative à l’admission ou la non-admission des appelantes au régime de l’intégration fiscale, au motif qu’il s’inscrirait dans le cadre d’échanges contradictoires avec le bureau d'imposition et constituerait la réaction de ce dernier par rapport aux propositions lui soumises par un courrier des appelantes du 5 février 2014 en prenant position face aux déclarations fiscales rectificatives lui adressées le 19 février 2014 à travers le refus de leur prise en compte et de l’acceptation de la structure de financement alternative proposée à travers elles. Ce dernier courrier du bureau d'imposition ne comporterait par contre aucune décision définitive relative à l’application ou non du régime de l’intégration fiscale et n’y ferait même pas référence. Les appelantes en déduisent que ce serait à tort que le tribunal paraît avoir décelé une décision de refus d’admission au régime de l’intégration fiscale dans ce courrier et qu’une telle décision n’aurait été matérialisée implicitement qu’au niveau de l’émission des bulletins en cause. Les appelantes considèrent dès lors qu’elles pourraient valablement déférer au juge administratif la décision implicite du bureau d'imposition ayant pour objet leur non-admission au régime de l’intégration fiscale et découlant des bulletins en cause dont les fixations des cotes d’impôts ne constitueraient que les conséquences de cette décision de refus. Dans la suite de cette conclusion, le refus de la part du directeur et du tribunal de tenir compte de leurs arguments au fond de la question de l’admission au régime de l’intégration fiscale ne serait pas justifiée.

Il convient de rappeler qu’ainsi que la Cour l’a déjà retenu ci-avant, une décision relative à l’admission d’un groupe de sociétés au régime de l’intégration fiscale doit être qualifiée de décision distincte de l’imposition même dont le caractère autonome n’a pas été affecté par les modifications apportées à l’article 164bis LIR par la loi prévisée du 21 décembre 2001 et découle nécessairement du fait qu’une telle décision porte sur un certain nombre d’années d’imposition et qu’elle concerne une pluralité de sociétés imposables relevant, le cas échéant, de la compétence de différents bureaux d’imposition. En outre, ainsi que la Cour a déjà conclu ci-avant, le bureau d'imposition, saisi de la demande prévue par l’article 164bis (4) LIR, est compétent pour vérifier si les conditions matérielles pour l’admission au régime de l’intégration fiscale se trouvent remplies dans le cas d’espèce lui soumis et la décision du bureau d'imposition sur l’application ou non du régime de l’intégration fiscale s’analyse en un préalable nécessaire pour l’application du régime.

Or, les actes décisionnels que les appelantes contestent à travers leur réclamation du 10 avril 2014 et leur recours contentieux sous analyse, même si celui-ci est formellement dirigé contre la décision directoriale du 16 juin 2014, sont les trois bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et les trois bulletins de l’impôt commercial communal, portant tous sur les années 2009 à 2011 et tous émis le 19 février 2014 à l’égard de la société …. Il se dégage de l’analyse du contenu de ces bulletins qu’ils représentent des bulletins d’impôt strictu sensu qui se limitent à fixer les bases d’imposition et à liquider l’impôt sur le revenu des collectivités ou l’impôt commercial communal en conséquence pour chacune des années d’imposition concernées et qu’ils ne comportent aucune mention permettant de conclure qu’ils véhiculeraient, au-delà de l’objet d’un bulletin d’impôt strictu sensu, également une décision séparée portant sur l’application du régime d’intégration fiscale aux appelantes. Il y a lieu de préciser à cet égard que si tous ces bulletins comportent la mention « imposition suivant la lettre du 15 janvier 2014 », cette remarque ne peut pas être qualifiée de décision de rejet de la demande d’application du régime de l’intégration fiscale par les appelantes, étant donné que ledit courrier du 15 janvier 2014 annonce l’intention du bureau d'imposition de procéder à l’imposition individuelle de la société … en raison du « défaut de la demande d’intégration fiscale au sens de l’article 164bis L.I.R. » et non pas sur le fondement d’un défaut des appelantes de satisfaire aux conditions de fond du régime de l’intégration fiscale, de manière que les bulletins du 19 février 2014 doivent être considérés comme n’ayant point véhiculé, au-delà de leur nature de bulletins d’impôts stricto sensu, également une décision autonome quant à l’admission des appelantes au régime de l’intégration fiscale.

Pour le surplus, l’argumentation des appelantes relative à l’absence d’une décision formelle et distincte de refus du régime de l’intégration fiscale et à la matérialisation de la décision du bureau d'imposition de ne pas admettre le groupe comme bénéficiaire du régime d'intégration fiscale de manière univoque à travers les bulletins du 19 février 2014, sous peine de ne pas pouvoir contester le silence de l'administration, est nécessairement fondée sur la prémisse de l’introduction en temps utile d’une demande des appelantes afin de se voir admettre au bénéfice du régime d'intégration fiscale. Or, cette question fait l’objet de l’argumentation développée par les appelantes dans un deuxième ordre de subsidiarité qui sera examinée ci-après et la réponse y relative permettra également de prendre position quant à l’argumentation prévisée des appelantes.

A titre encore plus subsidiaire, les appelantes exposent que les conditions posées par l’article 164bis LIR seraient données en l’espèce, eu égard à la demande adressée le 29 septembre 2008, par courrier simple, à l’administration des Contributions directes. Elles concluent qu’indépendamment de la question de savoir si ledit courrier a bien été réceptionné par l’administration des Contributions directes, il existerait un faisceau d’indices concordants qui démontrerait l’envoi de ladite lettre, de sorte que les conditions de l’article 164bis précitée auraient bien été respectées. Après avoir rappelé que la demande d’accord fiscal préalable discutée avec le préposé du bureau d'imposition et approuvé par ce dernier aurait couvert dès le début l’intention de faire bénéficier les appelantes du régime de l’intégration fiscale et avoir admis qu’au vu de l’envoi par courrier simple, elles ne disposeraient de la preuve formelle de réception par le bureau d'imposition, elles invoquent à cet égard que leur domiciliataire de l’époque serait en mesure de démontrer les éléments suivants qui indiqueraient l’envoi de la demande en cause du 29 septembre 2008 :

 la demande conjointe a été assortie d’une lettre d’accompagnement également datée et envoyée le 29 septembre 2008 ;

 le fichier Excel récapitulatif des prestations accomplies le 29 septembre 2008 renseignerait, par rapport aux appelantes, l’envoi d’une lettre à l’administration et ce fichier n’aurait plus été modifié depuis le 30 septembre 2008 ;

 la facture émise par leur domiciliataire le 30 septembre 2008 renseignerait parmi les services rendus notamment l’envoi d’un courrier le 29 septembre 2008 à l’administration fiscale ;

 la convention conclue entre leur domiciliataire et son prestataire pour l’envoi des courriers stipulerait la collecte quotidienne du courrier à envoyer ;

 deux gérants de catégorie B des sociétés du groupe … confirmeraient avoir signé la demande conjointe du 29 septembre 2008 et en avoir remis une copie à leur collaboratrice en vue de son dépôt à la réception dans le courrier à envoyer et  la demande aurait été envoyée ensemble avec les volumineux statuts des appelantes et il ne serait dès lors pas impossible que les services de l’administration aient pu par mégarde classer au mauvais endroit cette demande.

Les appelantes concluent que ces éléments représenteraient un faisceau d’indices concordants démontrant l’envoi de la demande d’admission au régime de l’intégration fiscale du 29 septembre 2008 qui devrait être pris en compte en tant que faisceau d’indices rendant probables les affirmations du contribuable et plus particulièrement l’envoi de cette demande au bureau d'imposition.

Abstraction même faite de la question de savoir si, en général, l’administré doit prouver seulement l’envoi ou plus loin la réception effective d’une demande par l’administration, il convient de rappeler que l’article 164bis (4) LIR dispose expressément que « la demande est à introduire auprès de l’Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d’intégration fiscale est demandé, période devant couvrir au moins 5 exercices d’exploitation » et fixe ainsi un délai endéans lequel la demande d’admission au régime de l’intégration fiscale doit être parvenue au bureau d'imposition compétent, de manière qu’il faut conclure que cette disposition impose aux sociétés concernées la charge de prouver la réception effective de la demande par le bureau d'imposition compétent.

Or, les appelantes sont en aveu de ne pas pouvoir administrer cette preuve en affirmant avoir adressé leur demande au bureau d'imposition par courrier simple.

Par rapport au faisceau d’indices relatif à l’envoi de la demande par le domiciliataire de l’époque des appelantes tel qu’invoqué par ces dernières, il convient de relever que si les dossiers fiscaux des appelantes soumis à la Cour par l’Etat comportent effectivement la lettre d’accompagnement datée au 29 septembre 2008 qui mentionne une « application form » qui y serait annexée, ces dossiers ne comportent aucune trace d’une demande des appelantes en vue de leur admission au régime d’intégration fiscale et les mentions manuscrites sur les copies de cette lettre indiquent l’absence d’une demande y annexée. Les autres indices invoqués par les appelantes ne sont point de nature à conforter leur thèse d’un envoi effectif de la demande en cause au bureau d'imposition et, a fortiori, à rendre probable sa réception effective par ce dernier.

Il en découle que les appelantes sont entièrement restées en défaut de prouver, ne serait-ce que par un faisceau concordant d’indices, la réception d’une demande de leur part tendant à leur admission au régime de l’intégration fiscale par le bureau d'imposition, voire même seulement l’envoi effectif d’une telle demande. Au vu de cette conclusion, elles ne sauraient pas non plus invoquer leur nécessaire droit de pouvoir contester les bulletins litigieux en tant que seul véhicule d’une décision éventuellement implicite de refus de l’application du régime de l’intégration fiscale à défaut d’une décision expresse y relativement, faute par elles d’avoir établi qu’elles avaient saisi le bureau d'imposition d’une demande afférente.

Par voie de conséquence, les deux ordres d’argumentations subsidiaires des appelantes laissent pareillement d’être justifiés.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel sous examen n’est justifié en aucun de ses moyens et que les appelantes doivent en être déboutées, le jugement entrepris étant à confirmer en conséquence.

Les appelantes sollicitent l’allocation d’une indemnité de procédure de … euros en arguant qu’il serait inéquitable de laisser tous les frais non compris dans les dépens à leur charge.

Au vu de l’issue du litige, cette demande est cependant à rejeter.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 20 août 2015 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelantes, partant, confirme le jugement entrepris du 13 juillet 2015, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de … euros formulée par les appelantes, condamne les appelantes aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu à l’audience publique du 27 juillet 2016 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller délégué à ces fins, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s.WILTZIUS s.CAMPILL 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36841C
Date de la décision : 27/07/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2016-07-27;36841c ?

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