La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2016 | LUXEMBOURG | N°37158C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 avril 2016, 37158C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 37158C du rôle Inscrit le 10 novembre 2015

________________________________________________________________________

Audience publique du 28 avril 2016 Appel formé par la société …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2015 (n° 32926 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en matière d’établissements classés Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 37158C du rôle et déposée au

greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2015 par la société anonyme ARENDT & M...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 37158C du rôle Inscrit le 10 novembre 2015

________________________________________________________________________

Audience publique du 28 avril 2016 Appel formé par la société …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2015 (n° 32926 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en matière d’établissements classés Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 37158C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2015 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., représentée par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la société anonyme …, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d'administration en fonctions, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-

Duché de Luxembourg du 1er octobre 2015 (no 32926 du rôle), l’ayant déboutée de son recours tendant à la réformation d’un arrêté n°1/12/0182 du 7 janvier 2013 du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures portant modification de l’arrêté n° 1/02/0119 du 20 juillet 2004 délivré par le ministre de l’Environnement, tel que modifié, et ayant autorisé l’exploitation d’une usine de production de verre à …, en assortissant ladite autorisation de diverses conditions d'exploitation, et plus particulièrement d’une condition limitant les émissions de poussières totales à 15 mg/Nm3 (condition 23 du chapitre III de l'arrêté ministériel), et d’une décision implicite de rejet du même ministre ayant refusé de faire droit au recours gracieux introduit par la société … le 12 février 2013 contre la décision ministérielle précitée du 7 janvier 2013, par lequel ladite société avait demandé le maintien de la valeur limite d’émission de poussières totales à 20 mg/Nm3, tel que fixé par l’arrêté ministériel n° 1/02/0119 du 20 juillet 2004, dans sa version applicable avant l’adoption de l’arrêté litigieux n°1/12/0182 du 7 janvier 2013 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2016 par Maître Christian POINT pour compte de la société … ;

1 Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 2016 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gilles DAUPHIN en remplacement de Maître Christian POINT, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2016 ;

Vu l’avis de la Cour administrative du 18 février 2016 invitant la partie étatique à répondre en cours de délibéré à une question y plus amplement énoncée ;

Vu la réponse afférente de l’Etat déposée au greffe de la Cour administrative le 25 février 2016.

_____________________________________________________________________________

Par courrier du 5 janvier 2012, la société anonyme …, ci-après « la société … », soumit au Service des établissements classés de l’administration de l’Environnement une demande d’installer et d’exploiter une installation de réduction d’oxyde d’azote par voie catalytique, ci-

après désignée par « système SCR », sur son site à ….

Par courrier du 27 juin 2012, la société … fit suite à la demande d’informations complémentaires de la part de l’administration de l’Environnement datant du 11 mai 2012.

Par courrier du 27 juillet 2012, le ministère du Développement durable et des Infrastructures informa la société … qu’il considéra que son dossier de demande d’autorisation pouvait être considéré comme complet au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après « la loi du 10 juin 1999 », tout en précisant que cela ne portait pas préjudice aux dispositions de l’article 13 de la même loi, notamment en ce qui concerne l’application des meilleures techniques disponibles. Il informa de même la société …, qu’en ce qui concerne les aspects de sécurité, de santé et d’hygiène sur le lieu du travail, l’Inspection du travail et des mines considéra le dossier également comme étant complet et qu’il allait donc transmettre le dossier à l’administration communale de … en vue de la procédure de l’enquête publique.

L’administration de l’Environnement communiqua à une date non connue un projet d’arrêté à la société … que le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, ci-après « le ministre », projeta de délivrer et qui prévoyait une réduction des valeurs limites pour les émissions de poussières totales de 20 mg/Nm3, telles que fixées jusqu’alors, au seuil de 15 mg/Nm3.

Par courriers des 24 octobre et 10 décembre 2012, la société … contesta cette réduction du seuil d’émission des poussières totales de 20 mg/Nm3 à 15 mg/Nm3, en faisant valoir qu’avec les installations mises en place et même après une amélioration technique, cette nouvelle valeur limite ne serait que difficilement atteignable et qu’elle n’était au demeurant pas 2justifiée au regard, d’une part, des caractéristiques de l’installation du système SCR et, d’autre part, du seuil qui avait été fixé par l’arrêté ministériel initial du 20 juillet 2004.

Par arrêté n°1/12/0182 du 7 janvier 2013, le ministre accorda à la société … l’autorisation d’installer et d’exploiter sur son site à … une installation de réduction catalytique pour la réduction des oxydes d’azote et un réservoir d’ammoniac, en l’assortissant de conditions au terme d’une motivation libellée comme suit :

« (…) Vu l'arrêté ministériel n° 1/02/0119 du 20/07/2004, délivré par le Ministre de l'Environnement, tel que modifié par la suite, autorisant la … à exploiter une usine de production de verre à … ; que des valeurs limites de 700 mg/Nm3 pour les oxydes d'azote (NOx ), y sont notamment imposées ; que l'arrêté précise que « toutes les mesures afin de réduire les émissions d'oxydes d'azote à 500 mg/Nm3 sont à réaliser »;

Vu la demande du 18/04/2012, présentée par …, aux fins d'obtenir l'autorisation d'installer et d'exploiter sur son site à … une installation de réduction catalytique (SCR) pour la réduction des oxydes d'azote et un réservoir d'ammoniac de 80 m3;

Vu la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés;

Vu le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés;

Vu la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement;

Vu le règlement grand-ducal modifié du 17 juillet 2000 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses et notamment ses articles 9 à 12 et 17 ;

Vu la loi du 20 avril 2009 relative à la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux;

Considérant qu'en vertu du règlement grand-ducal du 8 novembre 2002 portant application de la directive 2001/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d'émission nationaux pour certains polluants atmosphériques les plafonds annuels nationaux pour 2010 sont fixés à 11.000 tonnes pour les oxydes d'azote (NOx);

Considérant que … … émet actuellement plus de 10 % du plafond national pour les oxydes d’azote ;

Considérant que l'usine de production de verre est visée à l'article 13bis et à l'annexe III de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés;

Considérant la décision d'exécution de la Commission du 28 février 2012 établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD) pour la fabrication du verre, au 3titre de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles;

Considérant que le projet de … … table sur une émission de 700 mg/Nm3 pour les NOx tout en appliquant le système SCR ; que cette concentration équivaut à une émission de NOx de 1,96 kg par tonne de verre fondu et à des émissions annuelles de 421 t de NOx ; que les valeurs limites imposées pour les NOx en 2004 (700 mg/Nm3) s'appliquaient pour le fonctionnement du four sans mesures secondaires telles qu'un système de réduction catalytique des NOx;

Considérant que le système SCR a été dimensionné pour réduire les émissions de NOx à 500 mg/Nm3;

Considérant les documents européens sur les meilleures techniques disponibles (MTD) en matière de production de verre dont notamment « Best Available Techniques (BAT) Reference Document for the Manufacture of Glass Industrial Emissions Directive 2010/75/EU (Integrated Pollution Prevention and Control) » de mars 2012, document succédant à celui intitulé «Integrated Pollution Prevention and Control (IPPC) Reference Document on Best Available Techniques in the Glass Manufacturing Industry December 2001 » ; considérant que le document de 2001 indiquait que des émissions de 500 - 700 mg/Nm3 de NOx reflétaient l'application des MTD; considérant que le document de 2012 indique qu'avec un système de réduction catalytique, des émissions de NOx de 400-700 mg/Nm3 et de 1,0-1,75 kg par tonne de verre fondu et une réduction de 70 à 80 % des émissions de NOx à longue durée par un SCR sont à considérer comme reflétant l'application des MTD ;

Considérant que les frais d'exploitation indiqués par l'exploitant pour une réduction des émissions de NOx à 500 mg/Nm3 sont inférieurs aux frais indiqués dans le document MTD;

Considérant que le présent arrêté impose une valeur limite de 500 mg/Nm3 pour les NOx correspondant à des émissions de NOx de 1,4 kg par tonne de verre fondu; que cette valeur limite reflète l'application des MTD; que les émissions annuelles seront ainsi réduites à 301 t (en fonctionnement normal et continu du SCR);

Considérant qu'en ce qui concerne les émissions d'ammoniac (NH3) le document européen susmentionné de 2012 sur les meilleures techniques disponibles en matière de production de verre indique des émissions MTD de NH3 de 5-30 mg/Nm3;

Considérant que le système SCR projeté a été dimensionné pour émettre des concentrations en NH3 inférieures à 20 mg/Nm3 et que les frais de fonctionnement du système SCR sont d'autant plus élevés que les fuites de NH3 sont élevées;

Considérant que le présent arrêté impose une valeur limite de 20 mg/Nm 3 pour le NH3 et que cette valeur limite reflète l'application des MTD;

4Considérant que les conclusions européennes relatives aux meilleures techniques disponibles indiquent que pour un bon fonctionnement d'un système SCR les poussières ne doivent pas dépasser 10-15 mg/Nm3;

Considérant que l'exploitant, par ses courriers du 24/10/2012 et du 10/12/2012, demande le maintien d'une valeur limite de 20 mg/Nm3 pour les poussières après mise en exploitation du système SCR;

Considérant que le présent arrêté impose une valeur limite de 15 mg/Nm3 pour les poussières à compter de la mise en exploitation du système SCR et que cette valeur limite reflète l'application des MTD;

Considérant que les émissions de poussières dépassent actuellement 15 mg/Nm3; qu'en application de l'article 27 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés un délai de mise en conformité de 24 mois à compter de l'exploitation du système SCR est imposé par le présent arrêté; délai pendant lequel l'exploitant devra adapter son système d'épuration de poussières afin de respecter la valeur limite imposée;

Considérant que l'exploitant envisage d'exploiter d'abord une seule couche du catalyseur (phase 1) et qu'il est projeté de renforcer cette couche par une deuxième couche au moment où la capacité épuratoire de la première est devenue insuffisante;

Considérant que les mesures primaires qui réduisent considérablement la charge en NOx des effluents à traiter par le SCR et, en conséquence ses coûts d'exploitation, doivent toujours être appliquées par l'exploitant;

Considérant que la température en amont du système est constamment contrôlée et qu'en cas de températures inférieures à 300°C, les effluents gazeux sont évacués par un by-pass après avoir passé l'électrofiltre; que vu la pollution atmosphérique élevée dans ces cas, il y lieu de limiter le temps de fonctionnement en mode by-pass; que le présent arrêté limite ces périodes à 5 % du temps de fonctionnement sur l'année;

Considérant que de par son dépôt de butane, l'établissement est soumis aux dispositions du règlement grand-ducal modifié du 17 juillet 2000 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses; que les emplacements prévus pour le réservoir d'ammoniac et pour le système SCR se situent dans les zones à risques identifiées dans le dernier rapport de sécurité; que l'ammoniac est une substance dangereuse pour l'environnement; que le catalyseur contient du pentaoxyde de vanadium, substance classée toxique et dangereuse pour l'environnement; que les quantités projetées de ces substances sont inférieures aux quantités seuils du règlement grand-ducal précité; que le présent arrêt[é] impose que les réservoirs contenant ces substances doivent être construits de manière à résister aux ondes de choc et au feu pouvant résulter d'un accident majeur dans le sens du règlement grand-

ducal y relatif;

Considérant que le présent arrêté impose 5- la révision du rapport de sécurité avant de procéder aux modifications sollicitées dans le cadre de la demande n° 1/12/0182, - la révision du plan d'urgence interne avant d'exploiter les éléments concernés par la demande n° 1/12/0182;

Considérant que dans le bilan énergétique global de l'usine, les émissions de CO2 dues au fonctionnement du système SCR sont négligeables;

Considérant que le procédé de production de verre plat ne génère pas de composés organiques volatils (COV); que le présent arrêté n'impose pas de valeur limite pour les COV en provenance du four de fusion;

Considérant que l'exploitant indique que le fonctionnement optimal du SCR sera atteint après une période de 10 mois à compter du début de construction;

Considérant que la condition 14 du chapitre VIII de l'arrêté ministériel n° 1/02/0119 du 20/07/2004 impose que le plan d'urgence doit être adapté sans délai lors de tout changement de l'exploitation ayant un impact sur les informations y fournies; que le présent arrêté impose que le plan d'urgence adapté doit parvenir à l'Administration de l'environnement avant le début d'exploitation des éléments de la demande n° 1/12/0182;

Vu l'enquête commodo et incommodo et l'avis favorable émis en date du 05/10/2012 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de …;

Considérant que pendant le délai légal d'affichage, aucune observation n'a été présentée à l'égard du projet susmentionné;

Considérant que les conditions imposées dans le cadre du présent arrêté ministériel sont de nature à limiter les nuisances sur l'environnement à un strict minimum;

Que partant il y a lieu d'accorder l'autorisation sollicitée, ARRÊTE:

Article 1er :

L'arrêté ministériel n° 1/02/0119 du 20/07/2004, délivré par le Ministre de l'Environnement, tel que modifié par la suite, est modifié comme suit:

(…) 6) La condition 23 du chapitre III est complétée par l'alinéa suivant :

« Dans un délai de 10 mois à compter de la date de l'arrêté ministériel n° 1/12/0182 :

Poussières totales 15 mg/Nm3 Monoxyde d'azote (NO) et dioxyde d'azote (NO 500 mg/ Nm3 2), exprimés en tant que dioxyde d'azote (1) 6Dioxydes et trioxydes de soufre, exprimés en tant que dioxyde de soufre 500 mg/ Nm3 (SO2) Composés inorganiques du fluor, exprimés en tant que F¯ 5 mg/ Nm3 Composés inorganiques du chlore, exprimés en tant que Cl¯ 30 mg/ Nm3 Ammoniac, exprimée en tant que NH + 3 20 mg/ Nm3 Les valeurs limites mentionnées ci-avant se rapportent à une teneur en oxygène des effluents gazeux de 8%vol. » Par dérogation au chapitre précédent, pendant un délai de 24 mois à compter de la date de mise en exploitation du système SCR, les émissions de poussières pourront dépasser 15 mg/Nm3 sans toutefois dépasser 20 mg/Nm3.

(…) Article 2:

Les autres conditions de l'arrêté ministériel n° 1/02/0119 du 20/07/2004, délivré par le Ministre de l'Environnement, tel que modifié par la suite, restent d'application.

(…) ».

Par courrier recommandé du 12 février 2013, la société … adressa au ministre un recours gracieux contre certaines conditions contenues dans l’arrêté d’autorisation précité du 7 janvier 2013, en demandant au ministre, en guise de conclusion, de maintenir, à titre principal, une valeur d’émission de poussières de 20 mg/Nm3 jusqu’à la réfection de leur four prévue en 2018 et, à titre subsidiaire, de leur accorder une période transitoire de quatre années à partir de la mise en service du système SCR. Le ministre ne prit pas position par rapport à ce recours gracieux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2013, la société … fit introduire un recours en réformation contre l’arrêté ministériel n°1/12/0182 du 7 janvier 2013, précité, ainsi que contre la décision implicite de rejet de son recours gracieux découlant du silence gardé sur son recours du 12 février 2013.

Dans son jugement du 1er octobre 2015, le tribunal administratif se déclara tout d’abord compétent pour connaître du recours en réformation. Il déclara le recours irrecevable en tant que dirigé contre une décision implicite de rejet du ministre sur recours gracieux au motif que le recours contentieux est à diriger contre la décision initiale en cas de silence gardé par le ministre par rapport à un recours gracieux. Il déclara en revanche le recours recevable en tant qu’il était dirigé contre l’arrêté ministériel du 7 janvier 2013.

Au fond, par rapport au moyen du défaut de base légale sous-tendant la condition litigieuse réduisant la valeur limite d’émission des poussières totales du four de fusion de 20 mg/Nm3 à 15 mg/Nm3, le tribunal, après avoir relevé que les pouvoirs du ministre en la matière sont ceux circonscrits par les dispositions de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999, nota que le ministre avait motivé le point litigieux de sa décision, en se basant sur un document intitulé 7« JRC Reference Report – Best Available Techniques (BAT) Reference Document for the Manufacture of Glass – Industrial Emissions Directive 2010/75/EU (Integrated Pollution Prevention and Control » établi par le « European Integrated Pollution Prevention and Control Bureau » du « Joint Research Centre [de la Commission européenne] – Institute for Prospective Technological Studies » de 2013, ci-après « JRC Reference Report », ainsi que sur la décision d’exécution de la Commission européenne du 28 février 2012 établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD) pour la fabrication du verre, au titre de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, ci-après « décision MTD » et « directive 2010/75/UE », publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 8 mars 2012. Se référant à l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le tribunal retint que seule la décision MTD a une valeur contraignante, à l’exclusion du JRC Reference Report.

Le tribunal releva ensuite que même si la décision MTD retenait, dans son tableau 14, en ce qui concerne les poussières émises par les fours de fusion utilisés dans le secteur du verre plat, un taux d’émission compris entre 10 et 20 mg/Nm3, elle précisa encore, sous le point 1.3.2.

« Oxydes d’azote (NOx) émis par les fours de fusion » que la meilleure technique disponible « (…) consiste à réduire les émissions de NOx du four de fusion par une ou plusieurs des techniques suivantes : (…) II. Techniques secondaires (…) ii. Réduction catalytique sélective (SCR) : L’application de la technique peut nécessiter une mise à niveau du système de dépoussiérage afin de garantir une concentration des poussières inférieure à 10 -15 mg/Nm3 (…) ». Il en conclut que dès lors que la condition litigieuse portant réduction du taux maximal d’émission de poussières totales à 15 mg/Nm3 trouve son fondement dans la décision MTD, la décision du ministre n’était pas entachée d’une erreur de droit.

Il rejeta pareillement le moyen de la société … tiré d’un détournement de procédure, sinon d’un détournement de pouvoir, sinon d’une atteinte à ses droits acquis, en ce que le ministre aurait, dans le cadre de la demande d’autorisation de l’installation du système SCR, modifié une des conditions d’exploitation en réduisant le taux maximal d’émission de poussières totales autorisé à 15 mg/Nm3, alors même que l’installation de ce système n’aurait aucune incidence sur le taux d’émission précité, en retenant que le ministre, conformément à l’article 13, paragraphe 2, alinéa 2, de la loi du 10 juin 1999 prévoyant que « l’autorisation délivrée peut être modifiée ou complétée en cas de nécessité dûment motivée », peut modifier, respectivement compléter les conditions d’exploitation d’un établissement classé en adaptant l’autorisation déjà délivrée, même en dehors de l’initiative de l’exploitant et sans être lié par l’objet d’une éventuelle demande de ce dernier tendant à la modification des conditions d’exploitation qui serait limitée à un certain aspect de l’exploitation, à la condition toutefois de fournir à l’exploitant une motivation de la nécessité des choix ministériels ainsi opérés.

Par rapport aux contestations de la société … quant à la motivation et à la nécessité indiquées par le ministre pour justifier la modification litigieuse, telles que complétées en cours d’instance par le délégué du gouvernement par la référence au non-respect par la demanderesse des valeurs limites d’émission de poussières totales, le tribunal estima que le ministre, d’une part, avait pris en considération l’envergure des émissions de NOx par la société …, ainsi que l’implication de l’installation du système SCR sur ces émissions, l’objectif à atteindre par la demanderesse étant de réduire ses émissions de NOx de 700 mg/Nm3 à 500 mg/Nm3 et, d’autre 8part, en se référant, à juste titre à la décision MTD indiquant que « (…) les conclusions européennes relatives aux meilleures techniques disponibles indiquent que pour un bon fonctionnement d’un système SCR les poussières ne doivent pas dépasser 10-15 mg/Nm3 (…)», le ministre avait dûment motivé la nécessité de procéder à une modification de l’autorisation d’exploitation de la société … en réduisant le taux maximal d’émission de poussières totales à 15 mg/Nm3, au regard, d’une part, de la violation des valeurs limites d’émission de poussières et de NOx et, d’autre part, des conclusions de la décision MTD. Le tribunal nota, dans ce contexte, que le courrier électronique du 17 juin 2013 émanant du fabricant du système SCR aux termes duquel « (…) der Betrieb der SCR mit einem Staubgehalt von 25 mg/Nm3, trocken kein Problem ist. Es kann hierdurch zu häufigeren Abreinigungen durch die Russblätter kommen, die Funktionalität/NOx Abscheidung wird jedoch nicht negativ beeinflusst (…) », n’était pas susceptible de renverser sa conclusion, à défaut de respecter les conditions légales en matière d’attestations testimoniales et de constituer un rapport d’expertise contradictoire, d’une part et, à défaut de contenir d’éléments probants, d’autre part.

Le tribunal ajouta encore que des considérations financières telles qu’avancées par la société … ne pouvaient pas tenir en échec le pouvoir ministériel de modifier, voire de compléter les conditions d’exploitation d’un établissement classé, ce critère ayant expressément été supprimé de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 par la loi modificative du 21 décembre 2007.

En dernier lieu, il rejeta la demande de la société …, telle que formulée dans son courrier du 17 novembre 2014, de se voir accorder un délai de 18 mois pour la mise en œuvre des moyens permettant d’atteindre le seuil de 15 mg/Nm3, pour ne pas avoir été formulée au dispositif de la requête introductive d’instance, de même qu’il rejeta sa demande quant à l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel, en application de l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives à défaut pour la demanderesse d’établir, voire même d’alléguer un préjudice grave et définitif dans son chef en relation avec l’exécution de la décision contestée du 7 janvier 2013. En conséquence, il débouta la société … de son recours.

Par requête déposée le 10 novembre 2015 au greffe de la Cour administrative, la société … a relevé appel de ce jugement du 1er octobre 2015.

La partie étatique se rapporte à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la recevabilité de la requête d’appel. Elle fait valoir qu’en faisant rayer le recours introduit le 4 juin 2015 sous le numéro 36370 du rôle par la société … contre l’arrêté ministériel n° 1/15/0175 du 24 avril 2015 ayant refusé de faire droit à sa demande de prolonger le délai pour la mise en œuvre du nouveau seuil d’émission de 15 mg/Nm3 – arrêté entre-temps abrogé et remplacé par un arrêté ministériel du 25 août 2015 ayant prolongé le délai de mise en application jusqu’au 8 mars 2016, l’appelante aurait reconnu le principe même de ce seuil réduit d’émission, de sorte que la requête d’appel aurait perdu son objet et l’arrêté ministériel du 7 janvier 2013 ensemble celui du 25 août 2015 auraient acquis autorité de chose décidée.

Cette argumentation ne saurait cependant valoir. En effet, il ressort à suffisance des éléments d’appréciation soumis à la Cour que dans son courrier du 18 mars 2015, la société … s’est bornée à demander une rallonge du délai d’application du nouveau seuil d’émission de 15 9mg/Nm3 et qu’elle a même précisé dans sa demande qu’elle ne renonçait pas à son recours introduit le 21 juin 2013 contre l’arrêté ministériel du 7 janvier 2013 en ce qu’il porte réduction du seuil d’émission des poussières totales. S’il est vrai que le ministre, par arrêté du 24 avril 2015, a refusé dans un premier temps d’accorder l’ajournement de la date d’échéance à laquelle la valeur limite de 15 mg/Nm3 devait être respectée, pour ensuite prolonger le délai jusqu’au 8 mars 2016 suivant arrêté du 25 août 2015 délivré suite à l’introduction du recours par la société …, il s’agit toutefois exclusivement d’une question de délai de mise en application du nouveau seuil réduit d’émission pour les poussières totales, la question du principe même de la réduction dudit seuil restant entière, de sorte que l’appel sous analyse garde tout son objet et le moyen d’irrecevabilité afférent est à écarter.

L’appel ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La société … sollicite en premier lieu la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable son recours en réformation pour autant que dirigé contre une décision implicite de rejet née du silence de trois mois gardé par le ministre sur son recours gracieux. Se référant à l’article 4 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, elle fait valoir qu’un recours gracieux serait à considérer comme une demande adressée à l’administration, de sorte que le silence gardé par cette dernière sur la demande constituerait une décision de rejet susceptible d’être attaquée par la voie d’un recours.

La partie étatique demande à la Cour de confirmer le jugement sur ce point pour les motifs y énoncés.

Aux termes de l’article 4 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 : « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

Cette disposition pose la présomption légale d’une décision implicite de rejet qui naît ainsi du silence prolongé de l’autorité administrative sur une demande. Contrairement à ce qui a toutefois été retenu par les premiers juges, il ne convient pas de faire la distinction suivant que l’autorité administrative garde le silence par rapport à une demande initiale de l’administré ou par rapport à un recours gracieux formé à l’encontre d’une décision expresse de refus, le terme de demande utilisé par la disposition précitée, à défaut de distinctions prévues par le législateur, vaut aussi bien pour la demande initiale de l’administré que pour le recours gracieux. Admettre le contraire serait admettre que toutes les considérations nouvelles développées à travers le recours gracieux n’ayant pas reçu de réponse, de même que leur rejet implicite, resteraient inattaquables. Ainsi, si, comme en l’espèce, à la suite de l’introduction d’un recours gracieux, aucune décision expresse n’intervient dans un délai de trois mois, il y a lieu de conclure du silence gardé par l’administration que celle-ci est censée avoir rejeté ledit recours gracieux et que cette décision est à qualifier de décision implicite de rejet qui est susceptible d’être attaquée par la voie d’un recours contentieux.

10 Il s’ensuit que c’est à tort que les premiers juges ont déclaré irrecevable le recours en réformation pour autant que dirigé contre la décision implicite de rejet du recours gracieux et le jugement entrepris est partant à réformer sur ce point.

Au fond, l’appelante expose tout d’abord les faits et rétroactes de l’affaire. Elle explique qu’elle se serait vu délivrer, par arrêté ministériel du 20 juillet 2004, l’autorisation d’exploiter une usine de fabrication de verre plat sur son site à …, aux termes de laquelle les rejets de poussières totales en provenance du four à fusion ne devaient pas dépasser la valeur limite de 20 mg/Nm3. Concernant le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), le seuil d’émission avait été fixé à 700 mg/Nm3 et à 500 mg/Nm3 pour les dioxydes et trioxydes de soufre (SOx). Cet arrêté ministériel aurait été modifié à plusieurs reprises sans que le seuil autorisé de 20 mg/Nm3 pour les poussières totales eût été modifié. En date du 5 janvier 2012, elle aurait introduit une demande d’exploitation d’une installation de réduction d’oxyde d’azote par voie catalytique dans le but de réduire ses émissions d’oxyde d’azote (NOx) émanant du four de fusion. Elle souligne que l’installation d’un système SCR serait sans incidence aucune sur les émissions de poussières totales, ledit système visant uniquement à réduire les émissions de NOx. Le projet d’arrêté ministériel qui lui aurait été communiqué aurait pourtant prévu une réduction des émissions de poussières totales, jusqu’alors fixées à 20 mg/Nm3, à 15 mg/Nm3.

Elle aurait fait part au ministre qu’une réduction du seuil d’émission des poussières totales était difficilement atteignable et qu’elle n’était pas non plus justifiée du fait des caractéristiques de l’installation du système SCR et au vu du taux d’émission qui avait été fixé par l’arrêté ministériel du 20 juillet 2004. Si, par arrêté ministériel du 7 janvier 2013, le ministre lui avait certes délivré l’autorisation pour installer le système SCR, il aurait toutefois modifié, sous le point 6) de l’article 1er dudit arrêté, le seuil d’émission de poussières totales précédemment fixé à 20 mg/Nm3 à 15 mg/Nm3, ce seuil plus strict devant s’appliquer après un délai de 24 mois à compter de la mise en exploitation du système SCR. De même, le ministre n’aurait donné aucune suite à son recours gracieux formé contre cette réduction du seuil d’émission. Elle précise que l’arrêté ministériel litigieux est uniquement attaqué en tant qu’il a, en son article 1er, point 6), fixé le seuil d’émission de poussières totales à 15 mg/Nm3.

En droit, en ce qui concerne la base légale de la décision litigieuse, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise application de la décision MTD, alors que celle-ci prévoirait sous son tableau 14 un seuil d’émission des poussières totales comme pouvant être compris, aux termes des meilleures techniques disponibles, telles que publiées au Journal officiel de l’Union européenne, entre 10 et 20 mg/Nm3, de sorte que le seuil retenu par l’arrêté ministériel du 20 juillet 2004 avant la modification litigieuse, était bien conforme au droit communautaire et pouvait être maintenu puisqu’il s’inscrivait dans la fourchette prévue audit tableau 14. La nouvelle valeur limite d’émission de 15 mg/Nm3 fixée par le ministre ne serait partant pas imposée par la réglementation européenne. Elle estime que le ministre, suivi en cela par les premiers juges, aurait fait application de la mauvaise section de la décision MTD, à savoir la section « 1.3.2 Oxydes d’azote (NOx) émis par les fours de fusion », pour justifier la réduction du seuil en question, alors que celle-ci ne serait pas applicable puisqu’elle ne viserait que la réduction des taux d’émission de NOx et non les émissions de poussières. Ces dernières seraient visées par la section 1.3.1 de la décision MTD qui prévoirait un taux d’émission pour 11les poussières d’un four de fusion compris entre 10 et 20 mg/Nm3 et n’imposerait pas un taux entre 10 et 15 mg/Nm3. L’appelante ajoute que l’application par le ministre de la section 1.3.2 de la décision MTD relative aux taux d’émission de NOx pour imposer un taux d’émission de poussières, qui serait régi par une section différente de la décision MTD, non seulement serait erronée, mais violerait en plus le principe de sécurité juridique. Par ailleurs, à suivre le raisonnement du ministre, cela reviendrait à admettre que la décision MTD contiendrait deux sections imposant des taux différents.

D’après l’appelante, il existerait différentes façons d’interpréter la section 1.3.2 de la décision MTD, mais aucune ne justifierait la décision critiquée du ministre de réduire le taux d’émission des poussières à 15 mg/Nm3. Ainsi, suivant une première interprétation, la section 1.3.2 pourrait être considérée comme signifiant que si l’Etat a fixé un taux d'émission de poussières de 10-15 mg/Nm3, l'installation du système SCR pour les émissions de NOx peut avoir l'effet secondaire d'augmenter les émissions de poussières au-delà de 15 mg/Nm3 et, le cas échéant, l'entreprise concernée devra potentiellement installer un nouveau système de dépoussiérage afin d'assurer que les émissions de poussières restent au même niveau que celui initialement autorisé par l’Etat. La société … ayant obtenu l'autorisation pour des émissions de poussières à 20 mg/Nm3, conformément à la section 1.3.1 de la décision MTD, une telle interprétation de la section 1.3.2 rendrait cette section sans pertinence quant aux activités de la société … et, partant, n'aurait jamais dû être utilisée pour imposer un taux inférieur d'émissions de poussières. Une deuxième manière d’interpréter la section 1.3.2 de la décision MTD consisterait à constater que l'installation d'un système SCR peut nécessiter un taux d'émission de poussières de 10-15 mg/Nm3 afin de réduire les émissions de NOx. En effet, la section 1.3.2 prévoit seulement qu'un taux moins élevé d'émissions de poussières « peut » être nécessaire et non qu'il « est » nécessaire. Dans cette logique, l'autorité nationale compétente devrait donc d'abord vérifier que le système SCR mis en place a réellement besoin d'un taux d'émissions de poussières plus bas pour fonctionner avant d'imposer un tel taux inférieur. Or, le ministre n'aurait pas effectué une telle vérification, quand bien même le fabricant du système SCR, la société allemande … GmbH, eût déclaré que son bon fonctionnement ne requerrait pas un taux d'émission de poussières de 10-15 mg/Nm3 et qu'il pouvait fonctionner avec un taux de 25 mg/Nm3. L’appelante conclut ainsi à une violation du principe de proportionnalité par le ministre en imposant un taux d'émission de poussières, alors qu’elle aurait entrepris des mesures pour remplir les objectifs sous-tendant la décision MTD et la directive 2010/75/UE pour se mettre en conformité avec la section 1.3.1 de la décision MTD sur les émissions de poussières et en installant un système SCR afin de respecter le taux d'émission de NOx prévu dans cette même décision MTD. En outre, toute différence de traitement entre les fabricants de verre relatif au taux d'émission de poussières sous les sections 1.3.1 et 1.3.2 de la décision MTD devrait être objectivement justifiée. Les fabricants d’un même produit ne devraient pas se voir imposer des exigences différentes et plus sévères pour les émissions de poussières, selon qu'ils utilisent ou non un système SCR afin de réduire les émissions d’une autre substance. Ainsi, l’efficacité du système SCR ne devrait pas dicter les exigences requises pour les émissions de poussières.

Au vu de ces interprétations divergentes, l’appelante suggère à la Cour de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne au sujet des sections en cause de la décision MTD.

12 L’appelante soutient ensuite que le passage de la section 1.3.2. Oxydes d’azote (NOx) émis par les fours de fusion de la décision MTD se rapporterait uniquement au mode de fonctionnement optimal d’un catalyseur SCR, puisque les auteurs auraient considéré que pour qu’un tel catalyseur fonctionne de façon optimale, lui permettant de garantir un seuil d’émission imposé de NOx, il ne devrait pas être exposé à des émissions de poussières excédant 15 mg/Nm3. Ce seuil ne constituerait ainsi pas un objectif à atteindre au titre des émissions de poussières d’une installation industrielle de production de verre plat, mais s’apparenterait à des recommandations décrivant dans quelles conditions optimales le système SCR peut permettre d’atteindre l’objectif recherché en termes de diminution des émissions de NOx. Or, le fournisseur du système SCR aurait garanti un fonctionnent optimal de celui-ci même en présence d’une émission de poussières pouvant aller jusqu’à 25 mg/Nm3. L’appelante reproche dans ce contexte au tribunal d’avoir écarté à tort les conclusions du fabricant comme n’étant pas suffisamment probantes, en faisant valoir que le renvoi aux conditions légales en matière d’attestations testimoniales serait inopérant à cet égard, puisque l’on ne serait pas en présence de faits, mais d’une question technique. Si l’on optait pour la deuxième interprétation, il aurait appartenu au ministre de vérifier concrètement si le système SCR en question avait réellement besoin d’un taux d’émission de poussières plus bas pour respecter le seuil d’émission de NO x, dès lors que la section 1.3.2 de la décision MTD prévoit seulement qu’un taux moins élevé d’émissions de poussières « peut » être nécessaire et non pas qu’il « est » nécessaire. Vu le caractère par moments vague des conclusions sur les MTD, celles-ci seraient censées servir de référence pour fixer les conditions d’autorisation mais ne sauraient en aucun cas remplacer une appréciation concrète par les autorités nationales. Au vu de ses contestations, elle estime que le tribunal, statuant comme juge de la réformation en la matière, aurait dû ordonner une expertise et elle demande partant à la Cour d’ordonner une expertise afin de voir vérifier si le système SCR nécessite l’application d’un seuil d’émission de poussières de 15 mg/Nm3 afin de respecter le seuil d’émission fixé de NOx. D’après l’appelante, ce ne serait que dans ces conditions, que la condition de la réduction du seuil d’émission des poussières serait conforme au principe de proportionnalité. En baissant le seuil d’émission sans avoir au préalable vérifié sa nécessité, le ministre aurait entaché sa décision d’une erreur d’appréciation.

L’appelante critique encore dans ce contexte les premiers juges d’avoir considéré que des considérations financières ne constitueraient pas un argument valable, même si la notion de coûts excessifs ne figurerait plus à l’article 13 de la loi du 10 juin 1999, il y aurait quand même lieu de prendre en considération l’impact financier engendré par la mesure de réduction litigieuse dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité de la mesure imposée.

La partie intimée rétorque que l’autorisation d’exploitation initiale du 20 juillet 2004, telle que modifiée par la suite, aurait été délivrée sur la base des meilleures techniques disponibles à l’époque qui auraient préconisé des valeurs limites d’émission pour les oxydes d’azote (NOx) de 500-700 mg/Nm3 et de 5-30 mg/Nm3 pour les poussières. Le ministre aurait ainsi arrêté des valeurs limites respectives de 700 mg/Nm3 et de 20 mg/Nm3 en 2004. Or, depuis cette date, la société … n’aurait que rarement respecté la valeur limite d’émission des NOx. Ce serait la raison pour laquelle, en 2006, elle aurait fait une première demande pour 13l’installation d’un catalyseur qui, malgré la délivrance d’une autorisation, n’aurait pas été installé. La société … aurait relancé l’installation en 2012 en reprenant son devis de l’époque et en passant la commande sans tenir compte du changement des exigences légales qui allait intervenir à court terme et malgré le fait que les documents de référence sur les meilleures techniques disponibles sur lesquels se fondent les décisions d’exécution auraient été déjà disponibles au public sur internet avant la publication de la décision MTD de la Commission.

L’Etat précise encore que la première demande d’autorisation du 5 janvier 2012 ayant été déclarée irrecevable, une nouvelle demande aurait été introduite en date du 18 avril 2012 par la société …, soit après la mise en application de la décision MTD, publiée le 8 mars 2012 au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle se réfère au document de référence MTD (BAT reference document), de sorte que l’appelante n’aurait pas pu ignorer ces valeurs limites, d’autant plus que dans la demande d’informations supplémentaires envoyée par l’administration de l’Environnement à la société …, l’administration se serait référée à ces textes et l’appelante y aurait pris position dans son courrier du 27 juin 2012. La partie étatique insiste encore sur le fait que l’administration devrait prendre en considération les valeurs applicables au moment de la délivrance de l’autorisation et non pas celles existant au moment de la demande. L’administration se serait fondée sur le « Best Available techniques (BAT) Reference Document for the manufacture of glass » de 2012 de la Commission européenne qui aurait servi de base à l’élaboration de la décision MTD et qui indiquerait dans son chapitre 4.4.2.7 concernant la technique de fonctionnement d’une installation de réduction d’oxyde d’azote par voie catalytique que « Although high dust systems exist, with glass processes, it is necessary to install a dust removal unit before the SCR unit. This unit must reduce the dust concentration to 10 - 15 mg/Nm3 ». Afin de garantir la protection des intérêts inscrits à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999, le ministre aurait jugé nécessaire de reprendre cet aspect lors de la fixation des conditions d’aménagement et d’exploitation. Se référant encore à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2010/75/UE, le délégué du gouvernement signale que l’autorité compétente doit fixer des valeurs limites d’émission qui garantissent que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’excèdent pas les niveaux d’émission en utilisant les meilleures techniques disponibles et que la valeur limite contestée s’inscrit parfaitement dans la marge de 10-20 mg/Nm3 énoncée par la section 1.3.1 de la décision MTD. Le délégué ajoute que le ministre ne serait pas obligé d’utiliser les valeurs limites maximales des marges indiquées dans la décision MTD, mais que chaque décision serait prise individuellement sur la base du dossier de demande et des intérêts protégés par la loi du 10 juin 1999. Il fournit encore un schéma indiquant les dépassements des valeurs limites moyennes mensuelles lesquelles, bien que non fixées par le ministre, illustreraient parfaitement la fréquence des dépassements par la société … des valeurs journalières d’émission. Par ailleurs, le ministre aurait fixé, à côté des valeurs limites pour les émissions de NOx et de poussières, une valeur limite pour les SOx, lesquelles valeurs limites devraient être respectées cumulativement et seraient interdépendantes les unes des autres. Or, il ne serait pas possible de respecter en même temps les valeurs limites pour les SOx et les poussières.

Quant à une prétendue violation du principe de proportionnalité, le délégué du gouvernement entend réfuter ce moyen, en rappelant que selon la décision MTD, une mise à niveau du système de dépoussiérage afin de garantir une concentration de poussières inférieure 14à 10-15 mg/Nm3 peut s’avérer nécessaire. Or, comme la société … dépasserait depuis une dizaine d’années les valeurs limites pour les oxydes d’azote, il serait important de garantir le bon fonctionnement du système SCR, et notamment d’éviter des défaillances dues à des concentrations en poussières trop élevées. C’est la raison pour laquelle le ministre aurait fixé une valeur limite inférieure à celle ayant servi au dimensionnement du catalyseur, puisqu’une concentration moindre en poussières ne pourrait qu’améliorer l’efficacité du système SCR, la partie appelante n’ayant, à aucun moment, ainsi que cela aurait été retenu à juste titre par les premiers juges, démontré que ce système puisse fonctionner de manière adéquate avec un taux d’émission supérieur à 15 mg/Nm3.

Le délégué du gouvernement conclut encore au rejet du moyen tiré d’un détournement de procédure et de pouvoir, en renvoyant à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 20 décembre 2007 qui aurait consacré le principe de mutabilité des autorisations antérieurement délivrées ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 4, de la loi du 10 juin 1999, pour en déduire que le ministre aurait un pouvoir d’appréciation et qu’il aurait tenu compte des objectifs de ladite loi pour adapter l’autorisation aux circonstances et règlementations en vigueur, de sorte que la décision contestée serait légalement justifiée et proportionnée et aucun détournement ne pourrait être reproché au ministre.

Quant aux questions préjudicielles suggérées par la partie appelante, le délégué du gouvernement n’en voit pas l’utilité, alors que les règles du droit de l’Union européenne qu’il s’agirait d’interpréter seraient parfaitement claires et qu’une réponse à ces questions ne serait pas nécessaire pour rendre une décision dans le présent litige.

S’agissant encore de la demande en vue de l’institution d’une expertise, le délégué fait observer que non seulement la société … n’en aurait pas fait la demande en première instance, mais en plus les éléments du dossier permettraient à suffisance de vérifier le bien-fondé de la décision sous examen.

En termes de réplique, la société … précise que si les valeurs limites pour les émissions de NOx n’auraient pas été respectées à tout moment, cela serait dû à des raisons indépendantes de sa volonté, liées à la mise en exploitation de systèmes de réduction, pour lesquels il n’aurait pas existé à l’époque assez de retours d’expérience, et que différentes technologiques auraient dû être testées, ce dont l’Etat aurait eu connaissance. Elle entend réfuter ensuite le reproche de l’Etat qu’elle aurait repris son devis de l’époque sans s’informer sur l’évolution des documents préparatoires à la base de la décision MTD en insistant sur le fait que sa demande aurait uniquement porté sur l’installation du système SCR de réduction d’oxydes d’azote qui serait sans aucun lien avec l’électrofiltre en place agissant sur les poussières et les SOx, d’une part, et sur le fait que les documents disponibles n’auraient pas imposé une réduction des émissions de poussières inférieures à 20 mg/Nm3, d’autre part, de sorte que l’on ne pourrait que difficilement lui reprocher de ne pas avoir procédé également à la commande d’un nouveau électrofiltre en vue de réduire davantage les émissions de poussières par rapport à ce qui était exigé à l’époque.

La partie appelante souligne ensuite que le ministre ne pourrait pas se fonder sur le 15passage du chapitre 4.4.2.7 du JRC Reference report « Best Available Techniques (BAT) Reference document for the Manufacture of Glass » qui se distinguerait de la décision MTD puisque, ainsi que cela aurait été retenu à bon escient par les premiers juges, ce premier document, à la différence de la décision MTD, n’aurait pas de valeur contraignante, de sorte que le ministre ne pourrait pas s’y appuyer pour justifier sa décision d’imposer une valeur plus stricte que celle prévue par l’arrêté d’exploitation laquelle reste toujours conforme à la décision MTD qui n’a pas jugé nécessaire d’imposer la réduction des émissions de poussières à un seuil inférieur à 15 mg/Nm3. Elle insiste sur le fait que le fabricant du système SCR ait déclaré que le bon fonctionnement de ce système ne requiert pas une réduction du taux d’émission des poussières à un seuil inférieur à 15 mg/Nm3. D’après l’appelante, aucune raison chimique n’imposerait la nécessité de limiter les émissions de poussières, leur présence en nombre abondant pourrait seulement aboutir à bloquer les filtres du catalyseur réduisant son rendement ce qui, par une maintenance et des nettoyages réguliers pourrait être évité.

Quant aux dépassements allégués de la moyenne mensuelle des émissions, tels que renseignés par le tableau produit par le délégué du gouvernement, la partie appelante fait valoir que non seulement l’arrêté d’exploitation n’aurait pas fixé de valeur limite mensuelle, mais encore que ceux-là ne constitueraient qu’un indice d’un ou de plusieurs dépassements journaliers et ne constitueraient pas une infraction aux dispositions de l’arrêté. Dans ce contexte, elle conteste l’exactitude des explications techniques fournies par le délégué du gouvernement, en insistant sur le fait que les émissions de NOx, SOx et de poussières ne seraient pas interdépendantes, mais que les émissions de NOx seraient indépendantes des émissions de SOx et des poussières, lesquelles présenteraient effectivement un lien chimique.

L’ajout de chaux (et non pas de charbon actif comme indiqué par le délégué du gouvernement) au processus serait une technique courante pour la réduction des SOx, et la réaction entre la chaux et les SOx créerait des poussières qui seraient traitées par des électrofiltres. Or, l’électrofiltre n’aurait pas d’influence sur les émissions de NOx qui sont traitées dans le catalyseur. Elle en déduit que les « dépassements » mensuels de SOx seraient indépendants de l’installation du système SCR. Enfin, elle souligne que les dépassements de la moyenne journalière des poussières seraient très peu fréquents et que pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2015, les moyennes journalières des émissions de NOx auraient été respectées. Les moyennes journalières des émissions de SOx auraient été dépassées seulement à 12 reprises, ce qui serait majoritairement dû soit à des problèmes au four, soit à des travaux de maintenance.

Par rapport au moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, la société … fait plaider que la partie étatique ne pourrait pas se référer à la situation ayant existé avant la mise en place du système SCR. Or, à part les mois de novembre 2013 et de septembre 2015, la nouvelle moyenne de 500 mg/Nm3 serait respectée avec un seuil d’émission de poussières au-

dessus de 15 mg/ Nm3, mais en dessous de 20 mg/ Nm3. D’ailleurs au cours de ces deux mois, la moyenne mensuelle des émissions de poussières aurait été de respectivement 16 et de 11,5 mg/Nm3 et qu’il n’y aurait eu que deux dépassements journaliers du seuil de poussières en novembre 2013 et aucun dépassement en septembre 2015, de sorte que l’interaction entre les émissions de NOx et celles de poussières ne serait pas aussi étroite qu’allégué par l’Etat. Elle en conclut qu’il se dégagerait des rapports mensuels d’émission que le fonctionnement adéquat du 16système SCR serait garanti avec des émissions de poussières situées à 20 mg/Nm3.

En ce qui concerne encore sa demande d’institution d’une expertise, l’appelante estime qu’elle aurait produit en première instance suffisamment d’éléments techniques qui auraient dû permettre au juge administratif, statuant comme juge de la réformation, de procéder au réexamen de la décision litigieuse, tout en soulignant que le fabricant du système SCR serait le mieux placé pour évaluer le fonctionnement du système installé par elle, alors que le ministre se serait basé sur une affirmation générale du rapport JRC Reference Report, non retenue telle qu’elle par la décision MTD. Elle donne encore à considérer que si les premiers juges avaient retenu, à tort, qu’ils ne disposaient pas d’éléments techniques suffisamment probants, il leur aurait appartenu d’ordonner une expertise technique au lieu d’écarter simplement ces pièces au motif qu’elles n’auraient pas été établies contradictoirement. Elle maintient partant sa demande de voir instituer une expertise et renvoie la Cour encore à une nouvelle prise de position du fabricant du système SCR qui confirme sa prise de position précédente et à une confirmation du fabricant du catalyseur proprement dit.

La partie étatique insiste, en termes de duplique, sur le fait que les valeurs limites de NOx n’auraient que rarement été respectées depuis la délivrance de l’arrêté ministériel en 2004 et que même des contraintes indépendantes de la volonté de l’appelante ne permettraient pas de justifier leur non-respect. Elle tient encore à préciser qu’elle n’aurait pas allégué que les émissions de NOx, de SOx et de poussières seraient interdépendantes, mais étroitement liées.

Concernant les nouvelles déclarations des fabricants produites par la société … en appel, le délégué du gouvernement demande à ce que ces nouvelles déclarations soient également rejetées, à l’instar de ce qui avait été décidé en première instance.

Il convient de prime abord de relever que l’objet du recours, tel que déjà cadré par les premiers juges, vise uniquement le point 6) de l’article 1er de l’arrêté ministériel du 7 janvier 2013 portant réduction de la valeur limite d’émission des poussières totales de 20 mg/Nm3, telle que fixée initialement par l’arrêté ministériel du 20 juillet 2004, à 15 mg/Nm3.

Les premiers juges sont également à confirmer en ce qu’ils ont retenu, par rapport à la critique de l’appelante selon laquelle le ministre aurait, dans le cadre de la demande d’autorisation d’installation du système SCR, modifié une condition d’exploitation non visée par la demande et en plus sans incidence sur le taux d’émission ainsi visé, procédé à un détournement de procédure ou de pouvoir, que ce dernier, conformément aux termes de l’article 13, paragraphe 4, de la loi du 10 juin 1999 prévoyant en son alinéa 2 que « l’autorisation délivrée peut être modifiée ou complétée en cas de nécessité dûment motivée », peut modifier, sinon compléter les conditions d’exploitation d’un établissement classé en adaptant l’autorisation déjà délivrée, même en dehors de l’initiative de l’exploitant et sans être lié par l’objet d’une éventuelle demande de ce dernier tendant à la modification des conditions d’exploitation qui serait limitée à un certain aspect de l’exploitation. La seule condition légale qui s’impose au ministre est celle de devoir fournir à l’exploitant une motivation de la nécessité des choix ministériels opérés.

17Quant à la motivation de la nécessité servant à justifier la modification opérée par le ministre, dans l’arrêté déféré du 7 janvier 2013, de la condition d’exploitation ayant trait au taux d’émission de poussières totales, la Cour a, par un avis du 18 février 2016, demandé à la partie étatique d’être renseignée sur le motif déterminant ayant présidé à la réduction litigieuse des poussières totales de 20 mg/Nm3 à 15 mg/Nm3. En date du 25 février 2016, l’Etat a fait répondre à travers son ministre de l’Environnement que la réduction de la valeur limite d’émission pour les poussières totales était seulement et uniquement motivée par le bon fonctionnement de l’installation de réduction d’oxyde d’azote (NOx) par voie catalytique (système SCR), tout en précisant que pour satisfaire aux objectifs de la loi du 10 juin 1999 le bon fonctionnement du système SCR devait être garanti à tout moment. D’après la partie étatique, un tel fonctionnement ne pourrait être atteint et garanti qu’avec un taux de poussières inférieur ou égal à 15 mg/Nm3, et cette valeur se situerait dans la fourchette comprise entre 10 mg/Nm3 et 20 mg/Nm3, telle que prévue par le droit européen.

Pour justifier donc la réduction du seuil du taux d’émission de poussières à 15 mg/Nm3, le ministre s’est basé sur la décision MTD ainsi que sur le JRC Reference Report, pris au titre de la directive 2010/75/UE. En instance d’appel, l’Etat ne conteste plus que le JRC Reference Report n’a pas de valeur contraignante, de sorte que la Cour n’a plus à revenir sur cette question et ne statuera de suite que par rapport à la décision MTD ayant seule valeur contraignante et qui présente les conclusions concernant les meilleures techniques disponibles du moment et qui doivent servir de référence pour la fixation des conditions d’autorisation des installations.

Quant à l’argument de la partie appelante que la décision MTD ne lui serait pas applicable au motif que celle-ci aurait été publiée après l’introduction de sa demande d’autorisation, il ne saurait valoir, étant donné que la société … a dû introduire une deuxième demande d’autorisation après qu’une première demande datant du 5 janvier 2012 eût été déclarée irrecevable par l’administration de l’Environnement au motif que le dossier de demande n’était pas complet, et cette demande complétée a ainsi été introduite le 19 avril 2012, soit après la publication de la décision MTD en date du 8 mars 2012 au Journal officiel de l’Union européenne.

La décision MTD retient, sous la section 1.3.1, concernant les poussières émises par les fours de fusion utilisés dans le secteur du verre plat, un taux d’émission compris entre 10 et 20 mg/Nm3. Quant à la section 1.3.2 de la décision MTD, intitulée « Oxydes d’azote (NOx) émis par les fours de fusion », elle précise que la meilleure technique disponible « consiste à réduire les émissions de NOx du four de fusion par une ou plusieurs des techniques suivantes : (…) II.

Techniques secondaires (…) ii. Réduction catalytique sélective (SCR) : L’application de la technique peut nécessiter une mise à niveau du système de dépoussiérage afin de garantir une concentration des poussières inférieure à 10-15 mg/Nm3 (…) ».

L’Etat a confirmé, dans sa communication précitée du 25 février 2016, que la seule raison, pour laquelle il a procédé à la réduction litigieuse du taux d’émission pour les poussières, était de garantir le bon fonctionnement du système SCR en vue de la réduction des émissions de NOx, d’autant plus qu’à ses yeux, la société … ne respectait pas depuis des années les valeurs limites pour les émissions de NOx. Or, indépendamment de toutes considérations quant au bien-fondé de cette affirmation de l’Etat relative à de tels dépassements, la Cour est 18amenée à constater que la section 1.3.2 de la décision MTD, qui traite des émissions de NOx par un four de fusion, prévoit uniquement que si la technique secondaire d’un système SCR est utilisée, comme cela est le cas en l’occurrence, « l’application de la technique peut nécessiter une mise à niveau du système de dépoussiérage afin de garantir une concentration des poussières inférieure à 10-15 mg/Nm3… », mais ne l’érige pas en une obligation impérative.

C’est partant à tort que le ministre a retenu dans l’arrêté litigieux que la meilleure technique disponible du moment exigeait pour un bon fonctionnement d’un système SCR que les poussières ne doivent pas dépasser 10-15 mg/Nm3. Ce constat ne saurait être invalidé par la référence de l’Etat au JRC Reference Report pour justifier la nécessité de la réduction de la valeur limite d’émission litigieuse, étant donné que ce document, tel que rappelé ci-dessus, n’a pas de valeur contraignante et que la conclusion y prévue n’a pas été reprise comme telle par la décision MTD.

Il n’est pas contesté que la section 1.3.1 de la décision MTD vise à réduire les émissions de poussières des fours de fusion et prévoit des valeurs limites pour les émissions de poussières qui se situent dans une fourchette comprise entre 10 et 20 mg/Nm3, tandis que la section 1.3.2 a trait aux meilleures techniques disponibles afin de réduire les NOx. Or, en ce qui concerne l’application de la technique secondaire relative à l’application d’un système SCR, le point II.

ii. de la section 1.3.2 de la décision MTD prévoit que la mise en place de cette technique peut nécessiter une mise à niveau du système de dépoussiérage afin de garantir une concentration de poussières inférieure à 10-15 mg/Nm3, mais ne l’impose pas.

La partie appelante, afin de démontrer l’absence d’une telle nécessité, a fourni déjà en première instance un courriel du 17 juin 2013 du fabricant du système SCR, la société … GmbH, lui confirmant que « (…) der Betrieb der SCR mit einem Staubgehalt von 25 mg/Nm3, trocken kein Problem ist. Es kann hierdurch zu häufigeren Abreinigungen durch die Russblätter kommen, die Funktionalität/NOx Abscheidung wird jedoch nicht negativ beeinflusst (…). En instance d’appel, elle produit un courrier supplémentaire de la même entreprise datant du 11 novembre 2015 et qui confirme une nouvelle fois que « der gelieferte Katalysator für die SCR in …, mit einem Pitch vun 5,9 mm, kann bedenkenlos mit einem Staubgehalt von bis zu 25mg/nm3 betrieben werden. Die NOx Abscheiderate wird hierdurch nicht negatif beeinträchtigt (…) ». Contrairement aux premiers juges, la Cour est amenée à conclure, au vu des déclarations du fabricant du système SCR qui présentent des garanties de preuve suffisantes et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, que la partie appelante a ainsi démontré à suffisance de droit qu’il n’est point nécessaire de réduire la valeur limite d’émission pour les poussières afin de garantir le bon fonctionnement du système SCR qui est mis en place pour réduire les émissions de NOx.

Or, dans la mesure où le fabricant du système SCR garantit ainsi le fonctionnement adéquat du catalyseur servant à réduire les émissions de NOx, même en présence d’un taux d’émission de poussières totales de 25 mg/Nm3, et à défaut de contestations plus circonstanciées de la part de l’Etat à cet égard, la nécessité pour le ministre de procéder à la réduction litigieuse du taux d’émission pour les poussières totales de 20 à 15 mg/Nm3 n’a pas été établie à suffisance de droit.

Il s’ensuit que c’est à tort que le ministre a procédé à la réduction litigieuse, de sorte que 19l’appel est fondé et l’arrêté ministériel n° 1/12/0182 du 7 janvier 2013, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux, sont à réformer en ce sens que la valeur limite pour les émissions de poussières totales énoncée au point 6) de l’article 1er dudit arrêté ministériel est de 20 mg/Nm3.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation du jugement entrepris du 1er octobre 2015, déclare recevable le recours en réformation initial en tant que dirigé contre une décision implicite de rejet du ministre sur recours gracieux formé contre l’arrêté ministériel n° 1/12/0182 du 7 janvier 2013 et dit que ledit arrêté ministériel ainsi que la décision implicite de rejet sont à réformer en ce sens que la valeur limite pour les émissions de poussières totales indiquée au point 6) de l’article 1er dudit arrêté est de 20 mg/Nm3 ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de l’Environnement ;

condamne l’Etat aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2016 Le Greffier de la Cour administrative 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 37158C
Date de la décision : 28/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2016-04-28;37158c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award