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02/02/2016 | LUXEMBOURG | N°37078C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 février 2016, 37078C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 37078C du rôle Inscrit le 23 octobre 2015

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Audience publique du 2 février 2016 Appel formé par la société … S.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 septembre 2015 (n° 35235 du rôle) en matière de droits de douane Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 37078C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 23 octobre 2015 par Maître Anne-Sophie GREDEN, avocat à la

Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la socié...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 37078C du rôle Inscrit le 23 octobre 2015

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Audience publique du 2 février 2016 Appel formé par la société … S.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 septembre 2015 (n° 35235 du rôle) en matière de droits de douane Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 37078C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 23 octobre 2015 par Maître Anne-Sophie GREDEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant en fonctions, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 21 septembre 2015 (no 35235 du rôle), par lequel ledit tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur son recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du directeur de l’Administration des Douanes et Accises du 4 septembre 2014 portant rejet de son recours introduit le 22 août 2014 à l’encontre d’une décision de l’administration des Douanes et Accises du 14 août 2014 l’ayant invitée à fournir un cautionnement, ainsi que d’une décision confirmative du même directeur du 17 septembre 2014;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2015 par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 décembre 2015 en nom et pour compte de l’appelante;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 2016;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne-Sophie GREDEN et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 janvier 2016.

Par décision du 14 août 2014, l’administration des Douanes et Accises invita la société à responsabilité limitée … S.à r.l., ci-après dénommée la « société … », à fournir, en sa qualité d’agent en douane ayant procédé au dédouanement de marchandises importées de Chine par la société de droit polonais … (PL…), un cautionnement à hauteur de 122.865,81 €, pour assurer la juste perception de droits de douane dus, étant précisé que la valeur déclarée paraissait, aux yeux de ladite administration, comme étant sous-

évaluée.

Par courrier de son mandataire du 22 août 2014, la société … saisit le directeur de l’administration des Douanes et Accises, ci-après désigné par le « directeur », d’un recours, sur base de l’article 243 du règlement (CEE) N° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, à l’encontre de la décision, précitée du 14 août 2014.

Ce recours fut rejeté par décision directoriale du 4 septembre 2014.

Le 11 septembre 2014, le mandataire de la société … s’adressa au directeur pour solliciter une prolongation du délai pour fournir le cautionnement sollicité, prolongation qui fut accordée par le directeur par décision du 17 septembre 2014 jusqu’au 25 septembre 2014.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2014, la société … fit introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation des décisions directoriales prévisées des 4 et 17 septembre 2014.

Par jugement du 21 septembre 2015, le tribunal administratif se déclara incompétent ratione materiae pour statuer sur le recours contentieux de la société ….

Les premiers juges estimèrent en substance que la demande de cautionnement de l’administration des Douanes et Accises litigieuse adressée à la société …, afin de garantir le paiement ultérieur des droits de douane réellement dus du chef de l’importation de marchandises en provenance de la Chine par un de ses clients, s’inscrirait dans une partie du contentieux fiscal qui n’a pas été dévolue par le législateur au juge administratif.

Par requête déposée le 23 octobre 2015 au greffe de la Cour administrative, la société … a régulièrement relevé appel du jugement du 21 septembre 2015.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante critique la décision d’incompétence ratione materiae des premiers juges et spécialement leur lecture et application de l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Selon l’appelante, après l’énoncé de la compétence des juridictions administratives pour connaître des impôts directs de l'État, il exclurait cette compétence pour « les impôts dont l'établissement et la perception sont confiées à l'Administration de l'Enregistrement et des Domaines et à l'Administration des Douanes et Accises » et il « saute aux yeux dans le libellé de cette exception (…) qu'il n'est question que d'impôts, sans adjectif qualificatif », c’est-à-dire qu’il ne serait pas distingué entre impôts directs ou indirects, mais simplement d'impôts.

Ainsi, tous les impôts, directs et indirects, dont l'établissement et la perception sont confiés à l'administration de l’Enregistrement et des Domaines et à l’administration des Douanes et Accises seraient exceptés. Elle pointe la restriction de l’exception aux seuls impôts établis ou perçus par ces administrations et soutient que de la sorte ne seraient visés que les « impôts qui sont créés par l'autorité nationale et qui sont perçues par elle à son profit ».

Ainsi, dès lors que les droits de douane ne seraient pas établis par le Grand-Duché de Luxembourg et ne seraient pas perçus par le Luxembourg, car établis par et pour l'Union Européenne, ils ne seraient pas visés par l’exception légale et, par conséquent, « les impôts directs ou indirects de l'Administration de l'enregistrement ou de celle des douanes relèvent de la compétence du tribunal administratif dans la mesure où ils ne sont ni à la fois établis et perçus par l'État luxembourgeois ».

En termes de réplique, elle insiste encore sur ce que la jurisprudence des juridictions administratives en matière de taxes sur les véhicules routiers ne serait pas pertinente pour toiser la question de compétence litigieuse, alors qu’il s’agirait d’une imposition dont l'établissement et la perception sont confiés à l'administration de l'Enregistrement et des Domaines, ce qui différerait en matière de droits de douane.

Elle estime encore que le législateur aurait visé un but particulier en énonçant expressément l’exception de l’article 8 de la loi précitée du 7 novembre 1996 et que « le seul sens qu'on puisse trouver à cette exception, c'est que les impôts dont l'établissement et la perception ne sont pas confiés aux administrations concernées, tout en relevant techniquement c'est-à-dire administrativement d'elles, restent de la compétence des juridictions administratives au même titre que les impôts directs ».

Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement entrepris.

Aux termes de l’article 95bis (1) de la Constitution, « le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative. Ces juridictions connaissent du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par la loi ».

Il se dégage de cette disposition que le juge administratif n’est pas le juge de droit commun du contentieux fiscal, mais le tribunal administratif et la Cour administrative ne sont compétents pour en connaître que dans la mesure où il leur est expressément attribué par la loi.

Or, il convient de constater que le législateur n’a conféré compétence au juge administratif que pour connaître du contentieux relatif à certains impôts.

En effet, la compétence des juridictions administratives en matière fiscale est réglée par l’article 8 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, qui attribue au tribunal administratif la compétence de « connaître des contestations relatives :

a) aux impôts directs de l’Etat, à l’exception des impôts dont l’établissement et la perception sont confiés à l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines et à l’Administration des Douanes et Accises et b) aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires. » Il s’ensuit que la compétence du tribunal administratif, en première instance, et de la Cour administrative, en instance d’appel, se limite aux impôts directs de l’Etat et aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires.

Or, force est de prime abord de constater que même indépendamment de toutes considérations relativement au fait que leur établissement et leur perception sont confiés à l’administration des Douanes et Accises, les droits de douane ne constituent ni des « impôts directs de l’Etat », ni encore des « impôts et taxes communaux » au sens des points a) et b) de l’article 8 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996.

S’il est constant en cause que les droits de douane ne constituent pas des impôts et taxes communaux, il est également manifeste qu’ils ne constituent pas non plus des impôts directs de l’Etat, ne serait-ce que du fait que contrairement aux impôts directs, où l’assujetti et le redevable sont la même personne, les droits de douane ne frappent pas directement la personne, mais n’atteignent le contribuable qu’indirectement, à l’occasion des transactions qu’il fait, le redevable légal pouvant reporter la charge fiscale sur des tiers, les redevables effectifs.

Ce constat emporte à lui seul la conséquence que les contestations relatives aux droits de douane ne figurent pas parmi les contestations en matière fiscale pour lesquelles le législateur a attribué une compétence d’attribution aux juridictions administratives.

Ainsi, même à suivre le raisonnement de la partie appelante en ce qu’elle fait soutenir que les droits de douane ne relèveraient pas stricto sensu de l’« exception des impôts dont l’établissement et la perception sont confiés à l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines et à l’Administration des Douanes et Accises », telle qu’elle est expressément prévue au point a) de l’article 8 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, pareil état des choses ne serait pas pour autant de nature à lui faire empreindre la nature d’un « impôt direct de l’Etat » pour lesquels les juridictions administratives ont reçu compétence d’attribution.

Ceci dit, aux yeux de la Cour, l’exception prévue à l’article 8 (1) point a) de la loi précitée du 7 novembre 1996 ne doit pas être lue et interprétée, comme le fait la partie appelante, comme la soustraction d’un sous-ensemble, en l’occurrence celui des impôts -

directs et indirects- fixés et perçus par l’administration des Douanes et Accises, d’un ensemble plus large, en l’occurrence celui des impôts de l’Etat, mais en ce sens que le législateur, après avoir conféré compétence d’attribution au juge administratif du contentieux des impôts directs de l’Etat, a précisé qu’il entendait ainsi exclure de la compétence du juge administratif les impôts perçus par l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et par l’administration des Douanes et Accises, qui restent de ce fait du ressort du juge de droit commun, à savoir les juridictions de l’ordre judiciaire. L’ensemble des contestations ainsi exclues de la compétence du juge administratif n’est manifestement pas un sous-ensemble des impôts directs de l’Etat, ne fût-ce du fait qu’il englobe au-delà des impôts directs, des impôts indirects.

Ceci étant dit, les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont considéré que le litige sous examen ayant trait à une contestation de l’actuelle appelante d’une demande de fourniture d’un cautionnement destiné à garantir le paiement ultérieur de droits de douane, relève du droit fiscal en ce qu’il a en substance pour objet la remise en question de la validité et du montant d’une garantie de perception de tout ou partie d’une dette douanière, d’une part, et en ce qu’ils ont conclu que pareille contestation ne rentre pas dans le champ de compétence attribué au juge administratif par l’article 8 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et le jugement a quo est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

le dit non fondé et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris;

condamne l’appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. CAMPILL 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 37078C
Date de la décision : 02/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2016-02-02;37078c ?

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