La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2015 | LUXEMBOURG | N°35962C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 juillet 2015, 35962C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 35962C Inscrit le 6 mars 2015

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 7 juillet 2015 Appel formé par M. … …, …, et M. … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 janvier 2015 (n° 34021 du rôle) dans un litige les opposant à des décisions du directeur de l’administration des Contributions directes et des bulletins d’impôt en matière d’impôt sur les revenus d’entreprises collectives

et d’impôt sur le revenu

-------------------------------------------------------------...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 35962C Inscrit le 6 mars 2015

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 7 juillet 2015 Appel formé par M. … …, …, et M. … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 janvier 2015 (n° 34021 du rôle) dans un litige les opposant à des décisions du directeur de l’administration des Contributions directes et des bulletins d’impôt en matière d’impôt sur les revenus d’entreprises collectives et d’impôt sur le revenu

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 35962C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2015 par Maître Nathalie WEBER-FRISCH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L-…, et de Monsieur … …, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 28 janvier 2015 (n° 34021 du rôle), les ayant déboutés de leur recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation :

1. du bulletin d’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de la copropriété « … … et … … » du 28 novembre 2012 relatif à l’imposition de l’année 2008 ;

2. du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2008 émis à l’égard de Monsieur … … et de son épouse en date du 5 décembre 2012 ;

3. du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2008 émis à l’égard de Monsieur … … et de son épouse en date du 19 décembre 2012 ;

4. de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 novembre 2013 portant le numéro du rôle C18240 rendue sur réclamation ;

5. de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 novembre 2013 portant le numéro du rôle C18414 rendue sur réclamation ;

6. d’une décision implicite de refus du même directeur, ainsi qualifiée ;

7. d’un courrier du 4 février 2013 du même directeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 3 avril 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 avril 2015 par Maître Nathalie WEBER-FRISCH pour compte de Monsieur … … et de Monsieur … … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan MICHEL, en remplacement de Maître Nathalie WEBER-FRISCH, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou THILL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 juin 2015.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par un courrier du 4 octobre 2012, le bureau d’imposition Luxembourg 6, section des personnes physiques, du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à la copropriété … … et … … sur le fondement du paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », concernant le calcul et l’imposition d’une plus-

value dégagée par elle de la cession de l’immeuble sis à L-….

En date du 28 novembre 2012, le bureau d’imposition émit à l’égard de la copropriété … … et … … le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2008, ci-après désigné par le « bulletin d’établissement », en retenant, du chef de la cession de l’immeuble susvisé, un bénéfice de cession suivant l’article 99ter de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », d’un montant de …. €, imputé à hauteur de 50% à chacun des indivisaires.

En date du 5 décembre 2012, le bureau d’imposition Luxembourg 2 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de Monsieur … …, imposé collectivement avec son épouse, Madame …, le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 en reprenant la quote-part de Monsieur … … dans les revenus repris dans le bulletin d’établissement à titre de revenus nets divers.

Le 19 décembre 2012, le bureau d’imposition Capellen de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, émit à l’égard de Monsieur … …, imposé collectivement avec son épouse, Madame …, le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 en reprenant à titre de revenus nets divers sa quote-part dans les revenus provenant de la cession mentionnée dans le bulletin d’établissement.

Par un courrier du 28 décembre 2012, Monsieur … … et Monsieur … … s’adressèrent au bureau d’imposition pour contester la fixation des bases d’imposition retenue dans le bulletin d’établissement.

Suite à une demande afférente lui soumise par Monsieur … … par courriel du 24 janvier 2013, le directeur l’informa, par courrier du 4 février 2013, sur le régime d’imposition relativement à l’immeuble susvisé en les termes suivants :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande adressée par courriel du 24 janvier 2013 à mon secrétariat et concernant l’imposition de la plus-value réalisée suite à la vente de l’immeuble dépendant de la succession.

Le paragraphe 8bis première phrase de la loi d’évaluation des biens et valeurs (Bewertungsgesetz) du 16 octobre 1934, tel qu’il a été introduit par l’article 15 de la loi du 30 juillet 2002, prévoit que la date du transfert à titre onéreux d’un droit réel portant sur un bien immobilier est la date de l’acte notarié ou la date du jugement en tenant lieu ou la date de l’acte administratif en tenant lieu.

Les modalités d’actes sous seing privé, tels que promesses ou compromis de vente antérieurs à l’acte notarié ne sont d’aucun effet du point de vue de l’imposition des plus-

values immobilières. La loi fiscale est en effet d’interprétation stricte.

Je regrette dès lors de ne pas pouvoir faire droit à votre demande ».

Par un courrier de leur mandataire du 20 février 2013, Monsieur … … et Monsieur … … firent introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par le « directeur », une réclamation dirigée contre les « bulletins d’impôt du 28 novembre 2012, pour Monsieur … …, et, pour Monsieur … …, du 19 décembre 2012, relatif à l’imposition de l’année 2008 ».

Par une décision du 12 novembre 2013, référencée sous le numéro C 18240 du rôle, le directeur rejeta la réclamation du 28 décembre 2012 dirigée contre le bulletin d’établissement du 28 novembre 2012 comme non fondée sur base des motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 28 décembre 2012 par Maître Nathalie Weber-Frisch au nom des sieurs … … et … …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'établissement en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés de la copropriété « … … et … … » de l'année 2008, émis le 28 novembre 2012 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition d'avoir imposé un revenu provenant d'une plus-value réalisée lors de la vente d'un immeuble sis à …, alors qu'il s'agirait de la résidence principale au sens de l'article 102bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) de leur mère, feu la dame … ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que les réclamants ont acquis, chacun à raison d'une moitié indivise, par voie de succession directe, en date du 8 juin 2008, un immeuble sis à … ;

que cet immeuble constituait la résidence principale en vertu de l'article 102bis L.I.R. de leur mère du 1er septembre 1959 jusqu'au 8 juin 2008, date de son décès ;

Considérant que le fait que l'immeuble aliéné est à considérer comme résidence principale de la défunte est ni contesté par les réclamants, ni par le bureau d'imposition ;

Considérant que les réclamants contestent cependant l'imposition de la plus-value dégagée lors de la vente en date du 17 juillet 2008 dans leur chef en arguant que le contrat de vente aurait été « conclu et effectif par la rencontre de la volonté des personnes en cause, dès avant le décès » de leur mère ;

Considérant que l'immeuble a été vendu par les réclamants en vertu d'un acte de vente daté au 17 juillet 2008 au prix de … euros ;

Considérant qu'en vertu de l'article 99ter alinéa 2 L.I.R. le revenu provenant de l'aliénation à titre onéreux d'immeubles est égal à la différence entre, d'une part, le prix de réalisation et, d'autre part, le prix d'acquisition ou de revient augmenté des frais d'obtention; que le prix d'acquisition ou de revient est réévalué en vertu de l'article 102 alinéa 6 L.I.R .;

Considérant qu'il est incontestable qu'au moment de l'aliénation à titre onéreux de l'immeuble concerné, les réclamants y étaient propriétaires, chacun pour une moitié indivise, pour l'avoir acquis par voie de succession en ligne directe tel que documenté par l'acte de vente du 17 juillet 2008 ;

Considérant qu'en vertu du § 8bis de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs (BewG) la date du transfert à titre onéreux d'un droit réel portant sur un bien immobilier est la date de l'acte notarié ou la date du jugement en tenant lieu ou la date de l'acte administratif en tenant lieu; qu'en espèce le transfert documenté dans l'acte notarié n'est affecté ni par une condition suspensive, ni par une condition résolutoire ;

Considérant qu'il en résulte que les modalités de quelconques promesses de ventes précédant l'acte notarié ne sont donc pas à analyser pour la détermination du transfert de sorte, qu'en l'occurrence, la date de l'acte de vente du 17 juillet 2008 fait foi ;

Considérant que c'est dès lors à bon droit que le bureau d'imposition a procédé au calcul d'une plus-value dégagée résultant de la vente de l'immeuble suivant acte de vente du 17 juillet 2008 et imputé les quotes-parts afférentes à part égale dans le chef des sieurs … … et … … ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; […] ».

Par une décision du 12 novembre 2013, référencée sous le numéro C 18414 du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation introduite le 20 février 2013 contre le bulletin d’établissement du 28 novembre 2012 et contre le bulletin de l’impôt sur le revenu émis à l’égard des époux … … et … 19 décembre 2012, ladite décision étant fondée sur les motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 20 février 2013 par Maître Nathalie Weber-Frisch, au nom des sieurs … … et … …, demeurant à L-…respectivement à L-…, pour réclamer contre le bulletin d'établissement séparé et en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés de la copropriété … … et … … de l'année 2008, émis le 28 novembre 2012 et contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 émis à l'encontre des époux, le sieur … … et la dame …, le 19 décembre 2012 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l'introduction par une requête unique de deux demandes distinctes mais néanmoins semblables, n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites (cf. CE 6.2.1996, no 8925);

que la présente décision portera sur la réclamation dirigée contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 émis à l'encontre des époux, le sieur … … et la dame …, en date du 19 décembre 2012, le recours dirigé contre le bulletin d'établissement séparé et en commun de la copropriété … … et … … de l'année 2008 étant vidé séparément sous le numéro du rôle C 18240 ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants contestent l'imposition d'une plus-value réalisée suite à la vente d'un immeuble sis … ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le bureau d'imposition a ajouté un revenu net divers pour l'année d'imposition litigieuse suivant renvoi concernant le revenu établi en commun de la copropriété … … et … … dans laquelle les réclamants détiennent la moitié des parts ;

Considérant que les abattements en vertu de l'article 130 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) ont été appliqués par le bureau d'imposition ;

Considérant que ce revenu a été établi séparément et en commun conformément au § 215, alinéa 2 AO, par le bureau compétent ;

Considérant qu'une imposition qui est basée en tout ou en partie sur des revenus établis séparément, ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes ;

qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre les bulletins portant établissement desdits revenus (§ 232, alinéa 2 AO) ;

Considérant d'ailleurs que si un bulletin d'établissement séparé et en commun a fait l'objet d'une réclamation, toute réformation du bulletin d'établissement entraînera d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur la base dudit bulletin d'établissement (§ 218, alinéa 4 AO); […] ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2014, Monsieur … … et Monsieur … … firent introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre  le bulletin d’établissement,  le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 émis à l’encontre de Monsieur … … et de son épouse, Madame …, le 5 décembre 2012,  le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 émis à l’encontre de Monsieur … … et de son épouse, Madame …, le 19 décembre 2012,  la décision du directeur du 12 novembre 2013, n° C 18240 du rôle,  la décision du directeur du 12 novembre 2013, n° C 18414 du rôle,  une décision implicite de refus du directeur de faire droit à une réclamation introduite par Monsieur … … à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu du 5 décembre 2012,  le courrier du directeur du 4 février 2013.

Dans son jugement du 28 janvier 2015, le tribunal administratif déclara irrecevable le recours pour autant qu’il fut dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 émis à l’égard de Monsieur … … et de son épouse, Madame …, contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de la même année émis à l’égard de Monsieur … … et de son épouse, Madame …, contre le bulletin d’établissement, contre une décision implicite de refus du directeur et contre le courrier du même directeur du 4 février 2013. Il se déclara compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les deux décisions directoriales du 12 novembre 2013 portant les nos C 18240 et C 18414 du rôle et reçut ledit recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta, rejeta l’offre de preuve formulée par les demandeurs, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et condamna les demandeurs aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2015, Monsieur … … et Monsieur … … ont fait régulièrement relever appel de ce jugement du 28 janvier 2015.

Quant à la recevabilité de leur recours, les appelants concluent à la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le recours dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu visant Monsieur … … et son épouse, Madame …, irrecevable à défaut de réclamation introduite à son encontre. Ils critiquent le tribunal pour avoir écarté la qualification de réclamation à l’égard du courrier électronique du 23 janvier 2013 adressé par Monsieur … … à l’administration des Contributions directes et ils soulignent que ce courriel ne consisterait pas uniquement en une simple demande de rendez-vous dans la mesure où il comporterait un argumentaire critique du bulletin d’impôt visé en soutenant que la vente aurait été parfaite du vivant de leur mère, Madame … et qu’elle devrait être traitée en conséquence au niveau de l’imposition. Dans la mesure où le directeur n’aurait pas formellement toisé cette réclamation mais aurait seulement réagi à travers son courrier du 20 février 2013, ladite réclamation n’aurait fait l’objet d’aucune décision définitive, de manière que le recours contentieux dirigé contre ledit bulletin devrait être déclaré recevable.

C’est cependant à juste titre que les premiers juges ont dénié au courriel du 23 janvier 2013 la nature d’une réclamation dans la mesure où dans ledit écrit, Monsieur … a sollicité uniquement l’obtention d’un rendez-vous auprès du directeur afin de lui soumettre le cas d’imposition litigieux. Si Monsieur … a certes indiqué qu’il entendrait « discuter de vive voix notre argumentaire … en vue de la recherche d’une solution », il ne se dégage cependant pas sans équivoque de ce courrier électronique que l’intention de son auteur ait été celle de réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu émis le 5 décembre 2012 et de solliciter un réexamen de l’imposition.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le tribunal a déclaré le recours irrecevable omisso medio en ce qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu visant les époux …-….

La Cour tient à relever, comme les appelants l’ont admis eux-mêmes, que l’irrecevabilité du recours contre le bulletin de l’impôt sur le revenu émis à l’égard des époux …-… ne préjudicie pas aux intérêts de ces derniers par rapport à l’objet du litige sous examen, étant donné qu’un éventuel redressement du bulletin de base que représente le bulletin d’établissement du 28 novembre 2012 suite au recours sous examen entraînerait, conformément au § 218 (4) AO, d’office le redressement du bulletin subordonné que constitue le bulletin de l’impôt sur le revenu du 5 décembre 2012.

Les appelants se rapportent à l’appréciation de la Cour relativement à la recevabilité de leur recours par rapport aux autres actes déférés.

C’est à juste titre que le tribunal s’est fondé sur les dispositions de l’article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif pour décider que, d’une part, le recours introduit contre une décision implicite de refus du directeur est irrecevable, étant donné que ledit article prévoit que le recours, en cas de silence du directeur suite à une réclamation, est à adresser contre la décision qui a fait l’objet de la réclamation, et, d’autre part, qu’un recours peut être dirigé directement contre un bulletin uniquement dans l’hypothèse où suite à une réclamation introduite par le contribuable aucune réponse n’est intervenue endéans un délai de six mois, respectivement si aucune décision du directeur n’est intervenue suite à une demande de remise gracieuse. Il a ainsi valablement déclaré le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’établissement et le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008 émis à l’encontre des époux …-… le 19 décembre 2012 au vu des deux décisions directoriales du 12 novembre 2013. C’est pareillement à bon droit que le tribunal a déclaré le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le courrier du directeur du 4 février 2013 qui fait suite au courrier électronique susvisé du 23 janvier 2013, au motif que ce courrier, dans lequel le directeur se limite à répondre à une demande d’une entrevue et à rappeler les motifs de l’imposition critiquée, n’est pas à qualifier de bulletin au sens du paragraphe 228 AO, ni comme une décision prise par le directeur sur réclamation.

L’argumentation des appelants relative à la recevabilité de leur recours est partant à rejeter.

Quant au fond de leur appel, les appelants exposent qu’au début de l’année 2008, leur mère aurait décidé de procéder à la vente de sa maison sise à …, en vue de se retirer dans le Foyer « … » et aurait mandaté à ces fins ses deux fils, les appelants. Une première offre aurait été soumise le 22 février 2008 mais n’aurait pas été jugée comme étant suffisante. Dès mai 2008, Monsieur … …, gérant de plusieurs sociétés immobilières, aurait manifesté un intérêt pour l’acquisition de l’immeuble et aurait à ces fins fait calculer par un architecte les surfaces constructibles sur la parcelle concernée. Par un courrier du 2 juin 2008, Monsieur … aurait fait une première offre pour un montant de … € comme base de discussion. Suite à des pourparlers effectués les jours suivants, un accord sur l’objet et sur le prix de vente de … € aurait été trouvé et conclu oralement avec la propriétaire en date du 7 juin 2008 entre Monsieur …, d’une part, et les demandeurs agissant comme mandataires de leur mère, d’autre part, tel que cet accord serait confirmé par une attestation testimoniale de Monsieur …. Leur mère serait cependant décédée inopinément le lendemain de cet accord, soit le 8 juin 2008. Un compromis de vente formalisant l’accord aurait été signé le 25 juin 2008 entre Monsieur … et eux-mêmes, en tant que héritiers de Madame …, et l’acte notarié afférent aurait été signé le 17 juillet 2008. Les demandeurs critiquent actuellement l’imposition de la plus-value réalisée par la vente de l’immeuble en question dans leur chef.

En droit, les appelants invoquent en premier lieu le cas de force majeure. Ils soutiennent que s’il est exact que le § 8bis de la loi d’évaluation des biens et valeurs du 16 octobre 1934, telle que modifiée, intitulée « Bewertungsgesetz », en abrégé « BewG », prévoit que la date du transfert à titre onéreux d’un droit réel portant sur un bien immobilier serait la date de l’acte notarié, celle du jugement en tenant lieu ou celle de l’acte administratif en tenant lieu, l’administration aurait dû tenir compte des circonstances très particulières de droit et de fait de l’espèce, en ce que les pourparlers auraient abouti du vivant de leur mère à un accord sur l’objet et sur le prix, que l’acte notarié aurait normalement été reçu dans les jours ayant suivi l’accord, et partant du vivant de la propriétaire de l’immeuble qui, pour celle-ci, aurait représenté son habitation principale, entraînant l’exemption de la plus-value de cession, mais que la signature de l’acte notarié aurait été empêchée par son décès inopiné, qui serait à considérer comme un cas de force majeure. Les bulletins litigieux auraient ainsi été établis en violation des normes supérieures à la loi fiscale ou du moins équivalentes dans la hiérarchie des normes, la force majeure devant écarter la règle de droit applicable en principe.

Ils se réfèrent à la définition de la force majeure telle qu’énoncée dans un arrêt de la Cour de cassation belge du 22 février 2010 et soutiennent que si un accord sur l’objet et sur le prix de … € avait été trouvé du vivant de Madame …, la passation de l’acte notarié entre parties aurait en l’espèce été empêchée par la survenance d’un évènement répondant aux caractéristiques d’un cas de force majeure, ce qui aurait pour conséquence qu’en tant que héritiers de Madame …, ils seraient en droit de se prévaloir des dispositions fiscales s’appliquant en matière de vente d’une première résidence. Ils font valoir que la force majeure s’appliquerait en matière de responsabilité contractuelle, délictuelle et quasi délictuelle aussi bien en droit privé qu’en droit public et partant également en droit fiscal, en se référant à cet égard à la doctrine et en citant des cas d’application de la force majeure en droit fiscal luxembourgeois. Ils s’emparent également de l’article 724 du Code civil pour en déduire qu’ils auraient été tenus par la vente conclue la veille par leur mère en application du principe de la continuation de la personne de la défunte par ses héritiers et qu’à défaut, leur responsabilité contractuelle en qualité d’héritiers aurait été engagée. Le décès de la mère des appelants constituerait partant un cas de force majeure à deux niveaux, à savoir, d’une part, l’impossibilité en découlant pour Madame … de signer elle-même l’acte notarié de cession et, d’autre part, l’obligation légale des héritiers de cette dernière de procéder eux-mêmes à la signature dudit acte. Ils réfutent la motivation du jugement entrepris retenant que le cas de force majeure ne leur serait donc pas personnel et qu’il ne les aurait partant pas empêché eux-mêmes d’accomplir un acte, les appelants rappelant que le cas de force majeur aurait empêché leur mère de signer elle-même l’acte notarié de cession et contraint ses héritiers à procéder eux-mêmes à la signature dudit acte, ce qui aurait entraîné les conséquences fiscales critiquées.

Les appelants concluent partant que l’existence de ces deux contraintes imprévisibles et inéluctables découlant du décès de leur mère, à qualifier de cas de force majeure, aurait dû entraîner à leur bénéfice la dérogation justifiée à la règle prévue au § 8bis BewG, en retenant en lieu et place comme date de transfert celle du décès de leur mère conférant date certaine à la vente par application de l’article 1328 du Code civil, soit le 8 juin 2008, sinon la date de l’accord oral intervenu le 7 juin 2008.

Les appelants invoquent en second lieu une violation de la limite admissible de l’autonomie du droit fiscal, en citant les dispositions des articles 1328, 1582, 1583 et 1589 du Code civil. Ils concluent que la vente en l’espèce aurait acquis, en application du droit civil, la date certaine recherchée par le § 8bis BewG au jour du décès de leur mère, soit le 8 juin 2008. Ils soutiennent que s’il est vrai que le § 8bis BewG a été introduit en 2002 et que la loi fiscale se serait ainsi écartée des règles bicentenaires du Code civil, il résulterait toutefois des travaux parlementaires que le législateur n’aurait pas entendu contrarier les effets d’un cas de force majeure. Ils soulignent que jusqu’à cette réforme, les dispositions du Code civil auraient été appliquées par l’administration fiscale pour apprécier la date du transfert à titre onéreux d’un droit réel portant sur un bien immobilier et que la loi aurait été modifiée dans le but, non pas de porter atteinte au principe civil de la vente en créant une situation déséquilibrée au bénéfice exclusif de l’administration, mais dans le but de faciliter la détermination de la date précise à laquelle la vente immobilière pouvait être considérée comme certaine. Ils soutiennent que normalement la date déterminante serait celle où la volonté est acquise par l’accord sur l’objet et sur le prix et que la nouvelle règle, sauf à l’interpréter contrairement à la volonté du législateur de manière à privilégier unilatéralement l’administration, découlerait davantage du principe « ad probationem » que de celui « ad validitatem » et ne devrait partant pas aboutir à la soustraction du droit fiscal aux grands principes du droit et en l’occurrence par dérogation aux règles fondamentales de la vente et par l’exclusion des effets de la force majeure, au motif qu’une telle interprétation, qui serait constitutive d’une entorse excessive et abusive par la loi fiscale aux règles de droit commun, ne serait en l’espèce ni fondée, ni justifiée, ni encore proportionnée. Dès lors, du fait de la survenance du cas de force majeure, la date à prendre en considération au titre du transfert de propriété convenu entre le vendeur et l’acquéreur aurait nécessairement été celle du décès de la venderesse le 8 juin 2008, date à laquelle l’appréciation de la situation fiscale devrait obligatoirement être rattachée.

Les appelants se prévalent d’un arrêt de la Cour administrative du 18 novembre 2008 (n° 24712C du rôle) ayant retenu que l’autonomie du droit fiscal ne pourrait pas aller jusqu’à priver d’effet des dispositions claires et précises d’autres branches du droit en estimant que le même principe devrait prévaloir à l’égard des grands principes ayant valeur et portée universelle dans un régime de droit qui seraient dispensés de par leurs essence et nature de la nécessité d’un texte exprès. Ils s’emparent pareillement d’un arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2010 (n° 2456) ayant admis que l’existence d’un principe général du droit pourrait être induite par le juge des applications particulières qu’en ferait la loi dans des cas déterminés et que, dès lors que le principe aura été reconnu par le juge, il en déduirait des applications en dehors des situations déterminées par les textes normatifs.

Afin de souligner « l’incongruité » du § 8bis BewG dans l’ordre juridique luxembourgeois, les appelants se réfèrent au régime du crédit d’impôt sur les actes notariés institué par la loi du 30 juillet 2002 qui permettrait au directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines de dispenser de la condition d’une durée d’occupation ininterrompue de deux ans pour les motifs tirés de cas de force majeure et dans le cadre duquel régime ladite administration retiendrait le principe que le compromis de vente vaut vente avec transfert immédiat de la propriété de l’immeuble, sauf stipulation particulière en sens contraire dans un compromis donné. Estimant que l’Etat serait un et indivisible, les appelants exigent que les principes admis par l’administration de l’Enregistrement et des Domaines devraient également être reconnus par l’administration des Contributions directes.

Cette comparaison mettrait en évidence la totale contradiction du § 8bis BewG avec les dispositions légales relatives aux ventes et aux successions, de manière qu’elle devrait être interprétée en conformité avec le système plus général dans lequel il s’inscrit.

Sur base de ce raisonnement, les appelants concluent que les décisions entreprises devraient être réformés par application combinée des articles 1328, 1582, 1583 et 1589 du Code civil et du § 8bis BewG en ce qu’il y aurait lieu de procéder par voie d’interprétation systémique pour écarter dans la situation très particulière de l’espèce l’application du § 8bis BewG.

Les appelants exposent encore que la vocation probatoire de l’article 1341 du Code civil concernerait uniquement les parties à l’acte juridique visé en ce qu’il protégerait les relations contractuelles entre parties et ne remettrait pas en cause vis-à-vis de tiers l’existence d’un contrat de vente conforme aux articles 1582 du Code civil. Or, en l’espèce, l’acquéreur et les appelants seraient unanimes pour attester l’existence d’un accord sur l’objet et le prix conclu le 7 juin 2008. En outre, l’article 1341 du Code civil ne serait pas d’ordre public, de manière que les parties pourraient y déroger d’un commun accord, et Monsieur … aurait la double qualité de partie à l’acte de vente et de témoin dans le cadre du litige sous examen qui se meut entre l’Etat et les appelants. En outre, la vente litigieuse du 7 juin 2008 s’analyserait à l’égard d’un tiers, dont l’Etat, en un fait juridique susceptible d’être prouvé par toutes voies de droit par ce dernier, de manière que, corollairement, les appelants devraient disposer du même droit probatoire vis-à-vis du tiers, sous peine de porter atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et au principe d’égalité des armes et du respect des droits de la défense découlant de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Par ailleurs, l’article 1341 du Code civil devrait trouver exception lorsqu’une des parties n’aurait pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer la preuve littérale de l’acte et qu’en conséquence, dans la mesure où la venderesse aurait été empêchée par sa mort de signer le compromis de vente et ensuite l’acte notarié de son vivant dans les jours ayant suivi l’accord trouvé, ces signatures auraient été rendues matériellement impossibles par un cas de force majeure qui rendrait l’article 1341 du Code civil inapplicable. Suivant les appelants, l’existence de l’accord oral du 7 juin 2008 serait en tout état de cause établie en l’espèce et ne saurait être contestée sur base de l’article 1341 du Code civil. Le compromis de vente signé le 25 juin 2008 ne serait qu’un acte confirmatif de l’accord oral antérieurement trouvé et ne représenterait pas une espèce de seconde vente, les appelants insistant à cet égard sur le mécanisme de la transmission instantanée de l’ensemble des droits et obligations du de cujus au profit des héritiers instauré par l’article 724 du Code civil.

Afin de voir corroborer la réalité de la vente affirmée du 7 juin 2008, les appelants formulent une offre de preuve par voie de témoignage tendant à l’audition de Monsieur … qui pourrait confirmer sous la foi du serment que le compromis signé le 25 juin 2008 n’aurait été destiné qu’à retranscrire l’accord oral conclu le 7 juin 2008.

Enfin, les appelants invoquent une violation des articles 10bis et 101 de la Constitution. Ils rappellent qu’un accord sur le bien vendu et sur son prix aurait été conclu le 7 juin 2008 entre Madame … et Monsieur …, de manière que la vente aurait été parfaite à cette date et qu’elle devrait bénéficier de l’exemption en faveur de la cession d’une résidence principale, et que conformément à l’article 724 du Code civil, les appelants auraient été tenus par la vente conclue la veille du décès de Madame …. Ainsi, ils estiment que la loi instituerait une différence de régime entre, d’une part, les héritiers dont le de cujus aurait procédé à la vente de son logement et aurait passé l’acte notarié, et, d’autre part, ceux dont le de cujus est décédé après la vente, mais avant la passation de l’acte notarié. Dans la première hypothèse, la plus-value de cession serait exempte d’impôts en vertu de l’article 102bis LIR puisqu’il s’agirait de la vente d’une résidence principale. Dans la deuxième hypothèse, la passation de l’acte serait rendue matériellement impossible par l’effet de la force majeure entre le de cujus et l’acquéreur. La justification de l’introduction du § 8bis BewG serait celle d’éviter à l’administration un examen au cas par cas de la nature et des termes du contrat, dont ne ressortirait pas toujours clairement l’exacte volonté des parties ou la portée exacte des stipulations. Or, ce motif serait étranger au cas sous examen, de sorte que la différence de régime ne serait pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée au but, et que partant le § 8bis BewG ne serait pas conforme à l’article 10bis de la Constitution.

Dans ce contexte, les appelants demandent à la Cour de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle libellée comme suit :

« Le paragraphe 8bis de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l'évaluation des biens et valeurs ne crée-t-il pas, sans qu'il n'y ait de justification rationnelle, adéquate et proportionnée à son but, une différence de régime fiscal violant l'article 10bis, paragraphe 1er et/ou l'article 101 de la Constitution Luxembourgeoise assurant l'égalité des luxembourgeois devant la loi, et, plus particulièrement, devant l'impôt, entre, d'une part, les héritiers dont le de cujus a procédé de son vivant à la vente de son logement, et a pu passer l'acte notarié avant son décès, et d'autre part, les héritiers dont le de cujus a procédé de son vivant à la vente de son logement, mais a été empêché de passer l'acte notarié par l'effet d'un cas de force majeure, soit plus particulièrement en raison de son décès le lendemain de la vente, les héritiers ayant été contraints de signer ès qualités l'acte notarié de cette vente après le décès en application des articles 724 et 1134 du Code civil? ».

L’ensemble de l’argumentation des appelants repose sur la prémisse de l’existence d’un contrat de vente conclu à travers un échange de consentements sur l’objet, à savoir l’immeuble sis à …, et le prix de … € entre Madame … et Monsieur … ayant eu lieu le 7 juin 2008, soit la veille du décès de Madame …. Il convient partant d’examiner liminairement si les appelants peuvent se prévaloir effectivement de cette vente.

Le seul compromis écrit produit en cause est celui du 25 juin 2008 lequel renseigne les appelants comme étant « tous deux actuellement en indivision successorale sur l’objet de la présente vente » et stipule qu’ils « déclarent par les présentes vendre sous la garantie ordinaire de droit » à Monsieur … la maison d’habitation avec dépendances sis à …, au prix de … €.

En premier lieu, la Cour ne saurait se rallier à l’argumentation des appelants suivant laquelle ce compromis n’aurait été destiné qu’à transcrire l’accord trouvé le 7 juin 2008 entre Madame … et Monsieur …. En effet, ledit document ne comporte aucune référence à un tel accord antérieur dont l’entérinement écrit et signé par Madame … aurait été empêché par son décès et les stipulations précitées constituent clairement l’expression d’un consentement à une vente donné par les appelants au moment même de la signature de ce document et ce en qualité de propriétaires ayant acquis ce titre dans le cadre d’une indivision successorale. Le compromis du 25 juin 2008 ne saurait partant être qualifié de formalisation de l’accord prétendument trouvé le 7 juin 2008 entre Madame … et Monsieur …, mais documente sous forme d’un acte sous seing privé une vente entre ce dernier et les appelants agissant comme vendeurs.

L’argumentation des appelants tend partant à établir contre le contenu du compromis du 25 juin 2008 que le vendeur de l’objet immobilier en cause serait non pas les appelants mais Madame ….

C’est à bon droit que l’Etat se prévaut à cet égard de l’article 1341 du Code civil, disposant qu’ « il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de tous actes juridiques portant sur une somme ou valeur excédant celle qui est fixée par règlement grand-ducal, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre ». S’il est vrai que, conformément au principe de la relativité des conventions, les contrats s’analysent en des faits juridiques pour les tiers qui peuvent en rapporter librement la preuve, les parties à ce contrat doivent en rapporter la preuve contre les tiers conformément au droit commun, soit conformément à l’article 1341 du Code civil (Jurisclasseur Code civil, Contrats et obligations, art. 1341 à 1348, fasc. 20, nos 65 et 67). L’argument des appelants qu’ils devraient bénéficier du même droit probatoire vis-à-vis des tiers que ces derniers à leur égard ne saurait être accueilli dans la mesure où les tiers se trouvent dans une situation objectivement différente en ce qu’ils n’auront pas été en mesure de se ménager une preuve écrite du contrat auquel ils n’ont pas participé.

Il s’ensuit que les appelants et Monsieur …, en tant que parties au compromis du 25 juin 2008, ne sauraient être admis à prouver par voie de témoin contre le contenu de ce contrat que la partie venderesse aurait en réalité été Madame … et non pas les appelants en tant que coindivisaires. L’offre de preuve par voie de témoignage formulée par les appelants doit partant être écartée pour ne pas être pertinente et concluante.

Au-delà de cet empêchement légal à la preuve testimoniale que les appelants entendent effectuer et sur laquelle ils fondent leur argumentation, les éléments soumis en cause permettent de conclure que les démarches en vue de la vente de l’objet immobilier en cause ont certes débuté du vivant de Madame … et de l’accord de cette dernière et que les pourparlers avec Monsieur … étaient du moins en voie d’aboutissement au moment du décès de Madame …. Cependant, il ne se dégage ni des explications des appelants ni de l’attestation de Monsieur … du 8 février 2013 que les appelants auraient été effectivement mandatés par leur mère afin de la représenter et d’exprimer directement son consentement à une vente de l’objet immobilier en cause en contrepartie d’un prix qu’ils considéreraient comme suffisant. La réalité du consentement de Madame … à l’opération de vente litigieuse ne se dégage ainsi pas à suffisance de droit et de fait des éléments en cause.

Il s’y ajoute que l’affirmation des appelants relative à une vente de l’objet immobilier en cause déjà par leur mère se trouve contredite par la déclaration de succession signée par eux le 17 juillet 2008, suivant laquelle la moitié indivise dudit objet leur serait échue conformément à l’article 745 du Code civil dans le cadre de la succession de Madame ….

Par voie de conséquence, la prémisse à la base de l’argumentation des appelants, à savoir l’existence d’un échange de consentements entre Madame … et Monsieur … concernant la vente de l’objet immobilier en cause effectué le 7 juin 2008, soit avant le décès de la première, laisse d’être vérifiée à suffisance de droit et de fait et il faut en déduire que les appelants doivent être considérés comme s’étant vus transmettre, au moment du décès de Madame …, instantanément l’ensemble de ses droits et obligations, dont la propriété de la moitié indivise de l’objet immobilier en cause, conformément à l’article 724 du Code civil, et qu’ils doivent être considérés comme étant les vendeurs dudit objet dans le cadre de la vente effectuée suivant le compromis du 25 juin 2008 et l’acte notarié du 17 juillet 2008.

Il en découle que les appelants doivent être considérés comme ayant personnellement réalisé la plus-value dégagée par la cession de l’objet immobilier en cause, laquelle est imposable au vœu de l’article 99ter (1) LIR disposant qu’« est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation à titre onéreux, plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution, d’immeubles qui ne dépendent ni de l’actif net investi d’une entreprise, ni de l’actif net servant à l’exercice d’une profession libérale ».

Les premiers juges ont justement précisé dans ce cadre que l’article 99ter (1) LIR est susceptible de s’appliquer aussi à la cession opérée par les appelants moins de deux ans après avoir acquis l’immeuble par voie de succession, étant donné que l’article 102 (4) LIR, qui figure, aux termes du paragraphe (1) du même article, parmi les dispositions qui sont à observer en vue de l’application des articles 99bis à 101 LIR, dispose que « dans l’hypothèse visée à l’alinéa qui précède (celle de l’acquisition d’un bien à titre gratuit), le cédant est réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux », de sorte que le délai de deux ans après avoir acquis l’immeuble cédé tel que mentionné à l’article 99ter (1) LIR est calculé à partir de la dernière acquisition à titre onéreux.

Il est vrai que l’article 99ter (6) LIR, disposant que « le présent article n’est pas applicable dans la mesure où l’aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue, au sens de l’article 102bis, la résidence principale du contribuable », prévoit un régime d’exemption en faveur des cessions de la résidence principale selon les modalités précisées par l’article 102bis LIR aux termes duquel :

« (1) Aux fins de l’application des articles 99bis et 99ter une habitation appartenant au contribuable est à considérer comme sa résidence principale, lorsqu’elle constitue sa résidence habituelle depuis l’acquisition ou l’achèvement de l’habitation ou au moins pendant les cinq années précédant la réalisation. Cette condition de durée ne doit cependant pas être remplie, lorsque l’habitation est réalisée pour des motifs d’ordre familial ou en vue d’un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire. (2) Une habitation appartenant au contribuable et qui n’est pas occupée par lui est assimilée à une résidence principale, lorsque le contribuable l’a occupée à la suite de l’acquisition ou de l’achèvement, qu’il n’est pas propriétaire d’une autre habitation et que l’abandon de cette habitation a été motivé par des raisons d’ordre familial ou par un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable, de son conjoint ou de son partenaire. (3) Est encore assimilée à une résidence principale l’habitation antérieurement occupée par le contribuable, lorsque la réalisation de cette habitation intervient au cours de l’année qui suit le transfert dans une nouvelle habitation […] ».

Il découle de ces dispositions que le bénéfice de l’exemption en faveur de cessions de la résidence principale est rattaché à la personne ayant personnellement résidé principalement dans l’immeuble en question, suivant les hypothèses visées à l’article 102bis LIR, et ne reste pas rattaché à l’immeuble en cas de décès du contribuable l’ayant occupé pour être transmis avec les autres droits et obligations aux héritiers.

S’il n’est pas contesté en cause que les conditions de l’article 99ter (6) LIR auraient été remplies dans le chef de la mère des appelants si la vente de l’objet immobilier litigieux avait été réalisée dans son chef, les appelants eux-mêmes ne remplissent aucune des conditions inscrites à l’article 102bis LIR, de sorte que, dans la mesure où la vente doit être considérée comme ayant été effectuée par eux personnellement conformément aux développements ci-avant, ils ne peuvent pas bénéficier de l’exemption découlant de l’article 99ter (6) LIR.

Si la question de savoir si l’application de la disposition du § 8bis BewG, conçue comme une simple mesure de facilitation afin « d'uniformiser, de clarifier et ainsi de simplifier les rapports entre les contribuables et l'administration fiscale » (projet de loi relatif aux mesures, en matière d'impôts directs, destinées à encourager la mise sur le marché de terrains à bâtir et d'habitations, doc. parl. 4973, commentaire des articles, p. 6), peut avoir pour effet une substitution du contribuable auquel une plus-value de cession immobilière doit être fiscalement imputée peut être soulevée en son principe, elle n’est pas pertinente en l’espèce dans la mesure où cette disposition n’emporte pas cette conséquence dans le cadre du cas d’imposition sous examen, vu que la vente en question doit être considérée, suivant les éléments établis en cause et pouvant être pris en compte, comme ayant été effectuée ab initio par les appelants en leur nom et pour leur propre compte. L’ensemble de l’argumentation des appelants tendant à voir écarter l’application de cette disposition sur base de la force majeure ou de la transgression des limites de l’autonomie du droit fiscal, voire de sa non-conformité à la Constitution, tombe partant à faux et doit être écartée, de sorte qu’il n’y a notamment pas lieu de soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle proposée par les appelants.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel n’est justifié en aucun de ses moyens et que c’est à juste titre que le tribunal a rejeté le recours sous examen comme non fondé dans la mesure où il l’a reçu en la forme.

Les appelants sollicitent l’allocation d’une indemnité de procédure 1.000 € du chef des frais et honoraires d’avocat non compris dans les frais de justice qu’il serait inéquitable de laisser à leur charge.

Cette demande est cependant à rejeter, étant donné qu’au vu de l’issue au fond du litige, il n’est pas inéquitable de laisser à charge des appelants les frais irrépétibles, de manière que les conditions légales pour l’octroi d’une telle indemnité ne se trouvent pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 6 mars 2015 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 28 janvier 2015, rejette la demande des appelants en allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller.

et lu à l’audience publique du 7 juillet 2015 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence de la greffière de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

WILTZIUS SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 35962C
Date de la décision : 07/07/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2015-07-07;35962c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award