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02/07/2015 | LUXEMBOURG | N°61/15

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juillet 2015, 61/15


N° 61/ 15.

du 2.7.2015.

Numéro 3500 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux juillet deux mille quinze.

Composition:

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, conseiller à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

1)A), et son épouse 2)B), demeurant ensemble à

(…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, en l’étude duquel do...

N° 61/ 15.

du 2.7.2015.

Numéro 3500 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux juillet deux mille quinze.

Composition:

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, conseiller à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

1)A), et son épouse 2)B), demeurant ensemble à (…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1)C), (…), demeurant à (…), agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit de la totalité de la communauté de son défunt époux, D), décédé le (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître François REINARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2)la société à responsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), 3)E), (…), ayant demeuré à (…), actuellement sans domicile, ni résidence connus, défendeurs en cassation.

=======================================================

LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 25 juillet 2014 sous les numéros 37288 et 37894 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 23 octobre 2014 par A) et B) à C), à la société à responsabilité limitée SOC1) et à E), déposé au greffe de la Cour le 24 octobre 2014 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 décembre 2014 par C) à A) et à B), déposé au greffe de la Cour le 19 décembre 2014 ;

Sur le rapport du conseiller Edmée CONZEMIUS et sur les conclusions du premier avocat général John PETRY ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi par A) et B) aux fins de constater, sur le fondement de la théorie du mandat apparent sinon d’une promesse de porte-fort, la régularité du compromis de vente intervenu entre eux et les époux C)-D) et leur fils E), ce dernier n’étant pas signataire de l’acte, avait déclaré le compromis parfait ; que, sur appel, la Cour d’appel, réformant, a décidé que le compromis n’avait pas été valablement conclu ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 1134 du Code civil et de l'article 1120 du même Code en ce que la Cour d'Appel a déclaré :

1120 du Code civil, il leur incombe, compte tenu des contestations afférentes des époux C)-D), de prouver que D) (qui, dans l'hypothèse du porte-fort allégué serait sans pouvoir aucun pour engager E) concernant la vente préconisée le 10 février 2005), s'est personnellement engagé envers eux à ce que E) consentira à la vente préconisée suivant écrit du 10 février 2005.

Or, ils restent en défaut de prouver pareil engagement - contesté - de porte-

fort pris par D).

Plus précisément, le passage de l'assignation précitée des époux A)-B) contredit l'engagement de porte-fort qu'aurait pris D) le 10 février 2005, alors que, selon les époux A)-B), il aurait d'une part donné l'impression d'avoir pouvoir pour engager son fils, et que, d'autre part, il se serait porté fort que celui-ci s'engagerait à vendre, ce qui est contradictoire, de sorte que les affirmations y prêtées à D) s'excluent l'une l'autre.

C'est par conséquent à bon droit que C) demande à voir dire que le contrat du 10 février 2005 est nul et de nul effet, la vente y prévue ne s'étant pas formée à défaut du consentement y conféré par E), respectivement, de toute preuve y relative.

Finalement, les courriers de D) des 5 et 30 mars 2005, desquels il découle que celui-ci ’’a pris les choses en mains pour procéder une fois pour toutes à la vente de l'immeuble litigieux’’, sont sans incidence quant à la preuve de la formation de la vente du 10 février 2005. » alors qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil :

ont faites. » ;

et qu'aux termes de l'article 1120 du Code civil :

celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement. » que la Cour d'appel en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que feu a manifestement violé les articles 1134 et 1120 du Code civil en décidant que la preuve de l'engagement de porte-fort n'était pas rapportée et que le contrat du 10 février 2005 était par conséquent nul et de nul effet. » ;

Attendu qu’il ressort de la motivation citée au moyen que la Cour d’appel, pour dire que la preuve de l’engagement de porte-fort n’avait pas été rapportée, n’a pas constaté que D) « a pris les choses en mains », et se serait ainsi porté fort à obtenir la signature de E), mais n’a fait que citer des courriers de D) pour en déduire le contraire ;

Que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris en ses deux branches :

tiré « de la violation combinée des articles 1120, 1583 du Code civil en ce que la Cour d'appel a déclaré :

1120 du Code civil, il leur incombe, compte tenu des contestations afférentes des époux C)-D), de prouver que D) (qui, dans l'hypothèse du porte-fort allégué serait sans pouvoir aucun pour engager E) concernant la vente préconisée le 10 février 2005), s'est personnellement engagé envers eux à ce que E) consentira à la vente préconisée suivant écrit du 10 février 2005.

Or, ils restent en défaut de prouver pareil engagement - contesté - de porte-

fort pris par D).

Plus précisément, le passage de l'assignation précitée des époux A)-B) contredit l'engagement de porte-fort qu'aurait pris D) le 10 février 2005, alors que, selon les époux A)-B), il aurait d'une part donné l'impression d'avoir pouvoir pour engager son fils, et que, d'autre part, il se serait porté fort que celui-ci s'engagerait à vendre, ce qui est contradictoire, de sorte que les affirmations y prêtées à D) s'excluent l'une l'autre.

C’est par conséquent à bon droit que C) demande à voir dire que le contrat du 10 février 2005 est nul et de nul effet, la vente y prévue ne s'étant pas formée à défaut du consentement y conféré par E), respectivement, de toute preuve y relative.

Finalement, les courriers de D) des 5 et 30 mars 2005, desquels il découle que celui-ci ’’a pris les choses en mains pour procéder une fois pour toutes à la vente de l'immeuble litigieux’’, sont sans incidence quant à la preuve de la formation de la vente du 10 février 2005. » ;

et que :

époux A)-B) n'établissent pas en quoi tout éventuel préjudice moral leur accru du fait de la non formation de la vente préconisée le 10 février 2005, tout comme celui matériel consistant notamment dans les frais d'enregistrement de l'écrit du 10 février 2005, auquel ils procédèrent en date du 1er mars 2005, se trouve en relation causale directe avec le comportement de D), de C) ou de E).

Dès lors il y a lieu de dire, par voie de réformation, non fondée la demande des époux A)-B) visant à l'obtention des montants de 20.868.- euros et de 25.000.-

euros du chef de dommages et intérêts matériel, respectivement moral.

A fortiori, leur appel en ce qu'il vise à voir porter au montant de 75.000.-

euros les dommages et intérêts réclamés du chef de préjudice moral, est-il à dire non fondé. » ;

alors qu'aux termes de l'article 1120 du Code civil :

celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement. » que l'article 1583 du Code civil prévoit :

l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. » que l'arrêt attaqué a violé l'article 1120 du Code civil à un double titre, à savoir à la fois du point de vue de ses effets sur la vente en combinaison avec l'article 1583 du Code civil et du point de vue des conséquences mêmes de la non-

ratification, chacune des violations constituant une branche du moyen de cassation » ;

première branche, « Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les demandeurs en cassation n'auraient pas rapporté la preuve que feu D) se serait personnellement engagé envers eux à ce que E) consente à la vente préconisée suivant écrit du 10 février 2005 ;

qu'ils seraient partant restés en défaut de prouver l'engagement de porte-

fort de feu D) ;

que par conséquent le compromis de vente du 10 février 2005 serait à considérer comme nul et de nul effet ;

Attendu que l'hypothèse la plus classique du porte-fort est celle d'un promettant qui représente, sans en avoir le pouvoir, un tiers duquel il se porte-fort d'obtenir le consentement à un acte déjà négocié et conclu ;

que l'utilisation de l'engagement de porte-fort trouve toute sa résonnance en présence, comme cela est le cas en l'espèce, d'un bien détenu en indivision ;

qu'ainsi, cette technique permet à l'un des indivisaires d'aliéner le bien en se portant fort auprès de l'acquéreur d'obtenir l'accord de ses coindivisaires ;

Attendu que la Cour d'appel a relevé que l'immeuble, objet du contrat du 10 février 2005, appartenait en indivision à D), C) et E) ;

que seules les signatures de D) et de son épouse, C) figurent sur le compromis du 10 février 2005 ;

Attendu toutefois que la promesse de porte-fort ne nécessite aucun formalisme particulier ;

que celle-ci peut être verbale ;

qu'elle peut par ailleurs se déduire d'un faisceau d'indices concordants ;

qu'en l'espèce, les courriers adressés par feu D) aux notaires METZLER et SCHWACHTGEN ne laissent aucun doute quant à son intention (voir moyen supra);

qu'il a d'une part contacté les demandeurs en cassation pour la signature du compromis et d'autre part demandé que les parties soient convoquées pour légaliser l'acte ;

que ce dernier s'était par conséquent clairement engagé, au moins de manière implicite, auprès des demandeurs en cassation à obtenir le consentement de son fils, E), respectivement s'était engagé à ce que son fils appose sa signature ;

que tout en constatant la volonté de feu D) de réaliser la vente de l'immeuble litigieux, les juges d'appel refusèrent de voir dans cette déclaration un engagement de porte-fort ;

que celui-ci était pourtant clairement matérialisé ;

Attendu qu'en matière immobilière, la valeur du contrat conclu par le promettant a une conséquence particulière ;

qu'en effet, par l'engagement de porte-fort le contrat est à considérer comme valablement formé ;

qu'en conséquence, lorsque ce contrat porte sur le droit de propriété, comme cela est le cas en l'espèce, la Cour de Cassation française le considère comme et ce dernier produit immédiatement ses effets permettant ainsi le transfert de propriété du patrimoine du vendeur à celui de l'acheteur (Cass.

3ème Civ. 6 nov. 1970 ; Bull. Civ. III, n°591) ;

que c'est partant à tort que les juges d'appel ont retenu que :

conséquent, à défaut de ce consentement, la vente du 10 février 2005 n'est pas ’’parfaite’’ tel que le soutient C), partant ne se forme pas, en l'absence du consentement y conféré par E), propriétaire de la moitié indivise de l'immeuble litigieux. » ;

que c'est également à tort que la Cour d'appel a décidé :

conséquent à bon droit que C) demande à voir dire que le contrat du 10 février 2005 est nul et de nul effet, la vente y prévue ne s'étant pas formée à défaut du consentement y conféré par E) » ;

qu'en vertu de l'application de l'article 1120 du Code civil, l'immeuble, objet du compromis du 10 février 2005, est entré dans le patrimoine des demandeurs en cassation ;

qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel et violé les articles 1120 et 1583 du Code civil ;

que l'arrêt encourt par conséquent la cassation » ;

deuxième branche, « Attendu qu'à supposer que le raisonnement de la Cour d'appel concernant la nullité du compromis du 10 février 2005 n'encoure pas la cassation, l'arrêt attaqué viole encore l'article 1120 du Code civil à un autre titre ;

Attendu que le porte-fort est tenu envers le bénéficiaire de la promesse des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis ;

que l'obligation pesant sur le porte-fort est une obligation de résultat ;

qu'en effet, le promettant s'engage à ce que le tiers ratifie le contrat conclu et non pas à faire tout son possible pour qu'il ratifie (Cour de Cassation française, Com. 11 oct. 2005, n°03-14.819 RLDC 2006, n°957, Com. 1er avril 2014 ; n° de pourvoi 13-10629) ;

Attendu qu'il ressort explicitement du courrier du 30 mars 2005 adressé par feu D) au notaire André SCHWACHTGEN que celui-ci entend prendre les mesures nécessaires afin d' ;

qu'en tout état de cause, les courriers adressés par feu D) aux notaires METZLER et SCHWACHTGEN ne laissent aucun doute quant à son intention (voir moyen supra) ;

qu'il a d'une part contacté les demandeurs en cassation pour la signature du compromis et d'autre part demandé que les parties soient convoquées pour légaliser l'acte ;

que ce dernier s'était par conséquent clairement engagé, au moins de manière implicite, auprès des demandeurs en cassation à obtenir le consentement de son fils, E), respectivement s'était engagé à ce que son fils appose sa signature ;

Attendu qu'il y a lieu de constater que le fait promis n'a pas été exécuté par le tiers ;

que par conséquent le promettant, à savoir feu D), a failli à son engagement personnel ;

Attendu que la non-réalisation du fait promis doit entraîner la réparation totale du préjudice, celui-ci devant se mesurer, lors de l'inexécution d'une obligation par le tiers, au gain perdu par le bénéficiaire ;

que feu D) n'ayant pas satisfait à son obligation, les demandeurs en cassation ont droit à la réparation totale de leur préjudice ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a partant violé l'article 1120 du Code civil ;

que l'arrêt encourt par conséquent la cassation » ;

Mais attendu que la Cour d’appel a retenu que les demandeurs en cassation restent en défaut de prouver l’existence d’un engagement de porte-fort, de sorte qu’une violation des articles 1120 et 1583 du Code civil ne saurait être déduite de la motivation citée ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil en ce que la Cour d'appel a déclaré :

époux A)-B) n'établissent pas en quoi tout éventuel préjudice moral leur accru du fait de la non formation de la vente préconisée le 10 février 2005, tout comme celui matériel consistant notamment dans les frais d'enregistrement de l'écrit du 10 février 2005,auquel ils procédèrent en date du 1er mars 2005, se trouve en relation causale directe avec le comportement de D), de C) ou de E).

Dès lors il y a lieu de dire, par voie de réformation, non fondée la demande des époux A)-B) visant à l'obtention des montants de 20.868.- euros et de 25.000.-

euros du chef de dommages et intérêts matériel, respectivement moral.

A fortiori, leur appel en ce qu'il vise à voir porter au montant de 75.000.-

euros les dommages et intérêts réclamés du chef de préjudice moral est-il à dire non fondé. » ;

alors qu'aux termes de l'article 1382 du Code Civil :

oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. » ;

Et qu'aux termes de l'article 1383 du Code civil :

oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. » que la Cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que , a manifestement violé les articles 1382 et 1383 du Code civil en déclarant non fondée la demande en obtention de dommages et intérêts dirigée par les époux A)-

B) contre E) et C) » ;

Mais attendu que sous le couvert de la violation de la loi le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur l’indemnité de procédure :

Attendu que l’entièreté des dépens de l’instance en cassation étant à charge des demandeurs en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Par ces motifs :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l'instance en cassation, dont distraction au profit de Maître François REINARD, sur ses affirmations en droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Simone FLAMMANG, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 61/15
Date de la décision : 02/07/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2015-07-02;61.15 ?

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