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02/04/2015 | LUXEMBOURG | N°28/15

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 avril 2015, 28/15


N° 28 / 15.

du 2.4.2015.

Numéro 3458 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux avril deux mille quinze.

Composition:

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Marianne PUTZ, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel, Mylène REGENWETTER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, (…), demeurant à (…), demandeur e

n cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile es...

N° 28 / 15.

du 2.4.2015.

Numéro 3458 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux avril deux mille quinze.

Composition:

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Marianne PUTZ, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel, Mylène REGENWETTER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, (…), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), venant aux droits de SOC2), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme AMMC LAW, inscrite au Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2453 Luxembourg, 2-4, rue Eugène Ruppert, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 174465, représentée par Maître Christophe MAILLARD, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 30 septembre 2013 sous le numéro 34522 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 21 juillet 2014 par X à la société anonyme SOC1), déposé au greffe de la Cour le même jour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 15 septembre 2014 par la société anonyme SOC1) à X, déposé au greffe de la Cour le 16 septembre 2014 ;

Sur le rapport du président Georges SANTER et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal du travail de Luxembourg, saisi d’une demande en indemnisation du préjudice matériel et moral par le demandeur en cassation suite à son licenciement avec préavis intervenu pendant la période d’essai du contrat de travail, avait déclaré la demande irrecevable pour cause de forclusion ; que sur appel, la Cour d’appel a, par un premier arrêt et par réformation, déclaré abusif le licenciement prononcé par la défenderesse en cassation ; que, statuant en continuation du premier arrêt, la Cour a rejeté la demande en réparation du préjudice matériel et condamné la défenderesse en cassation au paiement d’une indemnité pour préjudice moral.

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi, in specie de l’article 89 de la Constitution sinon de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme sinon des articles 249 et 587 du Nouveau code de procédure civile, en ce que les juges d’appel n’ont pas répondu au moyen tiré de la notion d’unité économique et sociale, développé dans les conclusions du 27 octobre 2011 et du 22 mars 2012 du soussigné, et ont partant considéré que la clause d’essai inscrite dans le second contrat de travail auprès du groupe SOC3), conclu avec la partie défenderesse le 28 juillet 2006 était valable et ont, en conséquence, considéré que le salarié avait été licencié en période d’essai, impliquant le rejet de sa demande en indemnisation au titre du préjudice matériel ;

Que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ;

Qu’en ne répondant pas audit moyen, les juges du fond ont méconnu les exigences des textes susvisés ;

Alors qu’ils auraient dû préalablement analyser ce moyen pour déterminer l’existence d’une constituée par SOC2) et SOC4), en vue d’apprécier la validité de la clause d’essai prévue au second contrat de travail du 28 juillet 2006 conclu avec la partie défenderesse et partant de déterminer si le salarié avait été licencié ou non en période d’essai ;

Que ce moyen avait été exposé sur plus de sept pages dans les conclusions du 27 octobre 2011 ;

Qu’il avait fait l’objet de développements sur près de 5 pages dans les conclusions du 22 mars 2012 ;

Que la Cour ne s’étant pas du tout penchée sur ce moyen, l’arrêt attaqué encourt donc la cassation de ce chef pour vice de forme résultant du défaut de motivation. » ;

Mais attendu que pour répondre au moyen du demandeur en cassation tiré de l’appartenance des deux sociétés, parties contractantes aux contrats de travail, au même groupe qui serait à considérer comme une entité économique unique, la Cour d’appel a dit que ce moyen est sans incidence sur la solution du litige, compte tenu de la rupture réelle des relations de travail avec la société employeuse belge et de l’établissement d’une nouvelle relation de travail avec la société employeuse luxembourgeoise ;

D’où il suit que le moyen de cassation n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi et in specie de l’article L-161-2 du Code du travail sinon L-212-5 du Code du travail, En ce que la Cour n'a pas retenu l'existence d'une unité économique et sociale liant la partie défenderesse et SOC4) malgré les éléments qui lui étaient soumis ;

Qu'elle a ainsi refusé d'apprécier respectivement qu'elle a, sinon, fait une mauvaise application desdits textes qui définissent la notion d'entité respectivement d'unité économique et sociale ou de la notion jurisprudentielle qui en découle ;

Alors qu'elle aurait dû constater l'existence d'une telle entité au vu des éléments qui lui étaient soumis pour en déduire que la seconde clause d'essai, prévue au contrat du 28 juillet 2006 n'était pas valable ;

Que par conséquent, le licenciement n'avait pas eu lieu en période d'essai et qu'il aurait fallu faire droit à l'indemnisation du requérant relative au dommage matériel ;

Qu'en effet, les deux sociétés, SOC4) et SOC2) sont des sociétés sœurs appartenant au groupe SOC3), et sont toutes deux des filiales de la SOC5), devenue SOC3) ;

Que le requérant n'a pas interrompu son activité pour le groupe SOC3) puisque les deux contrats se sont chevauchés ;

Qu'en effet, le contrat conclu auprès de SOC4) conclu le 1er décembre 2005 fut rompu d'un commun accord le 31 juillet 2006 ;

Que le contrat avec SOC2) fut signé le 28 juillet 2006 avec entrée en service au 1er août 2006 ;

Que dans les faits, le requérant fit l'objet d'un transfert alors que les relations de travail en Belgique n'étaient pas au beau fixe, et c'est uniquement en cela que le second contrat constituait un ;

Que ce dernier a continué de travailler pour les deux entités jusqu'à son licenciement ;

Qu'il y occupait exactement les mêmes fonctions et travaillait avec le même matériel ;

Que ces sociétés ont une direction et un actionnariat identique ;

Qu'elles exécutent la même stratégie ordonnée par la société mère et poursuivent la même activité ;

Qu'elles emploient une communauté de salariés liés à ce titre par des intérêts communs ;

Que pour preuve, ces deux sociétés ont par la suite fait l'objet de la fusion avec le groupe SOC6);

Que dans le cadre de son licenciement, tant les autorités belges que luxembourgeoises sont intervenues de concert ;

Qu'il n'y ainsi pas eu de contrats de travail réellement distincts mais une continuation de l'activité du requérant au service du groupe, constituant un employeur sinon une entreprise unique ;

Qu'en l'espèce, une unité économique et sociale est caractérisée ;

Que la Cour a donc violé les textes susvisés en ne retenant pas l'existence d'une telle entité ;

Que la jurisprudence est pourtant sans appel quant aux contours de cette notion (Cour d'appel 4.03.1999 n°21839, Cour d'appel 8.05.2003 n°26860, Cour administrative d'appel du 13.12.2011 n°28066C, Cour d'appel 12.07.2012, n°37148) ;

Que s'il n'appartient certes pas à la Cour de cassation de remettre en cause les faits souverainement constatés par le juge du fond, la Cour de cassation peut néanmoins contrôler si la Cour d'appel, en l'espèce, a correctement déduit en droit ce qu'elle devait déduire des faits qu'elle a souverainement constatés ;

Que l'arrêt attaqué encourt donc la cassation de ce chef. » Attendu qu’il résulte de la réponse donnée au premier moyen de cassation que la Cour d’appel n’avait pas à examiner l’application des dispositions légales visées au moyen qui sont étrangères au litige ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi et in specie de l’article L-121-5(3) du Code du travail qui dispose :

second contrat, conclu le 28 juillet 2006, avec SOC2), valable, alors qu'il s'agissait du second contrat du demandeur avec clause d'essai conclu auprès du groupe FORTIS.

Alors que le requérant avait déjà accompli une période d'essai de 6 mois dans le cadre du contrat du 1er décembre 2005 conclu avec SOC4), rompu d'un commun accord le 31 juillet 2006 en vue du transfert de ce dernier vers l'entité luxembourgeoise, à savoir la défenderesse, par contrat de travail du 28 juillet 2006;

Que le salarié occupait au sein des différentes entités du groupe les mêmes fonctions de ;

Qu'il exécutait sa mission tant au sein de la nouvelle entité que de la précédente dans le cadre du second contrat;

Que les deux sociétés ont agi de concert dans le cadre de son licenciement tel qu'il résulte des mails échangés par la direction ;

Que ces entités constituaient une unité économique et sociale sinon un groupe, le groupe SOC3), ne formant qu'un seul et unique employeur ;

Qu'il est de jurisprudence constante que le renouvellement de la période d'essai est interdit (Lux, 31.07.1964) ;

Que cette interdiction s'applique également dans le cadre de contrats successifs convenus par des entités juridiques distinctes relevant du même groupe (Pièce n°41 : Cour d'appel, 10.02.2011, rôle n°35088, Pièce n°42 : Jugement du Tribunal du travail du 30.04.2009, n°968/09, Tribunal du travail 14.02.2013 n°637/13) ;

Que la Cour a donc violé le texte susvisé ;

Que s'il n'appartient certes pas à la Cour de cassation de remettre en cause les faits souverainement constatés par le juge du fond, la Cour de cassation peut néanmoins contrôler si la Cour d'appel, en l'espèce, a correctement déduit en droit ce qu'elle devait déduire des faits qu'elle a souverainement constatés ;

Que l'arrêt attaqué encourt la cassation de ce chef ».

Mais attendu qu’il résulte encore de la réponse donnée au premier moyen de cassation que la Cour d’appel n’a pas violé la disposition légale invoquée ;

Que le moyen n’est dès lors pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi et in specie de l’article L-124-12(1) du Code du travail :

En ce que la Cour d'appel, après avoir jugé dans l'arrêt interlocutoire du 3 février 2011 que le licenciement du salarié était abusif a pourtant estimé, dans l'arrêt définitif attaqué, que ce dernier ne pouvait pas prétendre à un dédommagement matériel correspondant à la perte de salaire subie suite au licenciement ;

Alors que l'article L.124-12 du Code du travail impose au juge de condamner l'employeur à verser au salarié des dommages et intérêts compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement ;

Que le licenciement abusif constitue en effet une faute de l'employeur qui doit nécessairement entraîner la condamnation de l'employeur à réparer le dommage moral et matériel qui en découle si cette faute est en relation causale avec ce dommage et que ce dommage est établi par le salarié ;

Qu'en refusant d'allouer le dommage matériel réclamé par le salarié au seul motif que le salarié en période d'essai ne bénéficie pas d'une garantie d'emploi, sans vérifier si le dommage en question était en relation causale avec la faute de l'employeur et si ce dommage était établi, le cas échéant sous la forme de la perte d'une chance, le salarié étant en droit de réclamer l'indemnisation intégrale de son dommage et d'estimer à 100%, ses chances de conserver son emploi s'il 'n'avait pas été licencié, la Cour d'appel a violé l'article L-124-12 du Code du travail ;

Que le louage d'ouvrage au sens de l'article 1780 du Code civil étant par nature à temps, c'est-à-dire pour une durée déterminée ou une durée indéterminée mais non point perpétuel, aucun salarié, en période d'essai ou au-delà de la période d'essai ne bénéficie d'une quelconque garantie d'emploi, Que vu sous cet angle, l'argumentation de la Cour d'appel laisse d'être fondée et viole l'article L.124-12 du Code du travail » ;

Mais attendu que l’appréciation de l’existence du préjudice et son évaluation relèvent du pouvoir souverain du juge du fond, échappant au contrôle de la Cour de cassation ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur l’indemnité de procédure :

Attendu que la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter, la condition d’inéquité n’étant pas remplie en l’espèce ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de la défenderesse en cassation ;

condamne le demandeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Mylène REGENWETTER, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28/15
Date de la décision : 02/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2015-04-02;28.15 ?

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