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27/11/2014 | LUXEMBOURG | N°41/14

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 27 novembre 2014, 41/14


N° 41/2014 pénal.

du 27 novembre 2014.

Not. 29276/09/CD Numéro 3434 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-sept novembre deux mille quatorze, l’arrêt qui suit :

E n t r e :

Monsieur le Procureur général d’Etat, près la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, dont les bureaux sont établis à L-2080 Luxembourg, Cité Judiciaire, Bâtiment CR, demandeur en cassation, et PERSONNE1.)

, né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à L-ADRESSE1.), défendeur en cassation, comparant par Maître ...

N° 41/2014 pénal.

du 27 novembre 2014.

Not. 29276/09/CD Numéro 3434 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-sept novembre deux mille quatorze, l’arrêt qui suit :

E n t r e :

Monsieur le Procureur général d’Etat, près la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, dont les bureaux sont établis à L-2080 Luxembourg, Cité Judiciaire, Bâtiment CR, demandeur en cassation, et PERSONNE1.), né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à L-ADRESSE1.), défendeur en cassation, comparant par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en présence de la partie civile :

la société coopérative SOCIETE1.) dite « SOCIETE2.) », établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par ses organes statutaires actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

---------------------------------------------------------------------------------

LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 21 mai 2014 sous le numéro 247/14 X par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation déclaré le 18 juin 2014 par Monsieur le procureur général d’Etat, représenté par Madame Mylène REGENWETTER, avocat général, au greffe de la Cour supérieure de justice, signifié à PERSONNE1.) et à la société coopérative SOCIETE1.) le 14 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en cassation signifié les 2 et 3 juillet 2014 par Monsieur le Procureur général d’Etat à PERSONNE1.) et à la société coopérative SOCIETE1.), déposé au greffe de la Cour le 16 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 29 juillet 2014 par la société coopérative SOCIETE1.) à Monsieur le Procureur général d’Etat et à PERSONNE1.), déposé au greffe de la Cour le 30 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 29 juillet 2014 par PERSONNE1.) à Monsieur le Procureur général d’Etat et à la société coopérative SOCIETE1.), déposé au greffe de la Cour le 31 juillet 2014 ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) du chef de vol domestique, de fausse alerte et de blanchiment à une peine d’emprisonnement et à une amende, avait ordonné la confiscation spéciale d’un immeuble appartenant au prévenu et saisi suivant ordonnance du juge d’instruction du 18 février 2010 jusqu’à concurrence du montant de 155.442,44 euros redu à la partie civile et avait attribué ce bien confisqué à la société coopérative SOCIETE1.), dite « SOCIETE2.) », jusqu’à concurrence du susdit montant ; que sur appel, la Cour d’appel a, entre autres dispositions, par réformation, prononcé la mainlevée de la saisie conservatoire du susdit immeuble ;

Sur l’unique moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 31 du Code pénal, en ce que, par réformation du jugement de première instance, qui avait ordonné sur le fondement de l'article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal, la confiscation spéciale d'un immeuble appartenant au prévenu qui avait fait l'objet d'une saisie pénale, attribué ce bien à la partie civile jusqu'à concurrence du préjudice de celle-ci et rejeté une demande en restitution du prévenu, la Cour d'appel 2 a refusé de prononcer la confiscation de l'immeuble et a ordonné la mainlevée de la saisie pénale aux motifs suivants :

dit que : la confiscation spéciale s'applique (…) 4) aux biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) du présent alinéa, si ceux-ci ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation.

Or il n'était pas dans les intentions du législateur de prévoir la confiscation par équivalent en tant que modalité d'exécution de la confiscation spéciale portant sur les biens. La confiscation par équivalent reste une confiscation de choses et donc une confiscation spéciale, et elle garde un lien étroit avec l'infraction à la base même si c'est un lien en quelque sorte . (Avis du Conseil d'Etat du 13 février 2007, session ordinaire 2006-2007 concernant le projet de loi n° 5019-1 sur la confiscation et portant modification de différentes dispositions du Code pénal, du Code d'instruction criminelle et de différentes lois spéciales, page 3 alinéa ler).

L'article 31-1) du Code pénal dispose que la confiscation spéciale s'applique aux biens (…) meubles ou immeubles (…) formant l'objet ou le produit direct ou indirect d'une infraction ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré de l'infraction.

L'enquête a révélé que l'immeuble saisi a été acheté par PERSONNE1.) suivant acte notarié de vente 7 février 2007 au prix de 142.663,68 euros et que le financement de l'immeuble a été assuré par la banque SOCIETE3.). D'après les renseignements de la banque, PERSONNE1.) n'avait pas besoin d'un crédit pour acquérir cet immeuble.

La Cour déduit de ces quelques renseignements que l'immeuble acheté en 2007 n'a pas été acquis avec le produit de l'infraction commise en décembre 2009.

A défaut d'un lien quelconque entre l'achat de cet immeuble et les infractions retenues à charge d'PERSONNE1.), la Cour décide, par réformation de la décision entreprise, de faire droit à la demande en restitution d'PERSONNE1.) et de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire de cet immeuble. », alors que l'article 31, premier alinéa, du Code pénal dispose sous 1) que la confiscation spéciale s'applique : 1) aux biens comprenant les biens de toute nature, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d'un titre ou d'un droit sur un bien, biens formant l'objet ou le produit, direct ou indirect d'une infraction ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré de l'infraction, y compris les revenus de ces biens » et sous 4) que ;

qu'il en découle que tandis que l'article 31, premier alinéa, sous 1) régit la confiscation spéciale de biens liés à l'infraction, à savoir de ceux formant l'objet ou 3 le produit de l'infraction ou constituant un avantage patrimonial tiré de l'infraction, l'article 31, premier alinéa, sous 4) prévoit, dans le cas de figure où les biens visés sous 1) ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation, la confiscation de tout autre bien dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) ;

que les biens visés par l'article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal sont donc, par hypothèse, ceux appartenant au condamné qui n'ont aucun lien avec l'infraction ;

qu'en réformant la décision des juges de première instance de confisquer le bien visé sur le fondement de l'article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal au motif que cette disposition exige un lien entre le bien à confisquer et l'infraction, mais qu'un tel lien fait défaut en l'espèce parce que le bien n'a pas été acquis avec le produit de l'infraction, la Cour d'appel a violé la disposition visée au moyen. » Vu l’article 31 du Code pénal ;

Attendu qu’en retenant que l’immeuble acheté en 2007 n’avait pas été acquis avec le produit des infractions commises en 2009, de sorte qu’à défaut d’un lien quelconque entre l’achat de cet immeuble et les infractions retenues à charge d’PERSONNE1.), il n’y avait, par réformation, pas lieu de prononcer la confiscation de l’immeuble en question, alors que la condition énoncée au point 4 de l’alinéa 1 de l’article 31 du Code pénal est remplie du fait que les sommes volées par PERSONNE1.) n’ont pas pu être trouvées aux fins de confiscation et qu’il a été possible d’identifier dans le patrimoine de ce dernier un bien immobilier dont la valeur monétaire correspond aux sommes volées et qui est partant susceptible de la confiscation spéciale par équivalent prévue au point 4 de l’alinéa 1 de l’article 31 du Code pénal, la Cour d’appel a violé la disposition visée au moyen ;

Que l’arrêt encourt dès lors la cassation ;

Par ces motifs :

casse et annule l’arrêt rendu le 21 mai 2014 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, sous le numéro 247/14 X ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de l’arrêt annulé ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de l’instance en cassation.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-sept novembre deux mille quatorze, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Ria LUTZ, premier conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Monsieur Georges WIVENES, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Mémoire en cassation du Ministère Public dans l’affaire Ministère Public c/ PERSONNE1.), en présence de la partie civile société coopérative SOCIETE1.) Le recours en cassation exercé par le Procureur général d’Etat soussigné, formé par déclaration au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 18 juin 2014, est dirigé contre un arrêt de la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, rendu le 21 mai 2014 sous le numéro 247/14 X dans la cause entre le Ministère Public, exerçant l’action publique pour la répression des crimes et délits, appelant, et PERSONNE1.), né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à L-ADRESSE1.), en présence de la partie civile société coopérative SOCIETE1.), dite « SOCIETE2.) », établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), dont le dispositif est conçu comme suit :

« la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, le prévenu et défendeur au civil entendu en ses explications et moyens de défense et en ses conclusions au civil, la demanderesse au civil entendue en ses conclusions et le représentant du ministère public entendu en son réquisitoire, reçoit les appels en la forme ;

les déclare partiellement fondés ;

réformant, au pénal :

dit irrecevables les poursuites du chef de l’infraction libellée sub III, à savoir du chef d’un vol domestique d’un montant de 4.300 euros au préjudice de la société coopérative des cheminots ;

dit que l’infraction à l’article 506-1 1) du code pénal a été commise non seulement pour le montant de 40.882,88 euros, mais encore pour le montant de 4.300 euros remis en espèces à PERSONNE2.) ;

dit que la condition du sursis probatoire prend effet à partir de la date du présent arrêt ;

complète la condition du sursis probatoire par les précisions suivantes :

- payer au plus tard pour le 21 mai 2015 la moitié du montant redû, soit 77.721,22 euros, pour le 21 mai 2016 le solde du principal redû et pour le 21 février 2017 le décompte des intérêts échus ;

6 enlève du dispositif de la décision entreprise les avertissements y inscrits ;

prononce la mainlevée de la saisie du montant de 615 (six cent quinze) euros et en ordonne la restitution à PERSONNE1.) ;

prononce la mainlevée de la saisie conservatoire de l’immeuble sis à L-ADRESSE1.), Résidence RESIDENCE1.), commune de LIEU1.), section LIEU2.), numéro de cadastre NUMERO2.) et NUMERO3.) opérée suivant ordonnance de saisie immobilière du juge d’instruction du 4 février 2010 ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de sa poursuite en instance d’appel, ces frais liquidés à 26,05 euros ;

au civil :

dit non fondée la demande en allocation de dommages et intérêts du chef d’un préjudice moral et en déboute ;

confirme pour le surplus le jugement entrepris au civil ;

condamne PERSONNE1.) aux frais de la demande civile dirigée contre lui en instance d’appel .

Par application des textes de loi cités par la juridiction de première instance en ajoutant les articles 202, 203 et 211 du code d’instruction criminelle.

reçoit les appels ;

les dit non fondés ;

confirme l’ordonnance entreprise ;

laisse les frais de l’instance d’appel à charge de l’Etat ».

En prononçant, par le dispositif ci-avant cité, « la mainlevée de la saisie conservatoire de l’immeuble sis à L-ADRESSE1.), Résidence RESIDENCE1.), commune de LIEU1.), section LIEU2.), numéro de cadastre NUMERO2.) et NUMERO3.) opérée suivant ordonnance de saisie immobilière du juge d’instruction du 4 février 2010 », la Cour d’appel a réformé le jugement rendu le 21 novembre 2013 par la douzième chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, sous le numéro 3057/2013, en ce que celle-ci avait décidé dans le dispositif de son jugement:

« Confiscation 7 r e j e t t e la demande de PERSONNE1.) en restitution de l’immeuble sis à L-

ADRESSE1.), Résidence RESIDENCE1.), Commune de LIEU1.), Section LIEU2.), numéro de cadastre NUMERO2.) et NUMERO3.), saisi suivant ordonnance de saisie immobilière du juge d’instruction du 18 février 2010;

o r d o n n e la c o n f i s c a t i o n spéciale de l’immeuble sis à L-ADRESSE1.), Résidence RESIDENCE1.), Commune de LIEU1.), Section LIEU2.), numéro de cadastre NUMERO2.) et NUMERO3.), saisi suivant ordonnance de saisie immobilière du juge d’instruction du 18 février 2010, jusqu’à concurrence du montant de 155.442,44 euros, redu à la société coopérative SOCIETE1.) dite « SOCIETE2.) », avec les intérêts légaux sur la somme de 156.057,44 euros à partir du 10 décembre 2009 jusqu’à solde ;

a t t r i b u e ce bien confisqué à la société coopérative SOCIETE1.) dite « SOCIETE2.) » jusqu’à concurrence du montant de 155.442,44 euros, avec les intérêts légaux sur la somme de 156.057,44 euros à partir du 10 décembre 2009 jusqu’à solde ».

Dispositif attaqué Le prédit dispositif est attaqué pour autant que la Cour d’appel, par réformation du jugement de première instance, qui avait ordonné la confiscation spéciale de l’immeuble sis à L-ADRESSE1.), Résidence RESIDENCE1.), commune de LIEU1.), section LIEU2.), numéro de cadastre NUMERO2.) et NUMERO3.), saisi suivant ordonnance de saisie immobilière du juge d’instruction du 4 février 2010, jusqu’à concurrence du montant de 155.442,44 euros, redu à la partie civile, attribué ce bien confisqué à la partie civile jusqu’à concurrence du montant de 155.442,44 euros, avec les intérêts légaux sur la somme de 156.067,44 euros à partir du 10 décembre 2009 jusqu’à solde et rejeté une demande en restitution de l’immeuble formé par le prévenu, a prononcé la mainlevée de la saisie immobilière.

Recevabilité du pourvoi au regard de la nature de la décision attaquée La décision attaquée a été rendue en dernier ressort et se prononce de façon définitive sur l’action publique. Elle respecte dès lors les conditions prévues par les articles 407 et 416 du Code d’instruction criminelle.

Raison de la mise en cause de la partie civile Le pourvoi critique la réformation par la Cour d’appel de la décision des juges de première instance de prononcer la confiscation spéciale d’un immeuble appartenant auprévenu et d’attribuer le bien confisqué jusqu’à une certaine somme à la partie civile et la restitution consécutive de cet immeuble au prévenu.

Cette décision, bien que relative à l’action publique, affecte, par son refus d’attribution du bien à la partie civile, directement celle-ci, de sorte que cette dernière est à considérer dans le cadre du présent pourvoi comme partie en cause.

Moyen de cassation Le moyen unique de cassation est tiré de la violation de l’article 31 du Code pénal, en ce que, par réformation du jugement de première instance, qui avait ordonné sur le fondement de l’article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal, la confiscation spéciale d’un immeuble appartenant au prévenu qui avait fait l’objet d’une saisie pénale, attribué ce bien à la partie civile jusqu’à concurrence du préjudice de celle-ci et rejeté une demande en restitution du prévenu, la Cour d’appel a refusé de prononcer la confiscation de l’immeuble et a ordonné la mainlevée de la saisie pénale aux motifs suivants :

« L’article 31-4) du Code pénal qui prévoit la confiscation par équivalent dit que : la confiscation spéciale s’applique (…) 4) aux biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) du présent alinéa, si ceux-ci ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation.

Or il n’était pas dans les intentions du législateur de prévoir la confiscation par équivalent en tant que modalité d’exécution de la confiscation spéciale portant sur les biens. La confiscation par équivalent reste une confiscation de choses et donc une confiscation spéciale, et elle garde un lien étroit avec l’infraction à la base même si c’est un lien en quelque sorte « par ricochet ». (Avis du Conseil d’Etat du 13 février 2007, session ordinaire 2006-2007 concernant le projet de loi n° 5019-1 sur la confiscation et portant modification de différentes dispositions du Code pénal, du Code d’instruction criminelle et de différentes lois spéciales, page 3 alinéa 1er).

L’article 31-1) du code pénal dispose que la confiscation spéciale s’applique aux biens (…) meubles ou immeubles (…) formant l’objet ou le produit direct ou indirect d’une infraction ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré de l’infraction.

L’enquête a révélé que l’immeuble saisi a été acheté par PERSONNE1.) suivant acte notarié de vente 7 février 2007 au prix de 142.663,68 euros et que le financement de l’immeuble a été assuré par la banque 9 SOCIETE3.). D’après les renseignements de la banque, PERSONNE1.) n’avait pas besoin d’un crédit pour acquérir cet immeuble.

La Cour déduit de ces quelques renseignements que l’immeuble acheté en 2007 n’a pas été acquis avec le produit de l’infraction commise en décembre 2009.

A défaut d’un lien quelconque entre l’achat de cet immeuble et les infractions retenues à charge d’PERSONNE1.), la Cour décide, par réformation de la décision entreprise, de faire droit à la demande en restitution d’PERSONNE1.) et de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire de cet immeuble. », alors que l’article 31, premier alinéa, du Code pénal dispose sous 1) que « la confiscation spéciale s’applique : 1) aux biens comprenant les biens de toute nature, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un titre ou d’un droit sur un bien, biens formant l’objet ou le produit, direct ou indirect d’une infraction ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré de l’infraction, y compris les revenus de ces biens » et sous 4) que « la confiscation spéciale s’applique : […] 4) aux biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) du présent alinéa, si ceux-ci ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation » ;

qu’il en découle que tandis que l’article 31, premier alinéa, sous 1) régit la confiscation spéciale de biens liés à l’infraction, à savoir de ceux formant l’objet ou le produit de l’infraction ou constituant un avantage patrimonial tiré de l’infraction, l’article 31, premier alinéa, sous 4) prévoit, dans le cas de figure où les biens visés sous 1) ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation, la confiscation de tout autre bien dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) ;

que les biens visés par l’article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal sont donc, par hypothèse, ceux appartenant au condamné qui n’ont aucun lien avec l’infraction ;

qu’en réformant la décision des juges de première instance de confisquer le bien visé sur le fondement de l’article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal au motif que cette disposition exige un lien entre le bien à confisquer et l’infraction, mais qu’un tel lien fait défaut en l’espèce parce que le bien n’a pas été acquis avec le produit de l’infraction, la Cour d’appel a violé la disposition visée au moyen.

Discussion du moyen de cassation.

La confiscation spéciale1 constitue l’une des peines prévues en matière criminelle, délictuelle et de police2. Elle est régie par les articles 31 à 32-1 du Code pénal. L’article 31, qui définit les biens susceptibles de confiscation, a été refondu par une loi du 1er août 20073.

Il désigne quatre catégories de biens susceptibles de confiscation :

1) L’objet ou le produit de l’infraction et tout avantage patrimonial tiré de l’infraction, quel qu’en soit le propriétaire (Article 31, premier alinéa, sous 1), du Code pénal4).

2) Les instruments de l’infraction, quand la propriété en appartient au condamné (Article 31, premier alinéa, sous 2), du Code pénal5).

3) Les biens, quel qu’en soit le propriétaire, qui ont été substitués à l’objet ou au produit de l’infraction ou aux avantages patrimoniaux tirés de l’infraction, y compris les revenus des biens substitués (Article 31, premier alinéa, sous 3), du Code pénal6).

4) Les biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle de l’objet ou du produit de l’infraction ou de tout avantage patrimonial tiré de l’infraction, si ceux-ci ne peuvent pas être trouvés aux fins de confiscation (Article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal7).

Si la confiscation spéciale emporte, en principe, attribution des biens confisqués à l’Etat, l’article 31, deuxième alinéa, du Code pénal, prévoit cependant deux exceptions à ce principe. D’une part, comme la confiscation porte sur l’objet de l’infraction (telle la chose volée) ou le produit de celle-ci quel qu’en soit le propriétaire, elle pourrait s’étendre à des biens appartenant à la victime de l’infraction. Afin d’éviter cette situation absurde, la loi dispose que de tels biens sont restitués à la victime8. D’autre part, la 1 La peine de la confiscation spéciale, qui est donc spéciale à tels biens déterminés, s’oppose à celle, en vigueur sous l’Ancien Droit et sous l’Empire, de la confiscation générale de l’ensemble du patrimoine du condamné, qui est prohibée par l’article 17 de la Constitution.

2 Voir les articles 7, 14 et 25 du Code pénal.

3 Loi du 1er août 2007 sur la confiscation et portant modification de différentes dispositions du Code pénal, du Code d’instruction criminelle et de différentes lois spéciales, Mémorial A, 2007, n° 136, page 2430.

4 Article 31, premier alinéa, sous 1), du Code pénal : « La confiscation spéciale s’applique : 1) aux biens comprenant les biens de toute nature, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un titre ou d’un droit sur un bien, biens formant l’objet ou le produit, direct ou indirect d’une infraction ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré de l’infraction, y compris les revenus de ces biens ».

5 Article 31, premier alinéa, sous 2), du Code pénal : « La confiscation spéciale s’applique : […] 2) aux biens qui ont servi ou qui ont été destinés à commettre l’infraction, quand la propriété en appartient au condamné ».

6 Article 31, premier alinéa, sous 3), du Code pénal : « La confiscation spéciale s’applique : […] 3) aux biens qui ont été substitués à ceux visés sous 1) du présent alinéa, y compris les revenus des biens substitués ».

7 Article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal : « La confiscation spéciale s’applique : […] 4) aux biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) du présent alinéa, si ceux-ci ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation ».

8 Article 31, deuxième alinéa, première phrase : « Lorsque les biens appartiennent à la personne lésée par l’infraction, ils lui sont restitués ».confiscation porte, à défaut de l’objet ou du produit de l’infraction, sur les biens substitués à ces derniers ou sur d’autres biens du condamné dont la valeur monétaire correspond à celle de l’objet ou du produit de l’infraction. Dans ces deux cas, il serait, en cas de présence d’une victime, choquant pour l’Etat de s’approprier ces biens, qui sont confisqués en lieu et place de l’objet et du produit de l’infraction appartenant le cas échéant à la victime et qui ne peuvent plus être trouvés. La loi dispose dès lors que les biens confisqués sont dans ces cas attribués à la victime9.

Le point 4) du premier alinéa de l’article 31 du Code pénal consacre la confiscation par équivalent ou de la valeur.

Ce concept a été introduit la première fois en droit luxembourgeois par la loi du 17 mars 1992 portant notamment approbation de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne, le 20 décembre 198810, qui modifia l’article 8-2 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie en y disposant que « dans les cas prévus aux articles 7 à 10 [de cette loi], le tribunal, sans préjudice de l’article 42 du code pénal, ordonne en outre la confiscation des biens meubles ou immeubles, divis ou indivis, du condamné qui auront été acquis au moyen du produit de l’infraction ou dont la valeur correspond à celle dudit produit »11.

Il a inspiré la loi du 13 juin 1994 relative au régime des peines12, qui introduisit au Code pénal une disposition suivant laquelle « le jugement qui ordonne la confiscation prononce, pour le cas où celle-ci ne pourrait être exécutée, une amende qui ne dépasse pas la valeur de la chose confisquée. Cette amende a le caractère d’une peine. »13 Ce texte « institu[a] dans une certaine mesure une confiscation par équivalent, en ce sens qu’il prévo[yait] une confiscation de la valeur, mais qui consist[a] simplement en une créance de l’Etat contre le défendeur »14.

Il se retrouva ensuite dans un projet de loi n° 4277 par lequel le Gouvernement proposa de remplacer l’article 8-2 précité de la loi du 19 février 1973 par une disposition nouvelle qui devait trouver sa place dans l’article 18 de la loi : « En cas d’infractions visées aux articles 7 à 10 [de la loi du 19 février 1973], le tribunal ordonne la confiscation […] 3) des biens meubles ou immeubles, divis ou indivis, dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur correspond à celle des biens meubles ou immeubles visés aux points 1) et 2) du présent article [à savoir l’objet et le produit des infractions visées] »15. Le Conseil d’Etat critiqua cette disposition pour ne pas préciser à suffisance 9 Article 31, deuxième alinéa, seconde phrase : « Les biens confisqués lui [la personne lésée] sont de même attribués lorsque le juge en aura prononcé la confiscation pour le motif qu’ils constituent des biens substitués à des choses appartenant à la personne lésée par l’infraction ou lorsqu’ils en constituent la valeur au sens de l’alinéa premier du présent article ».

10 Mémorial A, 1992, n° 15, page 698.

11 C’est nous qui soulignons.

12 Mémorial A, 1994, n° 59, page 1096.

13 Article 31, paragraphe (2), du Code pénal.

14 Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sous le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, troisième alinéa.

15 Projet de loi n° 4277, déposé le 9 janvier 1997 (Doc. Parl. n° 4277, page 2).si la confiscation par équivalent est subsidiaire à la confiscation « en nature », donc ne peut être prononcée que si cette dernière s’avère illusoire, ou peut dans tous les cas se substituer à elle16. Il insista sur la nécessité de rapporter la preuve de l’existence des avantages patrimoniaux illicites dont la confiscation par équivalent est ordonnée17 et sur celle d’identifier dans le patrimoine du condamné des éléments dont la valeur correspond à celle du produit ou de l’objet de l’infraction18.

Cette proposition de texte fut finalement abandonnée19 pour inspirer cependant un article 32-1 nouveau du Code pénal qui fut introduit par la loi du 14 juin 2001 portant notamment approbation de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg, le 8 novembre 199020. Cet article régissait la confiscation spéciale en matière de blanchiment. Il comportait une disposition sur la confiscation par équivalent libellé comme suit : « En cas d’infraction de blanchiment visée aux articles 506-1 à 506-7, la confiscation spéciale s’applique : […] 3) aux biens dont la propriété appartient au condamné et dont la valeur monétaire correspond à celle des biens visés sous 1) du présent alinéa [à savoir l’objet ou le produit de l’infraction ou un avantage patrimonial quelconque tiré de l’infraction], si ceux-ci ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation ». Les auteurs du projet soulignent que leur texte tient compte des critiques formulées par le Conseil d’Etat dans son avis relatif au projet de loi n° 427721 :

« De par la formulation du point 3), la confiscation dite de la valeur a un caractère 16 « Le texte proposé est par contre quelque peu ambigu en ce qui concerne les hypothèses dans lesquelles une telle confiscation par équivalent peut être prononcée : est-ce que la confiscation de la valeur a un caractère subsidiaire, en ce sens qu’elle ne peut être prononcée que si on ne retrouve pas dans le patrimoine du défendeur des biens présentant un lien direct ou indirect avec l’objet ou le produit de l’infraction ? Existe-t-il dès lors un « ordre de priorité » suivant lequel il y a lieu ou non de prononcer une confiscation par équivalent ? Ou au contraire le texte proposé entend-il offrir au juge un choix entre deux possibilités équivalentes, lui permettant dans tous les cas de substituer à la confiscation « en nature » une confiscation par équivalent, ce qui semble avoir été l’intention des auteurs du projet, à en juger d’après les explications contenues dans le commentaire des articles ? » (Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sur le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, cinquième alinéa).

17 « Pour autant la confiscation par équivalent que le projet sous avis entend généraliser notamment en matière de lutte contre la toxicomanie, reste une confiscation spéciale. Or, la confiscation spéciale consiste en l’attribution à l’Etat de certains objets ayant un rapport avec l’infraction. La confiscation par équivalent ne saurait dès lors être prononcée que si le condamné a participé à la commission d’une infraction, conformément aux articles 66 et 67 du Code pénal et si de la commission de l’infraction résultent des avantages patrimoniaux illicites, alors même qu’ils ne se retrouvent pas dans le patrimoine du condamné. La preuve de l’existence de ces avantages patrimoniaux devra dont être rapportée. Il est donc nécessaire que la partie poursuivante établisse à suffisance de droit tant l’existence que le quantum des avantages patrimoniaux illicites générés par une activité délictueuse, sous peine de voir la confiscation par équivalent dégénérer en confiscation prohibée par l’article 17 de la Constitution. » (Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sur le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, septième alinéa).

18 « Par ailleurs, il faudra que la consistance du patrimoine du condamné soit telle qu’elle permette une telle confiscation par équivalent, et surtout qu’il soit possible d’identifier suffisamment d’éléments du patrimoine dont la valeur correspond à celle du produit ou de l’objet directs ou indirects de l’infraction. Il ne saurait en effet être fait abstraction de cette dernière exigence, la confiscation par équivalent participant de la nature de toute confiscation, c’est-à-dire de son caractère spécial, ce qui implique que les biens à confisquer soient identifiés et précisés dans la décision ordonnant cette mesure. » (Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sur le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, huitième alinéa).

19 Amendements adoptés le 12 mai 2000 par la Commission juridique de la Chambre des Députés dans le cadre du projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277-1, pages 1 et 2).

20 Mémorial A, 2001, n° 81, page 1708.

21 Exposé des motifs et commentaire des articles du projet de loi n° 4657 (Doc. Parl. n° 4657, pages 6 et 14.subsidiaire et un lien doit être établi entre la valeur à fixer et la valeur réelle des biens visés au point 1) qui n’ont pu être trouvés. Cette formulation écarte ainsi, sur ce plan, le risque d’un renversement de la charge de la preuve. Il est ainsi également tenu compte des critiques afférentes du Conseil d’Etat en son avis du 29 octobre 1996 »22. Le Conseil d’Etat approuva le texte, relevant « que d’après le texte proposé, le système luxembourgeois de confiscation continuera à porter sur des biens précis »23.

Ce texte inspira à son tour l’article 31 actuel du Code pénal tel qu’il est issu de la loi du 1er août 200724 qui, s’agissant de la confiscation par équivalent prévue par le premier alinéa, sous 4), le reprend à la lettre.

Dans son avis sur le projet de loi n° 5019 ayant proposé cette loi25, le Conseil d’Etat considère que la confiscation par équivalent, telle que prévue par la loi de 2001 et reprise par celle de 2007, ne constitue, contrairement au droit belge, pas une modalité d’exécution de la confiscation spéciale sur les biens. L’article 42, sous 3), du Code pénal belge dispose que la confiscation spéciale s’applique aux avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis. L’article 43bis du même Code dispose, dans son deuxième alinéa, que « si ces choses ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, le juge procédera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d’argent qui leur sera équivalente ». En droit belge, la confiscation par équivalent s’exécute donc « sur le patrimoine du condamné à concurrence d’un montant équivalent »26. En revanche, en droit luxembourgeois, la confiscation par équivalent porte sur des biens, de sorte qu’elle « reste une confiscation de choses et donc une confiscation spéciale, et elle garde un lien avec l’infraction à la base, même si c’est un lien en quelque sorte « par ricochet » »27.

Ce lien « par ricochet » entre les biens confisqués par équivalent et l’infraction a été précisé par le Conseil d’Etat dans son avis sur le projet de loi n° 4277 :

« Pour autant la confiscation par équivalent que le projet sous avis entend généraliser notamment en matière de lutte contre la toxicomanie, reste une confiscation spéciale.

Or, la confiscation spéciale consiste en l’attribution à l’Etat de certains objets ayant un rapport avec l’infraction. La confiscation par équivalent ne saurait dès lors être prononcée que si le condamné a participé à la commission d’une infraction, conformément aux articles 66 et 67 du Code pénal et si de la commission de l’infraction 22 Idem, page 14, sous « Article 10 », deuxième alinéa.

23 Avis du Conseil d’Etat, du 28 novembre 2000, sur le projet de loi n° 4657 (Doc. Parl. n° 4657-1, page 7, premier alinéa.

24 Commentaire des articles du projet de loi n° 5019, page 6, sous Article 31 : « Il est suggéré de remplacer l’article 31 actuel du Code pénal qui date de l’année 1994 et dont la portée et le champ d’application sont trop limités.

Ainsi, il est proposé de s’inspirer du nouvel article 32-1 du Code pénal tel qu’il a été introduit par la loi du 14 juin 2001 portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 1990 relatif au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, mais avec les adaptations suivantes : - extension du champ d’application de l’article à toute sorte d’infraction […] ».

25 Avis du Conseil d’Etat, du 13 février 2007, sur le projet de loi n° 5019 (Doc. Parl. n° 5019-1, pages 2 et 3).

26 Idem, page 2, antépénultième alinéa.

27 Idem, page 3, premier alinéa.résultent des avantages patrimoniaux illicites, alors même qu’ils ne se retrouvent pas dans le patrimoine du condamné. La preuve de l’existence de ces avantages patrimoniaux devra dont être rapportée. Il est donc nécessaire que la partie poursuivante établisse à suffisance de droit tant l’existence que le quantum des avantages patrimoniaux illicites générés par une activité délictueuse, sous peine de voir la confiscation par équivalent dégénérer en confiscation prohibée par l’article 17 de la Constitution.

Par ailleurs, il faudra que la consistance du patrimoine du condamné soit telle qu’elle permette une telle confiscation par équivalent, et surtout qu’il soit possible d’identifier suffisamment d’éléments du patrimoine dont la valeur correspond à celle du produit ou de l’objet directs ou indirects de l’infraction. Il ne saurait en effet être fait abstraction de cette dernière exigence, la confiscation par équivalent participant de la nature de toute confiscation, c’est-à-dire de son caractère spécial, ce qui implique que les biens à confisquer soient identifiés et précisés dans la décision ordonnant cette mesure. »28 La confiscation par équivalent telle que libellée suppose donc :

- la preuve de la participation du condamné à l’infraction, - la preuve de l’existence d’avantages patrimoniaux illicites résultant de l’infraction et - l’identification de biens appartenant au condamné dont la valeur correspond à celle de l’objet ou du produit de l’infraction ou de l’avantage patrimonial qui en a été tiré.

C’est par l’exigence de ces preuves qu’il est, aux yeux du Conseil d’Etat, assuré que la confiscation par équivalent garde un lien avec l’infraction à la base et reste une confiscation spéciale.

Ce point étant précisé, il est bien entendu que la confiscation par équivalent porte sur des biens du condamné autres que celles qui forment l’objet ou le produit de l’infraction ou en constituent un avantage patrimonial.

Cette conclusion découle déjà clairement du texte de l’article 31, premier alinéa, sous 4), du Code pénal, qui dispose que la confiscation par équivalent s’applique sur des « biens dont la propriété appartient au condamné » si les biens qui forment l’objet ou le produit de l’infraction ou en constituent un avantage patrimonial « ne peuvent être trouvés aux fins de confiscation ». Comme elle suppose le défaut de biens formant l’objet ou le produit de l’infraction ou en constituant un avantage patrimonial, elle porte nécessairement sur des biens autres que ces derniers.

S’il n’en était pas ainsi, le point 4), du premier alinéa de l’article 31 n’aurait aucune raison d’être. Il suffirait alors de garder le point 1), qui vise la confiscation des biens ayant un lien direct avec l’infraction.

28 Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sur le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, septième alinéa).

De façon superfétatoire, cette conclusion découle par ailleurs de l’avis précité du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 4277.

« […] La confiscation par équivalent ne saurait dès lors être prononcée que si le condamné a participé à la commission d’une infraction, conformément aux articles 66 et 67 du Code pénal et si de la commission de l’infraction résultent des avantages patrimoniaux illicites, alors même qu’ils ne se retrouvent pas dans le patrimoine du condamné.[…] Par ailleurs, il faudra que la consistance du patrimoine du condamné soit telle qu’elle permette une telle confiscation par équivalent, et surtout qu’il soit possible d’identifier suffisamment d’éléments du patrimoine dont la valeur correspond à celle du produit ou de l’objet directs ou indirects de l’infraction. […] » 29.

La confiscation par équivalent, comme son nom l’indique, porte sur des biens autres que ceux qui forment l’objet ou le produit de l’infraction ou en constituent un avantage patrimonial.

Malheureusement la Cour d’appel a méconnu ce point.

Elle déduit du constat que le bien visé, à savoir un immeuble appartenant au condamné, n’a pas été acquis avec le produit de l’infraction qu’il ne peut pas faire l’objet d’une confiscation par équivalent. Au soutien de cette déduction, elle retient, en se référant au passage précité de l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 5019, que la confiscation par équivalent, prévue par l’article 31, premier alinéa, sous 4), doit porter sur des biens ayant un lien étroit avec l’infraction. Elle se fonde ainsi sur une mauvaise lecture de cet avis, alors que le lien « par ricochet » y visé entre le bien faisant l’objet d’une confiscation par équivalent et l’infraction est constitué par la preuve de la participation du condamné à l’infraction, par la preuve de l’existence d’avantages patrimoniaux illicites découlant de cette infraction et par l’identification de biens appartenant au condamné dont la valeur correspond à celle de l’objet ou du produit de l’infraction ou de l’avantage patrimonial qui en a été tiré. Il n’est, en revanche, pas de plus requis d’établir que les biens confisqués proviennent de l’infraction, alors que la confiscation par équivalent suppose, par hypothèse, que de tels biens ne peuvent pas être trouvés. Dans une telle lecture, le point 4) du premier alinéa de l’article 31 du Code pénal n’a plus aucune raison d’être et il suffit de s’en tenir au point 1). La Cour d’appel se réfère d’ailleurs, après avoir constaté que la confiscation par équivalent suppose un lien direct entre le bien à confisquer et l’infraction, au point 1) pour conclure que le bien visé ne peut, faute d’avoir été acquis avec le produit de l’infraction, être confisqué.

La Cour d’appel a ainsi violé l’article 31 du Code pénal.

29 Avis du Conseil d’Etat du 29 octobre 1996 sur le projet de loi n° 4277 (Doc. Parl. n° 4277, page 10, septième alinéa).Conclusion Le Procureur général d’Etat soussigné conclut en conséquence de ce qui précède qu’il plaise à la Cour de cassation, Casser la décision entreprise avec les conséquences légales qu’entraîne la cassation.

Le Procureur général d’Etat Robert BIEVER 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 41/14
Date de la décision : 27/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2014-11-27;41.14 ?

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