GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 34404C du rôle Inscrit le 22 avril 2014 Audience publique du 6 novembre 2014 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 12 mars 2014 (n° 32348 du rôle) dans un litige l’opposant à Monsieur … …, … (France), en présence de Maître … …, pris en sa qualité de curateur de la faillite de la société X s.à r.l, et de la société Y S.A., …, en matière de garantie de salaire Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 34404C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2014 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 12 mars 2014 (n° 32348 du rôle) ayant déclaré fondé le recours introduit par Monsieur … …, demeurant à F-…, de sorte à annuler la décision du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi du 24 janvier 2013 portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale déclarée par Monsieur … dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée X s.à r.l.;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 2 mai 2014, portant signification de cette requête d’appel à Monsieur … …, à Maître … …, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pris en sa qualité de curateur de la faillite de la société à responsabilité limitée X s.à r.l, ainsi qu’à la société anonyme Y S.A. (anciennement Z S.A. et X-1 S.A.), établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonction ;
Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe de la Cour administrative le 30 mai 2014 par Maître Guillaume RAUCHS au nom de Monsieur … … ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2014 par Maître Georges PIERRET pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COÏ, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Maître Sébastien LIMAT, en remplacement de Maître Guillaume RAUCHS, en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 14 octobre 2014.
Par contrat de travail du 15 octobre 2003, Monsieur … … fut engagé par la société à responsabilité limitée X s.à r.l., ci-après désignée par « la société X », en qualité de responsable de salle.
La société X fut déclarée en faillite par jugement du Tribunal d’arrondissement de et à … du 21 août 2012.
Le 20 septembre 2012, Monsieur … déposa une déclaration de créance en vue de l’admission au passif privilégié de la faillite de la société X d’une créance salariale de … euros, correspondant aux salaires bruts des mois de juillet et août 2012, dont il y aurait lieu de déduire un acompte de … euros nets.
Le 21 septembre 2012, la créance de Monsieur … fut admise au passif privilégié de la faillite à hauteur du montant déclaré.
Son dossier fut par la suite remis à l’Agence pour le développement de l’emploi, ci-après désignée par « ADEM », aux fins de bénéficier du mécanisme de la garantie salariale, tel que prévu par l’article L.126-1 du Code du travail.
Par décision du 24 janvier 2013, le directeur de l’ADEM informa le curateur de la faillite de la société X de l’impossibilité de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale demandée par Monsieur …, au motif qu’il y aurait eu en l’espèce un transfert d’entreprise au sens de l’article L.127-2 du Code du travail dans la mesure où la société anonyme X-1 S.A., ci-après désignée par « la société X-1 », aurait repris la majeure partie de la société X, en ce compris les salles de projection de cette dernière et où l’activité poursuivie par la société X-1 serait similaire, voire identique à celle de la société en faillite, dès lors que l’objet social de chacune de ces deux sociétés serait l’exploitation et la programmation de cinémas, les projections audiovisuelles et la distribution de films, ainsi que les activités connexes. Il se référa encore à l’article L.
127-3 du Code du travail aux termes duquel, en cas de transfert d’entreprise, les droits et obligations résultant pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert seraient, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2013, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation de cette décision de refus du directeur de l’ADEM du 24 janvier 2013.
A travers un jugement du 12 mars 2014, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme et, au fond, annula la décision du directeur de l’ADEM portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale déclarée par Monsieur … et renvoya l’affaire devant le directeur de l’ADEM, rejeta la demande en obtention d’une indemnité de procédure de Monsieur … et condamna l’Etat aux frais de l’instance.
Le tribunal rejeta tout d’abord le moyen de Monsieur … déniant au directeur de l’ADEM le droit de contester l’existence et la consistance de la créance salariale admise au passif de la faillite. Il rappela que l’ADEM, en sa qualité de tiers par rapport à la décision prise par le juge-commissaire, ne saurait se voir refuser son droit de procéder à son propre examen des créances dont elle est tenue au paiement.
Quant à la contestation du demandeur de l’existence d’un transfert d’entreprise, le tribunal, se référant à l’article L.127-2 du Code du travail, rappela que pour qu’il y ait un transfert d’entreprise, il faut la réunion de deux critères, à savoir, d’une part, la persistance d’un ensemble de moyens de production organisés et, d’autre part, la poursuite d’une activité identique ou similaire qui, par son importance, constitue une entreprise distincte. Il rejeta ensuite l’argument du demandeur selon lequel un transfert d’entreprise ne serait possible qu’entre deux sociétés ayant une activité économique, ce qui ne serait pas le cas de la société X, étant donné qu’elle serait en faillite, en se fondant sur l’article L.127-5 (1) du Code du travail qui prévoit la possibilité d’un transfert d’entreprise même lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite. Le tribunal retint en conséquence qu’à défaut d’autres contestations, il ne disposait pas d’éléments permettant de mettre en doute le constat du directeur de l’ADEM quant à l’existence d’un transfert d’entreprise.
Concernant le moyen du demandeur selon lequel les articles L.127-1 et suivants du Code du travail ne pourraient pas faire obstacle à l’application de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, devenu l’article L.126-1 du Code du travail, le tribunal, se référant à l’article L.127-3 (1), alinéas 1er et 3, du Code du travail, releva qu’alors même que les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire, le cédant et le cessionnaire sont, après la date du transfert, solidairement tenus des obligations venues à échéance avant la date du transfert à la suite d’un contrat de travail existant à la date du transfert. A partir des pièces versées et à défaut d’autres contestations du demandeur à cet égard, il en déduit que le transfert d’entreprise entre les sociétés X et X-1 avait eu lieu au plus tôt le 15 août 2012, de sorte que la créance litigieuse, correspondant aux salaires bruts dus au salarié pour la période du 1er juillet 2012 au 14 août 2012, après déduction d’un acompte de … euros nets, était venue à échéance au moment du transfert et qu’a priori, la solidarité entre le cédant et le cessionnaire, telle que prévue à l’article L.127-3 (1), alinéa 3, du Code du travail, était appelée à jouer. Il conclut que c’était à tort que le directeur de l’ADEM avait refusé de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale déclarée par Monsieur … dans le cadre de la faillite de la société X au motif de l’existence d’un transfert d’entreprise.
Le tribunal ajouta, en se fondant sur l’article L.126-1 (5) du Code du travail prévoyant que « le droit à la garantie s’ouvre pour le salarié, lorsque les créances salariales ne peuvent être payées, en tout ou en partie, sur les fonds disponibles dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement déclaratif de la faillite », que le droit à garantie est subordonné à la seule insuffisance des fonds disponibles dans le cadre de la faillite de l’employeur pour procéder au paiement de tout ou partie de la créance garantie, indépendamment de l’existence éventuelle d’autres moyens pour le salarié de récupérer sa créance, tels que la présence d’un second débiteur tenu solidairement avec le failli de la créance en question, ainsi que cela est notamment le cas du cessionnaire dans le cadre d’un transfert d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L.127-3 (1), alinéa 3, du Code du travail.
A partir de ces éléments, le tribunal arriva à la conclusion que le seul fait qu’il y ait eu transfert d’entreprise entre les sociétés X et X-1 n’était pas de nature à motiver légalement la décision litigieuse, étant donné que ce transfert n’avait pas eu pour effet d’anéantir la créance de Monsieur … à l’encontre de la société X, mais de rendre solidairement responsables les sociétés X et X-1 de la créance litigieuse. Il annula en conséquence la décision du directeur de l’ADEM, tout en rejetant la demande de Monsieur … en obtention d’une indemnité de procédure comme non fondée.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2014, l’Etat a régulièrement relevé appel de ce jugement du 12 mars 2014.
A l’appui de son appel, il sollicite tout d’abord la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a reconnu à l’ADEM le droit de procéder à son propre examen des créances au paiement desquelles elle est tenue et en ce qu’il a admis l’existence d’un transfert d’entreprise entre les sociétés X et X-1 au plus tôt le 15 août 2012.
L’Etat critique ensuite les premiers juges d’avoir qualifié l’ADEM de « quasi cédant » à travers le jeu du mécanisme de garantie des créances salariales en lieu et place de la société X. En se fondant sur les articles L.127-3 (1), alinéas 3 et 4 et L.127-5 (1) du Code du travail, il fait plaider que la règle de la solidarité existant entre le cédant et le cessionnaire serait mitigée, dès lors que l’article L.127-3 (1), alinéa 4, du Code du travail prévoirait que le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire en application de l’alinéa 3 de la même disposition. Il en déduit que bien qu’il soit institué une obligation solidaire entre le cédant et le cessionnaire à l’article L.127-3 (1), alinéa 3, du Code du travail, l’alinéa 4 de ce même article fixerait l’ordre de priorité aux fins de recouvrement d’une créance dans une telle hypothèse. Il estime partant qu’il appartient au créancier, dans un premier temps, de s’adresser prioritairement au cessionnaire qui lui et lui seul pourrait se retourner vers le cédant dans un second temps.
Il en conclut qu’il appartiendrait à la partie intimée d’introduire prioritairement sa demande en paiement d’arriérés de salaire contre la société X-1 devant le tribunal de travail compétent et non pas de procéder par voie de déclaration de créance auprès de la société faillie X.
L’appelant fait encore valoir que les dispositions générales de l’article L.126-1 (5) du Code du travail ne feraient pas obstacle à l’application des dispositions spéciales régissant le transfert d’entreprise.
L’intimé conteste tout d’abord l’affirmation de l’Etat selon laquelle le transfert d’entreprise aurait eu lieu antérieurement à la déclaration de faillite de la société X. Il conteste pareillement qu’il s’agisse en l’occurrence d’un transfert d’entreprise au sens des articles L.127-1 et suivants du Code du travail, en insistant sur le fait que la loi aurait prévu que la garantie du Fonds pour l’emploi couvre les créances dues à la date du jugement déclaratif de faillite pour les six derniers mois de travail et non seulement pour les six mois ayant précédé le jugement de faillite. Le directeur de l’ADEM aurait ainsi méconnu tant la lettre que l’esprit des dispositions de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. La disposition de l’article 44 (2) de la loi précitée du 24 mai 1989 serait claire en ce qu’elle garantit les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues aux salariés pour les six derniers mois de travail. Ainsi, les articles L.127-1, L.127-2 et L.127-3 du Code du travail ne seraient pas applicables alors que la société X a été déclarée en état de faillite le 21 août 2012. L’article L.127-1 du Code du travail ne pourrait pas faire obstacle à l’application de l’article 46 de la loi précitée du 24 mai 1989 garantissant aux salariés leur créance.
En ordre subsidiaire, pour le cas où la Cour serait amenée à retenir le transfert d’entreprise, l’intimé fait valoir que l’article L.127-3 (1), alinéa 4, du Code du travail instituerait la solidarité entre le cédant et le cessionnaire, de sorte que ce serait à bon droit que les premiers juges auraient fait application du mécanisme de la solidarité et ce d’autant plus que la société X est en faillite, entraînant que les créances salariales sont garanties conformément à l’article L.126-1 du Code du travail. Il estime que si le mécanisme de la solidarité n’était pas appliqué, il y aurait contradiction entre l’article L.127-3 et les articles L.126-1 du Code du travail et 2101, paragraphe 2, du Code civil. Il réfute également l’argument de l’Etat selon lequel il aurait dû introduire d’abord une demande en paiement des arriérés de salaire à l’encontre de la société X-1 devant le tribunal du travail en renvoyant à l’article L.127-3 (1), alinéa 4, du Code du travail qui prévoit une convention entre le cédant et le cessionnaire. Il estime cependant que si une telle convention devait exister, il serait étranger à cette convention et, en tout état de cause, elle ne pourrait pas tenir en échec la garantie étatique des créances de salaires. Il en conclut que l’ordre de priorité invoqué par l’Etat ne serait point applicable aux salariés et que leurs droits ne pourraient pas ainsi être anéantis par une décision du directeur de l’ADEM.
Comme cela a été relevé à bon escient par les premiers juges, la décision de refus litigieuse est motivée par la considération qu’il y a eu un transfert d’entreprise entre la société X et la société X-1 et que de ce fait la dette de salaire de la société X a été transférée à la société X-1. Il y a encore lieu de préciser que s’il est tantôt question de transfert d’entreprise à la société Z S.A., il s’agit toujours de la société X-1, celle-ci ayant changé sa dénomination le 26 octobre 2012 en Z S.A., de sorte que s’il est question de transfert d’entreprise à la société Z, il faut entendre la société X-1.
Les premiers juges ont fait une analyse correcte des dispositions des articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail qui régissent le transfert d’entreprise ainsi que ses conditions d’application, de sorte qu’il y a lieu de s’y rapporter.
En ce qui concerne le transfert d’entreprise dont l’existence a été retenue par le directeur de l’ADEM et confirmée par les premiers juges, si l’intimé conteste qu’il y ait eu transfert d’entreprise en l’espèce, il n’apporte pas en appel davantage d’éléments qui permettraient de remettre en cause le constat d’un transfert d’entreprise entre la société X et la société X-1.
Quant à l’argument de l’intimé selon lequel les dispositions relatives au transfert d’entreprise ne seraient pas applicables alors que la société X a été déclarée en état de faillite, les premiers juges sont encore à confirmer en ce qu’ils ont rejeté ce moyen, étant donné que l’article L.127-5 (1) du Code du travail prévoit l’hypothèse du transfert d’entreprise en cas de faillite du cédant sous certaines conditions.
Il ressort des pièces du dossier que le transfert d’entreprise a eu lieu antérieurement à la déclaration en faillite de la société X. En effet, contrairement à ce qu’affirme l’intimé, son contrat de travail n’a pas pris fin le 21 août 2012, date du jugement déclaratif de faillite de la société X, mais il a été résilié d’un commun accord entre parties le 14 août 2012 avec effet au 15 août 2012. D’ailleurs, dans sa déclaration de créance, l’intimé a déclaré des arriérés de salaire n’allant que jusqu’au 14 août 2012. Il ressort par ailleurs du tableau synoptique des affiliations de Monsieur … auprès du Centre commun de la Sécurité sociale que celui-ci a été affilié en tant que salarié à partir du 15 août 2012 auprès de la société X-1, tout comme une autre salariée, dont le tableau synoptique des affiliations auprès du Centre commun de la Sécurité sociale est également versé au dossier administratif, de sorte que les premiers juges ont à juste titre pu retenir que le transfert d’entreprise avait eu lieu à la date du 15 août 2012.
Aux termes de l’article L.127-3 (1), alinéas 1er et 3, du Code du travail :
« Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. (…) Le cédant et le cessionnaire sont, après la date du transfert, responsables solidairement des obligations venues à échéance avant la date du transfert à la suite d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert. (…) ».
Le transfert d’entreprise n’ayant pas été utilement remis en cause par l’intimé, la Cour est amenée à retenir, à l’instar des premiers juges, que les droits et obligations résultant pour Monsieur … de son contrat de travail avec la société X ont été cédés à la société X-1, devenue plus tard la société Z.
Toutefois, conformément aux termes de l’article L. 127-3 (1), alinéa 3, du Code du travail, le cédant et le cessionnaire sont solidairement responsables des obligations venues à échéance avant la date du transfert. Il s’ensuit que le salarié concerné par un transfert d’entreprise a deux débiteurs (le cessionnaire et le cédant) pour ce qui concerne les dettes existant à la date du transfert. Il s’ensuit que la créance litigieuse, correspondant aux salaires bruts dus au salarié pour la période du 1er juillet 2012 au 14 août 2012, dont il y a lieu de déduire un acompte de … euros nets, était venue à échéance au moment du transfert, de sorte qu’a priori, la solidarité entre le cédant et le cessionnaire, telle que prévue à l’article L.127-3 (1), alinéa 3 du Code du travail, est appelée à jouer.
La Cour ne saurait cependant suivre l’appelant dans son raisonnement selon lequel l’alinéa 4 de l’article L.127-3 (1) du Code du travail, en ce qu’il prévoit que le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire en application de l’alinéa 3, instituerait un ordre de priorité aux fins de recouvrement d’une créance en pareille hypothèse. En effet, bien que les droits et les créances résultant pour le cédant d’un contrat de travail soient, du fait du transfert d’entreprise, transférés au cessionnaire, et qu’il appartienne dès lors au cessionnaire d’honorer les créances existant à la date du transfert d’entreprise, la loi prévoit toutefois que le cédant et le cessionnaire sont engagés solidairement. Contrairement à ce qu’affirme la partie appelante, l’alinéa 4 de l’article L.127-3 (1) du Code du travail n’a ainsi pas pour objet d’instituer une hiérarchie entre les débiteurs solidaires, mais a seulement pour objet de régler les rapports entre le cédant et le cessionnaire. Il s’ensuit qu’il appartient au créancier de choisir librement lequel des débiteurs solidaires il entend poursuivre en paiement.
Les premiers juges ont encore à bon escient relevé en se fondant sur l’article L.126-1 (5) du Code du travail prévoyant que : « Le droit à la garantie s’ouvre pour le salarié, lorsque les créances visées au présent article ne peuvent être payées, en tout ou en partie, sur les fonds disponibles dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement déclaratif de la faillite », que le droit à garantie est subordonné à la seule insuffisance des fonds disponibles dans le cadre de la faillite de l’employeur pour procéder au paiement de tout ou partie de la créance garantie, indépendamment de l’existence éventuelle d’autres moyens pour le salarié de récupérer sa créance, tels que la présence d’un second débiteur tenu solidairement avec le failli de la créance en question, ainsi que cela est notamment le cas du cessionnaire dans le cadre d’un transfert d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L.127-3 (1), alinéa 3, du Code du travail.
C’est partant à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont annulé la décision litigeuse du directeur de l’ADEM portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation des arriérés de salaire déclarés par Monsieur … dans le cadre de la déclaration de créance.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et que le jugement entrepris est à confirmer, également et y compris en ce qu’il a rejeté la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur ….
La demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … pour l’instance d’appel est également à rejeter, les conditions afférentes prévues par l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, applicable à la Cour en vertu de l'article 54 de la même loi, ne se trouvant pas réunies.
Il n’y a pas non plus lieu de faire droit à la demande en déclaration de jugement commun au curateur de la faillite de la société X, Maître … …, et à la société Y S.A.
(anciennement X-1 S.A.), telle que formulée au dispositif du mémoire en réplique, une telle demande, propre à la procédure civile, étant inutile au niveau du contentieux administratif où l’opposabilité d’un jugement résulte de la seule mise en intervention des parties tierces-intéressées visées par le biais de la signification de la requête d’appel.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties, reçoit l'appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant confirme le jugement entrepris du 12 mars 2014, rejette la demande en allocation d'une indemnité de procédure formulée par l’intimé en instance d'appel, condamne l’Etat aux dépens de l'instance d'appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.
s. MAY s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier en chef de la Cour administrative 9