GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 34253Ca Inscrit le 21 juillet 2014
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Audience publique du 6 août 2014 Requête en interprétation introduite par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par rapport à un arrêt de la Cour administrative du 22 mai 2014 (n° 34253C du rôle) dans un litige l’ayant opposé à M. …, … (F), en matière d’échange de renseignements
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Vu la requête en interprétation déposée au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 2014 par Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER, agissant pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg en vertu d’un mandat à ces fins lui conféré par le ministre des Finances le même 21 juillet 2014, par rapport au dispositif de l’arrêt de la Cour administrative du 22 mai 2014 (n° 34253C du rôle) ayant statué sur l’acte d’appel, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 mars 2014 par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à F-…, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 7 mars 2014, par lequel ledit tribunal a déclaré partiellement fondé le recours tendant à l’annulation d’une décision prise en date du 7 août 2013 par le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements et a partiellement annulé ladite décision directoriale ;
Vu la communication de cette requête à Maître David YURTMAN effectuée par le greffe de la Cour administrative le même 21 juillet 2014 ;
Vu la note de plaidoiries déposée à l’audience du 30 juillet 2014 par Maître David YURTMAN pour compte de Monsieur …, préqualifié ;
Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêt en cause ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gwendoline BELLA, en remplacement de Maître David YURTMAN, et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juillet 2014.
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Par jugement du 7 mars 2014 (n° 33273a du rôle), le tribunal administratif statua sur le recours introduit par Monsieur … tendant à l’annulation d’une décision prise en date du 7 août 2013 par le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements. Il déclara le recours en annulation partiellement fondé, annula la décision directoriale du 7 août 2013 dans la mesure où elle enjoint à la banque … S.A. de fournir des renseignements allant au-delà des indications suivantes : si le demandeur était pour la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le titulaire du compte bancaire en cause, s’il est autorisé à effectuer des opérations sur ce compte et si le demandeur est bien la personne ayant ouvert le compte, au cas où l’ouverture se situe dans la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et, en cas de réponses affirmatives à ces questions, d’indiquer les soldes d’ouverture et de clôture desdits comptes, d’indiquer le montant des intérêts payés pour ce compte pour la période visée et de fournir les relevés bancaires pour cette période pour autant qu’ils renseignent des opérations effectuées par le demandeur en la qualité lui attribuée par l’Etat requérant. Le tribunal fit masse des frais et les mit pour moitié à charge respectivement du demandeur et de l’Etat.
Sur appel principal de Monsieur … et appel incident de l’Etat, la Cour administrative rendit le 22 mai 2014 un arrêt (n° 33253C du rôle) dont le dispositif est conçu comme suit :
« PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 27 mars 2014 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, reçoit l’appel incident de l’Etat en la forme, au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation partielle du jugement entrepris du 7 mars 2014, annule la décision directoriale du 7 août 2013 dans la mesure où elle enjoint à la banque … S.A. de fournir des renseignements allant au-delà des éléments suivants : si l’appelant était au cours de la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le titulaire d’un ou de plusieurs comptes bancaires, s’il est autorisé à effectuer des opérations sur ce ou ces comptes et s’il est bien la personne ayant ouvert ledit ou lesdits comptes, au cas où l’ouverture se situe dans la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et, en cas de réponses affirmatives à ces questions, d’indiquer les soldes d’ouverture et de clôture dudit ou desdits comptes pour la période visée, d’indiquer les montants des intérêts payés pour ce ou ces comptes pour la période visée et les montants des impôts payés sur ces intérêts durant la même période et de fournir les relevés bancaires pour cette période pour autant qu’ils portent sur des flux financiers entre l’appelant et la société …, confirme le jugement entrepris pour le surplus, rejette la demande en allocation d’une indemnité de respectivement 2.500 € pour la première instance et de 3.500 € pour l’instance d’appel, formulée par l’appelant, fait masse des dépens d’appel et les impose à raison d’une moitié respectivement à l’appelant et à l’Etat ».
En date du 21 juillet 2014, l’Etat a fait déposer au greffe de la Cour administrative une requête en interprétation du dispositif de cet arrêt.
L’Etat expose que ledit dispositif donnerait lieu à une difficulté d’interprétation en ce sens que la banque … S.A. refuserait de fournir l’intégralité des renseignements dont la communication aurait été considérée comme vraisemblablement pertinente par la Cour.
Ainsi, tout en reconnaissant que l’appelant était au cours de la période concernée, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le titulaire de plusieurs comptes bancaires et qu’il est autorisé à effectuer des opérations sur ces comptes, la banque … S.A. se fonderait sur le fait que les dates d’ouverture des comptes ne se situent pas dans la période concernée visée par l’arrêt précité pour refuser de fournir les autres informations demandées, à savoir les soldes d’ouverture et de clôture dudit ou desdits comptes pour la période visée, les montants des intérêts payés pour ce ou ces comptes pour la période visée, les montants des impôts payés sur ces intérêts durant la même période et les relevés bancaires pour cette période pour autant qu’ils portent sur des flux financiers entre l’appelant et la société …. L’Etat estime que le dispositif de l’arrêt susvisé devrait s’interpréter dans le sens que la banque … S.A. serait tenue de fournir tous les renseignements susvisés en cas de réponse affirmative à l’une des trois questions suivantes : si l’appelant était au cours de la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le titulaire d’un ou de plusieurs comptes bancaires, s’il est autorisé à effectuer des opérations sur ce ou ces comptes et s’il est bien la personne ayant ouvert ledit ou lesdits comptes, au cas où l’ouverture se situe dans la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Il conclut partant à ce que le dispositif de l’arrêt prévisé soit clarifié en ce sens.
Monsieur … fait par contre valoir que la Cour aurait retenu expressis verbis dans le dispositif de l’arrêt en question que les conditions visées aux points 1°, 2° et 3° devraient être préalablement et cumulativement remplies pour que la fourniture des informations visées sous les points subséquents s’impose à l’établissement de crédit, de manière que ce dernier ne serait pas tenu de fournir lesdites informations dès lors que l’une de ces conditions ne se trouve pas vérifiée. Il estime en outre que la communication desdites informations ne serait envisageable que pour autant qu’elles concernent des flux financiers entre l’appelant et la société … à l’exclusion de tous autres flux. Monsieur … conclut partant à une interprétation stricte et littérale du dispositif de l’arrêt en cause.
La Cour rappelle que dans son arrêt du 22 mai 2014, elle avait retenu que la demande de renseignements des autorités françaises du 23 juillet 2013 tend à voir établir la réalité de distributions de dividendes opérées durant les années 2010 et 2011 par la société … en faveur de Monsieur … en sa qualité d’ « ayant droit économique » et les montants de ces distributions, tout comme elle tend à voir confirmer l’existence d’un compte détenu par l’appelant auprès de la banque … S.A. au cours de cette même période par le biais duquel les distributions ont été mises à sa disposition.
Les trois premières questions indiquées dans le dispositif dudit arrêt ont partant pour objet de voir confirmer ou infirmer par l’établissement de crédit visé si Monsieur … est effectivement le titulaire du ou des comptes bancaires en question et si les fonds et revenus afférents à la période visée dans la demande de renseignements lui sont fiscalement imputables. Or, comme chacune des qualités visées dans les trois premières questions – titulaire du ou des comptes, personne autorisée à effectuer des opérations sur ce ou ces comptes, personne ayant ouvert le ou les comptes – est de nature à emporter potentiellement, dans les conditions et limites prévues par le droit interne français, les conséquences de l’imputabilité fiscale à Monsieur … des fonds et revenus du ou des comptes le cas échéant révélés, ces trois qualités doivent nécessairement être considérées comme étant alternatives et non pas cumulatives, en sorte que si l’une d’elle se trouve vérifiée en fait, l’obligation pour l’établissement de crédit concerné de fournir les renseignements définis aux points subséquents se trouve déclenchée. Une interprétation contraire tendant à imprimer aux trois premières questions un caractère cumulatif irait partant à l’encontre de l’esprit et du sens des motifs de l’arrêt du 22 mai 2014 qui constituent le support indissociable de son dispositif.
La Cour tient à ajouter que la troisième question consistant à savoir si Monsieur … « est bien la personne ayant ouvert ledit ou lesdits comptes, au cas où l’ouverture se situe dans la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 » est à comprendre en ce sens qu’une réponse à cette question n’est à fournir que si l’ouverture du ou des comptes en cause s’est située effectivement dans la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011 et qu’elle est à omettre sinon. Or, dans la mesure où il se dégage de l’exposé du délégué du gouvernement que les dates d’ouverture des comptes en cause ne se situent apparemment pas dans cette période, cette question est à omettre, c’est-à-
dire qu’elle est à considérer comme étant sans objet, de manière à ne pas pouvoir raisonnablement faire obstacle à la communication des renseignements définis aux points subséquents.
Finalement, la Cour tient à préciser que, contrairement à l’argumentation afférente de Monsieur …, la condition de porter sur des flux financiers entre lui-même et la société … s’applique exclusivement à la fourniture des relevés bancaires pour la période concernée et non pas aux autres informations à soumettre par l’établissement de crédit concerné.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit la requête en interprétation du 21 juillet 2014 en la forme, dit que le dispositif de son arrêt du 22 mai 2014 (n° 34253C du rôle) est à interpréter en sens que la banque … S.A. doit d’abord répondre aux trois questions si l’appelant était au cours de la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, le titulaire d’un ou de plusieurs comptes bancaires, s’il est autorisé à effectuer des opérations sur ce ou ces comptes et s’il est bien la personne ayant ouvert ledit ou lesdits comptes, uniquement au cas où l’ouverture se situe dans la période concernée, à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et, en cas de réponse affirmative à l’une de ces questions, d’indiquer les soldes d’ouverture et de clôture dudit ou desdits comptes pour la période visée, d’indiquer les montants des intérêts payés pour ce ou ces comptes pour la période visée et les montants des impôts payés sur ces intérêts durant la même période et de fournir les relevés bancaires pour cette période pour autant qu’ils portent sur des flux financiers entre l’appelant et la société …, met les dépens de la présente instance à charge de l’Etat.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu à l’audience publique du 6 août 2014 au local ordinaire des audiences de la Cour par le vice-président, en présence du greffier en chef du tribunal administratif Arny SCHMIT, greffier assumé.
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