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06/05/2014 | LUXEMBOURG | N°33830C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2014, 33830C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 33830C du rôle Inscrit le 30 décembre 2013

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Audience publique du 6 mai 2014 Appel formé par Monsieur … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2013 (n° 31413 du rôle) en matière de protection de la nature Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 33830C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 décembre 2013 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, inscri

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 33830C du rôle Inscrit le 30 décembre 2013

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Audience publique du 6 mai 2014 Appel formé par Monsieur … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2013 (n° 31413 du rôle) en matière de protection de la nature Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 33830C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 décembre 2013 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, retraité, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 20 novembre 2013 (n° 31413 du rôle) l'ayant débouté de son recours en réformation d'une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 13 juin 2012 portant refus de l'autoriser à faire installer une ligne électrique souterraine à basse tension en vue du raccordement de son chalet sis au lieu-dit … au réseau électrique de la Ville de …;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 30 janvier 2014 par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 28 février 2014 par Maître Luc SCHANEN au nom de l'appelant;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Luc SCHANEN et Madame la déléguée du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries à l’audience publique du 1er avril 2014.

Le 16 juin 2010, Monsieur … …, propriétaire d’un fonds inscrit au cadastre de la Ville de …, section B de …, sous le numéro …, au lieu-dit « … », classé en zone verte par le plan d’aménagement général de la Ville de … et sur lequel se trouve érigé un chalet, adressa une demande au bourgmestre de la Ville de …, ci-après « le bourgmestre », en vue de l’obtention du raccordement de son chalet au réseau électrique de la Ville de ….

Par courrier du 22 juin 2010, le bourgmestre l'informa que sa demande avait été avisée favorablement par le collège des bourgmestre et échevins. Le 16 janvier 2012, Monsieur … s’adressa, par l’intermédiaire de la société devant réaliser les travaux, de nouveau au bourgmestre afin d’obtenir l’autorisation pour l’installation d’une ligne souterraine basse tension en vue du raccordement effectif de son chalet au prédit réseau électrique. Par courrier du 1er février 2012, le bourgmestre informa l’entrepreneur qu’avant toute délivrance d’une autorisation communale éventuelle, celui-ci devait transmettre le dossier pour autorisation au ministère du Développement durable et des Infrastructures, démarche que l’entrepreneur avait d’ores et déjà effectuée le 30 janvier 2012. En effet, à cette date, il avait introduit, pour le compte de Monsieur …, une demande au ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en vue de l’obtention de "l’autorisation requise aux termes de l’article 6 de la loi du 19 janvier 2004 traitant de la Protection de la Nature et des Ressources Naturelles pour procéder à la pose d’une ligne souterraine basse tension (70mm) d’une longueur totale de 285 m, dont environ 185 m le long de la … et 100 m en milieu forestier", complétée par Monsieur … en personne moyennant un courrier adressé au même ministre le 16 mai 2012.

Le 13 juin 2012, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-

après « le ministre », refusa l'autorisation sollicitée en soulignant que la demande ne comportait aucune pièce témoignant de ce que l’objet destiné à être raccordé au réseau électrique avait fait l’objet d’une autorisation à bâtir de l’administration communale de …, soit d’une autorisation établie en vertu de la législation sur la protection de la nature ou respectivement les deux en fonction de l’année de construction du chalet et qu'en l’absence de preuve de l’existence de ces documents, la construction était à considérer comme inexistante au regard de la loi et une appréciation de son raccordement au réseau électrique en devenait superflue. Il ajouta que pour des raisons de protection de l’environnement naturel, il n’y avait pas lieu de favoriser l’habitation en milieu naturel ou encore de créer des précédents générant une avalanche de dossiers similaires avec des conséquences néfastes sur le paysage et sa qualité biologique, une résidence secondaire ne pouvant être considérée comme ayant un caractère durable et définitif et que dans cette optique, un raccordement au réseau électrique était inconcevable comme étant contraire à la loi. Un recours gracieux introduit le 16 juin 2012 resta sans réponse.

Le 11 septembre 2012, Monsieur … fit déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus initiale du 13 juin 2012.

Se référant à l’article 58 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, en abrégé « la loi du 19 janvier 2004 », le tribunal administratif déclara le recours en réformation recevable.

Au fond, quant à la légalité externe de la décision ministérielle, le tribunal rejeta le moyen tiré d'une motivation insuffisante.

Quant à la légalité interne, le tribunal constata que le ministre avait motivé son refus en invoquant d'abord, en substance, l’illégalité de la construction du chalet en question. Il considéra comme non pertinents les développements de Monsieur … relatifs à la légalité de la construction du chalet malgré l'absence d'une autorisation de construire en soulignant que dans le cas d'espèce, la demande dont le ministre avait été saisi n’avait pas pour objet de transformer ou modifier son chalet situé en zone verte, mais de raccorder celui-ci au réseau électrique par l’installation prévue, de sorte à ne pas viser une modification, voire reconstruction, d’une construction existante, mais une nouvelle construction sous la forme de la pose d’une ligne souterraine basse tension d’une longueur totale de 285 m, dont environ 185 m le long de la N… et 100 m en milieu forestier, nécessitant notamment la réalisation d’une tranchée. Il conclut que c'était à tort que le ministre, se basant sur la notion de construction existante telle que prévue à l’article 10 de la loi du 19 janvier 2004, avait estimé que l’appréciation du raccordement du chalet au réseau électrique n'était pas nécessaire tant que l'existence légale de celui-ci n'était pas rapportée.

Concernant le second motif de refus du ministre, tiré de l'incompatibilité de la construction de la ligne électrique avec les affectations autorisées en zone verte, le ministre ayant estimé qu'il n'y avait pas lieu de promouvoir l'habitation en zone verte et que le projet en question portait atteinte au paysage et à sa qualité biologique, le tribunal procéda à la vérification de la construction envisagée avec l’une des affectations prévues par la loi en zone verte, tout en soulignant que l’examen de l’impact environnemental éventuel d’un projet, opéré par le ministre sur base de l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, notamment par rapport aux critères inscrits à l’article 1er de la même loi, n’intervient qu’après la vérification de la conformité du projet à l’affectation de la zone verte et n’est pas d’application lorsqu’un projet, de par sa nature, n’est pas compatible avec cette même zone, le ministre n’ayant dans cette hypothèse pas d’autre option que de refuser purement et simplement l’autorisation sollicitée. Relevant que l’article 5, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004 ne permet des constructions en zone verte que lorsque celles-

ci servent à l'exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d'utilité publique et que dans l'espèce dont il était saisi, la construction de la ligne basse tension ne s’inscrivait pas dans une de ces affectations et, en particulier, ne répondait pas à un besoin d’utilité publique, mais au contraire à un besoin purement privé, plus particulièrement la desserte d'une maison d’habitation, le tribunal conclut que c’était à bon droit que le ministre avait refusé d’accorder l’autorisation litigeuse.

Le tribunal rejeta partant le recours en réformation et débouta encore Monsieur … de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 30 décembre 2013, Monsieur … a régulièrement relevé appel du jugement du 20 novembre 2013.

Au fond, il reproche en ordre principal au tribunal d'avoir estimé que le raccordement au réseau électrique constituerait une construction nouvelle pour laquelle une autorisation au titre des constructions nouvelles serait nécessaire. Il ne s'agirait nullement d'une construction, mais d'un raccordement à une construction existante. Il conclut qu'il "ne s'agit ni d'une demande d'autorisation de modification d'une construction existante, ni d'une demande d'autorisation de construction nouvelle, de sorte que le refus du Ministère, ainsi que la décision du Tribunal de Première Instance doivent être réformés." Dans un ordre subsidiaire, il répète que le ministre n'était pas en droit de se prévaloir du caractère non autorisé de la construction du chalet pour refuser le raccordement de celui-

ci au réseau électrique. Il fait valoir qu'il a acheté ledit chalet il y a 34 ans, que celui-ci subsiste au vu et au su de tout le monde sans qu'il y ait eu une quelconque remise en question de son existence, voire une quelconque action de la part de l'administration contre sa prétendue construction illégale. Il estime par ailleurs que la construction tirerait sa légitimité d'un acte de vente notarié de 1978 qui vaudrait jusqu'à inscription de faux et qui n'aurait pas été contredit à ce jour, que la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil jouerait en sa faveur et que, même en admettant que le chalet ait été construit sans autorisation préalable en zone verte, il serait de jurisprudence constante que les propriétaires de constructions en zone verte bénéficient d'un droit acquis. Il serait donc excessif et inopportun d'exiger de lui de bénéficier d'une autorisation de bâtir de ce chalet existant depuis longue date. Le ministre n'ayant indiqué aucune disposition légale à l'appui de l'exigence d'une autorisation de construction pour la demande de raccordement au chalet, il y aurait en l'occurrence absence de base légale de sa décision.

Encore que le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision ministérielle entreprise soit présenté en ordre subsidiaire en instance d'appel, il y a lieu de l'examiner avant les moyens tirés de la légalité interne de la décision.

C'est à tort que Monsieur … reproche à la décision ministérielle litigieuse d'être insuffisamment motivée. En effet, et cela indépendamment du caractère justifié de la motivation qui, selon l'article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, peut être sommaire, le ministre a clairement indiqué deux motifs distincts à la base de sa décision, à savoir, d'une part, l'absence d'autorisation de construire du chalet devant être raccordé au réseau électrique et l'absence d'utilité publique du raccordement à réaliser en zone verte, de l'autre.

Concernant les moyens tirés de l'illégalité interne de la décision litigieuse, la Cour se doit de souligner une certaine contradiction dans le libellé de ceux-ci, étant donné que Monsieur … conclut à l'absence de nécessité de disposer d'une quelconque autorisation de la part du ministre ayant l'environnement dans ses attributions pour la réalisation d'un raccordement de son chalet au réseau électrique, une telle réalisation ne devant être considérée ni comme construction nouvelle, ni comme modification d'une construction existante, alors pourtant qu'il a sollicité une telle autorisation.

C'est à tort que Monsieur … se prévaut de l'existence, depuis plus de trente ans, du chalet pour conclure à l'absence de nécessité, pour ce chalet, d'être couvert par une autorisation de construire afin de rendre son existence légale par rapport au droit administratif.

En dehors de l'écoulement du délai du recours contentieux pour attaquer une décision administrative conférant des droits, même de manière illégale, l'écoulement du temps ne rend pas légale, au regard du droit administratif, une situation de fait illégale créée en dehors d'une autorisation administrative légalement exigée.

Par ailleurs, un acte de vente, qu'il soit notarié ou non, constate certes le transfert de propriété de la chose vendue, mais son caractère authentique n'est pas de nature à purger la chose vendue des vices qui l'affectent le cas échéant et, plus particulièrement, de la rendre conforme aux exigences relatives aux autorisations de construire.

L'usucapion prévue par le Code civil a un domaine très limité et se borne à reconnaître un droit de propriété à celui qui, pendant 30 ans au moins, exerce sur un immeuble une possession non équivoque.

Les droits acquis dont Monsieur … fait état en matière de constructions en zone verte ne concernent que celles qui ont été légalement érigées dans une zone constructible qui est changée en zone verte dans ce sens que leur propriétaire n'est pas obligé de les démolir dans le cas d'un tel changement.

Tout en concluant également à l'obligation, pour le propriétaire d'une construction en zone verte, de disposer d'une autorisation de construire et que l'écoulement du temps ne fait pas disparaître cette nécessité, le tribunal a, de l'avis de la Cour, tiré une conclusion erronée de ce constat en estimant que la demande de Monsieur … ne tendait pas à transformer ou modifier son chalet situé en zone verte, mais de raccorder celui-ci au réseau électrique, de sorte à constituer une nouvelle construction sous la forme d'une ligne souterraine nécessitant notamment la réalisation d'une tranchée. Si la réalisation d'une ligne électrique, qu'elle soit aérienne ou souterraine, peut constituer une construction au sens de la loi au cas où elle est réalisée par un fournisseur d'électricité dans le but de compléter son réseau et comporte des ouvrages (v. dans ce sens Cour adm.

7 juin 2012, n° 29650C du rôle), une telle réalisation ne peut pas être considérée comme construction nouvelle autonome au cas où elle est destinée à raccorder une maison individuelle, voire plusieurs maisons, au réseau électrique. Dans ce cas, elle constitue un accessoire à la construction principale et est à considérer comme une modification de la construction existante. Son sort est dès lors indissociable de celui de la construction principale.

Or, le propriétaire d'une construction non couverte par une autorisation de construire légalement exigée ne saurait prétendre bénéficier d'une autorisation administrative de modifier cette construction sans avoir au préalable régularisé la situation de la construction principale.

Monsieur … n'étant pas en mesure d'établir qu'il dispose d'une autorisation de bâtir pour le chalet devant être raccordé au réseau électrique, voire reconnaissant ne pas en disposer, il ne saurait prétendre à la délivrance d'une autorisation de raccorder ce chalet au réseau électrique.

Cette seule considération justifie la décision de refus du ministre.

Il suit de ce qui précède que tant le moyen principal que le premier moyen subsidiaire invoqués à l'appui de l'appel sont à rejeter.

Au vu de la conclusion qui précède, l'examen du deuxième moyen subsidiaire, tiré de l'excès de pouvoir du ministre en tant que celui-ci a refusé l'autorisation sollicitée pour des considérations de préservation du milieu naturel, est superflu, le ministre n'ayant pas eu le droit de déférer à la demande dont il était saisi, indépendamment de toute considération de protection de la nature.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement entrepris est à confirmer, quoique partiellement pour d'autres motifs.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties, reçoit l'appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant confirme le jugement du 20 novembre 2013, condamne l'appelant aux dépens de l'instance d'appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Georges RAVARANI, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence de la greffière de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. RAVARANI Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier de la Cour administrative 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 33830C
Date de la décision : 06/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2014-05-06;33830c ?

Source

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