GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 31852C Inscrit le 19 décembre 2012
________________________________________________________________________
Audience publique du 28 février 2013 Appel formé par Madame … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2012 (n° 29821 du rôle) en matière de police des étrangers
___________________________________________________________________________
Vu l'acte d'appel, inscrit sous le numéro 31852C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2012 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … …, née le … à … (Croatie), de nationalité croate, demeurant à L-…, contre un jugement rendu par le tribunal administratif, le 21 novembre 2012 par lequel elle a été déboutée de son recours tendant à la réformation, sinon à l'annulation d'une décision du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration du 17 novembre 2011 portant refus de lui délivrer une autorisation de séjour en qualité de membre de la famille ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 4 janvier 2013 par Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Katrin DJABER HUSSEIN, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries à l'audience publique du 7 février 2013.
___________________________________________________________________________
Le 24 septembre 2007, Madame … …, de nationalité croate, déposa auprès de l'administration communale de Kayl une demande en obtention d'une autorisation de séjour, en précisant qu'elle serait prise en charge par son fils, Monsieur … ….
Par une décision du 3 mars 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa d’accorder une autorisation de séjour à Madame … et l’invita à quitter le pays sans délai.
Le 16 avril 2008, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus. Ledit recours fut encore complété par un courrier du mandataire de Madame … en date du 15 mai 2008.
Par une décision du 26 juin 2008, le ministre confirma sa décision de refus antérieure pour défaut d’éléments pertinents nouveaux.
Le recours contentieux introduit contre les décisions ministérielles du 3 mars 2008 et du 26 juin 2008 fut définitivement rejeté comme non fondé par un arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2009 (n° 25503C du rôle).
Par un arrêté du 11 septembre 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’entrée et le séjour à Madame … et lui fit obligation de quitter le pays dès la notification de l’arrêté en question.
Par une lettre de son mandataire du 28 janvier 2011, rappelée par courriers des 30 mai et 27 juin 2011, Madame … adressa au ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désormais en charge du dossier et désigné ci-après par « le ministre », une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’un regroupement familial avec son fils, Monsieur … …, sur le fondement des articles 69 et 70 (5) a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « loi du 29 août 2008 ».
Par une décision du 17 novembre 2011, le ministre refusa de faire droit à cette demande en les termes suivants :
« J'ai l'honneur de me référer à vos courriers des 28 janvier, 30 mai et 29 juin 2011 reprenant l'objet sous rubrique.
Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête. En effet, votre demande est irrecevable alors que la demande en obtention d'une autorisation de séjour en qualité de membre de famille doit être introduite et examinée alors que les membres de famille résident à l'extérieur du pays, conformément à l'article 73, paragraphe (4) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.
Par ailleurs, étant donné que votre mandante se trouve en séjour irrégulier et que l'entrée et le séjour lui ont été refusés en date du 11 septembre 2008, décision notifiée le 25 septembre 2008, elle ne remplit pas les conditions fixées à l'article 34, paragraphes (1) et (2) points 3. de la loi du 29 août 2008 précitée afin de solliciter une autorisation de séjour conformément à l'article 38 de la même loi.
Au vu des développements qui précèdent, le séjour de Madame … … est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée.
En application de l'article 111, paragraphe (3) b) et c), points 1. et 2., Madame … … est obligée de quitter le territoire sans délai, soit à destination du pays dont elle a la nationalité, la Croatie, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner.
À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et votre mandante sera éloignée par la contrainte. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 février 2012, Madame … fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision précitée du ministre du 17 novembre 2011.
Par jugement du 21 novembre 2012, le tribunal se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçut le recours subsidiaire en annulation en la forme, mais au fond le rejeta comme n’étant pas fondé, tout en condamnant la demanderesse aux frais de l’instance.
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal rejeta tout d’abord comme non fondé le moyen de la demanderesse consistant à reprocher au ministre de ne pas avoir vérifié d’office l’existence d’un cas exceptionnel qui lui aurait permis d’introduire sa demande d’autorisation de séjour à partir du territoire luxembourgeois. Il estima que le ministre n’était pas obligé de vérifier d’office l’existence d’un cas exceptionnel au sens de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 susceptible de justifier qu’il accepte que la demande soit introduite à un moment où l’intéressée se trouve déjà sur le territoire luxembourgeois, mais qu’il appartenait à l’intéressée de justifier d’un cas exceptionnel qui devait être dûment motivé.
Le tribunal estima par ailleurs que la demanderesse n’avait pas justifié de l’existence de motifs exceptionnels au sens de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 qui justifieraient le fait qu’elle a introduit sa demande en obtention d’une autorisation de séjour à partir du territoire luxembourgeois, la simple affirmation de celle-ci qu’elle aurait dû s’occuper d’urgence de ses trois petits-enfants n’étant pas, à défaut d’autres précisions, suffisante pour retenir la qualification d’un cas exceptionnel. Il rejeta partant comme non fondé le moyen tiré d’une violation de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008.
Quant à la conséquence à tirer de l’inobservation de l’article 73 (4) de la loi du 29 août 2008, le tribunal estima que l’obligation y inscrite d’introduire la demande en vue d’un regroupement familial à un moment où les membres de la famille du regroupant résident à l’extérieur du pays était le reflet de la disposition générale inscrite à l’article 39 de la même loi, au vœu de laquelle la demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1, et notamment celle en tant que membre de la famille, devait être introduite et avisée favorablement avant l’entrée sur le territoire luxembourgeois, ne constituait pas une simple formalité, mais une condition d’octroi de l’autorisation de séjour en vue d’un regroupement familial, telle que visée à l’article 38, point 1, f) de la loi du 29 août 2008, de sorte que la même conclusion devait s’imposer en ce qui concerne l’obligation d’introduire la demande à un moment où les membres de la famille du regroupant résident à l’extérieur du pays visée à l’article 73 (4).
Le tribunal retint par conséquent que la décision litigieuse du 17 novembre 2011 était motivée à suffisance de droit et de fait par le seul constat de la violation des prescriptions de l’article 73 (4) de la loi du 29 août 2008 et que le ministre avait partant à bon droit pu rejeter la demande d’autorisation de séjour sur cette base, sans qu’il y avait par ailleurs lieu d’examiner le motif de refus fondé sur le constat que Madame … ne remplissait pas les conditions de l’article 34 (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 dont l’examen devenait surabondant.
Le tribunal rejeta ensuite comme non justifié le moyen de l’appelante fondé sur la remise en cause de l’opportunité de la décision de refus litigieuse par référence à sa situation financière, à une absence dans son chef de menace pour la sécurité ou l’ordre publics ou encore à la situation de son pays d’origine, en relevant, d’une part, que la demanderesse ne remplissait pas au moins une des conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en vue d’un regroupement familial, à savoir celle tenant à l’obligation d’introduire la demande à l’extérieur du territoire luxembourgeois, de sorte que le ministre pouvait légalement refuser l’autorisation sollicitée, et, d’autre part, qu’en toute hypothèse le contrôle de considérations d’opportunité de la décision litigieuse échappait à la compétence du tribunal administratif, saisi d’un recours en annulation.
Quant au dernier moyen de la demanderesse tiré d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme, ci-après dénommée « CEDH », le tribunal estima que le refus du ministre d’accorder à Madame … une autorisation de séjour ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans sa vie familiale qu’elle avait pu créer avec la famille de son fils depuis son arrivée au pays eu égard à la précarité de sa situation du fait qu’elle s’était maintenue irrégulièrement sur le territoire luxembourgeois pendant quatre années, malgré l’obligation lui faite par la décision précitée du 3 mars 2008 de quitter le territoire. Le tribunal se fondait encore sur l’arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2009, précité, qui avait conclu à une absence de vie familiale suffisamment étroite entre la mère et son fils avant son arrivée au Luxembourg, dès lors que le fils avait quitté la Croatie en 1998 et qu’il vivait séparé de sa mère depuis dix ans avant que celle-ci ne le rejoigne au Luxembourg.
Par voie de conséquence, le tribunal rejeta le recours de Madame … comme n’étant pas fondé.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2012, Madame … a régulièrement relevé appel du susdit jugement, dont elle requiert l’annulation, sinon la réformation.
A l’appui de son appel, elle expose être originaire de Croatie et être entrée au Luxembourg avec un titre de séjour temporaire pour y rejoindre son fils, qui résiderait sur le territoire national depuis 1998 et qui l’hébergerait, dans le but de s’occuper de ses trois petits-
enfants afin de permettre à sa belle-fille de s’adonner à un travail rémunéré pour contribuer aux finances familiales. Elle précise que déjà en Croatie, elle aurait vécu longtemps auprès de son fils avec lequel elle entretiendrait de très bonnes relations, en insistant sur l’existence d’une vie familiale effective préalable.
En droit, l’appelante reproche aux premiers juges de s’être référés à l’arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2009 qui avait retenu l’absence de vie familiale effective avec son fils avant son arrivée au Luxembourg, alors que selon la définition du regroupement familial donnée à l’article 68 de la loi du 29 août 2008, les liens familiaux peuvent être antérieurs ou postérieurs à l’entrée du regroupant au pays. Elle insiste ainsi sur le fait que depuis son arrivée au Luxembourg, elle aurait noué des liens familiaux avec son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants.
Elle souligne ensuite que ce ne seraient pas seulement des liens affectifs qui la lieraient à son fils, mais qu’elle serait aussi financièrement dépendante de ce dernier, ce qui aurait motivé son départ de la Croatie. Elle explique qu’elle aurait exploité un commerce de restauration en Croatie et qu’après avoir pris sa retraite en 2007, elle n’aurait plus eu de revenus suffisants pour subvenir à ses besoins.
L’appelante soutient que l’ingérence dans son droit au respect de sa vie familiale ne serait pas justifiée au regard de l’article 8, paragraphe 2, CEDH, alors que rien ne justifierait qu’elle devrait être privée du soutien familial et financier, d’autant plus qu’en raison de son âge, il lui serait difficile de trouver un emploi, que ce soit en Croatie ou au Luxembourg. Elle invoque encore l’article 70 (5) de la loi du 29 août 2008 en vertu duquel le ministre pourrait autoriser l’entrée et le séjour aux ascendants en ligne directe du regroupant lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans leur pays d'origine, en précisant qu’elle n’aurait plus d’attaches familiales en Croatie et que son fils serait son unique soutien.
C’est cependant à juste titre que les premiers juges ont retenu que l’article 8 CEDH requiert une mise en balance du droit de chaque Etat à contrôler l’immigration avec la situation concrète des non-nationaux intéressés pouvant le cas échéant impliquer une obligation de les admettre sur son territoire, d’une part, qu’en matière d’immigration, le droit au regroupement familial est reconnu s’il existe des attaches suffisamment fortes avec l’Etat dans lequel le noyau familial entend s’installer, consistant en des obstacles rendant difficile de quitter ledit Etat, ou s’il existe des obstacles rendant difficile de s’installer dans leur Etat d’origine, l’article 8 ne comportant pas pour un Etat contractant l’obligation générale de respecter le choix par les membres d’une famille de leur domicile commun et d’accepter l’installation d’un membre non national d’une famille dans le pays, d’autre part, et que dans le cas de figure plus spécifique encore de personnes adultes désireuses de venir rejoindre leur famille dans le pays d’accueil, elles ne sauraient être admises au bénéfice de la protection de l’article 8 que lorsqu’il existe des éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux, de troisième part.
Les premiers juges sont ensuite à rejoindre en leur conclusion quant à l’absence d’une vie familiale tellement étroite entre l’appelante et son fils, considéré ensemble avec son épouse et leurs trois enfants communs, qu’elle justifierait un regroupement familial.
Tout d’abord, la question de savoir si l’appelante peut se prévaloir d’une vie familiale antérieure au départ de son fils de la Croatie a été définitivement tranchée par l’arrêt précité de la Cour administrative du 9 juin 2009, auquel les premiers juges se sont rapportés, de sorte que la question soulevée par l’appelante de savoir si le départ de son fils de la Croatie a été volontaire ou non est sans pertinence aucune en l’espèce.
Quant à l’existence alléguée par l’appelante d’une vie familiale créée postérieurement à son arrivée au pays, s’il est vrai que l’article 68 de la loi du 29 août 2008 autorise le regroupement familial en vue du maintien de l’unité familiale aussi bien dans le cas où les liens familiaux sont antérieurs que dans le cas où ils sont postérieurs à l’entrée du regroupant, les premiers juges ont rappelé cependant à juste titre que le caractère précaire de la présence de l’appelante sur le territoire luxembourgeois, dès lors qu’elle s’y est maintenue malgré l’obligation de quitter le territoire découlant de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour pris à son encontre en date du 3 mars 2008, n’est pas sans pertinence dans l’analyse de la conformité de la décision de refus litigieuse avec notamment la condition de proportionnalité inscrite au paragraphe 2 de l’article 8 CEDH. En outre, si l’appelante affirme ne plus avoir d’attaches familiales dans son pays d'origine, elle reste toutefois en défaut d’en rapporter un quelconque élément probant, d’autant plus que dans sa déclaration d’arrivée, l’intéressée a indiqué avoir deux enfants. La Cour est partant amenée à constater à la suite des premiers juges que la décision litigieuse du ministre n’est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de l’appelante au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis par la décision de refus litigieuse.
Quant à la dépendance financière alléguée par l’appelante, celle-ci reste en défaut, au-
delà de simples affirmations, de démontrer qu’elle soit financièrement dépendante de son fils, les pièces produites étant uniquement de nature à renseigner sur la situation financière du fils.
Il s’ensuit qu’une violation de l’article 8 CEDH et de l’article 70 (5) de la loi du 29 août 2008 n’a pas été rapportée en preuve et le moyen afférent laisse partant d’être fondé.
L’appelante critique ensuite les premiers juges d’avoir retenu qu’elle ne justifiait pas d’un cas exceptionnel au sens de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 qui lui aurait permis d’introduire sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en tant que membre de la famille d’un ressortissant de pays tiers, alors qu’elle se trouvait déjà au Luxembourg. Elle fait valoir qu’elle n’aurait pas pu attendre jusqu’à ce que le ministre statue sur sa demande, au motif que sa présence aurait été nécessaire au Luxembourg afin de s’occuper de ses petits-
enfants, dans la mesure où la mère des enfants souhaitait travailler et que son fils et son épouse ne disposaient pas des moyens pour placer leurs enfants en crèche. Dans ce contexte, l’appelante reproche au tribunal d’avoir invoqué les articles 38 et 39 de la loi du 29 août 2008 qui ne lui seraient pourtant pas applicables, alors qu’ils viseraient le séjour des membres de la famille munis d’une autorisation de séjour temporaire, ce qui ne serait pas son cas. Pour le cas où la Cour ne devrait pas la suivre dans son raisonnement, elle invoque encore l’article 78 (3) de la loi du 29 août 2008 en faisant valoir que sa dépendance financière de son fils constituerait un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour dans son chef sur cette base, d’autant plus que sa présence ne constituerait pas un danger pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques.
Enfin, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir retenu qu’elle ne remplirait pas les conditions de l’article 34 (2) de la loi du 29 août 2008 en faisant valoir qu’elle ne ferait pas l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire au sens de l’article 112 de la loi du 29 août 2008, mais seulement d’une décision portant refus de séjour.
En ce qui concerne tout d’abord le moyen tiré d’une violation de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 qui permet au ministre, dans des cas exceptionnels dûment motivés, de déroger à la règle énoncée à l’article 73 (4) de la même loi suivant laquelle la demande en obtention d’une autorisation de séjour en tant que membre de la famille d’un ressortissant de pays tiers doit être introduite et examinée alors que les membres de la famille résident à l’extérieur du pays, les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont déduit des termes « dûment motivés » employés par l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 que le ministre n’était pas obligé d’examiner d’office s’il existait un cas exceptionnel au sens de l’article 73 (5) qui permet l’introduction d’une demande à un moment où le membre de la famille du regroupant se trouve déjà sur le territoire luxembourgeois.
La Cour rejoint également les premiers juges en ce qu’ils ont retenu que les éléments invoqués par l’appelante ne sauraient être regardés comme constituant un cas exceptionnel qui lui permettait d’introduire sa demande d’autorisation de séjour alors qu’elle se trouvait déjà au Luxembourg. En effet, la Cour est amenée à constater, à l’instar des premiers juges, que la simple affirmation de l’appelante, non autrement étayée, que sa présence au Luxembourg aurait été nécessaire pour garder ses petits-enfants dont la mère voulait s’adonner à un travail rémunéré pour contribuer à l’entretien de la famille, n’est pas suffisante pour constituer un cas exceptionnel au sens de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 et ainsi justifier que la demande a été formulée à un moment où elle se trouvait déjà au Luxembourg. Quant à l’affirmation de l’appelante, invoquée en instance d’appel, qu’elle aurait aussi eu besoin du soutien financier de son fils puisque sa retraite ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins en Croatie, celle-ci n’est pas non plus suffisante, à défaut d’un quelconque élément probant, pour justifier un cas exceptionnel au sens de l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008, rien ne s’opposant, si tel était effectivement le cas, à ce que son fils lui fasse parvenir de l’argent en Croatie.
Quant à la référence faite par les premiers juges aux articles 38 et 39 de la loi du 29 août 2008, il y a lieu de relever, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, que les premiers juges n’ont nullement retenu qu’elle rentrait dans le champ d’application de l’article 38 de la loi du 29 août 2008, mais ont uniquement analysé l’article 39 de la même loi, qui renvoie à l’article 38, au regard des conséquences à tirer par analogie du non-respect des prescriptions prévues à l’article 73 (4) de la loi du 29 août 2008. L’argument afférent de l’appelante ne peut dès lors qu’être écarté.
S’agissant du moyen de l’appelante fondé sur l’article 78 (3) de la loi du 29 août 2008, la Cour est amenée à relever que l’appelante n’a pas formulé de demande d’autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de cette disposition, mais a sollicité une autorisation de séjour en tant que membre de la famille d’un ressortissant de pays tiers, de sorte que ce moyen est à rejeter pour manquer de pertinence, à défaut d’une décision du ministre sur cette base. Pour le surplus, il y a lieu de retenir que la situation financière précaire alléguée par l’appelante ne saurait, en l’absence de toutes autres précisions, constituer un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour sur cette base. Le moyen afférent est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.
La Cour est encore amenée à constater que contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, celle-ci remplit les conditions de l’article 34 (2) de la loi du 29 août 2008. En effet, s’il est certes vrai que l’appelante n’a pas fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire au sens de l’article 112 de la loi du 29 août 2008, il n’en demeure pas moins qu’elle s’est vu refuser non seulement le séjour, mais encore l’entrée sur le territoire par l’arrêté précité du 3 mars 2008, pris sur le fondement de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972. Le moyen afférent de l’appelante doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens et que le jugement entrepris est par conséquent à confirmer dans toute sa teneur.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel en la forme ;
le dit non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement entrepris ;
condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.
s. MAY s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original.
Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier en chef de la Cour administrative 8