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19/01/2012 | LUXEMBOURG | N°28975C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 janvier 2012, 28975C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 28975C Inscrit le 22 août 2011

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Audience publique du 19 janvier 2012 Appel formé par les époux … … et … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2011 (numéro 27213 du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, en présence de la commune de …, de la société civile …,

…, et de Monsieur … … et consorts, …, en matière d’établissement classés

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 28975C Inscrit le 22 août 2011

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Audience publique du 19 janvier 2012 Appel formé par les époux … … et … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2011 (numéro 27213 du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, en présence de la commune de …, de la société civile …, …, et de Monsieur … … et consorts, …, en matière d’établissement classés

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 28975C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 août 2011 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … …, …, et de son épouse, Madame … …, …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-

Duché de Luxembourg du 14 juillet 2011 (numéro 27213 du rôle) ayant déclaré non fondé leur recours dirigé contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 17 juin 2010 autorisant la société civile …, établie et ayant son siège à …., et Monsieur … …, …, demeurant à …, à procéder à la modification et à l’exploitation de plusieurs étables sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section ..du chef-lieu, au-lieu dit « … » sous les numéros … et …, anciennement …, sous les conditions y émargées ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, du 16 septembre 2011, portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de …, à Monsieur … … et à la société civile … préqualifiés, ainsi qu’à Madame … …, …, demeurant …, à Monsieur …, …, et à Madame … …, …, demeurant tous les deux à … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 septembre 2011 par Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2011 par Maître Lucien WEILER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … …, de Madame … …-…, de Monsieur … …, de Madame … …-

…, ainsi que de la société civile …, tous préqualifiés, ci-après « les consorts … » ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2011 par Maître Daniel BAULISCH au nom des époux …-… ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 décembre 2011 par Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 décembre 2011 par Maître Lucien WEILER au nom des consorts … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Daniel BAULISCH et Christian BILTGEN, en remplacement de Maître Lucien WEILER, de même que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 janvier 2012 ;

Vu la visite des lieux du 9 janvier 2012 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

Suivant décision du 17 juin 2010, portant le numéro …, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, ci-après « le ministre », autorisa la société civile … et Monsieur … … à procéder à la modification et à l’exploitation de plusieurs étables sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section .. du chef-lieu, au lieu-dit « … », sous les numéros … et …, anciennement …, sous les conditions y plus amplement émargées.

L’autorisation porte plus particulièrement sur une exploitation agricole comprenant - parties existantes et parties à créer regroupées - les étables suivantes :

- une étable pouvant abriter 800 chèvres laitières - une extension de la prédite étable pouvant abriter 300 chèvres laitières et 480 jeunes chèvres d’élevage - un passage couvert entre les deux étables - une étable pouvant abriter 63 vaches laitières, 3 taureaux et 3 chevaux - une extension de la prédite étable pouvant abriter 14 vaches (vaches malades ou de vêlage) - une étable pouvant abriter 48 veaux de 0 à 6 mois et 32 boucs de chèvres pour la reproduction - une étable pouvant abriter 24 veaux de 6 à 12 mois et 108 jeunes bovins de 12 à 26 mois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2010, les époux … … et … …, ci-après « les époux …-… », firent introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation, de la décision ministérielle précitée du 17 juin 2010.

Par jugement du 14 juillet 2011, le tribunal administratif déclara le recours en réformation non fondé, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours en annulation, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs de même que celle formulée par les parties tierces intéressées, tout en rejetant également la demande tendant à obtenir un effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel et en condamnant les demandeurs aux frais. Ce faisant, le tribunal déclara tous les moyens présentés par les époux …-…, riverains de l’établissement classé litigieux, comme étant non fondés.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 août 2011, les époux …-

… ont fait entreprendre le jugement précité du 14 juillet 2011 dont ils sollicitent la réformation dans le sens, à titre principal, de voir annuler la procédure ayant précédé la prise de l’arrêté ministériel critiqué du 17 juin 2010, y compris la décision elle-même pour violation de la loi et plus particulièrement pour violation de l’article 3 de la loi modifiée du 10 juin 1999 sur les établissements classés, ci-après « la loi du 10 juin 1999 ».

A titre subsidiaire, ils sollicitent l’annulation de la procédure ayant précédé l’arrêté ministériel critiqué du 17 juin 2010 avec annulation de la décision ministérielle elle-même pour violation de la loi, plus particulièrement pour violation de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999.

A titre plus subsidiaire et par réformation, les appelants sollicitent l’annulation de l’arrêté ministériel du 17 juin 2010 pour violation de l’article 17 de la loi du 10 juin 1999.

En dernier ordre de subsidiarité et quant au fond, les appelants demandent à voir constater que l’arrêté ministériel du 17 juin 2010 a violé la loi, sinon a commis un excès de pouvoir, sinon une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, sinon un détournement de pouvoir, sinon encore reste en défaut d’indiquer les motivations précises, réelles et sérieuses à sa base. Dans ce contexte, ils demandent à voir dire le règlement grand-

ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements, ci-

après « le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 », comme étant contraire à l’article 10bis de la Constitution, portant que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, de sorte à voir déclarer non applicable le règlement en question au cas d’espèce.

A titre infiniment subsidiaire, les appelants sollicitent, avant tout autre progrès en cause, la nomination d’un collège d’experts avec la mission y plus amplement détaillée consistant en substance à voir analyser si l’autorisation ministérielle ensemble les conditions y émargées est conforme aux standards fixés par la législation en matière d’établissements classées, y compris en matière de préservation et de valorisation des déchets et de prévention des risques relatifs aux incidences de la « fièvre Q ». Ils proposent la nomination de deux professeurs de la « tierärztliche Hochschule … » en tant qu’experts.

Plus loin, les appelants sollicitent la réformation de l’arrêté ministériel critiqué du 17 juin 2010 dans le sens d’un refus pur et simple de l’autorisation sollicitée sinon de la mise en place de conditions plus strictes dans le chef du demandeur en autorisation.

Enfin, les appelants sollicitent l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500.-

euros pour la première instance et de 4.500.- euros pour l’instance d’appel.

Tant l’Etat que les consorts … concluent au caractère non fondé de l’appel sous tous ses aspects et en demandent le rejet dans son intégralité avec confirmation du jugement entrepris. La commune n’a pas pris de mémoire.

Les appelants énoncent que leur appel, outre la motivation développée expressément dans la requête d’appel, serait motivé par tous les moyens de fait et de droit et sur toutes les demandes et conclusions présentées en première instance, de sorte que tous ces moyens, demandes et conclusions seraient censés formellement repris à l’endroit de la requête d’appel pour faire partie intégrante de celle-ci.

La Cour est amenée à préciser que l’appel est nécessairement dirigé contre le jugement de première instance par rapport auquel la requête d’appel est appelée à se positionner.

Concrètement, il appartient donc à l’appelant de formuler ses moyens d’appels au regard du jugement par lui entrepris et des conclusions y retenues. Sauf exception – notamment le cas d’un jugement rejetant de plano tout l’argumentaire et d’un demandeur reprenant en appel son argumentaire de première instance à l’identique – la Cour ne saurait admettre la formulation de moyens d’appel par simple référence aux moyens de première instance, vu leurs objets différents, le moyen de première instance étant formé par rapport à l’acte administratif critiqué, tandis que le moyen d’appel est à formuler par rapport aux conclusions du jugement dont appel. La Cour s’en tiendra donc à l’argumentaire des appelants tel que dégagé – sur 27 pages – dans la requête d’appel ensemble le mémoire en réplique, lui aussi amplement fourni à raison de 11 pages non numérotées.

En premier lieu, les appelants s’étalent sur 4 pages pour voir dire que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu leur intérêt à agir. La question n’étant point litigieuse, il n’y a pas lieu pour la Cour de s’y attarder plus longtemps.

En second lieu, quant à la légalité externe de l’arrêté ministériel du 17 juin 2010 critiqué, les appelants estiment que le ministre aurait pris sa décision en se basant sur un dossier contenant de fausses indications et dans lequel des éléments indispensables à une appréciation in concreto de la demande auraient fait totalement défaut. Tout d’abord, selon les appelants, les formulaires remis aux autorités ministérielles compétentes auraient été remplis de façon lacunaire par le demandeur en autorisation et ne contiendraient que des indications vagues voire contradictoires. Ils épinglent le point 1.3 relatif à la description des mesures prévues pour réduire les émissions de mauvaises odeurs en provenance de l’étable et plus particulièrement la réponse y relative donnée par le demandeur en autorisation en ces termes :

« Durch gutes Einstreuen (Tierhygiene) wird der Geruch minimiert. Durch gute Ventilation und großer Volumen im Stall wird die Temperatur im Stall verringert und somit die Geruchsbildung minimiert. (Ammoniakausstoß) ». Selon les appelants, un tel descriptif ne saurait être qualifié de suffisant afin d’éviter l’émission de mauvaises odeurs générées par une exploitation de la taille de celle sous autorisation critiquée.

Les appelants soulignent que la maison d’habitation la plus proche se situerait à 83 mètres, étant précisément la leur, et que la propriété la plus proche de l’exploitation litigieuse couverte par une autorisation de bâtir en vertu du plan d’aménagement général serait à 50 mètres des constructions autorisées.

Par ailleurs, ils énoncent qu’aux termes de l’autorisation délivrée « les odeurs ne doivent pas dépasser un certain seuil défini selon la réglementation allemande « Geruchsemissions-Richtlinie – GIRL » du pays Rhénanie-Palatinat ».

A partir de là, les appelants concluent que les seules mesures décrites par les demandeurs en autorisation n’indiquent aucunement les seuils qui seront atteints et ne comportent aucune mesure qui permettrait de réduire les odeurs en cas de dépassement des seuils en question.

Tel que les appelants présentent leur argumentaire, ils ne critiquent nullement le seuil défini dans l’autorisation ministérielle critiquée au-delà duquel les odeurs ne doivent pas passer en référence à la réglementation pertinente y visée. Or, c’est ce seuil qui conditionne le degré d’émission d’odeur pouvant être perçu par les riverains, dont les appelants.

L’argument des appelants suivant lequel le dossier n’aurait pas été complet en ce que les indications au point 1.3 du formulaire de réponse n’auraient pas été suffisantes est non pertinent. D’un côté, les indications données par le demandeur en autorisation comportent un certain nombre de pistes pertinentes en vue de minimiser l’impact des émissions d’odeurs – litières adéquates, ventilations adéquates, volumes importants des étables, températures abaissées - toutes ces mesures étant de nature à diminuer la formation voire l’émission d’odeurs. Au-delà des indications données, leur contenu n’est pas de nature à conditionner négativement la prise de la décision ministérielle ayant consisté à fixer un seuil d’émission d’odeurs par référence à une norme étrangère précise et circonstanciée. Ce volet du moyen est dès lors à écarter.

En second lieu, toujours quant à la légalité externe de l’arrêté ministériel ainsi visé, les appelants font valoir qu’aucun descriptif du mode d’évacuation des eaux usées de la salle de traite et de la chambre à lait ne pourrait être trouvé dans la demande d’autorisation. Selon eux, il faudrait en déduire qu’aucun système particulier quant à l’évacuation des eaux usées ne serait en réalité prévu. En présence de 1100 chèvres destinées à la production de lait, le mode d’évacuation des eaux usées serait un poste de première importance à prendre en considération tant par le ministre que par les juridictions administratives. Suivant les appelants, dans ce cas de figure, toutes les masses d’eau seraient inévitablement conduites vers …., première réserve nationale d’eau potable. Pour le cas où la Cour aurait le moindre doute quant aux affirmations ci-avant reprises, les appelants offrent de prouver par voie d’expertise que les informations des demandeurs en autorisation étaient indispensables pour permettre aux instances ministérielles et aux juridictions compétentes de prendre une décision tenant compte de tous les inconvénients possibles pour le voisinage proche. Ils se plaignent de ce qu’ils seraient toujours dans l’impossibilité de pouvoir juger comment les demandeurs en autorisation entendraient régler cette problématique environnementale. Selon les appelants, ces exemples ne seraient pas limitatifs, mais démontreraient l’attitude du demandeur en autorisation quant aux mesures prises pour diminuer les inconvénients et la prévention de risques pour les alentours de l’exploitation.

L’Etat estime qu’il serait inhérent à la nature des choses que tant que le projet n’aurait pas été réalisé in concreto, aucune mesure ne saurait être prise sur le site concernant les aspects qui se dégagent directement de l’exploitation même de l’établissement projeté. Les critiques mises en avant par les appelants ne pourraient dès lors être mesurées concrètement qu’une fois l’établissement entièrement construit et mis en exploitation. Par ailleurs, les appelants omettraient de prouver, voire de justifier en quoi les conditions d’exploitation imposées à travers l’arrêté ministériel critiqué ne seraient pas de nature à limiter les inconvénients se dégageant de l’exploitation projetée au regard des objectifs recherchés par la législation sur les établissements classés. Dès lors, il y aurait lieu de ne pas faire droit à la demande en institution d’une expertise qui, de toute manière, ne serait pas appelée à parer à la carence du demandeur d’avancer des moyens suffisamment précis à l’appui de sa requête.

Les consorts … estiment que la décision ministérielle critiquée fixe certaines mesures relatives aux eaux souillées et qu’une autorisation à part leur a été conférée en application de la loi relative à la gestion de l’eau. Il existerait d’ailleurs un recours introduit par les appelants actuels contre l’arrêté ministériel en question.

En général, il y aurait lieu de constater que les appelants ne disposent d’aucune preuve pouvant contredire la présomption de légalité s’attachant à la décision ministérielle critiquée et qu’ils sont de surcroît incapables de préciser en quoi les conditions fixées seraient insuffisantes pour garantir une protection adéquate des intérêts des voisins. Enfin, des indications insuffisantes au niveau de la demande ne sauraient influer sur la légalité de la décision ministérielle finalement prise.

A la base, les premiers juges ont correctement tiré la conclusion du principe que la légalité d’une autorisation ministérielle conférée n’est pas affectée par une insuffisance éventuelle des indications fournies au niveau du dossier de demande pour écarter le moyen d’annulation des époux …-… tiré du caractère incomplet du dossier demande. Il y a en effet lieu de tenir compte du fait que la décision ministérielle critiquée couvre seulement la modification de l’ensemble des étables par elle visées et leur exploitation, celle-ci ayant été autorisée de façon préexistante, notamment à partir des arrêtés ministériels antérieurs la couvrant, dont plus particulièrement l’arrêté numéro …. du 5 mai 1999 délivré par le ministre de l’Environnement. De même, à côté des compétences spécifiques en matière de gestion des eaux relevant d’autres législations, l’arrêté ministériel litigieux prévoit au niveau de ses prescriptions générales sub. III un point 2 sur l’évitement de tout écoulement d’éjections liquides dans le milieu ambulant ; un point 3 sur l’interdiction de laisser s’écouler des liquides polluants ; un point 4 contenant la règle que les eaux usées en provenance d’installations sanitaires faisant partie intégrante de l’établissement dont il s’agit sont à raccorder au réseau d’égouts publics pour eaux usées tandis que le point 5 traite des eaux captées par des sources ou forages privés et de leur écoulement. Également au niveau des conditions particulières énoncées sub. 4 au moins deux conditions, à savoir celle énoncée sub. 6 concernant les eaux usées y plus amplement visées, dont celles provenant du premier flot de rinçage de la conduite de lait et celle sub. 7 concernant les eaux usées originaires du nettoyage de la chambre à lait et des installations y incluses, sont de nature à traiter utilement la matière au niveau de l’arrêté ministériel litigieux, au-delà de celui précité pris spécifiquement en matière de gestion de l’eau.

Il y a lieu enfin de préciser que si les appelants déclarent n’énoncer que deux exemples de lacunes au niveau du dossier de la demande, à titre énonciatif, il n’en reste pas moins que pour le surplus, à défaut d’éléments concrètement fournis de façon plus ample en instance d’appel, il reste à la Cour de constater, avec les premiers juges, qu’une lacune éventuelle au niveau du dossier de la demande ne se trouve pas, suivant l’état d’instruction actuel du dossier, en lien de causalité suffisant avec une lacune éventuelle, par ailleurs non vérifiée à partir des conclusions des appelants, au niveau de l’arrêté ministériel litigieux.

Il s’ensuit que, à la suite des premiers juges, la Cour est amenée à retenir qu’à défaut pour les appelants d’indiquer de manière concrète à quel niveau précis les conditions retenues par l’arrêté ministériel litigieux, dans la sphère de compétence qu’est la sienne, seraient insuffisantes et en l’absence d’argumentaire plausible faisant ressortir que pareilles insuffisances résulteraient de lacunes au niveau du dossier de la demande, le moyen est également à rejeter sous ce second volet.

En troisième lieu, quant au bien-fondé de l’arrêté ministériel litigieux, les appelants invoquent une violation du principe de l’égalité devant la loi en ce que dans le cas d’espèce, le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999, au titre de la nomenclature et de la classification des établissements classés, retiendrait pour des étables abritant plus de 200 bêtes sur un même site qu’elles relèvent de la classe 3B sauf les exceptions prévues audit règlement, tandis que plus particulièrement sous le point 138 des écuries et centres équestres de plus de 30 animaux relèveraient de la classe 1 et que suivant le point 285 des porcheries de plus de 100 truies relèveraient également de la classe 1, de même encore que les porcheries d’élevage de plus de 500 porcelets de moins de 35kg et les porcheries d’engraissement de plus de 100 porcs. Le classement en classe 3B vaudrait également pour une exploitation d’une étendue certaine, telle celle sous autorisation critiquée comportant 1875 bêtes dont 1600 chèvres.

Aux yeux des appelants, la situation de l’exploitation d’une porcherie serait comparable à celle d’un élevage de chèvres, du moins vu à partir des riverains appelés à en subir les inconvénients.

Il n’existerait aucun critère de justification rationnelle permettant de sous-tendre utilement la différenciation opérée dans le classement de ces deux catégories d’exploitations d’animaux domestiques. S’il fallait concilier l’exercice du droit de propriété, d’un côté, avec celui de la liberté professionnelle de l’autre, il ne faudrait pas perdre de vue que le fait d’élever 1875 bêtes sur un même site ne tomberait certainement plus dans le domaine de l’agriculture classique. Selon les appelants, il serait clairement établi que la catégorie des exploitants d’un élevage de chèvres serait nettement privilégiée par rapport aux exploitants d’une écurie de chevaux ou d’une porcherie, ce qui ne saurait être admis dans un Etat de droit.

Les appelants concluent dès lors que le point numéro 149 de la nomenclature reprise au règlement grand-ducal du 16 juillet 1999, concernant précisément les étables à plus de 200 bêtes, dont celle sous autorisation critiquée, sinon du moins l’interprétation faite de cette disposition, serait contraire à l’article 10bis de la Constitution.

En conséquence, il y aurait lieu d’annuler l’autorisation délivrée pour violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi.

Les appelants soulèvent l’inconstitutionnalité du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 pris en son point 149, par rapport à l’article 10bis de la Constitution. Ce faisant, ils soulèvent la question de la constitutionnalité d’une disposition réglementaire. La Cour constitutionnelle est uniquement compétente pour connaître de la question de la constitutionnalité d’une loi. C’est dire qu’il appartient au domaine de compétence du juge saisi de statuer sur la question de constitutionnalité de la disposition réglementaire soulevée par les appelants.

Si la Cour devait accueillir le moyen, tout au plus serait-elle amenée à ne pas appliquer au cas d’espèce la disposition du point 149 du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999. Ceci n’équivaut cependant pas à dire que de ce fait l’autorisation ministérielle actuellement critiquée serait nécessairement à annuler tel que l’exigent les appelants.

Le point 149 du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 prévoit les « étables (sur un même site, sous réserve de l’application des numéros No 41, 138, 219, 285 et 361 de la présente nomenclature), 1) de 20 à 200 bêtes (classe) 4 2) de plus de 200 bêtes 3 B ». » Le point 149 de la nomenclature contient le droit commun des étables abritant des bêtes et distingue suivant le nombre de bêtes afférentes pour classer l’établissement concerné, lorsqu’il y a jusqu’à 200 bêtes, en classe 4, sinon en classe 3 B. Ce droit commun vaut à l’exception des établissements spécifiquement visés y énumérés sous les numéros 41 (bergeries), 138 (écuries), 419 (lapins), 285 (porcheries) et 361 (volaille).

Les premiers juges ont retenu que les demandeurs de l’époque, appelants actuels, restaient en défaut de soumettre des éléments suffisants de nature à faire admettre qu’ils sont dans une situation comparable concernant l’application de la classification des établissements telle qu’instaurée par le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999. Ils ont encore décidé que la situation de voisins d’un établissement comportant essentiellement la tenue de chèvres n’était pas similaire à celui de voisins d’un des établissements comportant d’autres bêtes au regard de la nomenclature du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999. Ce constat restant valable, il importe d’ajouter qu’indirectement mais nécessairement l’argumentaire des appelants tend à voir classer une étable appelée à abriter plus de 1000 chèvres en classe 1 et non, tel qu’actuellement visé par le point 149 précité, en classe 3 B. La différence essentielle entre ces deux classements est que pour la classe 1 il y a lieu de procéder par voie d’enquête publique.

Or, il résulte de l’ensemble des éléments du dossier que les appelants avaient accès à l’ensemble des éléments d’information relatifs au dossier et qu’ils ont pu discuter tant devant le tribunal que devant la Cour l’ensemble des aspects, dépassant même le cadre précis des établissements classés, dont la gestion des eaux et des aspects d’ordre sanitaire, sans qu’en quoi que ce soit le passage par une enquête publique ait pu concrètement ajouter dans leur chef une quelconque plus-value ostensible. Du moins, les appelants ne font-ils valoir aucun élément concret afférent.

Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a dès lors lieu de débouter, par confirmation des premiers juges, les appelants de leur argument d’inconstitutionnalité proposé par rapport au point 149 du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999.

C’est dans un cinquième ordre d’idées, toujours quant au bien-fondé de l’arrêté ministériel déféré, que les appelants concluent à une violation à la fois du plan d’aménagement général (PAG) de la commune de … et de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 ».

Vu que les appelants invoquent certaines notions propres au PAG également pour sous-tendre l’argumentaire de leur quatrième ordre d’idées, il y lieu d’inverser l’analyse des ordres 4 et 5 par eux ainsi désignés.

La Cour est amenée à retenir que les appelants restent en défaut, tout comme en première instance, d’indiquer un quelconque élément concret de violation de ladite loi du 19 juillet 2004, de sorte que c’est à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen proposé y relativement devant eux. La même conclusion vaut pour la Cour.

Concernant le PAG de la commune de …, les appelants estiment que la condition inscrite à son article 34 tenant à observer une distance minimale de 200 mètres par rapport au périmètre d’agglomération ne serait pas remplie en l’occurrence, étant donné que les étables projetés se situent en partie à 50 mètres seulement de la zone d’habitation la plus proche, tout en constituant par ailleurs une « geruchsintensive industrielle Aufzuchtsanlage » en envisageant d’y voir élever plus de 1.600 chèvres et un nombre exorbitant, selon les appelants, de 1.875 bêtes au total.

L’article 34 PAG, intitulé « landwirtschaftliche Betriebe », est conçu comme suit :

„ landwirtschaftliche Betriebe müsssen konform zu den Richtlinien der Ackerbauverwaltung und der aktuellen Gesetzgebung sein.

Schweinemästereien und – züchtereien, Geflügelfarmen sowie andere geruchsintensive industrielle Aufzuchtanlagen dürfen nicht innerhalb des Bauperimeters errichtet werden.

Der minimale Abstand zur Grenze des Bauperimeters wird mit 200 m festgelegt.

Extensive landwirtschaftliche Betriebe sind innerhalb des Bauperimeters erlaubt. Sie sind den Bestimmungen der Gebiete unterstellt in denen sie lokalisiert sind (Mischgebiete, Kerngebiete)“.

D’après l’article 17, paragraphe 2, de la loi du 10 juin 1999, un établissement classé ne peut être autorisé que s’il est projeté dans des immeubles dont la destination est conforme par rapport à une réglementation communale d’urbanisme globalement considérée.

Il est patent que l’établissement sous revue ne correspond ni à une « Schweinemästerei », ni à une « Schweinezüchterei », ni encore à une « Geflügelfarm » au sens de l’alinéa 2 de l’article 34 PAG. La question qui se pose est dès lors celle de savoir s’il y a lieu d’inclure l’établissement sous analyse parmi les « andere geruchsintensive industrielle Aufzuchtanlagen » y visées.

La Cour est amenée à retenir à partir de l’ensemble des éléments lui soumis dont les informations recueillies sur place lors de la visite des lieux, qu’au-delà d’une quelconque appréciation à ce stade du caractère « geruchsintensiv », il y a lieu de répondre par la négative à la question posée, étant donné que l’établissement sous revue ne saurait être qualifié d’industriel au sens de la loi du 10 juin 1999. En l’occurrence, les appelants voudraient induire le caractère industriel à partir du grand nombre de bêtes appelées à être élevées sur le site. L’industriel est d’abord antinomique de l’artisanal. N’est pas industriel l’établissement qui met un accent fort sur la main-d’œuvre individuelle de l’homme en utilisant celle de peu de collaborateurs pour arriver à toiser une tâche dévolue à l’établissement qui fait encore largement appel à l’apport de l’homme.

S’il est vrai qu’au niveau des vaches laitières appelées à être accueillies dans l’établissement et dont le nombre est limité à 63, l’intervention de l’homme est requise, mais allégé en ce sens que les exploitants ont misé sur la haute technologie consistant notamment en une installation de traite robotique, il n’en reste pas moins que pour l’essentiel, - en nombre de bêtes et en intensité de temps de travail manuel requise - à savoir la tenue des quelque 1.512 chèvres (800 chèvres laitières + 300 chèvres laitières + 480 jeunes chèvres d’élevage + 32 bouc de chèvres), telle qu’autorisée à travers l’arrêté ministériel déféré, l’apport humain et l’encadrement par les collaborateurs de l’entreprise est essentiel. Or, il n’a point pu être contesté que l’exploitation agricole en question tourne avec l’apport de Messieurs … et … … et de leurs épouses respectives, lesquelles ont indiqué travailler, sauf les périodes de travail intensif notamment lorsque les chèvres accouchent, chacune à raison d’une demi-tâche. Même à admettre que cette demi-tâche corresponde plutôt à un temps plein dans d’autres contextes, l’entreprise tournerait pour un cheptel caprin limité à 1.512 têtes au maximum, ensemble les bovins et chevaux, avec l’apport de 4 personnes. Or, pareille structure ne saurait être qualifiée d’industrielle, au-

delà de toutes autres technologies utilisées par ailleurs, les machines agricoles nécessitées au niveau de l’élevage des chèvres étant non robotiques, à qualifier de routinières dans le cadre d’une exploitation agricole d’aujourd’hui.

A partir de là, force est à la Cour de retenir que l’exploitation sous revue, encore que l’ensemble des têtes de bêtes y autorisé dépasse le seuil des 1.000, n’est pas de nature à être qualifiée d’industrielle en l’occurrence. Dès lors, l’exploitation ne tombe pas sous les prévisions de l’article 34, alinéa 2 PAG et la limitation d’une distance à observer de 200 mètres par rapport aux limites du périmètre d’agglomération n’est pas requise à son égard.

Les premiers juges sont dès lors encore à confirmer en ce qu’ils ont écarté le moyen tiré d’une violation de l’article 34 PAG, ensemble la loi du 19 juillet 2004.

C’est sous le quatrième registre et toujours quant au bien-fondé de l’arrêté ministériel déféré, que les appelants mettent en cause, sous le point A), une violation de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 en relation avec les risques que peut provoquer l’exploitation litigieuse quant à la dispersion de la fièvre Q et, sous un point B), concluent à l’insuffisance des conditions stipulées en ce qu’il s’agirait en l’espèce d’une « geruchsintensive industrielle Aufzuchtanlage » et invoquent d’autres nuisances liées à l’exploitation d’un établissement d’une telle envergure, dont plus particulièrement les nuisances sonores.

Dans ce dernier contexte de nuisances sonores, à partir du constat que malgré de nombreuses recherches effectuées par eux, il serait difficile voire quasiment impossible de communiquer dans la présente affaire des études scientifiques ayant trait à la mise en calcul des nuisances sonores en rapport direct avec l’exploitation d’un élevage important de chèvres, les consorts …-… sollicitent l’institution d’une expertise scientifique pour « déterminer les mesures précises à respecter en vue de prévenir ou du mois d’atténuer les inconvénients et les risques auxquelles l’établissement projeté pourrait donner lieu tant pour les personnes attachées à l’exploitation que pour les voisins, le public et l’environnement ». Ils déclarent qu’ils « ne demandent rien d’autre que de faire établir par la voie judiciaire la preuve dont dépend la solution du litige ».

C’est plus globalement à partir de ce même contexte que les appelants proposent la nomination de deux professeurs affectés à la « Stiftung tierärztliche Hochschule Hannover » aux fins d’exécuter la mission d’expertise par eux proposée en les termes suivants :

« - déterminer dans un rapport détaillé et motivé si l’autorisation de procéder à la modification et à l’exploitation de plusieurs étables délivrée à la société civile … en date du 17 juin 2010 est conciliable avec les buts de la loi du 10 juin 1999 dont notamment la prévention et la réduction des pollutions en provenance des établissements, ainsi que la sécurité, la salubrité et la commodité du public, du voisinage et du personnel des établissements, - déterminer de façon précise les mesures à respecter en vue de prévenir ou du moins d’atténuer les inconvénients et les risques auxquels l’établissement pourrait donner lieu tant pour les personnes attachées à l’exploitation que pour les voisins, le public et l’environnement, - de se prononcer de façon précise sur la technologie prévue et les autres techniques visant à prévenir les émissions provenant de l’établissement ou, si cela n’est possible, à les réduire à un maximum, - déterminer de façon précise les mesures à respecter concernant la prévention et la valorisation de déchets générés par l’établissement, en tenant compte des prélèvements d’eau, des rejets dans l’eau, dans l’air et dans le sol, des émissions de bruit, de vibrations et de radiation à la sortie des établissements, de la production et de la gestion des déchets et d’autres résidus d’exploitation, - déterminer de façon précise les mesures à respecter en vue de prévenir les risques de la « fièvre Q » et analyser les incidences qu’aura l’établissement sur l’environnement humain et naturel, ceci en tenant compte des meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs par référence à des établissements de la même branche ou d’une branche similaire ».

Le fait est que sur base des dispositions de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 l’arrêté ministériel déféré définit un certain nombre de conditions d’exploitation dans le domaine de compétence qui est celui du ministre ayant dans ses attributions l’environnement au sens des établissements classés de la loi du 10 juin 1999. D’autres autorisations sont appelées à coexister dans les domaines respectifs d’attribution des autorités à chaque fois compétentes. Au lieu de viser précisément en quoi les conditions posées en l’occurrence par le ministre seraient insuffisantes, les appelants opèrent par une voie en quelque sorte inductive afin de voir établir que les risques éventuels dégagés par une exploitation, telle celle de l’espèce, seraient supérieurs à ceux dont a tenu compte le ministre à travers l’arrêté déféré. Ce faisant, par voie d’induction et d’extrapolation à la fois, les appelants essaient de voir dire par des experts à nommer par la Cour que les conditions posées seraient insuffisantes.

Force est à la Cour de constater que pareille façon de procéder contrevient aux règles établies, en la matière, à commencer par celles relatives à la charge de la preuve.

S’il est retraçable que les appelants se trouvent surtout déroutés par le « grand nombre » en additionnant tous azimuts le total des bêtes autorisées à être accueillies dans l’ensemble des étables sous autorisation actuellement critiquée, il n’en reste pas moins d’abord que ce nombre, en définitive, ne dépasse que liminairement celui des bêtes faisant actuellement partie de l’ensemble des exploitations des consorts …-…, déjà autorisées, il est vrai réparties à travers le village de … et appelées à être concentrées à l’endroit. Il est vrai encore que le centre des activités se rapprochera de la sorte de l’habitation des appelants. Cependant, des mesures spécifiques ont été prévues par l’arrêté ministériel déféré, notamment en ce que l’étable à construire, la plus proche de la propriété …, sera séparée, outre par la parcelle de terrain se trouvant de toute façon entre les terrains …-… et ceux des appelants, par une bande de terrains à l’extrémité de la propriété … du côté des parcelles des appelants qui devra être surélevée et plantée de façon intensive pour fournir autant un écran nouveau entre l’exploitation … et la propriété des appelants.

Si dès lors le grand nombre est à relativiser, d’un côté, en ce qu’au total l’exploitation n’augmentera guère, il convient surtout de préciser, d’un autre côté, que le contingent des chèvres, contingent le plus important en nombre, est à relativiser éminemment par rapport à celui des bovins et des quelques chevaux notamment, qualifiés par ailleurs de « Grossvieheinheiten », quelle que soit la clé de conversion à opérer suivant que l’on considère la taille des animaux, le volume d’air expiré par animal, leurs poids respectifs ou d’autre paramètres de ce genre. Suivant la plupart des clés adoptées, la proportion se rapproche d’un bovin pour dix chèvres.

Force est de retenir que ni le nombre, ni le fait que l’élevage de chèvres s’est fait rare dans notre pays – alors que de tous temps il y était présent parmi une large couche de la population locale – ne devraient être de nature à attiser une peur latente et inconsciente, sinon une abnégation du méconnu, peur et abnégation qui paraissent en filigrane à la base de la demande subsidiaire en expertise proposée.

En somme, il y a lieu d’écarter la demande en institution d’une expertise pour ne pas être pertinente en l’état actuel des données du dossier, à défaut pour les appelants d’indiquer de façon concrète, ne fût-ce que de façon sommaire, une quelconque des conditions posées par l’arrêté ministériel déféré qui ne répondrait pas aux exigences de l’espèce compte tenu de la modification de l’exploitation telle qu’autorisée à travers lui.

Les appelants exposent longuement, pour répondre aux reproches leurs adressés par les premiers juges consistant à dire qu’ils n’invoquaient aucun moyen ni aucun élément concret tendant à faire constater le caractère insuffisant des conditions d’exploitation imposées, qu’un risque éminent de dispersion de la fièvre Q à partir de l’exploitation critiquée existerait, étant donné que cette maladie infectieuse y avait déjà été détectée par l’administration des services vétérinaires et qu’il fallait dès lors y remédier.

En termes de réplique, les appelants font état, toujours concernant la fièvre Q, de publications du Robert Koch Institut (RKI-Zentrale Einrichtung der Bundesregierung auf dem Gebiet der Krankheitsüberwachung und – Prävention) et citent des extraits suivant lesquels la dispersion d’épidémie de fièvre Q se faisait par voie aérienne et ce, à travers des distances consistantes, de sorte que du moins les accouchements de vaches et de chèvres devraient avoir lieu « in ausreichender Entfernung von der Wohnbebauung, in geschlossenen Ställen und möglichst in getrennten Boxen ». Quant aux poussières émises, les appelants citent encore le Conseil supérieur de la Santé en Belgique dans une publication du 12 janvier 2011, suivant lequel « les aérosols contaminés peuvent être transportés à un kilomètre ou plus de la source initiale. Ceci explique des cas d’infections sans aucune trace de contact direct avec des animaux (dans plus de 50% des cas) ».

Suivant cet organe, l’élevage à distance de lieux d’habitation serait préconisé.

Les appelants citent dans ce contexte les points 8 et 9 des conditions générales sub., III de la décision ministérielle déférée concernant l’évitement autant que possible de formation et d’émanation de poussières à partir de l’établissement autorisé, de même que l’évacuation à effectuer par des émissions de gaz et de poussières, de sorte à ne pas incommoder les voisins ni à constituer un risque pour leur santé. Suivant les appelants, ces conditions pècheraient par leur caractère général et imprécis alors que sur base de la loi du 10 juin 1999, elles devraient revêtir un caractère spécifique et adapté au cas d’espèce. Tel ne serait pas le cas en l’occurrence.

Quant à la problématique spécifique de l’épandage du fumier, les appelants reprennent le même argumentaire de conditions trop générales et imprécises fixées à travers l’arrêté ministériel litigieux. Suivant eux, celui-ci se référerait à du fumier de porcins et de volaille, disposition qui ne serait pas pertinente en l’espèce, alors qu’il aurait fallu s’occuper spécifiquement du fumier provenant d’étables abritant des chèvres. Les appelants citent à cet égard le comité scientifique de l’agence fédérale pour la sécurité et la chaîne alimentaire de Belgique, qui, dans un avis remontant à l’année 2010, retient qu’ « il existe encore beaucoup d’incertitudes concernant le traitement du fumier ». Le fumier des bovins, de par sa nature, serait moins contaminant chez les bovins que chez les petits ruminants, (…). « Il est commandé de ne pas répandre de fumier ou de lisier provenant d’exploitations positives dans des zones densément peuplées ou des jardins. En cas de présence de fumier dans des exploitations positives, celle-ci doit être stockée dans l’exploitation même pendant minimum 90 jours avant l’épandage, afin de permettre une diminution substantielle du nombre de bactéries par maturation ». Le même avis insiste sur une élimination correcte des membranes fœtales ou des produits d’avortement, ces derniers étant une des conséquences constatées de la fièvre Q auprès des animaux, de même que sur un épandage contrôlé du fumier, toutes ces mesures servant à minimiser le risque de dispersion de poussières ou d’aérosols infectés.

De manière plus générale, les appelants estiment que l’autorisation litigieuse violerait le principe de précaution, lequel trouverait son application à chaque fois qu’il existe un risque potentiel sans que ce dernier soit avéré. D’après les appelants, suivant les recommandations par eux citées de la part des experts allemands et belges, les attroupements de chèvres comporteraient nécessairement des risques pour les populations se trouvant à proximité. En vertu du principe de précaution, l’autorisation ministérielle aurait tout simplement dû être refusée, l’élevage de chèvres à l’endroit étant susceptible d’entraîner des dommages graves et irréversibles pour le voisinage.

En matière d’établissements classés, une situation idéale pourrait consister à prévoir un permis unique pour tel établissement classé, résumant l’ensemble des conditions d’exploitation, relevant actuellement, les unes du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ainsi que du ministre au Développement durable et aux Infrastructures, ayant dans ses compétences l’environnement, pour ce qui est des établissements classés proprement dits ; d’autres du même ministre, mais en tant que relevant de la législation du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature ; d’autres encore, au niveau de l’urbanisme relevant du bourgmestre de la commune de situation ; sinon d’autres émanant du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en matière de gestion de l’eau, sans parler d’éventuelles compétences spéciales suivant les matières concernées.

Vu que pareil permis unique n’existe pas dans la législation actuelle et même s’il est vrai qu’aux termes du paragraphe 3 de l’article 13 de la loi du 10 juillet 1999, l’arrêté du ministre ayant dans ses attributions l’environnement détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, il n’en reste pas moins qu’en présence d’une compétence spécifique arrêtée à travers la loi modifiée du 29 août 1976 portant création de l’Administration des services vétérinaires ayant regroupé les anciens laboratoires de médecine vétérinaire et l’Inspection générale vétérinaire, tout en conférant à cette administration entre autres l’obligation d’assurer « la prévention et la lutte contre les anthropozoonoses », parmi lesquelles la fièvre Q ainsi désignée, il y a lieu de retenir que ce faisant la loi impose que les mesures afférentes éventuellement requises relèvent des services spécifiquement compétents à l’exclusion de tous autres. C’est dire que la question longuement débattue de la fièvre Q est comme telle étrangère aux conditions d’exploitation à prévoir par le ministre ayant dans ses attributions l’environnement au niveau de l’autorisation d’exploitation à délivrer par lui sur base de la loi du 10 juin 1999.

Ceci ne veut cependant pas dire que les conditions d’aménagement et d’exploitation visant notamment l’environnement humain et naturel, que le ministre est appelé à poser ne soient pas de nature à contribuer elles aussi au caractère préventif d’éventuelles maladies.

Cependant, ici encore la Cour, à la suite des premiers juges, est appelée à constater qu’outre le fait de dénoncer le phénomène de la fièvre Q – par ailleurs non exclusive aux cheptels de chèvres – les appelants n’apportaient en première instance pas d’élément concret par rapport aux conditions précisément posées par le ministre dans l’arrêté critiqué, fût-ce pour conclure à leur insuffisance ou à un caractère autrement approprié de celles-ci, pas plus que dans leur requête d’appel.

Au niveau de leur réplique, ils mettent essentiellement en cause le caractère général et imprécis des conditions d’exploitation prévues par l’arrêté ministériel critiqué, tant pour ce qui est des émanations de poussière et des émissions de gaz, que pour ce qui est des conditions relatives à l’épandage de fumier. Ici encore, il convient de préciser tout d’abord que les formules utilisées sont certes larges, mais cependant claires et précises, et surtout non pas rédigées dans l’optique spécifique d’une prévention d’épidémie, celle-ci relevant essentiellement de la compétence de l’Administration des services vétérinaires, tel que prévu par la loi du 29 août 1976, précitée, appelée à prendre des mesures précises adéquates le moment venu. Néanmoins les articles 8 et 9 des prescriptions générales sub., III ne constituent pas des clauses de style vides de tout sens, mais des mesures d’encadrement contraignantes en ce qu’elles disposent notamment que « la gestion de l’établissement est à réaliser de sorte à éviter autant que possible la formation et l’émanation de poussières » (point 8) et que « l’évacuation des émissions de gaz et de poussière doit se faire de la sorte à ne pas incommoder les voisins ni constituer un risque pour leur santé », (point 9).

De même, la clause énoncée sous le point 10 stipulant que « l’établissement et les abords classés sous le contrôle de l’exploitant doivent être entrevus dans un état de propreté adéquat » constitue dans le contexte des critiques formulées, un principe de guidance, pertinent même si casuistiquement ni la cadence des interventions des exploitants, ni les moyens afférents (à l’eau, à la brosse ou autrement) ne sont indiqués.

Ce qui importe est le seuil de propreté visé. A cet escient, un état de propreté adéquat est à qualifier de seuil suffisant compte tenu des éléments de l’espèce.

La question posée va jusqu’à toucher des valeurs d’ordre philosophique. Si pour un administré inquiet quant à ses droits et apeuré par rapport à sa situation, une énumération au cas par cas des différentes procédures aptes à atteindre notamment l’état de propreté visé paraît a priori préférable, il n’en reste pas moins que les principes essentiels de la vie en société basée sur la liberté et la responsabilité commandent que l’exploitant doit pouvoir rester libre de choisir les moyens, à condition d’être adéquats, du moment que le but à atteindre est clairement défini. Or, en l’occurrence chacun des points 8 à 10 précités définit avec clarté, précision et suffisamment d’exigences les buts à atteindre, de sorte qu’il ne saurait y avoir de véritable méprise y relativement. C’est dire que les règles en question doivent être regardées comme étant suffisantes en tant que prescriptions générales, contenu qu’elles sont précisément appelées à revêtir.

Au niveau des conditions concernant la manipulation et l’épandage de fertilisants organiques (fumier, lisier et purins) prévues à la section V, il convient de dire avec les appelants que les renvois spécifiques aux porcheries et aux volailles ne sont pas pertinents en tant que tels en l’occurrence. Cependant, compte tenu de ce que, d’un côté, les fertilisants organiques émanant d’exploitations d’élevage de chèvres et précisément le fumier sont comparables, mutatis mutandis, à celui des porcins et volailles et que, d’un autre côté, dans le contexte spécifique de la fièvre Q invoquée avec insistance par les appelants, il convient de souligner que celle-ci n’est pas propre au cheptel de caprins. Dès lors, les règles énoncées plus particulièrement sous les points 8 et 9 de la section V en question, en ce qu’elles visent les porcheries, le porc et les volailles sont à remplacer respectivement par « l’étable de chèvres » au point 8 et « les chèvres » tout court au point 9. En effet, la Cour estime que pour ce qui est de l’épandage de purins et de lisier en provenance d’étables de chèvres, l’on peut observer raisonnablement la même règle prévoyant que ces opérations d’épandage de purin et de lisier ne puissent pas se faire sur des terrains situés à moins de 200 mètres des parties agglomérées d’une localité, avec possibilité de réduction suivant les circonstances prévues audit point 8. De même, pour l’épandage de fumier en provenance d’étables de chèvres, l’interdiction à moins de 50 mètres des parties agglomérées d’une localité est pertinente. Il y a en conséquence lieu de réformer l’arrêté ministériel déféré sur ces deux points.

Quant à la notion de « geruchsintensive industrielle Aufzuchtsanlage », tirée de l’article 34 PAG de la commune de … et que les appelants utilisent pour sous-tendre leurs doléances générales, d’ordre olfactif, ceux-ci constatent d’abord que pareille notion ne se trouve pas définie en droit. Ici encore, les appelants insistent sur le nombre des chèvres appelées à être accueillies par l’établissement. Ils citent notamment une publication d’un professeur Dr. …, LLM, versée au dossier, qui retient notamment que “ die Siedlungen sollen nach den Bedürfnissen der Bevölkerung gestaltet werden und insbesondere sollen Wohngebiete vor schädlichen oder lästigen Einwirkungen wie Luftverschmutzung (…) möglichst verschont werden. Waldzonen für emissionsträchtige Betriebe sind an geeigneten Orten so auszuscheiden dass sie empfindliche Zonen möglichst wenig belasten“.

Dans son compte rendu, ledit auteur est cité en ce qu’il se réfère à une affaire judiciaire aux termes de laquelle il a été énoncé que les chèvres seraient une source d’odeurs nauséabondes, suivant les appelants. D’après ces derniers, ce seraient aussi bien l’urine que les petites glandes entre les cornes de l’animal qui sécrètent cette « délicate » odeur, laquelle serait surtout « explosive » en période de reproduction. Les appelants estiment qu’on peut comparer les nuisances qui s’en dégagent à celles existant par ailleurs au niveau de l’élevage des porcins.

De la sorte, les appelants estiment avoir rencontré, au niveau de leur requête d’appel, le constat des premiers juges suivant lequel ils n’auraient étayé leurs affirmations par aucun élément concret et concordant.

La Cour est amenée à rappeler tout d’abord qu’aux termes de l’article 34 PAG, l’exploitation litigieuse n’est pas à qualifier de « industrielle Aufzuchtanlage ». Reste dès lors la question des odeurs. Nul ne contesterait que le bouc de chèvres dégage, surtout en période de reproduction, des odeurs particulières, tant par l’urine que par les glandes situées entre les cornes.

Si dans une visée naturelle des choses, les boucs sont toujours nécessaires à la reproduction, il n’en reste pas moins que l’étable devant précisément les abriter sur le site est celle qui est planifiée pour se trouver à la plus grande distance en ligne directe à partir de l’habitation des appelants. En effet, l’étable en question sera séparée de la maison …-… non seulement par deux longues étables parallèles, mais encore par une distance non bâtie de 50 mètres y compris la bande de terrains surélevée à planter de manière intensive du côté de la limite de la propriété …-…, puis par la parcelle séparant celle-ci de la propriété des appelants.

Mais surtout l’arrêté ministériel critiqué invoque sous le point 6) des prescriptions générales prévues sub. III, non seulement un seuil d’immission d’odeurs (IZ) y plus particulièrement défini, qui ne doit pas dépasser le facteur de 0,10, mais encore renvoie à la réglementation allemande « Geruchsimmissions-Richtlinie GIRL » du Land Rheinland-

Pfalz en vigueur à la date où ledit arrêté a été pris.

Les appelants ne mettent en cause ni le facteur IZ fixé, ni la réglementation GIRL rendue applicable par renvoi. L’arrêté ministériel prévoit de plus sous le même point 6) que, le cas échéant, l’exploitant doit prendre des mesures pour réduire l’impact olfactif, en agissant notamment sur les glandes situées près des cornes des boucs, sans qu’aucune des parties ne remette autrement en question ce dernier point.

La Cour aimerait souligner par ailleurs que lors de la visite des lieux, elle a été amenée, avec l’ensemble des parties et de leurs représentants présents, à se retrouver pendant un long laps de temps dans l’étable existante abritant, suivant les dires non contestés des consorts …, 780 chèvres. L’odeur étant un facteur subjectif, la Cour aimerait cependant souligner qu’aucun de ses membres n’a ressenti un quelconque élément négatif d’ordre olfactif durant toute leur présence dans l’étable en question et que par ailleurs personne d’autre n’a souligné un quelconque point dérangeant au niveau des odeurs présentement dégagées par l’ensemble des chèvres en place.

Il est vrai que la visite des lieux s’est tenue en hiver suivant une température relativement modérée ne correspondant pas aux seuils utiles de mesurage des odeurs d’après les dispositions du point 6) en question.

En conclusion, aucun des moyens ayant trait à ce quatrième ordre d’idées des appelants ne se trouve non plus être fondé.

A partir de l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’appel n’est fondé en aucun des moyens d’appel présentés et qu’il y a lieu d’en débouter les appelants.

Le jugement de première instance est à confirmer en conséquence.

Les appelants sollicitent une indemnité de procédure de l’ordre de 2.500.- € pour la première instance, ainsi que de l’ordre de 4.500.- € pour l’instance d’appel. Eu égard à l’issue du litige, les deux demandes en allocation d’une indemnité de procédure sont à rejeter.

L’indemnité de procédure sollicitée par les intimés consorts … est à son tour à rejeter, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit partiellement justifié ;

partant, par réformation du jugement entrepris, réforme l’arrêté ministériel déféré du 17 juin 2010 en ce que sub., V au point 8) il y a lieu de lire « étable de chèvres » au lieu de « porcherie » et au point 9) il y a lieu de lire « chèvres » au lieu de « porc et/ou de volailles » ;

déclare l’appel non fondé pour le surplus ;

partant en déboute les appelants dans cette mesure ;

confirme le jugement entrepris pour ce surplus ;

écarte les demandes en allocation d’une indemnité de procédure des appelants et des intimés ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, vice-président, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY s. MAY s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier en chef de la Cour administrative 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28975C
Date de la décision : 19/01/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2012-01-19;28975c ?

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