GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéros du rôle : 26420C et 26421C Inscrits le 18 décembre 2009
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Audience publique du 1er juillet 2010 Appel formé par I) les sociétés anonymes … S.A., … et … S.A., … II) l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre deux ordonnances du président du tribunal administratif des 16 octobre 2009 (26000a du rôle) et 12 novembre 2009 (26000b du rôle) en présence de l’association sans but lucratif … a.s.b.l, … en matière d’accès du public à l’information en matière d’environnement
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I) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 26420C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2009 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, assisté de Maître Serge MARX, avocat à la Cour, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des sociétés anonymes … S.A. et … S.A., toutes les deux établies et ayant leur siège social à L-…, dirigée contre deux ordonnances du président du tribunal administratif rendues respectivement les 16 octobre 2009 (n° 26000a du rôle) et 12 novembre 2009 (26000b du rôle) sur le recours de l’association sans but lucratif … a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-…, contre une décision du ministre de l’Economie et du Commerce extérieur du 24 juillet 2009 portant refus de l’accès à des informations environnementales consistant dans l’étude « … Netzstudie 2025 ; Electrowatt-Ekono, Juni 2004 » sollicitée suivant sa lettre du 22 mai 2009 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Gilles HOFFMANN, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, tous les deux demeurant à Luxembourg, du 22 décembre 2009 portant signification de cette requête d’appel à l’association sans but lucratif … a.s.b.l. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 janvier 2010 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l. ;
Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Victor ELVINGER ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 février 2010 par Maître Victor ELVINGER, assisté de Maître Serge MARX au nom des sociétés anonymes … S.A. et … S.A. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Florence TURK-TORQUEBIAU ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mars 2010 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU, au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Victor ELVINGER ;
II) Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 26421C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2009 par Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRÜCK, forte d’un mandat à ces fins du ministre de l’Economie et du Commerce extérieur du 9 décembre 2009, dirigé contre les ordonnances précitées du président du tribunal administratif des 16 octobre 2009 et 12 novembre 2009 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 janvier 2010 par Maître Victor ELVINGER, assisté de Maître Serge MARX, au nom des sociétés anonymes … S.A. et … S.A. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Florence TURK-TORQUEBIAU ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 janvier 2010 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Victor ELVINGER ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 février 2010 par Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRÜCK ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mars 2010 par Maître Florence TURK-TORQUEBIAU au nom de l’association sans but lucratif … a.s.b.l. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Victor ELVINGER ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2010 par Maître Victor ELVINGER, assisté de Maître Serge MARX, au nom des sociétés anonymes … S.A. et … S.A. ;
Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Florence TURK-TORQUEBIAU ;
I) et II) Vu les pièces versées en cause et notamment les ordonnances présidentielles entreprises ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT et Maîtres Serge MARX et Florence TURK-TORQUEBIAU en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mars 2010 ;
Par courrier du 22 mai 2009 l’association sans but lucratif … asbl, ci-après « l’association … », s’adressa au ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, ci-après « le ministre », afin de se voir délivrer une copie de l’étude « … Netzstudie 2025 ; Electrowatt-Ekono, Juni 2004 », mentionnée dans un document intitulé « Weissbuch über die Erarbeitung einer Energiestrategie für Luxemburg » datant de mars 2009.
Suivant courrier du 19 juin 2009, le ministre informa l’association … de la prolongation du délai de réponse de un à deux mois en raison du volume et de la complexité des données contenues dans l’étude réalisée à l’époque par … S.A., ainsi que de l’obligation dans laquelle il se trouvait d’adresser une demande de prise de position à ladite société afin de voir déterminer si l’étude contenait des données pour lesquelles la communication devait le cas échéant être refusée.
Par courrier du 24 juillet 2009, le ministre refusa de faire droit à la demande de l’association … dans les termes suivants :
« Monsieur le Président, En me référant à votre courrier du 22 mai 2009 nous parvenu le 25 mai 2009 et à ma réponse préliminaire du 19 juin 2009 (référence 0289-E09), je vous informe par la présente qu' … S.A. et … S.A. m'ont averti par leur courrier du 20 juillet 2009 annexé à la présente qu'ils s'opposent formellement à toute publication, communication et divulgation, totale ou partielle, de l'étude « … Netzstudie 2025».
Vu les arguments invoqués par … S.A. et … S.A. et notamment leur refus sur base du point j) du paragraphe 2 de l'article 4 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, je me vois dans l'impossibilité de donner une suite positive à votre demande.
En comptant sur votre compréhension, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments très distingués. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 août 2009, l’association … introduisit un recours en référé devant le président du tribunal administratif sur base de la loi modifiée du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, ci-après « la loi du 25 novembre 2005 », afin de voir ordonner au ministre de rendre disponibles les informations environnementales demandées dans sa lettre précitée du 22 mai 2009.
Par une première ordonnance du 11 septembre 2009 (n° 26000 du rôle), le président du tribunal administratif, avant tout autre progrès en cause, ordonna à la partie demanderesse de mettre en intervention les sociétés … S.A. et … S.A. Il appert que la société … S.A. est la société propriétaire et gestionnaire du réseau ayant repris le réseau d’électricité de la société … S.A., tandis que la société … S.A. est la société de fourniture d’énergie ayant repris l’activité de fourniture d’énergie électrique de ladite société … S.A., le tout à l’issue de la fusion des sociétés … S.A., … S.A. et … S.A..
Par ordonnance du 16 octobre 2009 (n°26000a du rôle) le président du tribunal administratif, toujours avant tout autre progrès en cause, ordonna « la comparution des parties … S.A. et … S.A. en date du 22 octobre à 9.00 heures en la chambre du Conseil du tribunal administratif en l’absence tant de leur défenseur, qu’en l’absence de la partie demanderesse … et de son défenseur, qu’en l’absence du représentant de l’Etat, aux fins de leur permettre d’exposer en détail les arguments les habilitant de s’opposer à rendre public [sic] en partie ou en totalité les informations environnementales suivantes demandées :
… Netzstudie 2025 Wirtschaftlichkeitsanalyse – Schlussbericht ;
… Netzstudie 2025 – technischer Schlussbericht ;
… Netzstudie 2025 Beilagen – Beilagen Technischer Schlussbericht; » tout en refixant l’affaire à une audience ultérieure pour continuation des débats voire prise en délibéré.
Par ordonnance du 12 novembre 2009 (n° 26000b du rôle) le président du tribunal administratif ordonna à l’Etat de transmettre les données environnementales suivantes à la partie demanderesse :
« A) … Netzstudie 2025 - technischer Schlussbericht;
a) La table des matières (Inhaltsverzeichnis) (en entier) b) Les chapitres suivants en entier:
1 EINLEITUNG 2 … NETZ 3 TECHNISCHE ANFORDERUNGEN 4 BASISDATEN DES ENERGIEVERBRAUCHES UND DER LASTSPITZEN 5 BEURTEILUNG DER PRODUKTIONSANLAGEN 6 MOEGLICHE DEMOGRAPHISCHE UND WIRTSCHAFTLICHE / INDUSTRIELLE ENTWICKLUNG 10 KOSTENSCHAETZUNG DER NOTWENDIGEN INVESTITIONEN 11 SCHLUSSFOLGERUNGEN B) … Netzstudie 2025 - Wirtschaftlichkeitsanalyse — Schlussbericht;
a) La table des matières (Inhaltsverzeichnis) (en entier) b) Les chapitres suivants:
1 EINLEITUNG (en entier) 2 VORGEHEN (en entier) 3 EINGABEDATEN (pas en entier mais les points 3.1 à 3.6.2 inclus) 4 ERGEBNISSE (pas en entier mais les points 4.1 à 4.2.2. inclus) 5 SCHLUSSFOLGERUNGEN UND EMPFEHLUNGEN (en entier) C) … Netzstudie 2025 - Beilagen Technischer Schlussbericht;
a) La table des matières (Inhaltsverzeichnis) (en entier) b) Les « Beilagen » suivantes en entier :
3.1, 3.2, 4.1, 4.2, 4.3, 5.2, 6.1, 6.2, 7.4.
c) Le « Plan der elektrischen Leitungsanlagen für das Grossherzogtum Luxemburg anno 1914. », tout en rejetant la demande en exécution provisoire ainsi que la demande en allocation d’indemnités de procédure de la partie demanderesse et en condamnant l’Etat à tous les frais de l’instance.
Contre les deux ordonnances présidentielles précitées des 16 octobre et 12 novembre 2009 deux appels furent interjetés à la même date, le 18 décembre 2009, un premier sous le n° 26420C du rôle par les sociétés anonymes … S.A. et … S.A. ci-après désignées de façon contractée « … et … » et un second sous le n° 26421C du rôle par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.
Quant à la jonction des deux appels L’association … sollicite la jonction des deux appels.
Dans la mesure où les deux appels sont dirigés contre les deux mêmes ordonnances du président du tribunal administratif et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu à jonction des deux rôles pour les voir toiser par un seul et même arrêt.
Quant à la recevabilité des deux appels L’association … se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel introduit par les sociétés … et …. Cet appel est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.
Relativement à l’appel introduit par l’Etat, l’association … conclut à l’irrecevabilité sur base des dispositions des articles 39, paragraphe 4, et 40 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 » dans la mesure où le mandat conféré par le ministre en date du 9 décembre 2009, tel qu’annexé à la requête d’appel, indique la seule ordonnance du 12 novembre 2009 rendue sous le numéro 26000b du rôle pour en faire l’objet. Ainsi, l’appel serait-il irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l’ordonnance présidentielle du 16 octobre 2009.
L’Etat conclut que l’ordonnance du 16 octobre 2009 constituerait une ordonnance interlocutoire se limitant à ordonner une mesure d’instruction dans le cadre du recours contentieux, de sorte à ne pas pouvoir faire l’objet d’un appel séparé. Elle ferait dès lors partie de l’ordonnance définitive du 12 novembre 2009 qui s’y référerait expressément.
Le mandat pour interjeter appel, là où il est prescrit, de même que la voie de recours elle-
même, sont toujours à entrevoir de manière à produire un effet utile, plutôt que de ne pas en produire.
S’il est vrai que le mandat ministériel pour interjeter appel du 9 décembre 2009 ne vise expressément que l’ordonnance « du tribunal administratif » du 12 novembre 2009, il n’en reste pas moins, eu égard aux antécédents de l’affaire, que les deux ordonnances présidentielles qui l’ont précédée, à savoir celles des 11 septembre et 16 octobre 2009, en ce qu’elles n’ont pas, jusque lors, pu être entreprises séparément, plus particulièrement pour ne pas avoir tranché dans le dispositif une partie du principal conformément aux dispositions de l’article 44 de la loi du 21 juin 1999, elles doivent cependant être entrevues comme étant visées implicitement mais nécessairement par le mandat ministériel du 9 décembre 2009. Le moyen d’irrecevabilité est dès lors à écarter.
L’appel étatique ayant pour le surplus été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Quant à la recevabilité de la requête introductive de première instance Les deux appels critiquent d’abord l’ordonnance présidentielle du 16 octobre 2009 en ce qu’elle a déclaré le recours recevable. Ils concluent à l’irrecevabilité de la requête introductive de première instance pour indication erronée de l’organe représentatif de l’association ….
Celle-ci déclare être représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, alors que d’après l’article 15 de ses statuts elle serait représentée, notamment en justice, par son gestionnaire. Suivant l’Etat, l’indication erronée de l’organe pouvant ester en justice se résoudrait en une nullité de fond.
Aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte au droit de la défense.
D’après ledit article 29, la juridiction saisie est appelée à effectuer une analyse consistant à examiner, au-delà du caractère vérifié d’une inobservation alléguée d’une règle de procédure, si celle-ci a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. En l’absence de pareille atteinte, l’inobservation de la règle de procédure ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la demande.
En l’occurrence, aucune des parties n’invoque la moindre atteinte à ses droits de la défense du fait de l’indication, dans la requête introductive de première instance, de la représentation de l’association … par « son conseil d’administration actuellement en fonction », de sorte que, au-delà de la question de la représentation conforme à ses statuts de ladite association, aucune irrecevabilité du recours n’a pu être retenue en première instance, conclusion à laquelle le président est arrivé à juste titre à travers son ordonnance entreprise du 16 octobre 2009. Le moyen est dès lors à écarter sous ce premier volet.
Dans un deuxième ordre d’idées, les deux appels mettent encore en cause la recevabilité du recours de première instance pour défaut de capacité active d’ester en justice dans le chef de l’association …, dans la mesure où ses statuts ne seraient pas conformes aux exigences de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif, ci-après la « loi du 21 avril 1928 », prise plus particulièrement en ses articles 2 et 26.
Si l’Etat se limite à énoncer que le mode de nomination des administrateurs de l’association … serait en contravention flagrante avec les dispositions de la loi du 21 avril 1928, les sociétés … et … articulent leur moyen en estimant que les statuts de … violeraient les points 6° et 7° de l’article 2 de la loi du 21 avril 1928.
Au regard du point 6° dudit article 2 concernant les attributions et le mode de convocation de l’assemblée générale ainsi que les conditions dans lesquelles ses résolutions seront portées à la connaissance des associés et des tiers, l’article 27 des statuts de l’association … serait insuffisant en retenant que « les résolutions de l’assemblée générale sont consignées dans un registre, conservé au siège de l’association », mais en omettant de fixer les règles suivant lesquelles ce registre est porté à la connaissance des associés et des tiers.
Au regard du point 7° du même article 2 concernant le mode de nomination et les pouvoirs des administrateurs, l’article 21 des statuts de l’association … asbl serait insuffisant pour ne pas fixer les pouvoirs des membres du comité, en ce que lesdits statuts abandonneraient purement et simplement à un règlement d’administration interne, à élaborer par le ou les gestionnaire(s) nommé(s) par le comité, la fixation des compétences dudit comité. Or, la loi réserverait la fixation des pouvoirs des administrateurs aux statuts.
Suivant les deux sociétés appelantes, les statuts de l’association … asbl n’étant pas conformes aux dispositions légales pertinentes, ladite association ne pourrait se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers aux termes de l’article 26 de la loi du 21 avril 1928 et n’aurait dès lors pas eu la capacité pour agir en justice, avec comme conséquence, que les actions par elle engagées seraient à déclarer irrecevables.
Dans l’hypothèse où la Cour serait amenée à retenir en principe qu’en application de l’article 26 de la loi du 21 avril 1928 l’association … aurait été incapable d’agir en justice, eu égard aux carences alléguées au niveau de ses statuts, l’intimée suggère deux questions préjudicielles à l’adresse de la Cour de Justice de l’Union européenne.
La Cour est amenée à retenir d’abord que la capacité pour ester en justice découle directement de la qualité des personnes morales, laquelle est refusée, en principe, aux groupements non constitués dans l’une des formes prévues par la loi, étant constant que l’existence de la personnalité morale ne découle point de la nature des choses, mais est issue de façon fictive et juridiquement artificielle de la législation, en l’occurrence, pour les associations sans but lucratif, de la loi du 21 avril 1928.
Tant la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public aux informations en matière d’environnement, ci-après « la directive 2003/4/CE », ayant abrogé la directive 90/313/CEE du Conseil, que la loi de transposition du 25 novembre 2005, prévoient un droit garanti d’accès aux informations environnementales par elles précisément visées à tout demandeur, sans que ce dernier ne soit obligé de faire valoir un intérêt. En cas de refus total ou partiel, un recours est ouvert devant les juridictions administratives suivant les prévisions de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005, alors que d’après l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/4/CE, les Etats membres sont tenus de prendre les dispositions nécessaires pour que tout demandeur puisse engager une procédure devant une juridiction ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi en vue du réexamen des décisions de refus d’accès aux informations environnementales.
Dans la mesure où l’association … dispose, de manière non révoquée et non contestée, depuis le 29 février 1988 d’un agrément ministériel en tant qu’association spécialisée dans le respect de l’environnement et que pour le surplus, elle se trouve inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro F 4727, elle est par essence appelée à figurer comme demanderesse en matière d’accès au public à l’information en matière d’environnement sur base de la loi du 25 novembre 2005 et, en cas de refus d’accès, à agir en conséquence devant les juridictions compétentes, sans qu’une irrecevabilité pour cause d’incapacité d’ester en justice ne puisse valablement lui être opposée en raison de la non-
conformité de ses statuts à certaines exigences de la loi du 21 avril 1928, ce plus particulièrement par l’Etat au nom duquel le prédit agrément ministériel lui a été conféré.
Il suit des développements qui précèdent que c’est à juste titre que le président du tribunal administratif a écarté le moyen d’irrecevabilité pour cause d’incapacité d’ester en justice soulevé devant lui dans le chef de l’association …. Il n’y a dès lors pas lieu de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne des questions préjudicielles proposées.
Aucun des moyens tendant en appel à l’irrecevabilité de la requête introductive de première instance n’étant justifié, c’est dès lors à juste titre que le président du tribunal administratif a déclaré le recours recevable.
Quant à la procédure devant le premier juge Au titre de la procédure suivie devant le premier juge, l’Etat invoque deux moyens tirés de la violation des droits de la défense par le président du tribunal administratif en ce que d’abord, à travers la mesure ordonnée suivant l’ordonnance du 16 octobre 2009, il n’aurait pas respecté le principe du contradictoire et qu’à travers son ordonnance du 12 novembre 2009, il soulèverait un moyen nouveau non inclus dans la requête introductive d’instance et non discuté par les parties.
Quant au respect du principe du contradictoire Dans un premier stade l’Etat critique l’ordonnance présidentielle du 16 octobre 2009 pour avoir enjoint aux dirigeants de l’ancienne société … à comparaître sans leur défenseur, de même que, par ailleurs, en l’absence de la partie … et de son défenseur ainsi qu’en celle du représentant de l’Etat. Cette façon de procéder serait contraire à l’article 14, alinéa 2, de la loi du 21 juin 1999 prévoyant le respect du principe du contradictoire pour toute mesure y visée prise par une juridiction administrative. La loi du 25 novembre 2005 ne prévoyant aucune disposition dérogatoire à ce principe général du contradictoire, la procédure consistant à entendre une partie sans son défenseur et sans les parties adverses serait dès lors contraire audit article 14 de la loi du 21 juin 1999. A défaut de règle précise dans le domaine de la procédure applicable devant les juridictions administratives, ce seraient les règles du code de procédure civile qui auraient vocation subsidiaire à s’appliquer. Le code de procédure civile ne prévoyant pas d’audition des parties en l’absence de leur défenseur, la mesure présidentielle critiquée aurait violé les droits de la défense et ne saurait être justifiée par aucune circonstance spéciale. Suivant l’Etat, il aurait été aisé pour le premier juge de nommer, par le biais d’une mesure d’instruction, un expert indépendant afin de fournir un avis technique sur les questions soulevées. A cet égard, l’ordonnance critiquée se bornerait à constater l’absence d’accord sur un expert à nommer.
Les sociétés … et … n’ont pas pris position par rapport à ce moyen.
L’association … fait valoir tout d’abord qu’en combinaison des articles 29 et 54 de la loi du 21 juin 1999, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne une sanction que s’il y a effectivement atteinte aux droits de la défense. En l’occurrence, l’Etat s’emparerait d’une violation des règles de procédure qui ne lui aurait pas porté grief, mais aurait tout au plus causé du tort à la partie entendue sans défenseur. Son moyen serait dès lors irrecevable et partant à écarter. Par ailleurs, la partie … relève que l’Etat ne peut être plus royaliste que le roi en ce que, fut un temps où ayant reçu une demande d’informations en matière environnementale, le même Etat aurait immédiatement et sans autres formalités continué la demande à la société … pour, par la suite, renvoyer purement et simplement la réponse de … à la demanderesse. Dans cette optique le moyen actuellement discuté ne serait pas sérieusement compatible avec les positions antérieurement prises par l’Etat. Si le président avait décidé d’entendre les représentants des entreprises … et … en l’absence de l’Etat, il aurait créé, à n’en pas douter, un avantage certain en faveur de ces entreprises, mais il n’appartiendrait pas à l’Etat de s’en offusquer faute de grief né dans son chef. Par ailleurs, lors de l’audience tenue après l’audition des dirigeants des deux sociétés en question, l’Etat n’aurait pas été représenté pour soutenir le moyen actuellement avancé.
Pour le surplus, le recours à l’expert ne serait pas aussi facile que l’Etat ne voudrait le faire croire. D’un côté, il faudrait encore trouver un expert indépendant adéquat et, d’un autre côté, la célérité, de mise dans la présente procédure, serait incompatible avec pareille mesure.
Enfin, d’après l’article 432 du nouveau code de procédure civile l’expert, en tant que technicien, ne saurait être nommé que sur une question de fait alors qu’en l’occurrence la confidentialité, entres autres, serait une question de droit. Dès lors, un expert ne saurait être appelé à remplacer le président du tribunal administratif pour trancher le litige. Enfin, à travers l’ordonnance du 16 octobre 2009, le président aurait suivi les conclusions de l’Etat, alors que l’Etat avait conclu qu’il ne s’opposait pas à la communication d’études au seul président. Enfin, des vérifications de l’exactitude des arguments et développements exposés, sans aucune communication à la requérante, ne sauraient avoir lieu.
L’article 14 de la loi du 21 juin 1999 dispose que « lorsque, d’après l’examen d’une affaire, il y a lieu d’ordonner des mises en intervention, des enquêtes, des mesures d’instruction exécutées par un technicien, des vérifications d’écriture ou des vérifications personnelles du juge, le tribunal règle la forme et les délais dans lesquels il y est procédé et commet un de ses membres pour procéder à ces actes d’instruction, les recevoir ou les surveiller. Le principe du contradictoire doit en tout état de cause être respecté ».
La partie critiquée de l’ordonnance du 16 octobre 2009 est celle à travers laquelle le président du tribunal a ordonné la comparution des seules sociétés … et … en la chambre du conseil du tribunal administratif et ce en l’absence tant de leur défenseur que de la partie demanderesse … et de son défenseur ainsi qu’en celle du représentant de l’Etat. Suivant le dispositif de l’ordonnance présidentielle en question, cette mesure a été instituée pour permettre aux deux sociétés « d’exposer en détail les arguments les habilitant de s’opposer à rendre public [sic] en partie ou en totalité les informations environnementales suivantes demandées :
… Netzstudie 2025 Wirtschaftlichkeitsanalyse – Schlussbericht ;
… Netzstudie 2025 – technischer Schlussbericht ;
… Netzstudie 2025 Beilagen – Beilagen Technischer Schlussbericht.» D’après les motifs de l’ordonnance présidentielle critiquée, la mesure ordonnée prend sa source dans la demande des sociétés … et … de voir ordonner pour le moins une séparation des informations. A ce sujet le président retint que « la procédure adéquate aux fins de pouvoir se prononcer sur les incidents soulevés en relation avec une étude par rapport à laquelle il y a nécessairement une partie qui n’en connaît pas le contenu et par rapport à laquelle les sociétés … et … ne veulent et ne peuvent pas invoquer librement toute leur argumentation sous peine de devoir en dévoiler le contenu, consiste dans la fixation d’une comparution des parties, ceci d’autant plus que les parties n’ont pas pu s’arranger sur le nom d’un consultant à joindre à la procédure.
L’article 69 du Code de procédure civile se limitant à prévoir que « le juge peut toujours entendre les parties elles-mêmes », il ne paraît que normal qu’en principe les parties doivent être interrogées en présence l’une de l’autre et que cette comparution a lieu en présence de leurs défenseurs.
Or, le cas présentement soumis exige que les sociétés … et … soient interrogées séparément pour leur permettre de détailler leur motivation d’opposition à la divulgation de l’étude sans devoir en révéler des détails valant communication.
Il y a lieu de signaler dans ce contexte à titre d’illustration que le recours à cette mesure d’instruction, qui au premier coup d’œil apparaît particulière, est prévue telle quelle à l’article 189, alinéa 1er du code de procédure civile français permettant au juge français d’interroger les parties séparément s’il estime que les circonstances l’exigent.
Comme les défenseurs n’ont jamais pour rôle de répondre aux questions à la place des parties à l’instance et en l’absence tant de la partie demanderesse que de son défenseur, il y a lieu d’ordonner que les sociétés … et … seront entendues en l’absence de leur défenseur, le recours à cette exclusion étant destiné afin de garantir un juste équilibre des droits des parties impliquées. » La Cour est tout d’abord amenée à constater que la mesure de la comparution personnelle des parties telle qu’ordonnée à travers l’ordonnance présidentielle du 16 octobre 2009 est à qualifier de vérification personnelle du juge au sens de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999 précitée. Dès lors, le respect de l’alinéa 2 du même article 14 s’imposait en ce que « le principe du contradictoire doit en tout état de cause être respecté ». Il est vrai que cette exigence générale du principe du contradictoire est à mettre en corrélation avec les spécificités issues de la directive 2003/4/CE et de la loi de transposition du 25 novembre 2005. Suivant la deuxième phrase de l’alinéa 4 du paragraphe 3 de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005 « l’autorité compétente transmet uniquement au président du tribunal administratif, par la voie du greffe, les informations environnementales litigieuses ». D’après son alinéa 5 « le président du tribunal administratif peut, si le recours est recevable et fondé, enjoindre à l’autorité publique de rendre disponibles, selon la forme la plus appropriée, les informations environnementales litigieuses en tout ou en partie ».
Force est à la Cour de dégager de la combinaison des dispositions de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999 et de celles des alinéas 4 et 5 du paragraphe 3 de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005, que le président du tribunal administratif, qui s’est vu transmettre seul, à l’exclusion de toute partie voire de son mandataire, les informations environnementales litigieuses, ne saurait a priori utilement procéder à une des mesures prévues par ledit article 14, en ce qu’elles requièrent obligatoirement le respect du contradictoire, comportant l’implication de toutes les parties ainsi que de leurs mandataires, le ministère de l’avocat à la Cour étant obligatoire en matière administrative devant les juridictions de l’ordre administratif. Il s’ensuit que les dispositions sous revue tenant respectivement au caractère de seul confident nécessaire vérifié dans le chef du président du tribunal et au respect du principe du contradictoire sont en définitive essentiellement incompatibles.
Il est certain qu’il appartient d’abord au président seul de juger si le recours est recevable et fondé. S’il est constant qu’il appartient ainsi au président seul de se voir communiquer les informations environnementales litigieuses et que dès lors il ne saurait en aucune manière les dévoiler durant la procédure contentieuse menée devant lui, dans le cadre de laquelle le principe du contradictoire s’impose pourtant pour toute mesure d’instructions à ordonner par lui, le caractère incompatible patent de ces deux propositions ne saurait cependant mener à ce que l’office du juge ne puisse pas être utilement exercé. Dès lors, y a-t-il lieu d’admettre que, d’une manière stricte et ponctuelle, le président peut avoir recours au concours d’un conseiller technique par exemple au cas d’informations rédigées dans une langue non usuelle dont on ne saurait présupposer que le magistrat en ait une connaissance effective ou suffisante voire comportant des aspects notamment d’ordre technique, d’une particulière complexité dont la connaissance ne peut pas non plus être exigée dans le chef du magistrat appelé à statuer. Sous peine de rendre sa fonction juridictionnelle raisonnablement inopérationnelle et de vider la procédure contentieuse de toute son efficacité, il y a lieu de permettre, dans de telles hypothèses strictement limitées, le recours du président à un conseiller technique indépendant, devenant à son tour confident nécessaire en dehors de l’intervention des parties. Les mêmes principes doivent valoir devant la juridiction appelée à statuer en appel par rapport à l’ordonnance présidentielle rendue.
Dès lors, en l’absence de recours, par l’ordonnance présidentielle critiquée à la nomination d’un conseiller technique, la Cour est amenée à statuer d’après le droit commun, dans le cadre duquel le principe du contradictoire est une pierre angulaire de la procédure contentieuse et plus particulièrement de celle en vigueur devant les juridictions administratives dont fait plus précisément partie l’article 14 de la loi du 21 juin 1999. Au-delà de la question de l’utilité de la mesure ordonnée par l’ordonnance présidentielle critiquée du 16 octobre 2009, celle-ci a engendré un déséquilibre consistant à faire comparaître une seule partie, pour le surplus sans son défenseur, en l’absence des autres parties et de leurs défenseurs, de sorte que le principe du contradictoire n’a pas été respecté et que l’ordonnance en question contrevient dès lors directement à l’article 14 de la loi du 21 juin 1999 concernant la vérification personnelle du juge y ordonnée. Pour le surplus le caractère obligatoire du ministère d’avocat à la Cour en matière administrative contentieuse a été enfreint. Les dispositions de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 sont étrangères à la mesure de vérification personnelle du juge critiquée en ce qu’elles ne visent que les hypothèses de recevabilité d’un recours, partant d’accès à la justice, tandis qu’en l’occurrence, pour des parties ayant accédé à la justice au biais d’une requête déclarée recevable, la question se pose au niveau de la procédure contentieuse proprement dite, dûment reçue et engagée.
Eu égard à l’impact fondamental d’une violation du principe du contradictoire concernant des mesures ordonnées et en application de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999, la seule sanction adéquate est celle de l’annulation de la mesure, en l’occurrence de la comparution personnelle des sociétés … et … en l’absence des autres parties et de l’ensemble des défenseurs. L’affaire étant entièrement instruite en instance d’appel et prête à recevoir une solution, la Cour est appelée à statuer sur le recours en réformation et, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, elle est amenée, à l’instar du président du tribunal administratif, à se voir transmettre, par la voie du greffe, les informations environnementales litigieuses jusque lors détenues par ce dernier et à y statuer à nouveau en suivant les dispositions du paragraphe 3 de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005.
Quant au moyen nouveau non contenu dans la requête introductive de première instance Toujours relativement à la procédure devant le premier juge, l’Etat fait valoir que le président du tribunal administratif aurait soulevé d’office le moyen de l’assimilation de la société … à une autorité publique, moyen non inclus dans la requête introductive d’instance de l’association …. Le fait de soulever d’office un moyen nouveau sans entendre les parties serait à sanctionner par l’annulation de l’ordonnance rendue, en l’occurrence celle du 12 novembre 2009.
En droit l’article 30 de la loi du 21 juin 1999, disposant que le tribunal ne peut pas statuer sur un moyen soulevé d’office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, est également applicable devant le président du tribunal statuant sur base de la procédure prévue par l’article 6 de la loi du 25 novembre 2005.
Cependant, le moyen manque en fait. S’il est vrai que le moyen de l’assimilation de la société … à une autorité publique ne se trouvait pas dans la requête introductive de première instance, il n’en reste pas moins, tel que le fait exposer l’association …, que cet aspect du litige a été soulevé dans le contexte de la note de plaidoiries déposée par la demanderesse initiale le 24 septembre 2009, tournant autour de la question de la remise volontaire des informations au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, point j), de la loi du 25 novembre 2005 ci-
après « l’article 4.2.j ». Dès lors, il ne s’agit pas d’un moyen soulevé d’office par le président du tribunal.
Par ailleurs, il convient de souligner que si l’exposé sommaire des moyens est à opérer au niveau de la requête introductive de première instance, cette exigence ne signifie cependant pas qu’aucun moyen ne puisse plus être soulevé par la suite. Il convient d’admettre au courant de la première instance, les moyens non soulevés dans la requête introductive, d’autant que d’après l’article 41, paragraphe 2, de la loi du 21 juin 1999 les moyens nouveaux sont mêmes admis en instance d’appel. Ne pas admettre des moyens produits en première instance en dehors de la requête introductive reviendrait dès lors à forcer systématiquement les parties à interjeter appel pour pouvoir utilement présenter leurs dits moyens, et ce pour la première fois en instance d’appel. De la sorte, le double degré de juridiction serait encore remis en cause.
Le moyen étatique d’appel est dès lors à écarter.
Quant au fond En substance, l’Etat, d’une part, et les sociétés … et …, d’autre part, invoquent les mêmes moyens d’appel, de sorte qu’il y a lieu de les toiser de manière conjuguée.
Quant à la dérogation tirée de l’article 4.2.j) de la loi du 25 novembre 2005 (remise volontaire des informations) L’Etat fait valoir à titre principal au fond, de même que les sociétés … et …, à titre de première subsidiarité, que les études litigieuses … Netzstudie 2025 auraient été remises volontairement et que dès lors le président du tribunal administratif aurait dû rejeter la demande de l’association … sur base des dispositions de l’article 4.2.j) de la loi du 25 novembre 2005.
L’Etat critique l’ordonnance présidentielle du 12 novembre 2009 en ce qu’elle a décidé que les personnes pouvant être considérées comme ayant volontairement fourni les informations demandées ne pouvaient être que celles qui ne peuvent pas être assimilées à une « autorité publique » telle que définie par l’article 2 de la loi du 25 novembre 2005. Les appelants critiquent le fait pour le président de déduire du contexte de la commande de l’étude litigieuse et surtout du fait que l’Etat était l’actionnaire principal de la société … et que des fonctionnaires de l’Etat étaient présents dans le conseil d’administration de cette dernière, ainsi que « d’une confusion des rôles et volontés » que la société … serait à assimiler à une autorité publique. Les appelants insistent sur la différenciation nécessaire de la société anonyme … ayant disposé d’une personnalité juridique propre. De plus elle n’aurait pas exercé son activité en franchise des risques économiques et l’Etat n’aurait disposé d’aucun instrument juridique pour décider de sa politique générale.
En s’inspirant des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, du règlement CE n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, les appelantes tentent de dégager une définition de la notion de contrôle comme étant « la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise et ceci en fonction de circonstances de fait ou de droit ». La prise de contrôle étatique aurait été minoritaire et l’Etat n’aurait pas bénéficié d’une « minorité qualifiée ». Par ailleurs, il n’aurait pas existé des dispositions légales obligeant la société … à transmettre le rapport litigieux. Si l’association … tentait de justifier du caractère obligatoire de la remise à partir des dispositions de l’article 11 (4) de la loi du 1er août 2007 relative à l’organisation du marché d’électricité, ci-après « la loi du 1er août 2007 », cette législation ne s’appliquerait tout simplement pas à une étude dressée en 2004 pour ne viser que le plan quinquennal adressé par les gestionnaires du réseau au courant de l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi, soit au courant de l’année 2008. Le représentant étatique estime que le moyen tiré de l’article 11 (4) en question constituerait une demande nouvelle sinon un moyen nouveau non débattu contradictoirement en première instance qui devrait dès lors être écarté des débats.
Il y a lieu d’abord de rappeler que d’après l’article 41, paragraphe 2, de la loi du 21 juin 1999 les moyens nouveaux sont admissibles en instance d’appel et que celui tiré par l’intimée … ne correspond pas à une demande nouvelle.
Dans le cadre de l’analyse des dérogations invoquées par les parties appelantes au titre de l’article 4 de la loi du 25 novembre 2005, il convient tout d’abord de retenir l’indéniable faveur conférée par cette législation, à partir du cadre communautaire tracé par la directive 2003/4/CE en faveur de l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Cette faveur se dégage plus précisément des objectifs de la loi du 25 novembre 2005 tels qu’ils ont été essentiellement repris à partir de ceux exposés à l’article 1er de la directive 2003/4/CE. Par ailleurs, c’est l’article 4 de la loi qui dispose, à travers son paragraphe 3, que les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte, dans le cas d’espèce, de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Ainsi, dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est à mettre en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. De même, une demande ne pourrait être rejetée lorsqu’elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement dans les hypothèses visées par ledit paragraphe 2. points c), d, i), j) et k).
L’article 4.2.j) de la loi du 25 novembre 2005 dispose qu’« une demande d’informations environnementales est encore refusée lorsque leur divulgation porterait atteinte : …aux intérêts ou à la protection de toute personne ayant fourni volontairement les informations demandées sans y être obligée par la loi ou en vertu de la loi à moins que celle-ci n’ait librement consenti à la divulgation de ces données ».
En l’espèce, il est constant, à partir du courrier des sociétés … et … du 20 juillet 2009, que celles-ci ont remis volontairement l’étude litigieuse, tout en insistant n’avoir « jamais consenti à la divulgation de celle-ci, alors qu’une pareille divulgation porterait justement atteinte à nos intérêts ».
L’exception de remise volontaire ne peut être invoquée utilement par une personne à qualifier d’autorité publique au sens de l’article 2 de la loi du 25 novembre 2005.
L’article 2, paragraphe 2 en question définit l’autorité publique notamment comme étant « c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l’environnement, sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé(e) au point a) ou b) ».
Il est constant que la société anonyme …, … d’électricité, à partir de son objet essentiel consistant dans la production et la fourniture d’électricité, est à qualifier de personne morale fournissant des services publics en relation avec l’environnement, de même qu’il est partant qu’à partir de la participation massive de l’Etat grand-ducal dans le capital de la société anonyme …, elle se soit trouvée sous le contrôle de l’Etat, c'est-à-dire du gouvernement tel que visé au point a) de l’article 2, paragraphe 2 sous analyse.
S’il est encore constant que la participation directe de l’Etat dans le capital de la société anonyme … était en 2005, date d’établissement de l’étude litigieuse, de 32,77% et que celle de la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI) de 8,92%, faisant au total 41,69% et qu’au conseil d’administration de … figuraient 4 représentants respectivement de l’Etat et de la SNCI sur 13 au total, tandis que le commissaire du gouvernement à l’Energie ne disposait pas d’une voix délibérative, il n’en reste pas moins que l’ensemble de ces éléments, entrevus plus particulièrement à partir de la perspective historique de la société anonyme …, concessionnaire général en la matière, emporte la conclusion que celle-ci a fonctionné sous le contrôle du gouvernement au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la loi du 25 novembre 2005.
Les moyens respectifs des appelants tirés de la dérogation prévue par l’article 4.2.j) sont dès lors à écarter comme n’étant pas fondés, l’ordonnance critiquée du 12 novembre 2009 étant à confirmer sous ce volet.
Le fait que la société anonyme … soit à qualifier d’autorité publique dans le contexte spécifique de l’article 2 de la loi du 25 novembre 2005 n’implique cependant pas que, dans le contexte de la loi du 1er décembre 1978 et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en matière de procédure administrative non contentieuse, la même société doive automatiquement être qualifiée d’administration relevant de l’Etat. Il est en effet patent que du point de vue de la structure étatique telle que visée par les loi et règlement grand-ducal cadrant la procédure administrative non contentieuse, la société anonyme … n’est nullement à qualifier d’autorité administrative au sens d’une administration relevant de l’Etat et des communes telle qu’y visée Quant à la notion d’informations environnementales au sens de la loi du 25 novembre 2005 Les appelantes … et … soutiennent à titre principal, au fond, que les informations dont la communication a été ordonné par le président du tribunal ne constituent pas des informations environnementales au sens de la loi du 25 novembre 2005, de sorte que la demande de communication de l’association … aurait dû être rejetée. Selon elles, l’étude litigieuse ne contiendrait que des informations commerciales, économiques, financières, techniques et industrielles, mais non pas des informations environnementales telles que définies par l’article 2, paragraphe 1er, de la loi du 25 novembre 2005. Les appelantes rappellent que l’étude litigieuse se décompose en trois volets, à savoir premièrement, le volet … Netzstudie 2025 Wirtschaftlichtskeitanalyse contenant essentiellement des informations financières, économiques et commerciales, deuxièmement, le volet … Netzstudie 2025 – technischer Schlussbericht ne contenant que des informations techniques et industrielles et enfin, troisièmement, le volet … Netzstudie 2025 – Beilagen-technischer Schlussbericht, qui contiendrait essentiellement des schémas relatifs à l’architecture du réseau et des simulations de pannes. Les appelantes insistent pour dire que ce dernier volet de l’étude serait particulièrement sensible, alors que sa divulgation permettrait à des personnes malveillantes de procéder à des sabotages de points stratégiques du réseau.
Le président du tribunal administratif aurait dès lors dû rejeter la demande de l’association … dans la mesure où les informations par elle visées ne constituent pas des informations environnementales.
L’Etat n’a pas soulevé ce moyen.
L’ordonnance du 16 octobre 2009 est à confirmer en ce qu’elle a rejeté le moyen de l’absence d’informations environnementales déjà soulevé en première instance et ce à partir des objectifs formulés à l’article 1er de la directive 2003/4/CE, essentiellement repris à travers l’article 1er de la loi du 25 novembre 2005, ensemble la définition large conférée à la notion d’informations environnementales par l’article 2, paragraphe 1er, de la même loi reprenant pour l’essentiel la définition afférente de la directive. Plus particulièrement, l’information environnementale vise toute information disponible concernant des facteurs tels que l’énergie visée au point b) et qui sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement, tels qu’énumérés à son point a).
Partant c’est à juste titre qu’à partir de l’énergie électrique faisant l’objet essentiel de l’étude litigieuse et son impact sur l’environnement envisagé sous les différents éléments énumérés au point a) du paragraphe 1er de l’article 2 de la loi du 25 novembre 2005, le moyen principal au fond des sociétés appelantes a été écarté par le premier juge pour ne pas être fondé.
Quant à la dérogation de l’article 4.2.a) de la loi du 25 novembre 2005 (atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité ou à l’ordre public) Quant aux autres dérogations invoquées par les parties appelantes à partir de l’article 4 de la loi du 25 novembre 2005 à titre plus subsidiaire, c’est en renvoyant à ses notes de première instance ainsi qu’à celles des sociétés … et … que l’Etat estime que le refus de communiquer les données était justifié sur base des articles 4.1.b), 4.1.d), 4.2.a), 4.2.d) et 4.2.e) de la loi du 25 novembre 2005, sans autrement expliciter cet ordre plus subsidiaire ni dans sa requête d’appel, ni dans son mémoire en réplique.
Si les exceptions tirées des dérogations prévues par les articles 4.1.b), 4.1.d), 4.2.d) et .2.e) sont plus largement développées en appel par les sociétés appelantes … et …, tel n’est pas le cas de la dérogation prévue par l’article 4.2.a) de la loi du 25 novembre 2005, également non autrement précisée en instance d’appel par l’Etat appelant.
L’article 4.2.a) à la base du volet subsidiaire de l’appel étatique dispose qu’une demande d’informations environnementales est encore refusée lorsque la divulgation porterait atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité ou à l’ordre public.
Tel que le souligne à juste titre l’association …, depuis que l’Etat a déposé sa note en première instance à laquelle il renvoie, est intervenue notamment l’ordonnance présidentielle attaquée du 12 novembre 2009 ordonnant à l’Etat de transmettre à la partie demanderesse les données environnementales visées à son dispositif et ne comportant qu’une partie délimitée de l’ensemble de l’étude litigieuse. Dans ladite ordonnance le président a plus particulièrement relevé que dans la séparation des informations par lui opérée, il a spécialement tenu compte du fait qu’une consultation de l’étude litigieuse fait apparaître qu’y figurent, à certains endroits, des données susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique.
Dans la mesure où l’Etat appelant n’a pas précisé son moyen en instance d’appel et qu’en absence d’appel incident de l’association …, la Cour, pourra tout au plus, ordonner la transmission des informations environnementales telles que délimitées par le président, la non-adaptation du moyen à cette nouvelle donne emportant que la Cour, à défaut de conclusions adaptées prises en instance d’appel, n’a pas été utilement mise en mesure de prendre position par rapport au moyen, qui doit par voie de conséquence être écarté.
Quant à la dérogation de l’article 4.1.b) de la loi du 25 novembre 2005 (formulation trop générale de la demande) En deuxième ordre de subsidiarité les sociétés … et … précisent le moyen tiré de l’application de l’article 4.1.b) de la loi du 25 novembre 2005, également invoqué par référence par l’Etat, en ce sens que le président du tribunal administratif aurait dû rejeter la demande de l’association … pour avoir été formulée de manière trop générale. Cette demande n’aurait pas permis d’identifier avec précision les informations auxquelles l’association a réclamé l’accès.
Cette constatation serait également à mettre en relation avec le fait que ladite association entendrait obtenir des informations quant aux activités de production d’énergie électrique et que l’étude n’en contiendrait point.
L’article 4.1.b) de la loi du 25 novembre 2005 prévoit qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée dans le cas où « b) la demande est formulée d’une manière trop générale ».
Il est constant que la demande de l’association … visait, dès son courrier du 22 mai 2009, la délivrance d’une copie de l’étude « … Netzstudie 2025, Elektrowatt – Ekono, Juni 2004 ».
L’étude litigieuse étant désignée avec précision, la Cour voit mal comment l’Etat, voire les sociétés … et …, auraient pu s’y méprendre, comme de fait ils ne s’y sont pas mépris.
Le moyen est dès lors à écarter.
Quant aux dérogations des articles 4.1.d) et 4.2.d) de la loi du 25 novembre 2005 (communication interne et informations commerciales et industrielles confidentielles) En troisième ordre de subsidiarité les sociétés … et … invoquent les dérogations tirées des dispositions des articles 4.1.d), 4.2.d) et 4.2.e) pour développer à part les deux premières, tenant aux communications internes, ainsi qu’aux informations commerciales et industrielles confidentielles, puis la dernière tenant à la confidentialité des statistiques. Par renvoi, l’Etat s’est référé dans son acte d’appel aux mêmes trois dérogations.
Quant aux dérogations tirées des articles 4.1.d) et 4.2.d) de la loi du 25 novembre 2005 ;
Les sociétés appelantes dégagent en conclusion de l’énonciation de ce volet de l’appel une double constatation en ce que, d’un côté, le seul élément tiré de l’étude litigieuse et se trouvant dans le livre blanc (« Weissbuch über die Erarbeitung einer Energiestragie für Luxemburg » « Untersuchung im Auftrag des Wirtschaft- und Aussenhandelsministeriums Luxemburg, Februar 2009 ») et dans l’étude … (…, Consulting für Energiewirtschaft und –technik GmbH in Kooperation mit Univ.-Prof. Dr.-Ing. …, Institut für Elektrische Anlagen und Energiewirtschaft an der RWTH Aachen: Technische und wirtschafltiche Auswirkungen einer Zusammenschaltung der Übertragungsnetze auf dem Gebiet des Grossherzogtums Luxemburg mit denen in Frankreich und Belgien. Wissenchaftliches Gutachten für Ministère de l’Economie et du Commerce extérieur. Endfassung 11. Okt. 2005), consisterait dans le pronostic « längerfristiger Bedarfszuwachs ».
Suivant les appelantes, ce pronostic serait repris par l’étude … elle-même.
D’autre part, elles répètent que la demande de communication de l’étude litigieuse serait basée sur une hypothèse erronée en ce que celle-ci ne contiendrait pas de conclusions relatives à la production d’énergie électrique ou à des sources d’approvisionnement. Les sociétés appelantes en dégagent une disproportion flagrante entre l’intérêt public et l’intérêt privé au sujet des éléments de l’étude dont le président du tribunal a ordonné la communication. Selon elles, le seul intérêt public qui pourrait, le cas échéant et sans reconnaissance préjudiciable aucune, résulter de l’accès demandé serait le pronostic « längerfristiger Bedarfszuwachs » dont le contenu serait déjà explicité à travers l’étude … elle-même. Un accès à une grande partie de l’étude litigieuse, tel qu’ordonné par le président, serait dès lors manifestement disproportionné. En conséquence, l’accès à toute information aurait dû être refusé par le président, étant donné que l’intérêt général ne saurait dans ces circonstances être considéré comme étant supérieur à l’intérêt protégé par la confidentialité.
En ce qui concerne la confidentialité proprement dite, les appelants exposent que l’étude litigieuse a été dressée au moment où le gestionnaire du réseau de la société anonyme … S.A.
n’avait pas encore été constitué et contiendrait dès lors un amalgame d’informations sur cette future société ainsi que sur la société anonyme … elle-même. Ces informations seraient purement internes au groupe … et ne devraient pas être divulguées au public, alors qu’elles permettraient de retracer des stratégies commerciales de ….
Suivant les appelantes, la confidentialité des informations se trouvant dans l’étude litigieuse serait par ailleurs protégée par le droit national et le droit communautaire, notamment au niveau des articles 34 et 54, paragraphe 1er point d), de la loi du 1er août 2007, ainsi que des articles 18, paragraphe 2, et 23, paragraphe 1er , point d), de la directive 2003/54/CE du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE, ci-après « la directive 2003/54/CE ». Ainsi, si la méthode de détermination des tarifs d’utilisation des réseaux était fixée par le régulateur et si le régulateur approuvait les tarifs d’utilisation, il n’en demeurerait pas moins que les données comptables et financières servant au calcul des tarifs suivant la méthode de calcul fixée par le régulateur seraient des données confidentielles couvertes par une obligation de confidentialité dans le chef du régulateur.
Au niveau de l’appréciation de la confidentialité, les appelantes critiquent le fait que l’association … justifie l’intérêt public de l’accès à l’étude litigieuse en ce que tant le livre blanc que l’étude … s’y référeraient de façon ponctuelle. Concernant le choix du type de production, les appelants font valoir que l’étude litigieuse concerne exclusivement l’activité de transport et de distribution d’énergie électrique dont la gestion a été confiée à la future société … S.A., mais non pas des activités de production d’énergie électrique qui devaient être séparées de l’activité réseau.
Le principe ci-avant dégagé de l’interprétation restrictive des exceptions prévues par l’article 4 paragraphe 2, de la loi du 25 novembre 2005 sur base de la faveur indubitable donnée par le législateur à l’accès du public à l’information en matière environnementale s’impose également à cet endroit. Dans l’hypothèse où il s’agirait d’informations relatives à des émissions dans l’environnement, la dérogation prévue à l’article 4.2.d) serait inopérante en vertu du paragraphe 3 du même article 4 ci-avant cité, tout comme tel aurait d’ailleurs été le cas pour une dérogation visée par l’article 4.2.j) ci-avant écartée pour d’autres motifs.
Cependant, de manière générale, la balance à faire dans chaque cas particulier consiste, d’après les termes mêmes de la loi, à comparer l’intérêt public servi par la divulgation, d’un côté, et l’intérêt servi par le refus de divulguer, de l’autre. La disproportion mise en exergue par les sociétés appelantes n’est pas pertinente. Ce n’est pas parce que les passages cités du livre blanc et de l’étude … se résumeraient au seul pronostic « längerfristiger Bedarfszuwachs », que l’accès plus général à l’étude litigieuse devrait pour autant être refusé aux sociétés appelantes. Le fait est que suivant les expériences de la vie et sauf indication contraire dans les éléments soumis à la Cour, tant les auteurs du livre blanc que ceux de l’étude … apparaissent comme ayant eu à leur disposition l’étude litigieuse dans sa consistance normale, à partir de laquelle ils ont cité les passages pertinents à leurs yeux pour sous-tendre les conclusions de leurs ouvrages respectifs. Ainsi dans l’étude …, « Endfassung 11. Okt. 2005 », l’étude litigieuse figure parmi l’indication des sources sous le chapitre « Literatur » en tant que numéro 1.
Recentrées de telle manière, les données soumises à la Cour amènent celle-ci à confirmer en principe la ligne de séparation des informations opérée par le premier juge. Dans la même lignée, il convient d’écarter comme n’étant pas pertinente pour ne pas s’analyser en raisons valables, précises et circonstanciées de non-divulgation, les argumentaires d’ordre général avancés par les sociétés appelantes. Le renvoi général opéré par l’Etat appelant à ses écrits de première instance ne revêt pas non plus les critères requis pour sous-tendre ipso facto de façon valable la non-divulgation sollicitée Toujours compte tenu du fait établi que l’étude litigieuse a déjà servi à l’établissement des deux ouvrages invoqués que sont le livre blanc et l’étude …, il reste à analyser le caractère pertinent de l’argumentaire des sociétés appelantes, tiré des dispositions respectives invoquées de la directive 2003/54/CE et de la loi du 1er août 2007 concernant la confidentialité des informations invoquées.
La directive 2003/54/CE, au niveau de l’article 18 intitulé « droit d’accès à la comptabilité » prévoit à travers son paragraphe 2 que les Etats membres, ou toute autorité compétente qu’ils désignent, notamment les autorités de régulation, préservent la confidentialité des informations commerciales sensibles et que les Etats membres peuvent prévoir la communication de ces informations si cela est nécessaire pour permettre aux autorités compétentes d’exercer leurs fonctions.
Au niveau de la loi du 1er août 2007, l’article 34 énonce certes que le régulateur préserve la confidentialité des informations commercialement sensibles. Cependant faut-il lire également cette disposition dans son contexte alors qu’elle vise les informations dont le régulateur a pu avoir connaissance du fait qu’il dispose d’un droit d’accès à la compatibilité des entreprises d’électricité visées. Dans la mesure où, en l’occurrence, il n’est ni allégué, ni a fortiori établi que les données pour lesquelles les appelantes entendent voir empêcher la divulgation aient trait à leur comptabilité et que par ailleurs la question ne se pose pas autour du droit d’accès du régulateur, l’exception invoquée par les appelantes à partir de l’article 34 en question, de même que de l’article 18, paragraphe 2, de la directive 2003/54/CE n’est pas pertinente.
Suivant l’article 23, paragraphe 1er, point d), de la directive 2003/54/CE, les autorités de régulation, dans le contexte de leur mission d’assurer la non-discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché, sont appelées à voir effectuer la publication par les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’informations appropriées concernant les interconnexions, l’utilisation du réseau et l’allocation des capacités aux parties intéressées, en tenant compte de la nécessité de considérer les données non agrégées comme commercialement confidentielles. L’article 54, paragraphe 1er, point d), de la loi du 1er août 2007 est venu reprendre cette disposition en droit national.
Outre le fait que les dispositions sous revue énoncent un principe de publication face à la nécessité de considérer des données non agrégées comme commercialement confidentielles, force est encore à la Cour de retenir que les appelantes n’ont pas autrement précisé ni cadré les données qui, selon elles, seraient commercialement confidentielles à un point tel qu’il doive être dérogé à leur divulgation au titre d’informations environnementales. Dès lors, l’exception invoquée à partir des dispositions respectives de l’article 23 paragraphe 1 point d) de la directive 2003/54/CE et de l’article 54, paragraphe 1er, point d), de la loi du 1er août 2007 est à son tour à écarter.
Quant à la dérogation de l’article 4.2.e) de la loi du 25 novembre 2005 (confidentialité des statistiques).
Toujours dans le troisième et dernier ordre subsidiaire, les appelantes traitent à part le volet de la confidentialité des statistiques prévues par la dérogation de l’article 4.2.e) de la loi du 25 novembre 2005.
Suivant elles, l’étude litigieuse contiendrait en outre des statistiques confidentielles, concernant notamment les investissements effectués dans le réseau depuis 1965 (« Schaltanlagen de 220 kV et 65kV »), les dérangements apparus dans le réseau … pendant les années 1998 à 2002 et l’évolution des ventes d’énergie de … depuis 1972. Ces statistiques seraient indubitablement confidentielles à partir des dispositions de l’article 51, paragraphe 5, et 52, paragraphe 2 points c) et d) de la loi du 1er août 2007. Suivant l’article 52, paragraphe 4, de la même loi, le commissaire du gouvernement à l’énergie serait tenu au secret professionnel tel que prévu par l’article 458 du code pénal en ce qui concerne les données visées par ledit article 52. Dans ce contexte, les appelantes soulignent que les chapitres 4 et 5 du « technischer Schlussbericht » dont la communication a été ordonnée à travers l’ordonnance présidentielle critiquée du 12 novembre 2009, contiendraient des données statistiques, de même que l’annexe 4.1 des « Beilagen Technischer Schlussbericht », également communiquable suivant le président, contiendrait des « statistische Daten bestehender Verbrauch und Lastspitzen », de sorte à tomber indubitablement sous l’exception prévue par l’article 4.2 e) de la loi du 25 novembre 2005.
L’article 51, paragraphe 5, de la loi du 1er août 2007 prévoit que le ministre, le commissaire du gouvernement à l’énergie et le régulateur sont chacun autorisés à procéder à la publication des données statistiques sur le secteur de l’électricité à condition que cette publication ne permette pas d’en déduire des données commercialement sensibles relatives à une entreprise déterminée. Nonobstant cette limitation, des données statistiques nationales peuvent être publiées par catégories de clients finals, par type de production ou par pays d’origine.
Suivant les points c) et d) du paragraphe 2 de l’article 52 de la même loi, le commissaire du gouvernement à l’énergie, en matière de politique énergétique générale, est chargé de compiler, pour les besoins de publicité, des statistiques de production, d’importation, d’exportation, de fourniture, d’échange de vente aux producteurs, fournisseurs, transporteurs et distributeurs d’énergie électrique, ainsi que de surveiller l’état de la sécurité de l’approvisionnement national en matière d’énergie.
C’est l’article 52, paragraphe 4, qui prévoit que le commissaire du gouvernement à l’énergie est tenu au secret professionnel et que ce secret implique que les informations confidentielles qu’il reçoit à titre professionnel ne peuvent être divulguées à quelque personne ou autorité que ce soit, excepté sous une forme sommaire ou agrégée de façon que les personnes soumises à surveillance ne puissent pas être identifiées, sans préjudice des cas relevant du droit pénal en cas de violation de ce secret.
Tout d’abord, la demande d’informations environnementales à la base du litige sous analyse ne rentre pas directement sous les prévisions des articles 51 et 52, précités, qui traitent essentiellement des limites assignées au ministre, au commissaire du gouvernement à l’énergie et au régulateur dans la publication de données statistiques sur le secteur de l’électricité. Globalement, ses limites sont celles des données commercialement sensibles relatives à une entreprise déterminée.
Toujours au regard de la faveur indéniable conférée tant par la directive 2003/4/CE que par la loi du 25 novembre 2005 à la divulgation d’informations environnementales, la balance doit en l’occurrence être trouvée en ce sens que seules des données statistiques vérifiées comme étant sensibles pour l’entreprise commerciale concernée peuvent être retenues comme rentrant sous l’exception de non-divulgation prévue par l’article 4.2.e) de la loi du 25 novembre 2005.
Encore faut-il, à cet escient, que la partie qui s’en prévaut circonscrive de manière suffisante les données pour lesquelles elle voudrait voir déroger au principe de divulgation.
En l’occurrence, il est suffi à ce critère préalable de précision. Dès lors, il appartient à la juridiction saisie d’évaluer, compte tenu de l’appréciation stricte à opérer en la matière d’après les dispositions du paragraphe 3 de l’article 4 de la loi du 25 novembre 2005, s’il y a lieu à dérogation à la divulgation.
Les sociétés appelantes cadrent leur demande de dérogation à la divulgation basée sur l’article 4.2.e) en question en ce sens qu’elles visent les chapitres 4 et 5 du « technischer Schlussbericht », ainsi que l’annexe 4.1. des « Beilagen - technischer Schlussbericht ». Il est constant que suivant l’ordonnance entreprise du 12 novembre 2009, le président du tribunal administratif a considéré comme communicables au niveau de la … Netzstudie 2025 -
technischer Schlussbericht notamment les chapitres 4, intitulé « Basisdaten des Energieverbrauchs und der Lastspitzen » et 5, intitulé « Beurteilung der Produktionsanlagen » en spécifiant qu’ils étaient communicables en entier. En quelque sorte de manière complémentaire ont été déclarées communicables les « Beilagen 4.1., 4.2., 4.3. et 5.2 » avec la précision qu’elles étaient communicables en entier.
La Cour est amenée à confirmer la décision présidentielle de communicabilité. Au niveau du chapitre 4 sous analyse, elle dégage quatre séries de statistiques pour lesquelles, à défaut d’autres indications en ce sens fournies de façon plus particulière par les sociétés appelantes, elle n’entrevoit pas de caractère sensible. Ces statistiques reposent essentiellement sur les données a priori communément disponibles émanant du Statec et d’autres institutions plus amplement désignées dans l’étude. Elles traitent de facteurs courants et de données passablement acquises concernant la relation entre l’augmentation de la population et la consommation d’énergie électrique. Plus particulièrement, au niveau de l’évolution de la demande d’énergie électrique (Nachfrage Entwicklung) où les données issues du Statec pour le Luxembourg sont comparées à celles de l’Allemagne, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas qui constituent des données générales et relatives à des pays étrangers, toutes ces données ne devraient normalement pas poser problème au niveau de la sensibilité commerciale. Il en est de même du graphique concernant l’évolution de la consommation finale d’électricité pour laquelle la source indiquée est le Statec. Concernant la consommation de pointe (Lastspitzen), la Cour relève cependant une inconséquence dans l’argumentaire des sociétés appelantes en ce qu’ensemble avec les chapitres 4 et 5 du « technischer Schlussbericht », elles demandent que l’annexe 4.1 des « Beilagen - technischer Schlussbericht » soit déclaré non communicable. Or, si la Beilage 4.1. traite des « statistische Daten bestehender Verbrauch und Lastspitzen » au niveau du Grand-Duché pris dans son entièreté, la Beilage 4.2 concerne la « Lastaufteilung nach Regionen ». Cependant, pour la Beilage 4.2., les appelants ne concluent pas à la non-communicabilité.
Outre, le fait que les données de l’étude ont déjà été rendues essentiellement publiques à travers, notamment, la confection du livre blanc et l’étude … et que la Cour, dans une analyse a priori, n’entrevoit pas le caractère éminemment sensible des statistiques sous analyse, il reste surtout que suivre l’argumentaire des appelantes et interdire la communication des chapitres 4 et 5 du « technischer Schlussbericht » et de l’annexe 4.1 des « Beilagen -
technischer Schlussbericht », revient à confirmer dans cette logique l’ordonnance présidentielle pour la communication notamment de la « Beilage » 4.2, de même que de la « Beilage » 4.3 ayant trait à la « Lastzunahme im internationalen Vergleich ». Il ne serait ainsi pas répondu utilement au souci par ailleurs mis en avant par les appelantes.
Dans ces conditions, la Cour est amenée à s’en tenir à la faveur conférée par le législateur à la divulgation des données environnementales et à rejeter le moyen. La Cour confirme dès lors la communicabilité des chapitres 4 et 5 du « technischer Schlussbericht » ainsi que de l’annexe 4.1 des « Beilagen - technischer Schlussbericht » pour être remise en question de façon insuffisante par le moyen des sociétés appelantes. Il n’y a dès lors pas non plus lieu à dérogation au titre de l’article 4.2. e) de la loi du 25 novembre 2005.
Quant à l’institution d’un expert technique Dans un dernier ordre de subsidiarité, l’Etat conclut, à travers son appel, qu’une analyse technique poussée des dispositions de la « Netzstudie » permettrait de démontrer que la séparation des informations telle qu’ordonnée par le président ne serait pas conforme aux exigences de la loi du 25 novembre 2005. A cet égard, l’Etat demande la nomination d’un expert technique aux fins d’analyser le contenu de l’étude litigieuse au regard des exceptions prévues par ladite loi.
L’institution d’une expertise ne saurait servir à combler les carences d’une partie dans l’administration de la preuve, tout comme la mission à conférer à un expert ne saurait porter sur des points de droit. Dans la mesure où l’Etat appelant ne précise en aucune manière en quoi la séparation des informations ordonnée par le président du tribunal administratif ne serait pas conforme à la loi du 25 novembre 2005, ni plus particulièrement à quelles exigences de celle-ci, force est à la Cour de constater que l’expertise technique sollicitée aurait pour but essentiel d’effectuer le travail qu’une partie appelante aurait, le cas échéant, été appelée à fournir en indiquant les points précis par rapport auxquels l’ordonnance présidentielle serait, de ce point de vue, à critiquer concernant l’assiette précise des données pour lesquelles la divulgation a été ordonnée.
Outre le fait de l’incompatibilité inhérente entre l’application nécessaire du principe du contradictoire dans le cadre de l’institution d’une expertise de la sorte et le caractère de seul confident nécessaire vérifié dans le chef de la juridiction saisie, le moyen est dès lors à écarter.
Même à requalifier le moyen dans le sens de voir nommer un conseiller technique, sous le statut de confident nécessaire, la Cour est amenée à retenir qu’il n’y a pas lieu de procéder de la sorte, étant donné que compte tenu des différents moyens invoqués par les parties, la Cour a pu, au seul vu du contenu de l’étude litigieuse et dans la mesure où sa communication avait été ordonnée par le premier juge, toiser ceux-ci sans que le recours à pareil conseiller technique ne se soit imposé comme étant nécessaire pour la solution à donner au litige.
Aucun des appels ne se trouvant justifié, la Cour, après avoir annulé la mesure de vérification personnelle du premier juge pour non-respect du principe du contradictoire, statuant à nouveau, compte tenu des moyens soulevés de parts et d’autre, est amenée à confirmer l’ordonnance présidentielle entreprise du 12 novembre 2009 dans toute sa teneur en ce qu’elle a ordonné à l’Etat de transmettre les données environnementales y énumérées à l’association ….
Quant aux indemnités de procédure Dans les deux rôles où elle figure chaque fois en tant que partie intimée, l’association … sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de chaque fois 2.000.- € pour l’instance d’appel à mettre respectivement à charge des sociétés .. et … (rôle n° 26420C) et de l’Etat (rôle n° 26421C). L’Etat fait plaider qu’il ne serait pas précisé en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de l’association … les frais non compris dans les dépens alors que ce serait elle qui a introduit la procédure de référé, devant le président du tribunal administratif et qui serait dès lors à l’origine de la procédure contentieuse. Les sociétés appelantes n’ont pas autrement pris position par rapport à cette demande de l’intimée.
S’il est vrai que le fait de se voir allouer une indemnité de procédure dans une instance d’appel ne saurait directement dépendre de ce que la partie en question a été à l’origine du procès encore qu’elle n’ait pas interjeté appel, il n’en reste pas moins que pour le surplus les conditions légales pour l’allocation d’une indemnité de procédure telles que prévues aux dispositions combinées des articles 33 et 54 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée ne se trouvent pas remplies en l’espèce.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
joint les appels introduits sous les numéros du rôle 26420C et 26421C ;
déclare les appels recevables ;
les dit partiellement fondés ;
annule l’ordonnance entreprise du 16 octobre 2009 dans la mesure de la comparution personnelle des parties y ordonnée ;
déclare les appels non fondés pour le surplus ;
partant confirme les ordonnances présidentielles entreprises pour le surplus ;
écarte les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de l’association sans but lucratif … asbl. ;
fait masse des dépens de l’instance d’appel et les impose pour moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et à raison de chaque fois un quart aux sociétés … S.A. et … S.A..
Ainsi délibéré et jugé par :
Georges RAVARANI, président, Francis DELAPORTE, vice-président, Henri CAMPILL, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef Erny MAY.
s. MAY s. RAVARANI Reproduction certifiée conforme à l’original.
Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier en chef de la Cour administrative 23