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11/05/2010 | LUXEMBOURG | N°26468C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 mai 2010, 26468C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26468 C Inscrit le 8 janvier 2010

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Audience publique du 11 mai 2010 Appel interjeté par la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 3 décembre 2009 (n° 23497 du rôle) dans une affaire ayant opposé la société anonyme …, …, à un bulletin de cotisation émis par la Chambre de commerce, ainsi qu’au règlement d’affiliation et de cotisatio

n de la Chambre de commerce du Luxembourg dans sa version du 27 avril 2007 en ma...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26468 C Inscrit le 8 janvier 2010

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Audience publique du 11 mai 2010 Appel interjeté par la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 3 décembre 2009 (n° 23497 du rôle) dans une affaire ayant opposé la société anonyme …, …, à un bulletin de cotisation émis par la Chambre de commerce, ainsi qu’au règlement d’affiliation et de cotisation de la Chambre de commerce du Luxembourg dans sa version du 27 avril 2007 en matière de cotisations professionnelles

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 26468C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 janvier 2010 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour le compte de la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg, établie à L-1615 Luxembourg, 7, rue Alcide de Gasperi, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 3 décembre 2009, sur recours de la société anonyme …, avec siège social à …, dans la mesure et la limite que ledit tribunal a annulé le règlement d’affiliation et de cotisation de la Chambre de commerce du Luxembourg dans sa version du 27 avril 2007 ;

Vu l’exploit de signification de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 11 janvier 2010, portant signification de cette requête à la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 2010 par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, préqualifiée, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2010 au nom de la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 avril 2010 au nom de la société anonyme …;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le conseiller rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Patrick KINSCH et Maître Dominique BORNERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 avril 2010.

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Le 5 juillet 2007, la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après dénommée la « Chambre de commerce », émit à l’égard de la société anonyme …, ci-après dénommée la « société … », un bulletin de cotisation portant sur l’année 2007 d’un montant de 140 €, ce bulletin contenant en outre un rappel des cotisations antérieures pour les années 2003 à 2006.

Le 4 octobre 2007, la société … saisit le tribunal administratif d’un recours tendant à l’annulation du bulletin de cotisation précité, ainsi que du règlement de cotisation de la Chambre de commerce.

Par jugement du 3 décembre 2009, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme et le déclara également justifié, partant annula tant le bulletin de cotisation litigieux du 5 juillet 2007 que le règlement de cotisation de la Chambre de commerce, dans sa version coordonnée du 27 avril 2007, ci-après dénommé le « règlement de cotisation », le tout avec condamnation de cette dernière au paiement des frais.

Le 8 janvier 2010, la Chambre de commerce a interjeté appel contre ce jugement du 3 décembre 2009 dans la limite de l’annulation de son règlement de cotisation.

La Chambre de commerce estime que le motif d’annulation de son règlement de cotisation en raison d’une absence, dans la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective, ci-après désignée par la « loi du 4 avril 1924 », d'une « base légale sur laquelle la Chambre de commerce a pu se fonder pour prendre le règlement de cotisation » ne serait que partiellement exact et ne justifierait pas l’annulation du règlement de cotisation dans son intégralité.

En effet, l'article 37bis de la loi du 4 avril 1924 constituerait une base légale expresse pour ce qui concerne la fixation du taux des cotisations annuelles et du minimum de cotisation, de sorte que le moyen d'illégalité retenu par le tribunal ne saurait concerner les articles 4 (« cotisations ») et 6 (« assiette de cotisation » – «cotisation minimale » et « cotisation dégressive ») du règlement de cotisation. Il devrait en aller de même des dispositions, accessoires, de l'article 5 (« mode de calcul de la cotisation »), « à l'exception peut-être de l'article 5, alinéa 4, en tant qu'il fait état d'un « bulletin de cotisation » supplémentaire, ce bulletin de cotisation n'ayant pas eu de base légale jusqu'à la fin de l'année 2007 ».

La partie appelante ajoute encore que la plupart des autres articles du règlement de cotisation ne seraient que simplement des « dispositions-reflets » de dispositions légales.

Après avoir pris note de ce que l’appel est limité et que l'annulation du bulletin de cotisation litigieux émis par la Chambre de commerce n'est pas remise en discussion, la société … procède à une analyse des articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement de cotisation de la Chambre de commerce pour en dégager qu’aucun d’eux ne trouverait de base légale dans la loi du 4 avril 1924.

Concernant l’article 1er du règlement de cotisation, elle estime qu’il ne saurait être considéré comme simple reflet de la loi du 4 avril 1924, au motif que cette loi ne comporterait aucune disposition ayant pareille teneur.

En outre, la définition du « ressortissant », telle que donnée par l'article 1er du règlement de cotisation, déborderait celle pouvant être extraite de l'article 37 de la loi du 4 avril 1924, étant soutenu que si la qualité de ressortissant de la Chambre de commerce, telle qu’esquissée par la loi de 1924, exigeait la vérification de deux conditions, à savoir, ne pas être ressortissant de la Chambre des métiers et être inscrit au registre de commerce, il conviendrait de constater que cette double condition ne serait point retranscrite à l'article 1er du règlement de cotisation.

D’ailleurs, le règlement de cotisation entendrait inclure dans le cercle des ressortissants de la Chambre de commerce, ceux de la Chambre des métiers.

Il est encore soutenu que la Chambre de commerce ne saurait se prévaloir de l'alinéa 1er de l'article 37 de la loi du 4 avril 1924, tout en écartant l'alinéa second dudit article. En effet, poser l’équation « électeur = ressortissant » impliquerait le respect de l’entièreté dudit article 37. Or, tel ne serait pas le cas, au motif que pour ce qui est des personnes morales, il y aurait omission de reprendre la précision qu’elles disposent du droit de vote par leur directeur ou délégué et que ces derniers seraient également éligibles.

Enfin, le règlement de cotisation ne constituerait pas un texte de valeur règlementaire opposable aux tiers, eu égard à l'article 112 de la Constitution et faute de publication au Mémorial au moment de l’émission des bulletins de cotisation litigieux.

Concernant l’article 4 du règlement de cotisation, la partie intimée conclut à la confirmation du premier jugement en ce que le tribunal administratif a également annulé cette disposition faute de base légale valable. Il est ajouté que l’article 37bis de la loi du 4 avril 1924 ne saurait constituer pareille base. L’intimée relève que ce serait « pour remédier à cette lacune dans l'ordonnancement juridique » qu’aurait été adoptée la loi du 21 décembre 2007 portant notamment modification de la loi du 4 avril 1924.

Concernant l’article 5 du règlement de cotisation, il serait illégal, au motif que la loi du 4 avril 1924 ne prévoirait ni le droit de procéder à une rectification sur base de la fixation définitive du bénéfice commercial par l'administration des Contributions directes, ni le seuil d'application d'un tel redressement, à savoir « de plus du quart et de 123.000 EUR au moins ».

Or, cet état des choses justifierait l’annulation de l’article 5 en son intégralité, étant ajouté que l’on ne saurait demander au juge de réécrire les dispositions légales ou règlementaires « en distinguant finement les paragraphes viciés et ceux valides ».

Concernant l’article 6 du règlement de cotisation, fixant des cotisations minimales et prévoyant une cotisation dégressive, il est soutenu que la loi du 4 avril 1924 ne prévoirait nullement la possibilité de cotisations dégressives, ni a fortiori les seuils fixés d'autorité par la Chambre de commerce.

Pour le cas où la Cour administrative ne devrait pas rejoindre les premiers juges en ce qu’ils ont conclu à une absence de base légale justifiant la prise du règlement de cotisation de la Chambre de commerce, la partie intimée soulève la question de savoir si l’habilitation légale dégagée est conforme à l'article 36 de la Constitution, étant précisé que la Chambre de commerce ne serait pas pourvue d'un pouvoir réglementaire propre et qu’elle ne saurait prétendre que la loi du 4 avril 1924 l'investirait d'un pouvoir normatif autonome en la matière lui permettant de fixer les taux et barèmes de cotisation de ses ressortissants.

Dans cet ordre d’idées, la partie intimée déclare relever appel incident du jugement a quo en ce qu'il aurait omis de statuer sur le moyen tiré de la contrariété de l'article 37bis de la loi du 4 avril 1924 à l'article 36 de la Constitution.

Il est entre autres insisté dans ce contexte que la Chambre de commerce ne saurait, notamment s'agissant de la fixation des cotisations de ses ressortissants, prétendre qu'elle ne ferait qu'exécuter la loi, au motif que la loi ne comporterait aucune disposition précise et se bornerait à fixer la limite de quatre pour mille du bénéfice réalisé par les ressortissants pour les cotisations. Au contraire, la matière serait réglementée par le règlement de cotisation litigieux et pareille façon de faire heurterait la susdite disposition constitutionnelle, cette conclusion étant renforcée par le constat qu'il ne serait pas établi que la Chambre de commerce disposerait du statut d’« établissement public » au sens de la loi.

Dans ce contexte, la partie intimée demande à la Cour de saisir la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle libellée comme suit :

« L’article 37bis de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective est-il conforme à l’article 36 de la Constitution, dans la mesure où il délègue à la Chambre de Commerce du Luxembourg le pouvoir de prendre des mesures d’exécution de ladite loi voire l’investit d’un pouvoir règlementaire autonome, en l’occurrence en lui confiant le pouvoir de fixer librement les cotisations annuelles à percevoir de ses ressortissants dans la seule limite du plafond de quatre pour mille du bénéfice réalisé par les ressortissants en cause pendant l’avant-dernier exercice [?] ».

En termes de réplique, la Chambre de commerce soutient qu’il y aurait lieu de rejeter l'idée que l’annulation devrait nécessairement porter sur la totalité d’un article du règlement de cotisation, mais qu’il conviendrait de distinguer en fonction de l’impact d’un éventuel vice, l’annulation pouvant le cas échéant être partielle et laisser subsister le règlement pour le surplus.

Elle conclut ensuite au rejet de la critique de l’article 1er du règlement de cotisation.

En effet, concernant le défaut de précision de ce que les ressortissants de la Chambre des métiers ne seraient pas des ressortissants de la Chambre de commerce, la partie intimée, qui n'allèguerait pas exercer une profession relevant de l'artisanat, n'aurait aucun intérêt à critiquer sur ce point la rédaction de l'article 1er dudit règlement, ni d’ailleurs celle des articles 2 et 3.

Subsidiairement, ce ne serait pas parce que l'article ler ne contiendrait pas tous les détails qui figurent dans la loi qu’il manquerait de base légale. Il est soutenu dans ce contexte que le règlement de cotisation ne serait pas indispensable à la détermination des ressortissants de la Chambre de commerce, étant donné que cette détermination serait possible sur base des seules dispositions de la loi du 4 avril 1924.

Quant à l’absence de précision que les personnes morales ressortissantes sont qualifiées à participer au vote par leur directeur ou délégué qui est également éligible, il est estimé que pareil rappel de la loi est inutile.

Ensuite, la critique tablant sur le défaut de publication au Mémorial dudit règlement au moment de l'émission des bulletins de cotisation litigieux serait par ailleurs inopérante en tant que moyen d'annulation dirigé contre le règlement de cotisation, ce dernier ayant d’ailleurs été publié sur le site internet de la Chambre de commerce.

En ce qui concerne l’article 4 du règlement de cotisation, il n’aurait pas pour objet de constituer la base de la coopération entre la Chambre de commerce et l'administration des Contributions directes, cette coopération étant prise comme une simple donnée. Ainsi, faute d’un quelconque contenu normatif propre audit règlement relativement à cette coopération, la critique partielle de cette disposition manquerait son but.

D’ailleurs, la coopération entre la Chambre de commerce et l'administration des Contributions directes aurait une base légale dans le paragraphe 18 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung ».

En ce qui concerne l’article 5 du règlement de cotisation, la critique encore partielle – valant, selon l’appelante, reconnaissance pour le surplus de cet article – de la prévision d’une possibilité de rectification de la cotisation lors de la fixation définitive du bénéfice commercial par l'administration des Contributions directes ne serait pas justifiée. En effet, la rectification du bulletin de cotisation ne serait que la mise en œuvre de l’article 37bis de la loi du 4 avril 1924. Pour le surplus, l’alinéa 4 de l’article 5 serait détachable du restant de l'article 5.

Concernant l’article 6 du règlement de cotisation, il est soutenu que l'article 37bis de la loi de 1924 autoriserait la Chambre de commerce à fixer des cotisations dégressives.

Quant à l’appel incident, la partie appelante soulève l’irrecevabilité de l’appel incident faute d’intérêt dans le chef de la partie intimée qui a obtenu entièrement gain de cause en première instance.

Pour le surplus et en ordre subsidiaire, l’argumentaire développé dans ce contexte serait à rejeter par adoption des motifs des premiers juges.

En ordre encore plus subsidiaire, la partie appelante estime que l'article 37bis de la loi du 5 avril 1924 ne se heurte pas à l'article 36 de la Constitution.

Selon elle, le règlement de cotisation litigieux ne relèverait pas du pouvoir règlementaire visé par l'article 36 de la Constitution. Il s’agirait d’un acte administratif à caractère réglementaire, mais non pas d’un règlement intervenant «pour l'exécution des lois ».

Ainsi, le sens de l'article 37bis de la loi du 4 avril 1924 ne serait pas que des mesures d'exécution de la loi (mesures d'ordre administratif, ou même précisions de certaines notions employées par la loi) seraient déléguées à la Chambre de commerce, mais il s'agirait de conférer à la Chambre de commerce une autonomie d'ordre financier, qui lui permettrait de fixer directement – dans les limites définies à l'article 37bis de la loi de 1924 – elle-même, dans son règlement de cotisation, les cotisations qui lui seront dues par ses propres ressortissants.

Il s’agirait ainsi d’une habilitation législative conforme à la Constitution, dès lors qu’aucune disposition de la loi ne réserverait au seul Grand-Duc la possibilité de bénéficier d'une habilitation législative contenue dans une loi particulière et que la matière de la fixation du taux des cotisations ne constituerait pas une matière réservée à la loi.

Subsidiairement, depuis la révision constitutionnelle du 19 novembre 2004, par l’effet de laquelle le pouvoir réglementaire, même pour l'exécution des lois, pourrait être attribué aux établissements publics (article 108bis de la Constitution) et dès lors que la seule qualification juridique raisonnablement envisageable pour la Chambre de commerce serait celle d'établissement public, l'article 37bis de la loi du 4 avril 1924, eût-il même été adopté en violation de l'article 36 de la Constitution (quod non), se trouverait validé avec effet à partir de l'entrée en vigueur de cette révision constitutionnelle.

Il est encore ajouté que ladite révision constitutionnelle n'aurait aucun besoin d'être rétroactive, mais il lui suffirait d'être d'application immédiate pour pouvoir valider, à l'avenir, les textes législatifs et réglementaires qui étaient éventuellement contraires à l'ancien texte de la Constitution. Le règlement de cotisation de la Chambre de commerce, en l'occurrence le règlement du « 31 janvier 2008 (Mémorial 2008, p. 317) [sic] », serait dès lors parfaitement légal.

Suivant la partie appelante, il n'y aurait pas lieu à saisine de la Cour Constitutionnelle, le moyen d'inconstitutionnalité étant manifestement dépourvu de fondement.

En ordre plus subsidiaire encore, la question préjudicielle à soumettre à la Cour Constitutionnelle, telle que proposée par la partie intimée, devrait être complétée de la question suivante :

« L'article 37bis de la loi du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective (telle que modifiée par la loi du 14 mars 1973) est-

il conforme à l'article 108bis de la Constitution ? Dans l'affirmative : est-ce que le fait que l'article 37bis de la loi de 1924 soit désormais conforme à l'article 108bis de la Constitution entraîne que ce texte est de nouveau de nature à être appliqué, dans le respect de la Constitution, à des faits postérieurs à l'entrée en vigueur de l'article 108bis ? ».

Dans sa duplique, la société … soutient en premier lieu que sous peine de porter atteinte à la cohérence de l’acte règlementaire, une annulation devrait nécessairement porter sur la totalité d’un article. D’ailleurs, le même souci de cohérence impliquerait qu’en l’espèce, le règlement de cotisation devrait tomber dans son intégralité.

Ensuite, elle réitère en substance qu’aucun des articles 1er, 4, 5 et 6 du règlement de cotisation ne trouverait de base légale dans la loi du 4 avril 1924 respectivement que chacun d’eux y contreviendrait.

En ce qui concerne son appel incident, elle l’estime recevable, tout comme elle s’estime en droit de réitérer en instance d’appel les moyens sur lesquels elle n’a pas eu satisfaction en première instance.

Pour le surplus, la problématique relative à la validité au regard de la Constitution de l’article 37bis de la loi du 4 avril 1924 serait d’ordre public et à soulever d’office par le juge.

Dans ce contexte, admettant qu’en matière parafiscale, sa référence en première instance aux articles 99 et 101 de la Constitution n'aurait pas été pertinente, elle soutient qu’il en serait différemment de celle à l'article 36 de la Constitution.

Concernant l’argumentaire de l’appelante au titre de laquelle désormais – suite à la révision constitutionnelle du 19 novembre 2004 – la loi pourrait dans certains cas attribuer un pouvoir réglementaire à des établissements publics, elle estime que la Chambre de commerce ne pourrait être qualifiée d'établissement public et partant ne pas prétendre à se voir bénéficier de l'article 108bis de la Constitution. Dans ce contexte, elle fait état d’un avis rendu par le Conseil d’Etat en date du 23 mars 2010 dans le cadre du projet de loi portant réorganisation de la Chambre de Commerce (n° 5939), qui confirmerait son analyse y afférente.

L’appel principal de la Chambre de commerce est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Concernant l’appel incident, bien que la société … ne puisse pas interjeter formellement appel incident contre le jugement a quo pour avoir obtenu, aux termes du dispositif dudit jugement, gain de cause en première instance et qu’en conséquence, l’appel incident est en tant que tel à déclarer irrecevable, la Cour est néanmoins amenée à examiner, à titre de moyen de défense, l’argumentaire développé autour de la question de la conformité à l’article 36 de la Constitution du règlement de cotisation et/ou de l’article 37bis de la loi du 4 avril 1924.

D’ailleurs, la Cour n’étant pas liée par l’ordre des moyens tel que présenté par les parties à l’instance, il convient encore d’élucider de prime abord cette problématique, en ce qu’elle a trait à la question préalable de savoir si la Chambre de commerce était compétente pour prendre le règlement de cotisation litigieux.

Avant de ce faire, il y a lieu d’insister sur ce que c’est à juste titre que les premiers juges ont qualifié le règlement de cotisation litigieux comme constituant un acte administratif à caractère règlementaire susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif en vertu de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Cette conclusion table en premier lieu sur le constat vérifié de ce que l’acte querellé émane d’une autorité administrative.

Tel est en effet le cas dans le chef de la Chambre de commerce, qui constitue une personne morale de droit public et, plus particulièrement, doit être assimilée à un établissement public. Cette conclusion s’impose au regard de ce qu’il s’agit d’une chambre professionnelle créée par le législateur, régie par un régime de droit public et investie de prérogatives exorbitantes du droit commun des relations privées (notamment en raison de l’affiliation obligatoire à ladite chambre et du droit de cette dernière de percevoir une cotisation annuelle obligatoire de ses ressortissants). Ce constat n’est pas énervé par le fait que la Chambre de commerce n’est pas étroitement rattachée à l’Etat par l’attribution au gouvernement d’un pouvoir de tutelle, dès lors que le gouvernement est néanmoins investi à son encontre d’un certain pouvoir de surveillance (pouvoir de dissolution de la chambre et pouvoir de commissionner un délégué à assister aux réunions de la chambre (art.

28 de la loi du 4 avril 1924).

Concernant la seconde prémisse de base, à savoir le nécessaire caractère règlementaire de l’acte, le règlement de cotisation en cause, au regard de son contenu, en ce qu’il a vocation de délimiter et de fixer de manière générale et abstraite les modalités d’affiliation à la Chambre de commerce, d’une part, et les modalités de la cotisation annuelle due à ladite chambre par ses ressortissants, d’autre part, s’analyse en outre en un acte à caractère règlementaire.

La légalité de pareil acte s’apprécie par rapport à la situation de droit qui a existé au moment où l’acte a été pris.

S’il ne se dégage pas des éléments d’information soumis à la Cour dans le cadre de la présente affaire à quelle date le règlement de cotisation litigieux a été arrêté par l’organe compétent de la Chambre de commerce, respectivement de quand datent l’ensemble des différentes modifications qui y ont été apportées par la suite, il appert cependant des éléments d’information fournis en cause, notamment par les explications orales fournies à l’audience des plaidoiries, que mise à part une modification mineure – non détachable du reste du règlement – décidée par l’assemblée plénière de la Chambre de commerce le 27 avril 2007, l’ensemble des dispositions du règlement de cotisation litigieux a été arrêté dès avant la révision constitutionnelle du 19 novembre 2004. Il s’ensuit que le cadre constitutionnel, notamment celui tracé par l’article 36 de la Constitution, auquel il convient d’avoir égard en l’occurrence est celui ayant existé avant ladite révision constitutionnelle.

Or, conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur au moment de la prise du règlement de cotisation litigieux et, notamment à l’article 36 de la Constitution, en vertu duquel le Grand-Duc prend les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, cette disposition étant à comprendre dans le sens que le pouvoir de créer des normes règlementaires pour l’exécution des lois est le privilège et le monopole du Grand-Duc, aucun pouvoir règlementaire n’existait entre les mains de la Chambre de commerce.

La Cour ne saurait suivre la Chambre de commerce en ce qu’elle fait soutenir que son règlement de cotisation ne relèverait pas de la catégorie des règlements pour l’exécution des lois. En effet, le règlement de cotisation, par sa vocation ci-avant relatée de délimiter et de fixer de manière générale et abstraite les modalités d’affiliation à la Chambre de commerce, ainsi que les modalités de la cotisation annuelle due par les ressortissants de la Chambre de commerce, a manifestement été pris en vue de l’exécution de la loi du 4 avril 1924 et comme tel il relève de la catégorie des règlements pour l’exécution des lois au sens de l’article 36 de la Constitution.

Il s’ensuit que la Chambre de commerce a exercé, en prenant le règlement de cotisation litigieux, des compétences qui ne lui appartenaient pas.

Cette conclusion s’impose par ailleurs sans qu’il n’y ait lieu de saisir la Cour Constitutionnelle d’une question relativement à la conformité à l’article 36 de la Constitution de l'article 37bis de la loi du 4 avril 1924. En effet, la Cour, rejoignant sur ce point l’analyse des premiers juges, estime que si l’article 37bis de la loi du 4 avril 1924 en ce qu’il dispose que « par dérogation à l'article 3 de la présente loi, les cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de commerce sont fixées par celle-ci, sans pouvoir dépasser quatre pour mille du bénéfice réalisé par les ressortissants (…) », consacre la compétence de la Chambre de commerce de fixer, au cas par cas, la cotisation annuelle de chacun de ses membres, il ne convient cependant pas, en l’absence de disposition expresse y relative, de dégager de ladite disposition légale une quelconque délégation d’une compétence règlementaire en la matière au profit de la Chambre de commerce. – S’il est vrai que ladite disposition légale fixe le principe d’un droit pour la Chambre de commerce de percevoir de chacun de ses ressortissants une cotisation annuelle, ainsi qu’un plafond à ne pas dépasser, il n’en reste pas moins que la fixation doit nécessairement intervenir dans le cadre légal et règlementaire applicable. En outre, sans préjudice de la question de savoir si la loi permet à elle-seule à la Chambre de commerce de fixer individuellement la cotisation due par un de ses ressortissants ou s’il y a en outre besoin d’un cadre règlementaire supplémentaire pour ce faire, force est de constater que la Chambre de commerce n’était pas appelée à poser elle-même un acte règlementaire délimitant les modalités de fixation des cotisations.

Il reste la question de savoir si, tel que le soutient la partie appelante, par l’effet de la révision constitutionnelle intervenue par une loi du 19 novembre 2004, en ce qu’un article 108bis a été inséré dans la Constitution, aux termes duquel « la loi peut créer des établissements publics, dotés de la personnalité civile, dont elle détermine l’organisation et l’objet. Dans la limite de leur spécialité le pouvoir de prendre des règlements peut leur être accordé par la loi qui peut en outre soumettre ces règlements à l’approbation de l’autorité de tutelle ou même en prévoir l’annulation ou la suspension en cas d’illégalité, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs », le règlement de cotisation litigieux, originairement illégal, peut désormais être considéré comme légal.

Abstraction faite de toutes autres considérations, notamment quant à l’absence d’existence d’une délégation légale du pouvoir règlementaire, il convient de remarquer que s’il y a lieu d’admettre qu’au niveau de la légalité interne, c’est-à-

dire au niveau du contenu de ce qui a été disposé, les lois et les règlements sont évolutifs et non point figés suivant les conceptions juridiques, sociales et économiques en vigueur au moment où ils sont pris, il en va autrement en ce qui concerne leur légalité externe, c’est-à-dire la légalité de la façon dont il a été disposé, en ce sens que le constat d’une illégalité externe affectant un règlement, tel étant le cas d’une incompétence ratione materiae de l’auteur, vicie le règlement en son existence même et il ne saurait être question d’une régularisation post festum.

Le règlement de cotisation litigieux encourt partant l’annulation en raison de l’incompétence de son auteur pour ce faire, la cause de nullité retenue l’atteignant et le viciant dans son intégralité.

Dans les limites de l’appel principal, le jugement a quo est partant à confirmer, quoique partiellement pour d’autres motifs.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit l’appel principal de la Chambre de commerce en la forme ;

déclare irrecevable l’appel incident interjeté par la société …, mais reçoit l’argumentaire développé à ce titre comme moyen de défense ;

au fond, déclare l’appel de la Chambre de commerce non justifié et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 3 décembre 2009, dans la mesure où il a été appelé ;

condamne la Chambre de commerce aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier de la Cour administrative 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26468C
Date de la décision : 11/05/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2010-05-11;26468c ?

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