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09/03/2010 | LUXEMBOURG | N°26350C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 mars 2010, 26350C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26350C Inscrit le 20 novembre 2009

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Audience publique du 9 mars 2010 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 13 octobre 2009 (n° 24846a du rôle) dans un litige l’opposant à Monsieur …, ….

en matière d’impôt sur le revenu

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 26350C du rôle, déposé au gre...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26350C Inscrit le 20 novembre 2009

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Audience publique du 9 mars 2010 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 13 octobre 2009 (n° 24846a du rôle) dans un litige l’opposant à Monsieur …, ….

en matière d’impôt sur le revenu

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 26350C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2009 par Monsieur le délégué du gouvernement Claude LICK, agissant pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat lui délivré à cet effet le 16 novembre 2009 par le ministre des Finances, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 13 octobre 2009, par lequel ledit tribunal a déclaré fondé le recours introduit par Monsieur …, demeurant à …, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 30 juin 2008 refusant de faire droit à sa demande d’admettre en déduction la quote-part des frais afférents à la quote-part de sa maison donnée en location, de manière à réformer ladite décision en ce sens que les recettes perçues constituent un revenu de location au sens de l’article 98 (1) 1.

LIR avec toutes les conséquences de droit concernant notamment les dépenses d’obtention déductibles, a renvoyé le dossier devant ledit directeur en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution et a condamné l’Etat aux frais de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2009 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Claude LICK et Maître Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 février 2010.

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Dans le cadre de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2006, déposée au bureau d’imposition … de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d'imposition », le 16 mai 2007, Monsieur … déclara un montant de 4.179,56 € à titre de perte provenant de la location de biens du chef de la mise en location d’une quote-part de sa maison d’habitation personnelle, sise à ….

Par courrier du 18 mai 2007, le bureau d’imposition informa Monsieur … de ce qu’il envisageait de s’écarter de sa déclaration d’impôt sur ce point et émit, nonobstant la prise de position de Monsieur … du 29 mai 2007, le 13 juin 2007 à son égard le bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 2006 conformément aux stipulations du courrier précité du 18 mai 2007.

Le 8 septembre 2007, Monsieur … fit introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », une réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt de l’année 2006.

Par décision du 30 juin 2008 (n° … du rôle), le directeur rejeta la réclamation de Monsieur … aux motifs essentiels suivants :

« Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir pris en considération une perte de location provenant de 40% de sa maison qui aurait été donnée en location à partir du 1er mai 2006 ;

Considérant que le réclamant a loué 3 pièces, 1 salle de bains et l'utilisation de la cuisine à partir du 1er mai de l'année litigieuse en contrepartie d'un loyer de 150 euros par mois sur base de la loi du 27 août 1987 sur les baux à loyer ;

Considérant que la loi du 27 août 1987 portant réforme de la législation sur les baux à loyer, à laquelle le réclamant fait référence, est abolie et a été remplacée par la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de cette loi, la location d'un logement à usage d'habitation peut rapporter au bailleur un revenu annuel ne dépassant pas le taux de 5 pour-cent du capital investi ;

que la formule du loyer par pièce, tel que définie à l'article 1er de l'ancienne loi, n'est plus reprise dans la nouvelle loi ;

Considérant qu'il est corroboré par des études de marché, publiées dans la note de l'observatoire de l'habitat numéro 4 de mars 2005 « Offres et prix de location des logements en 2003-2004 » dont l'éditeur est le département du logement du Ministère des classes moyennes, du tourisme et du logement, que de toute évidence les appartements sis … rapportent entre 14 et 17,41 euros par mètre carré et par mois ;

Considérant que le réclamant déclare avoir donné en location 3 pièces, une salle de bains et une cuisine; qu'en prenant en compte une superficie minimale de 9 mètres carrés par pièce et à défaut d'indications exactes par le réclamant, la superficie louée, nonobstant les parties communes, s'élève à (4,5 x 9 i.e.) 40,50 mètres carrés ;

qu'en application d'un prix moyen de 14 euros, il se dégagerait un loyer de (40,5 x 14 i.e.) 567 euros par mois ;

Considérant en plus que le loyer moyen d'une maison située au territoire de la ville de Luxembourg s'élève à 2.308 euros par mois, ce qui correspondrait en l'espèce à (2.308 x 40% i.e.) 923,20 euros ;

Considérant que ces montants sont, de toute évidence, largement supérieurs aux 150 euros déclarés par le réclamant ;

Considérant que l'utilisation commune de certaines parties de la maison, autrement privatives, telle la cuisine, ensemble avec le loyer modique sont des éléments à ébranler l'hypothèse d'une location dans les conditions comme elles sont d'usage entre tiers ;

Considérant que si un contrat de bail, tel qu'en l'espèce, est à écarter du point de vue fiscal comme un contrat n'étant pas d'usage entre tiers, il s'ensuit que le loyer réduit est à interpréter dans le sens d'une mise à la disposition gratuite par le propriétaire avec participation aux frais par l'occupant ;

que les revenus de location seront dès lors à déterminer comme si le propriétaire disposait lui-même de l'immeuble (article 12, alinéa 2 L.I.R.) ;

que de ce fait la valeur locative forfaitaire (article 96, alinéas 2 et 3; article 98, alinéa 1e n° 5 L.I.R.) devient imposable dans le chef du réclamant ;

Considérant que la valeur locative forfaitaire est fixée en vertu du règlement grand-

ducal du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l'habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d'un droit de jouissance viager ou légal ;

que la valeur locative ainsi déterminée ne peut être réduite qu'à concurrence des intérêts passifs déductibles pour constituer le revenu net ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que d'autres frais d'obtention en relation économique avec l'immeuble en question ne sont pas déductibles en l'année litigieuse ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2008, Monsieur … introduisit un recours tendant à la réformation de cette décision directoriale.

La décision directoriale ayant été prise sur base la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil dont l’applicabilité fut contestée par le demandeur, le tribunal administratif, par jugement du 7 juillet 2009 (n° 24846 du rôle), déclara la loi modifiée du 14 février 1955 portant modification et coordination des dispositions légales et règlementaires en matière de bail à loyer, ci-après « la loi du 14 février 1955 », applicable en l’espèce et ordonna par ce même jugement aux parties de produire un mémoire supplémentaire sur la question de la conformité du loyer litigieux aux dispositions de ladite loi du 14 février 1955.

A travers un jugement du 13 octobre 2009 (n° 24846a du rôle), le tribunal retint que la loi du 14 février 1955 plafonnait le loyer que le demandeur était susceptible de percevoir pour 3,5 pièces à 5.250.- francs, ce qui équivaut à 130,14.- euros, et que, dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur percevait un loyer de 150.- euros, montant se situant au-

dessus du plafond prescrit par la loi du 14 février 1955, le motif que le loyer litigieux serait à qualifier de loyer réduit ne saurait être vérifié en l’espèce. Par voie de conséquence, le tribunal déclara le recours fondé et réforma la décision directoriale du 30 juin 2008 en ce sens que les recettes perçues par le demandeur durant l’année 2006 constituaient un revenu de location au sens de l’article 98 (1) 1. de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », avec toutes les conséquences de droit concernant notamment les dépenses d’obtention déductibles.

Par requête déposée le 20 novembre 2009, l’Etat a fait régulièrement saisir la Cour administrative d’un appel à l’encontre de ce jugement du 13 octobre 2009.

A l’appui de son appel, l’Etat reproche aux premiers juges une fausse application de l’article 98 (1) 1. LIR et du principe de l’appréciation d’après des critères économiques en vertu duquel un contrat de bail n’aurait une incidence fiscale que si, d’une part, il a été valablement conclu selon les règles du droit civil et, d’autre part, sa formation et son exécution correspondent à ce qui est d’usage entre tiers, même si le loyer est conforme aux dispositions législatives en matière de bail à loyer, le droit fiscal ayant un caractère contraignant et des objectifs fondamentalement différents de ceux du droit civil. De la sorte, le droit fiscal permettrait le renversement des apparences juridiques et une requalification fiscale de l’opération concernée. En matière de revenus de location de biens, l’application de ces principes impliquerait l’exigence que, pour être qualifié de revenu tombant dans le champ de l’article 98 (1) 1. LIR, il existe dans le chef du bailleur une intention sérieuse de s’enrichir à court, sinon du moins à long terme, que le bailleur se comporte de la même manière que tout autre contribuable se trouvant dans la même situation i.e. que le loyer corresponde aux loyers fixés pour des immeubles comparables se trouvant dans le même périmètre de location, que le genre de location ne fasse pas présumer une utilisation privée et qu’il n’y ait pas de disproportion entre les revenus de location et les frais d’obtention. Le représentant étatique insiste pour dire que le respect de ces critères devrait être vérifié chaque fois qu’on se trouverait en présence d’un bail conclu entre proches parents ou autres proches personnes, au motif que la pratique aurait montré que des loyers modiques, même conformes à la législation sur le bail à loyer, tireraient pratiquement toujours leur origine de liens familiaux ou personnels.

Or, en l’espèce, d’après le délégué du gouvernement, aucun des critères ci-avant visés ne se trouverait vérifié, aux motifs que l’intimé ne serait pas guidé par une intention sérieuse de s’enrichir au vu du loyer modeste réclamé, qu’il ne serait pas d’usage entre tiers de louer 40% d’une maison de maître sise à … pour un loyer mensuel de seulement 150.-

euros sans tenir compte de la valeur réelle de l’immeuble et de son rendement, qu’un tel loyer ne correspondrait à aucune réalité économique alors que les loyers sur le marché pour une telle partie d’immeuble varieraient entre 1.000.- et 1.300.- euros, qu’il ne serait pas d’usage entre tiers de partager une maison sans nette séparation de la partie louée du reste de l’immeuble et que le bail n’aurait été conclu que pour une courte durée, à savoir quelques mois. Ainsi, le délégué du gouvernement considère que la raison de la fixation d’un tel loyer modique résiderait dans le fait que le bailleur et le locataire vivraient en couple depuis l’année 2006, fait qui serait corroboré par leur déclaration conjointe de partenariat à …en date du 19 octobre 2007. Il conclut à partir de ces éléments que le loyer litigieux devrait être qualifié de mise à disposition gratuite avec participation aux frais, entraînant que la valeur locative forfaitaire prévue par l’article 98 (1) 5. LIR devrait trouver application.

L’intimé fait rétorquer que les premiers juges auraient décidé à juste titre que la loi précitée du 21 septembre 2006 n’était, pour l’année 2006, pas applicable au contrat de bail par lui conclu, que la loi du 14 février 1955 plafonnait le loyer qu’il était admis à percevoir à 5.250.- LUF, soit 130,14.- euros, et qu’en conséquence, il ne saurait être admis qu’il aurait été guidé non pas par une intention sérieuse de s’enrichir, mais par des raisons relevant de sa vie privée. L’intimé précise également que le contrat de bail en cause aurait été conclu non pas pour une courte durée, mais à durée indéterminée. Quant à l’argumentation étatique relative au caractère non usuel d’une location d’une partie d’immeuble non pas nettement séparée du reste de l’immeuble, l’intimé renvoie à la forme de la location dite colocation (« Wohngemeinschaft »), en vertu de laquelle deux ou plusieurs habitants partagent les pièces essentielles d’un logement et estime que rien ne s’opposerait à ce qu’une telle colocation existe entre un propriétaire et un tiers locataire d’une partie de l’habitation.

D’après l’intimé, le fait que lui-même et son locataire ont pu tirer les conséquences de leur colocation par une déclaration de partenariat le 19 octobre 2007 « est certainement heureux, mais n’est pas de nature à disqualifier, rétroactivement, le contrat de bail conclu ». Il se prévaut de la jurisprudence administrative, et notamment d’un arrêt de la Cour administrative du 18 novembre 2008, pour faire valoir qu’en présence d’un loyer respectant la législation sur le bail à loyer, l’apparence juridique d’une relation de location n’aurait pas été utilement renversée quel que soit le lien entre le bailleur et le locataire et devrait donc être entérinée. Quant à l’argumentation du délégué du gouvernement relative à l’appréciation d’après des critères économiques à faire en droit fiscal, l’intimé affirme qu’il aurait respecté le but économique de la législation sur le bail à loyer et qu’admettre une requalification par le droit fiscal en raison d’une insuffisance de loyer créerait un « Wertungswiderspruch » entre la législation sur le bail à loyer et la loi fiscale, de manière que l’ordre juridique en deviendrait schizophrène.

L’intimé demande encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500.- euros en faisant valoir qu’après avoir agi lui-même sans l’assistance d’un avocat à la Cour devant le directeur et le tribunal administratif, il aurait été contraint par l’appel étatique de charger un avocat de la défense de ses intérêts et que, face à l’appel « manifestement dépourvu de fondement », il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais afférents.

L’article 98 (1) LIR définit et délimite cinq catégories de revenus de location de biens qui, fiscalement, déclenchent un revenu taxable et parmi lesquelles figurent :

 au point 1., une source de revenus effective constituée par « la location et de l’affermage de biens meubles ou immeubles, pour autant que ce revenu n’est pas à classer aux numéros 2 [concessions de droits d’exploitation ou d’extraction de substances minérales ou fossiles] et 3 [redevances payées pour l’usage ou la concession de l’usage, de droits d’auteur, de brevets etc] ci-

après », et  au point 5., une source de revenus fictive constituée par « la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire, y compris celle de dépendances ».

C’est d’abord par une analyse correcte que le tribunal a retenu que le litige sous examen soulève la question de savoir si le revenu que Monsieur … a perçu durant l’année 2006 au titre de la mise en location d’une partie de sa maison d’habitation rentre sous les prévisions du point 1 de l’article 98 (1) LIR ou s’il faut qualifier cette relation contractuelle de simple mise à disposition gratuite avec participation aux frais, impliquant que les frais d’obtention y relatifs, hormis les intérêts débiteurs, engendrant une perte substantielle de la location du bien ne seraient pas déductibles.

C’est encore à bon droit que le tribunal s’est référé à un arrêt de la Cour du 18 novembre 2008 (n° 24712C du rôle) pour décider que le loyer convenu en l’espèce, dépassant légèrement le loyer maximal autorisé par la loi du 14 février 1955, ne saurait être qualifié de loyer réduit et ne saurait partant justifier à lui seul et en l’absence d’autres éléments concordants et suffisants en ce sens une requalification de la relation contractuelle en mise à disposition gratuite avec participation aux frais, entraînant que la valeur locative forfaitaire prévue par l’article 98 (1) 5. LIR devrait trouver application. En effet, l’autonomie du droit fiscal ne peut pas aller jusqu’à priver d’effet des dispositions claires et précises d’autres branches du droit, comme, en l’espèce, l’institution d’un plafond légal pour la fixation d’un loyer, en contraignant le contribuable au non-respect de ces dispositions afin d’échapper à une requalification fiscale de certaines opérations.

Cependant, c’est à tort que le tribunal, après avoir constaté que le loyer convenu entre l’intimé et son locataire dépassait légèrement le maximum légal fixé par la loi du 14 février 1955, a mis un terme à son analyse de la relation contractuelle litigieuse invoquée par l’intimé et a réformé sur cette seule base la décision directoriale entreprise en ce sens que les recettes perçues par le demandeur durant l’année 2006 constituaient un revenu de location au sens de l’article 98 (1) 1. LIR.

En effet, dans son arrêt prévisé du 18 novembre 2008, la Cour avait retenu que c’est une relation contractuelle réelle et non critiquable d’un point de vue civil qui crée une apparence juridique à l’appui d’une qualification des revenus afférents comme revenus de location au sens de l’article 98 (1) 1. LIR, que dans le cadre de la recherche de la réalité économique par le droit fiscal concernant un contrat de bail, il importe d’avoir égard à la formation et à l’exécution de ce contrat qui doivent correspondre à ce qui est d’usage entre tiers et qu’une requalification fiscale de l’opération doit reposer sur des indices concrets et concordants se dégageant des éléments d’appréciation soumis en cause.

Il s’ensuit que si le niveau du loyer convenu entre parties peut constituer un élément d’appréciation dans l’analyse de la réalité économique de l’opération pour autant qu’il se situe en-dessous du plafond légal admissible, il ne constitue pas le seul élément à prendre en considération et il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de nature à dégager la réalité économique de l’opération sous-jacente à l’usage de certaines formes juridiques, en l’occurrence celle d’un contrat de bail.

Or, si le bureau d'imposition avait, dans son courrier d’information du 18 mai 2007, fondé la requalification fiscale de la location invoquée par l’intimé exclusivement sur le niveau du loyer convenu, il n’en reste pas moins que le directeur avait en plus ajouté, dans sa décision entreprise du 30 juin 2008, la considération « que l'utilisation commune de certaines parties de la maison, autrement privatives, telle la cuisine, ensemble avec le loyer modique sont des éléments à ébranler l'hypothèse d'une location dans les conditions comme elles sont d'usage entre tiers » et que le délégué du gouvernement a repris dans son argumentaire dans le cadre de la procédure contentieuse cette considération, tout en ajoutant que le bail n’aurait été conclu que pour une courte durée, à savoir quelques mois, et qu’en réalité le bailleur et le locataire auraient vécu en couple depuis l’année 2006, fait qui serait corroboré par leur déclaration conjointe de partenariat à … en date du 19 octobre 2007.

La Cour estime que ces éléments pris ensemble sont effectivement de nature à fonder en l’espèce des doutes valables sur la réalité économique de la formation et de l’exécution d’une relation contractuelle de bail à loyer comme entre tierces personnes. En effet, si la colocation peut être considérée comme usuelle dans le chef de plusieurs personnes qui prennent ensemble en location un immeuble et se partagent l’usage des pièces essentielles, une telle colocation volontaire faite par un propriétaire déjà installé dans sa maison en faveur d’une personne venant le rejoindre par la suite ne peut être considérée comme usuelle. Le soupçon légitime de l’existence d’autres relations entre l’intimé et son locataire au moment de la conclusion du contrat de bail se trouve conforté par la déclaration de partenariat faite par eux le 19 octobre 2007.

Pour le surplus, la Cour est amenée à constater à partir des éléments lui soumis en cause que l’intimé n’a pas autrement corroboré l’effectivité de la formation du contrat de bail et de son exécution durant l’année 2006. En effet, il n’a versé en cause à aucun stade de la procédure contentieuse une copie de ce contrat de bail et il n’a fourni aucune explication sur les démarches par lui accomplies en vue de la mise en location d’une partie de son immeuble, par exemple au moyen d’annonces ou de l’intervention d’une agence immobilière, sur la manière dont son locataire s’est mis en rapport avec lui en vue de la conclusion d’un contrat de bail et sur le moment à partir duquel leur relation est devenue personnelle au-delà de la simple relation contractuelle, de manière à ne pas autrement établir la réalité d’une formation effective d’une relation contractuelle entre bailleur et locataire. De même, l’intimé n’a versé en cause aucune preuve de la réalité de l’exécution du contrat, à savoir de paiements des loyers mensuels et des décomptes de frais. En l’absence de précisions de l’intimé, la Cour est encore amenée à considérer le loyer mensuel indiqué de 150.- euros comme recouvrant également les frais locatifs, ce qui ébranle encore davantage la réalité d’un loyer versé, compte tenu des frais locatifs normalement égaux à au moins une centaine d’euros par mois.

Dans ces conditions, la Cour est amenée à conclure que l’existence d’une relation contractuelle de location effective entre l’intimé et son cocontractant ne se dégage pas à suffisance de droit et de fait de l’ensemble des éléments en cause, de manière que le revenu négatif de -4.179,56.- euros invoqué de ce chef par l’intimé ne peut pas être qualifié de revenu de location de biens au sens de l’article 98 (1) 1. LIR. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le directeur a requalifié la relation entre l’intimé et son cocontractant en mise à disposition gratuite avec participation aux frais et qu’il a décidé que les revenus de location seront dès lors à déterminer comme si le propriétaire disposait lui-même de l'immeuble et que de ce fait la valeur locative forfaitaire prévue par l’article 98 (1) 5. LIR devenait imposable dans le chef de l’intimé.

Il découle de ces développements que l’appel est fondé et que le jugement entrepris du 13 octobre 2009 encourt la réformation en ce sens que le recours de Monsieur … tendant à la réformation de la décision directoriale du 13 juin 2007 est à rejeter comme n’étant pas fondé et qu’il y a lieu de le condamner aux dépens des deux instances.

Eu égard à la solution au fond du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur …, étant donné que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas vérifiées en l’espèce.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 20 novembre 2009 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 13 octobre 2009, rejette le recours en réformation introduit le 25 septembre 2008 par Monsieur … à l’encontre de la décision directoriale entreprise du 30 juin 2008 comme n’étant pas fondé, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur …, condamne l’intimé aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, vice-président, Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, et lu à l’audience publique du 9 mars 2010 au local ordinaire des audiences de la Cour par le vice-président, en présence de la greffière de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

s. WILTZIUS s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier de la Cour administrative 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26350C
Date de la décision : 09/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2010-03-09;26350c ?

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