GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 26158C du rôle Inscrit le 6 octobre 2009
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Audience publique du 25 février 2010 Appel formé par Monsieur …, … contre un jugement du tribunal administratif du 26 août 2009 (no 23524 du rôle) en matière d’impôt sur le revenu
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 6 octobre 2009 par Maître Guillaume LOCHARD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de Monsieur …, demeurant à …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 26 août 2009, à la requête de l’actuel appelant tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 juillet 2007 par laquelle a été rejetée sa réclamation introduite contre le bulletin de l’impôt sur le revenu lui délivré pour l’année d’imposition 2004 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 4 novembre 2009 par Madame le délégué du gouvernement Monique ADAMS ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Guillaume LOCHARD, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Monique ADAMS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2010.
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Dans le cadre de sa déclaration relative à l’impôt sur le revenu pour l’année 2004, Monsieur … sollicita un abattement de revenu imposable pour charges extraordinaires, d'un montant de …. €, du fait de frais qu’il a dû débourser en rapport avec la réparation de diverses malfaçons affectant une maison d’habitation construite par lui-même et sa concubine, l’entreprise de construction ayant exigé des paiements par tranches avant leur réalisation et étant tombée en faillite en cours de chantier.
Après avoir informé l’intéressé de ce qu’il envisageait de ne pas le suivre en sa déclaration relativement auxdites charges extraordinaires et après lui avoir permis de formuler ses observations, le bureau d’imposition de … de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « bureau d’imposition », en date du 3 novembre 2006, émit à l’égard de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2004. Il y fut précisé que « les frais résultant de la faillite de la société … s.à r.l. augmentent la base d’amortissement de l’immeuble construit et ne peuvent partant donner lieu à la déduction d’une charge extraordinaire ».
Par courrier de sa fiduciaire du 1er février 2007, Monsieur … fit saisir le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », d’une réclamation à l’encontre du susdit bulletin d’imposition.
Le 31 juillet 2007, le directeur rejeta cette réclamation au motif que le bureau d’imposition avait à bon droit retenu que les frais invoqués formeraient une partie constitutive du prix de revient de l’immeuble, déductibles par voie d'amortissement dans les conditions définies aux articles 105 alinéa 2 numéro 3 et 106 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après « LIR », et comme telles n’ouvraient pas droit à un abattement de revenu imposable au titre de charges extraordinaires. Le directeur ajouta encore que le montant exact des dépenses restait incertain, la faillite n’étant pas encore clôturée, d’une part, et que même à admettre que certaines des dépenses invoquées ne seraient pas constitutives du prix de revient, le caractère définitif de la charge dépendait d’une condition suspensive, dès lors qu’il ne serait acquis qu'au moment de la clôture de la faillite, d’autre part.
Le 10 octobre 2007, Monsieur … saisit le tribunal administratif d’un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale prévisée du 31 juillet 2007.
Par jugement du 26 août 2009, ledit tribunal reçut le recours principal en réformation en la forme ; déclara irrecevable le recours subsidiaire en annulation ; au fond, déclara non justifié le recours en réformation de Monsieur … et l’en débouta avec mise des frais de l’instance à sa charge.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 6 octobre 2009, Monsieur … a régulièrement interjeté appel contre ce premier jugement.
L’appelant réitère en premier lieu l’exposé des faits à la base de son litige, tel que développé en première instance.
Sur ce, il reproche aux premiers juges d’avoir considéré la dépense litigieuse comme étant des « frais d'obtention en vue de la construction d'un immeuble générant des recettes » et d'en avoir déduit que sa dépense, qui serait dès lors amortissable, serait exclue du « régime de la charge extraordinaire ».
2 Admettant qu’il ne saurait être question de charge extraordinaire déductible que dans la mesure où la dépense en jeu n'est pas déductible par application d'un autre régime, il fait valoir que sa dépense ne serait point amortissable.
S’il existerait une fiction juridique de la valeur locative, telle que posée par l'article 98 (1) 5. LIR, son régime devrait être considéré de façon essentiellement limitée et ce régime n’impliquerait certainement pas une intégration de l'immeuble d'habitation concerné dans le régime des immeubles de rapport, amortissables.
Il est encore soutenu que les frais d'obtention d'un tel immeuble ne seraient pas amortissables, comme l’auraient admis les premiers juges et que l'on ne pourrait parler de « frais d'obtention » mais uniquement de dépenses non déductibles au titre de l'article 127 (2) LIR, de sorte que le régime des charges extraordinaires aurait vocation à s’appliquer.
Or, en l’espèce, la dépense déclarée ne constituerait point un prix normal d'acquisition, mais il s’agirait d’un considérable supplément de prix que l'appelant aurait dû débourser pour éviter un arrêt des travaux de construction par le promoteur.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.
C’est de prime abord à juste titre que les premiers juges ont cadré juridiquement le litige par rapport à l’article 127 LIR en ce qu’il permet à tout contribuable de demander et d’obtenir un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires qui sont « inévitables et qui réduisent d’une façon considérable sa faculté contributive (art. 127 (1) LIR) », à condition toutefois que les dépenses afférentes ne constituent ni des « dépenses d'exploitation », ni des « frais d'obtention », ni encore des « dépenses spéciales » (art.127 (2) LIR).
Le caractère subsidiaire du régime des charges extraordinaires – se situant par essence dans la sphère d’affectation des revenus – tel que consacré par l’article 127 LIR, qui n’est d’ailleurs pas remis en cause par l’appelant, implique la nécessaire analyse préalable de la question de savoir si les dépenses litigieuses ne sont pas à considérer comme rentrant dans l’une de ces trois catégories susdites de dépenses en principe déductibles.
Ceci étant dit, il n’est pas sérieusement contestable, ni même contesté, qu’en présence d’un immeuble d’habitation construit et, par la suite, occupé par l’appelant et sa concubine, qui fait partie de leur patrimoine privé, d’une part, l’appelant n’exploitant par ailleurs pas d'entreprise à caractère commercial, d’autre part, il ne saurait être question ni de « dépense d’exploitation », ni de dépense rentrant dans un des cas de figure limitativement énumérés à l'article 109 LIR.
Il reste à savoir s’il ne s’agit cependant pas de « frais d’obtention » au sens de l'article 105 LIR – se situant par essence dans la sphère de réalisation de revenus –, déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent.
Aux termes du point 1) dudit article 105 LIR « sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ».
3 Aux termes du point 2) 3. du même article constituent également des frais d’obtention « l'amortissement pour usure ou pour diminution de substance visé à l'article 106 [LIR] », l’article de renvoi précisant en son alinéa 1er qu’est ainsi considéré « la déperdition normale tant technique qu'économique (…) [entrant] en ligne de compte (…) pour les biens qui sont [notamment] sources de revenus pour le contribuable », d’une part, et que l’amortissement est déterminé sur base du prix d'acquisition ou de revient, d’autre part.
La notion de prix d’acquisition ou de revient d’un bien englobe l'ensemble des dépenses nécessaires pour le mettre dans son état au moment de l'évaluation et toutes les dépenses assumées en raison de la fabrication du bien envisagé (art. 25 et 26 LIR).
S’agissant d’un bien immeuble d’habitation – partant un objet susceptible de générer des revenus futurs –, le prix d’acquisition ou de revient amortissable comprend toutes les dépenses nécessaires à l'organisation et la surveillance du chantier et à la réalisation et la finition de la construction, y compris les frais accessoires, afin de rendre l'immeuble exploitable, par opposition aux simples dépenses de réparation et d'entretien effectuées après l'achèvement de l'immeuble et directement déductibles en tant que frais d'obtention.
Ainsi, en l’espèce, il convient de rejoindre les premiers juges en leur constat que les dépenses invoquées par l’appelant, exposées en relation avec l’immeuble d’habitation en voie de construction afin de remédier aux vices et malfaçons engendrés par la faillite de l'entreprise de construction, sont à intégrer au prix d’acquisition ou de revient de la construction.
C’est à tort que l’appelant entend voir remettre en cause le fait que ses dépenses sont à considérer comme étant en relation avec une source de revenus imposables.
En effet, dès lors que l'article 98 (1) 5. LIR dispose que la valeur locative de l'habitation occupée par le propriétaire, y compris celle des dépendances, est constitutive d’un revenu provenant de la location de biens, imposable comme tel, la relation de ces dépenses avec une source de revenus est patente.
Il s’ensuit que c’est à juste titre que le directeur en premier et les premiers juges par la suite ont dégagé de l’ensemble des éléments de la cause que les dépenses invoquées par l’actuel appelant sont à considérer comme frais d’obtention, étant précisé que l’amortissement pour usure ou pour diminution de substance visée à l’article 106 LIR rentre également dans cette catégorie, cette qualification les excluant nécessairement de la catégorie des charges extraordinaires déductibles selon le régime institué par l’article 127 LIR.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas justifié et que le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.
Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit l’appel du 6 octobre 2009 en la forme, le dit non fondé et en déboute, 4 partant confirme le jugement entrepris du 26 août 2009, condamne l’appelant aux frais de l’instance.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Erny MAY s. MAY s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier de la Cour administrative 5