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10/11/2009 | LUXEMBOURG | N°25832C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 10 novembre 2009, 25832C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 25832C Inscrit le 22 juin 2009

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Audience publique du 10 novembre 2009 Appel formé par Monsieur XXX XXX, XXX contre un jugement du tribunal administratif du 14 mai 2009 (n° 24619 du rôle) rendu suite à son recours dirigé contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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Vu la requête d’appel, inscrite ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 25832C Inscrit le 22 juin 2009

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Audience publique du 10 novembre 2009 Appel formé par Monsieur XXX XXX, XXX contre un jugement du tribunal administratif du 14 mai 2009 (n° 24619 du rôle) rendu suite à son recours dirigé contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 25832C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juin 2009 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, demeurant à L-XXX, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 14 mai 2009, par lequel ledit tribunal, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a déclaré non fondé le recours en annulation introduit par Monsieur XXX contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 7 mai 2008 portant refus de lui délivrer une autorisation d’établissement pour l’exercice du métier de mécanicien dentaire ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 16 juillet 2009 par Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 août 2009 par Maître Eyal GRUMBERG en nom et pour compte de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 août 2009 par Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 20 octobre 2009, ainsi que Maître Stéphane BOHR, en remplacement de Maître Eyal GRUMBERG, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries.

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Par lettre de son mandataire du 11 mars 2008, Monsieur XXX XXX sollicita auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », une autorisation d’établissement en vue de l’exercice du métier de mécanicien dentaire.

Par décision du 2 avril 2008, le ministre refusa de faire droit à cette demande au motif que Monsieur XXX ne remplissait pas la condition de qualification professionnelle requise pour l’exercice du métier de mécanicien dentaire, référencé sous le numéro 210-00 de la liste prévue au règlement grand-ducal du 4 février 2005 ayant pour objet notamment d’établir une nouvelle liste des métiers principaux et secondaires, prévus à l’article 13 (1) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée la « loi du 28 décembre 1988 ». Le ministre précisa que ce métier était soumis à la possession d’un brevet de maîtrise afférent ou de pièces justificatives équivalentes conformément aux dispositions de l’article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988 et du règlement grand-

ducal du 15 septembre 1989 déterminant les critères d’équivalence prévus à l’article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988, tel que modifié par un règlement grand-ducal du 4 février 2000, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 », et que l’intéressé n’avait pas produit ces preuves.

Par lettre de son mandataire du 14 avril 2008, Monsieur XXX fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision de refus précitée, dans lequel il fit valoir, en se fondant sur l’article 1er du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989, qu’il ressortirait des pièces soumises au ministre ensemble avec la demande d’autorisation qu’il disposait des pièces justificatives reconnues comme équivalentes au sens de l’article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988, à savoir un CATP de mécanicien dentaire du 18 septembre 1987, ainsi que des attestations de l’exercice d’une pratique professionnelle de plusieurs années dans la profession artisanale de mécanicien dentaire au sein d’un laboratoire dentaire. Il précisa également qu’il serait affilié au Luxembourg en tant qu’artisan-commerçant depuis le 1er janvier 1993.

Par courrier du 7 mai 2008, et suite à un avis unanimement défavorable du 24 avril 2008 de la commission prévue à l’article 2 de la loi du 28 décembre 1988, le ministre informa le mandataire de Monsieur XXX de ce qu’il maintenait sa décision de refus antérieure du 2 avril 2008, en l’absence de tout élément probant nouveau. Il informa le mandataire à toutes fins utiles que « le diplôme de CATP cumulé à l’expérience professionnelle ne sont pas suffisants pour l’exercice d’un métier principal. L’article 13 (2) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 sur le droit d’établissement, ainsi que les règlements d’exécutions y relatifs, requièrent que toute personne souhaitant s’établir dans un métier principal, doit au moins disposer du brevet de maîtrise, d’un diplôme d’ingénieur dans cette branche ou du baccalauréat et six années en fonction dirigeante ».

Saisi par requête déposée en nom et pour compte de Monsieur XXX le 15 juillet 2008, le tribunal administratif, par jugement du 14 mai 2009, se déclara incompétent pour connaître du recours en réformation et rejeta pour manquer de fondement le recours en annulation dirigés contre la susdite décision ministérielle du 7 mai 2008, confirmative sur recours gracieux de la décision de refus initiale prévisée du 2 avril 2008.

Le tribunal constata qu’en vertu de l’article 1er troisième tiret du règlement grand-ducal du 4 février 2005 ayant pour objet notamment d’établir une nouvelle liste des métiers principaux et secondaires, prévus à l’article 13 (1) de la loi du 28 décembre 1988, l’activité de mécanicien dentaire était à considérer comme un métier principal et que Monsieur XXX n’était pas titulaire d’un brevet de maîtrise ou d’un diplôme requis en application de l’article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988 pour l’exercice de ce métier.

Concernant le pouvoir ministériel de reconnaître à un postulant une qualification professionnelle suffisante sur la base de pièces justificatives reconnues comme équivalentes (article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988), les premiers juges estimèrent que le ministre aurait valablement pu considérer que le demandeur ne peut pas valablement se prévaloir de son CATP obtenu en 1987 pour le métier de mécanicien dentaire dès lors qu’un CATP n’est pas équivalent à un diplôme de fin d’études secondaires, condition pourtant requise par l’article 5 du règlement grand-

ducal du 15 septembre 1989 pour documenter une qualification professionnelle équivalente au brevet de maîtrise.

Concernant la violation invoquée des dispositions de l’article 4 de la directive 1999/42/CE, les premiers juges constatèrent que cette directive avait été abrogée à compter du 20 octobre 2007 par la directive 2005/36/CE du parlement européen et du conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et qu’il convenait de se référer à l’article 17 de cette dernière.

Sur ce, ils retinrent que le demandeur rentrerait dans le champ d’application de la directive 2005/36/CE, au motif que contrairement à la thèse étatique, il ne s’agirait en l’occurrence pas d’une situation purement interne, le demandeur ayant fait usage de sa liberté de circulation et étant en droit de s’en prévaloir à l’encontre de son propre Etat. Les premiers juges se référèrent dans ce contexte à l’article 2, paragraphe 1 de ladite directive disposant qu’elle s’applique « à tout ressortissant d’un Etat membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un Etat membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles, soit à titre indépendant, soit à titre salarié ».

Au motif que la notion de « qualifications professionnelles » vise, conformément à la définition qui en est donnée à l’article 3, paragraphe 1, point b) de la directive 2005/36/CE, également l’expérience professionnelle, le demandeur, ressortissant luxembourgeois, qui invoque son expérience acquise en France, pourrait, aux yeux des premiers juges, se prévaloir de ladite directive pour obtenir le bénéfice de la reconnaissance au Luxembourg, s’il souhaite y pratiquer la profession réglementée.

Se plaçant ensuite dans le cadre tracé par les articles 16 à 19 de la directive 2005/36/CE, les premiers juges estimèrent que l’expérience professionnelle acquise par le demandeur en France à partir du 1er mars 2003, en tant que gérant d’une société à responsabilité limitée de droit français, à savoir la société Laboratoire dentaire XXX s.à r.l., ne satisfait à aucune des exigences posées par l’article 17, paragraphe 1. Ainsi, ils rejetèrent le moyen d’annulation tiré d’une violation des dispositions de la directive 2005/26/CE pour ne pas être fondé.

Ils estimèrent encore qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 43 du traité CE, dans la mesure où le demandeur ne disposait pas de la qualification professionnelle nécessaire pour l’exercice du métier de mécanicien dentaire et que de la sorte il ne saurait être question d’une violation de la liberté d’établissement.

Au vu de l’issue du litige, ils rejetèrent enfin la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros, formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour le 22 juin 2009, Monsieur XXX a régulièrement fait entreprendre le jugement du 14 mai 2009.

A travers sa requête d’appel, ensemble son mémoire en réplique, l’appelant conclut à la réformation du jugement entrepris en ce sens qu’il entend voir annuler le refus ministériel du 7 mai 2008.

Il reproche plus particulièrement aux premiers juges d’avoir estimé qu’il ne disposerait pas d'une expérience suffisante conformément aux articles 16 et 17 de la directive 2005/36/CE.

Comme en première instance, il fait exposer que de 1984 à 1990, il aurait travaillé comme mécanicien dentaire dans des laboratoires dentaires ; qu’en 1987, il aurait passé son certificat d’aptitude technique et professionnelle (CATP) dans le métier de mécanicien dentaire et qu’il serait affilié auprès du Centre commun de la Sécurité sociale depuis lors en qualité d’artisan ; que le 1er mars 1991, il aurait créé en France une société à responsabilité limitée dénommée XXX, avec siège à XXX, ayant comme objet le commerce, la réparation et la fabrication, en France et à l’étranger, de prothèses et fournitures dentaires, société dont il aurait été le gérant unique, étant précisé que cette société aurait été dissoute « de manière anticipée le 31 mars 1992 et clôturée le 30 juin de la même année » ; qu’en parallèle, il aurait encore exercé la profession de mécanicien dentaire au Luxembourg, en constituant le 11 février 1992 la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois XXX Sàrl, établie et ayant son siège social à L-XXX, dans laquelle il serait l’associé et le gérant administratif, et qui serait titulaire d’une autorisation d’établissement et que le 1er mars 2003, il aurait constitué en France une nouvelle société à responsabilité limitée dénommée Laboratoire dentaire XXX, dont il serait l’associé gérant et dont l’objet social aurait consisté en la fabrication et la réparation de prothèses dentaires.

Sur ce, il soutient satisfaire aux exigences énoncées à l’article 17 de la directive 2005/36/CE, prise en son point a), c’est-à-dire en ce qu’elle prévoit un exercice de l’activité « pendant six années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d'entreprise », sinon en son point e), en ce qu’il y est visé un exercice préalable de l’activité « pendant cinq années consécutives dans une fonction de cadre supérieur, le bénéficiaire ayant été durant trois années au moins chargé de tâches techniques et responsable d'au moins un département de l'entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu'il a reçu, pour l'activité en question, une formation préalable d 'au moins trois ans sanctionnée par un certificat reconnu par l'Etat membre ou jugé pleinement valable par un organisme professionnel compétent ».

Ainsi, selon l’appelant, le point a) de l’article 17 de la prédite directive trouverait à s'appliquer en l'espèce, au motif qu’il aurait été gérant et associé d’une société dès 1991 et qu'à l'heure actuelle, il exercerait toujours la même profession, « de manière continue en ayant entre temps poursuivi l'activité sur le territoire luxembourgeois (à partir de l'année 1992) puis en recréant sa société française tout en maintenant la luxembourgeoise ». Il reproche aux premiers juges de n’avoir considéré qu’une durée d’activité professionnelle de 5 ans, 4 mois et 7 jours, alors qu’au jour du dépôt de sa demande, il aurait été en exercice continu depuis 16 ans, 2 mois et 7 jours.

Pour le cas où il conviendrait de retenir que la durée de l'exercice de son activité ne serait à calculer que depuis mars 2003, date à laquelle il s’est inscrit auprès de la Chambre des métiers de Moselle, le point e) de l'article 17 de la directive 2005/36/CE serait encore applicable, au motif qu’il ne pourrait être « contesté que Monsieur XXX XXX a eu une fonction de dirigeant qui recouvre nécessairement la fonction de cadre supérieur, et ce pendant au moins cinq ans, quatre mois et sept jours ».

Dans ce contexte, il relève être titulaire d'un CATP dans le métier de mécanicien dentaire délivré par le ministère de l'Education nationale luxembourgeois, qui constituerait une « formation d'au moins trois années sanctionnée ».

Rétorquant aux conclusions du délégué du gouvernement, il estime qu’en tant que migrant communautaire, la directive 2005/36/CE lui serait parfaitement applicable.

Il soutient que le délégué ferait une interprétation erronée de ladite directive « notamment quant à la détermination de l'Etat membre d'accueil et d'origine », au motif qu’en l’espèce, le pays d'accueil serait le Luxembourg « puisque l'autorisation de s'établir a été adressée au Luxembourg » et qu’il serait faux de considérer le Luxembourg comme pays d'origine en raison du seul fait qu’il est un ressortissant luxembourgeois.

Il conviendrait donc de prendre en considération l'expérience professionnelle par lui acquise en France.

Concernant l'effectivité de son expérience professionnelle en France au motif qu’il aurait été en même temps affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise, il fait valoir que « l'exercice de la profession au Luxembourg n'exclut pas l'exercice en France » et que rien ne l’aurait empêché « d'exercer tantôt au sein de sa société française, tantôt au sein de sa société luxembourgeoise », de sorte à avoir acquis une expérience professionnelle tant en France qu’au Luxembourg.

L’appelant conclut encore à la condamnation de l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens de l'instance d’appel et au paiement d’une indemnité de procédure d’un import de 2.000.- €.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel.

Il estime que l’appelant ne saurait prétendre à la délivrance d’une autorisation d’établissement pour le métier principal de mécanicien dentaire que ce soit en vertu des dispositions légales luxembourgeoises que sur base de la directive 2005/36/CE.

Concernant plus particulièrement l’applicabilité et l’application des dispositions de la directive 2005/36/CE, le délégué fait en premier lieu valoir que ladite directive ne serait pas applicable, au motif que l’appelant ne serait pas à considérer comme migrant communautaire au sens de la prédite directive « alors qu'il est un ressortissant luxembourgeois, qui a toujours habité et travaillé au Luxembourg » et qu’il y aurait accompli l'intégralité de sa scolarité et sa seule et unique formation, à savoir le CATP. Il est ajouté que l’appelant serait affilié de façon ininterrompue au Luxembourg auprès du Centre commun de la sécurité sociale depuis 1984, serait actionnaire et dirigeant de la société luxembourgeoise XXX depuis 1993 et n’aurait jamais obtenu le moindre titre de formation en France.

Invoquant le considérant 12 de la directive 2005/36/CE, le délégué soutient que l’appelant essaierait de contourner le système de la directive pour obtenir au Luxembourg la reconnaissance d’un titre de formation luxembourgeois insuffisant d’après le droit luxembourgeois pour l’exercice du métier de mécanicien dentaire. Il ajoute que la société française que l’appelant a pu créer ne constituerait qu’une société « boîte à lettre » sans activité réelle constituée dans le seul but de servir à l’appelant pour invoquer le bénéfice de la directive 2005/36/CE.

En second lieu, pour le cas où la directive 2005/36/CE aurait néanmoins vocation à s’appliquer en l’espèce, le délégué soutient que les dispositions du chapitre II du titre III de ladite directive (articles 16 à 20) relatifs à la reconnaissance de l’expérience professionnelle ne seraient pas applicables, au motif que le métier de mécanicien dentaire constituerait une activité qui n'est pas couverte par ledit chapitre II de celle-ci.

Au contraire, il conviendrait d’apprécier la qualification professionnelle de l’appelant d'après le système général prévu par la directive 2005/36/CE, d’après lequel le CATP luxembourgeois de Monsieur XXX serait insuffisant pour lui reconnaître la qualification de mécanicien dentaire.

Force est de prime abord de noter que c’est à juste titre – la question n’étant plus remise en discussion en instance d’appel – que les premiers juges ont retenu que Monsieur XXX ne satisfait pas aux conditions posées en droit luxembourgeois en vue de la reconnaissance d’une qualification professionnelle suffisante pour l’exercice du métier de mécanicien dentaire.

En effet, le métier principal de mécanicien dentaire (numéro 210-00 sur la liste établie par le règlement grand-ducal précité du 4 février 2005) requiert pour son exercice (article 13 de la loi du 28 décembre 1988) que le postulant est titulaire soit d’un brevet de maîtrise soit d’un diplôme universitaire ou d’enseignement supérieur ou d’un certificat de fins d’études universitaires ou d’enseignement supérieur d’ingénieur de la branche sanctionnant l’accomplissement d’un cycle complet d’au moins quatre années, ce dont Monsieur XXX ne dispose pas.

Si, en l’absence de pareil diplôme, le ministre compétent dispose certes du pouvoir, lui reconnu par l’article 13 (2) de la loi du 28 décembre 1988, de reconnaître une qualification professionnelle suffisante sur la base de pièces justificatives reconnues comme équivalentes, il n’en reste pas moins que le seul titre dont Monsieur XXX est titulaire, à savoir le CATP pour le métier de mécanicien dentaire lui délivré en 1987, ne saurait être considéré comme constituant une pièce équivalente au brevet de maîtrise dudit métier pour ne point satisfaire aux critères déterminés par l’article 5 du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 en ce qu’il requiert à ce titre un « diplôme de fin d’études secondaires ou un diplôme scolaire de même niveau, accompagné de la preuve de l’accomplissement de fonctions dirigeantes dans une entreprise artisanale pendant une période continue d’au moins six années ».

L’appelant prétend cependant à se voir reconnaître une qualification professionnelle suffisante par application directe de l’article 17 de la directive 2005/36/CE – non encore transposée en droit interne au moment de la prise de la décision litigieuse, bien que le délai de transposition ait expiré le 20 octobre 2007, mais, en principe, directement applicable en vue de son caractère suffisamment précis –.

La Cour est en premier lieu appelée à répondre à l’argumentaire du délégué du gouvernement tablant sur la non-applicabilité en l’espèce de la directive 2005/36/CE. – En effet, ce simple moyen de défense invoqué par l’Etat intimé est recevable – bien que erronément qualifié d’appel incident dans le mémoire en duplique, alors que l’Etat n’a ni besoin ni même intérêt à interjeter appel contre le jugement entrepris qui lui donne, de par son dispositif, entière satisfaction – et préalable.

La directive 2005/36/CE a pour objet d’établir les règles selon lesquelles un Etat membre de l’Union européenne qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres Etats membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.

Le considérant 12 de la directive 2005/36/CE précise que « la présente directive (…) ne concerne toutefois pas la reconnaissance par les Etats membres des décisions de reconnaissance prises en vertu de la présente directive par d’autres Etats membres. En conséquence, une personne dotée de qualifications professionnelles reconnues en vertu de la présente directive ne peut se prévaloir de cette reconnaissance pour obtenir dans son Etat membre d’origine des droits différents de ceux que confère la qualification professionnelle qu’elle y a obtenue, à moins qu’elle n’apporte la preuve qu’elle a acquis des qualifications professionnelles dans l’Etat membre d’accueil ».

Il se dégage de ce considérant que la directive entend clairement ne pas admettre qu’un ressortissant puisse s’en servir pour contourner le système.

Dans ce contexte, la Cour rejoint l’analyse des premiers juges qui ont pu retenir à bon escient que la directive exclut le cas d’un ressortissant de l’Union européenne qui suit une formation dans son Etat membre d’origine, mais n’y acquiert pas le titre de formation qui lui donne accès à la profession dans ce pays à l’issue de sa formation, et qui se rend ensuite dans un autre Etat membre qui reconnaît la formation qu’il a suivie dans son pays d’origine sur la base de sa formation, sans suivre aucune autre formation ou acquérir une nouvelle expérience professionnelle dans l’autre Etat membre. Cette personne ne peut se prévaloir de cette reconnaissance par l’autre Etat membre pour travailler dans son Etat d’origine.

Néanmoins, le considérant 12 réserve expressément l’hypothèse où le migrant a « acquis des qualifications professionnelles » - c’est-à-dire suivi une formation additionnelle ou a acquis une expérience supplémentaire - dans l’autre Etat membre, cas de figure dont l’actuel appelant entend se prévaloir, en invoquant son expérience professionnelle supplémentaire acquise en France depuis le 1er mars 2003 au sein de la société française Laboratoire dentaire XXX.

Il est vrai que cette expérience est en principe de nature à rendre la directive 2005/36/CE applicable en l’espèce, à condition que l’expérience professionnelle invoquée s’analyse en outre en « l’exercice effectif et licite de la profession concernée » (cf. la définition de la notion d’« expérience professionnelle » énoncée à l’article 3 1. f) de la directive 2005/36/CE).

Or, force est de constater que d’un côté, au regard des éléments d’appréciation et de preuve soumis à la Cour, à savoir, des statuts de la société de droit français Laboratoire dentaire XXX, d’un extrait du registre des métiers tenu par la Chambre de métiers de la Moselle et d’une attestation CE de la Chambre de Métiers et de l’artisanat de la Moselle, ainsi que d’un extrait du registre du commerce et des sociétés tenu auprès du greffe du tribunal d’instance de Metz, il appert que l’appelant a constitué ladite société Laboratoire dentaire XXX le 1er mars 2003, qu’il en est l’associé-gérant unique, qu’elle est établie à proximité de la frontière luxembourgeoise à XXX et que l’appelant l’exploite depuis lors. Il se dégage de ces éléments pour le moins une apparence de réalité des affirmations de l’appelant.

D’un autre côté, la simple allégation du délégué du gouvernement de ce que ladite structure sociétaire ne constituerait qu’une simple structure fantôme, en absence du moindre indice concret la sous-tendant, n’est pas de nature à renverser ou ne serait-ce qu’à ébranler utilement ladite apparence. - Il convient d’ajouter que le simple fait que l’appelant vit au Luxembourg et celui qu’il travaille également pour compte d’une société luxembourgeoise sont des considérations qui à elles seules ne permettent pas de contredire la réalité des activités au sein de la structure française.

Il s’ensuit qu’en l’état du dossier, la Cour est amenée à retenir que l’expérience professionnelle supplémentaire acquise en France depuis le 1er mars 2003 est de nature à justifier l’application de la directive 2005/36/CE.

Ceci étant, il convient cependant de constater que l’article 17, figurant au chapitre II (« Reconnaissance de l’expérience professionnelle ») du titre III de la directive 2005/36/CE n’a, contrairement à ce que les premiers juges ont admis implicitement, pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

En effet, aux termes de l’article 16 de la directive 2005/36/CE : « Lorsque, dans un État membre, l'accès à l'une des activités énumérées à l'annexe IV, ou son exercice, est subordonné à la possession de connaissances et d'aptitudes générales, commerciales ou professionnelles, cet État membre reconnaît comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l'exercice préalable de l'activité considérée dans un autre État membre. Cette activité doit avoir été exercée conformément aux articles 17, 18 et 19 ».

L’article 17, intitulé « Activités figurant sur la liste I de l'annexe IV », précise que :

« 1. Dans le cas d'activités figurant sur la liste I de l'annexe IV, l'exercice préalable de l'activité considérée doit avoir été effectué:

a) soit pendant six années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d’entreprise ;

b) soit pendant trois années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d'entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu'il a reçu, pour l'activité en question, une formation préalable d'au moins trois ans sanctionnée par un certificat reconnu par l'État membre ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent;

c) soit pendant quatre années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant d'entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu'il a reçu, pour l'activité en question, une formation préalable d'au moins deux ans sanctionnée par un certificat reconnu par l'État membre ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent;

d) soit pendant trois années consécutives à titre indépendant, lorsque le bénéficiaire prouve qu'il a exercé l'activité en question à titre salarié pendant cinq ans au moins;

e) soit pendant cinq années consécutives dans une fonction de cadre supérieur, le bénéficiaire ayant été durant trois années au moins chargé de tâches techniques et responsable d'au moins un département de l'entreprise, lorsque le bénéficiaire prouve qu'il a reçu, pour l'activité en question, une formation préalable d'au moins trois ans sanctionnée par un certificat reconnu par l'État membre ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent.

2. Dans les cas visés aux points a) et d), cette activité ne doit pas avoir pris fin depuis plus de dix ans à la date de la présentation du dossier complet de l'intéressé auprès de l'autorité compétente visée à l'article 56 (…) ».

Or, étant précisé que le chapitre II du titre III de la directive 2005/36/CE prévoit un régime dérogatoire – pour certaines activités industrielles, artisanales et commerciales énumérés – au régime général de reconnaissance des titres de formation tel qu’organisé au chapitre I de ladite directive, force est de constater que le métier de mécanicien dentaire ne figure ni sur la liste 1, ni d’ailleurs sur une des autres listes de l’annexe IV de ladite directive.

Au contraire, en ce qui concerne le Luxembourg, la formation de mécanicien dentaire figure sur l’Annexe II de la directive 2005/36/CE en ce qu’elle a trait au « Secteur des maîtres-artisans (Mester/Meister/Maître) » - qui insiste expressément sur ce qu’elle vise « des formations relatives aux activités artisanales non couvertes par le titre III, chapitre II, de la présente directive » - et comme telle relève du régime général de reconnaissance des titres de formation.

Il s’ensuit que la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges en leur conclusion que le moyen d’annulation de décision ministérielle litigieuse tiré d’une violation de l’article 17 de la directive 2005/26/CE est à écarter pour manquer de fondement bien que pour des motifs autres que ceux retenus par les premiers juges.

A défaut d’autre moyen, notamment en ce qui concerne les dispositions du régime général de reconnaissance des titres de formation, l’appel est partant à rejeter.

Au regard de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’appelant est à rejeter pour manquer de fondement.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel du 22 juin 2009 en la forme ;

le dit cependant non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 14 mai 2009 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’appelant ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

s. MAY s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 11 novembre 2009 Le Greffier en chef de la Cour administrative 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25832C
Date de la décision : 10/11/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2009-11-10;25832c ?

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