N° 52/ 08.
du 20.11.2008.
Numéro 2554 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt novembre deux mille huit.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Andrée WANTZ, conseillère à la Cour de cassation, Jean-Claude WIWINIUS, président de chambre à la Cour d’appel, Jacqueline ROBERT, première conseillère à la Cour d’appel, Joséane SCHROEDER, première conseillère à la Cour d’appel, John PETRY, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
E n t r e :
X.), demeurant à B-(…),(…), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :
1) Y.), demeurant à F-(…), (…), 2) l’association sans but lucratif BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE, établie et ayant son siège social à L-(…), (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, défendeurs en cassation, comparant par Maître Jean BRUCHER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) la société de droit néerlandais SOC1.), établie et ayant son siège social à NL-(…), (…), 4) Z.), (…), demeurant à NL-(…), (…), 5) l’ASSOCIATION D’ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, section industrielle, établissement public établi et ayant son siège à L-(…), 2 (…), représentée par le Président de son comité directeur actuellement en fonction, 6) la CAISSE DE PENSION DES EMPLOYES PRIVES, établissement public établi et ayant son siège social à L-(…), (…), représentée par le Président de son comité directeur actuellement en fonction, 7) la société anonyme SOC2.), établie et ayant son siège social à L-(…), (…), venant en vertu d’une fusion par absorption aux droits de la BANQUE (…), (anciennement nommée BANQUE (…) ayant eu son siège social à L-
(…), (…)
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de Madame Andrée WANTZ et sur les conclusions de Monsieur le Procureur Général d’Etat Jean-Pierre KLOPP ;
Vu l’arrêt attaqué du 13 juin 2007 rendu par la deuxième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation de X.), signifié le 25 octobre 2007 et déposé le 8 novembre 2007 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse de Y.) et du BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE, signifié le 13 décembre 2007 et déposé le 20 décembre 2007 au greffe de la Cour ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les autres pièces de la procédure auxquelles la Cour de cassation peut avoir égard, que X.) a été victime d’un accident de circulation plus précisément d’une collision en chaîne ; qu’il s’est encastré avec sa voiture à l’arrière du camion remorque à l’arrêt de la société néerlandaise SOC1.), piloté par Z.) et que sa voiture a ensuite été percutée à l’arrière par la voiture conduite par Y.) ; qu’X.) a assigné en indemnisation la société SOC1.) et le BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE en sa qualité de représentant de l’assureur de cette dernière sur base de l’article 1384 alinéa 1ier et 3ième du code civil, Z.) sur base des articles 1382 et 1383 3 du code civil et Y.) et le BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE en sa qualité de représentant de l’assureur de celui-ci sur base de l’article 1384 alinéa 1ier du code civil ;
Que par un jugement qui n’a pas fait l’objet d’un recours, le tribunal d’arrondissement a dit non fondée la demande pour autant qu’elle fut dirigée contre la société SOC1.), le BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE et contre Z.); qu’il a dit la demande fondée en principe sur base de l’article 1384 alinéa 1ier du code civil à l’encontre de Y.) et du BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE et ordonné une expertise pour déterminer dans quelle mesure X.) a subi un dommage corporel, matériel et moral du chef de la deuxième collision par la voiture de Y.) ;
Que le tribunal, statuant en continuation quant au résultat de l’expertise, après avoir constaté qu’il n’est pas établi si les blessures du demandeur proviennent du premier, du deuxième ou bien des deux impacts et que les conditions d’application de l’article 1384 alinéa 1ier du code civil sont remplies, a condamné Y.) et le BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILE à payer une provision à X.) et a ordonné une nouvelle expertise pour évaluer le dommage corporel accru à X.) en tenant compte d’éventuels recours d’organismes de sécurité sociale ;
Que l’arrêt attaqué réforma ce dernier jugement en disant que la demande de X.) n’était pas fondée alors qu’il n’avait pas rapporté la preuve de son dommage en relation avec le deuxième choc ;
Sur l’unique moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 1384 alinéa 1ier du code civil, en ce que l’arrêt attaqué, après avoir constaté que l’automobiliste X.) avait été grièvement blessé dans un accident de la circulation dans lequel étaient impliqués le camion-remorque piloté par Z.) et appartenant à la société de droit néerlandais SOC1.) ainsi que la voiture conduite par Y.) et après avoir constaté que le gardien du prédit camion-remorque était parvenu à s’exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui, a imposé à X.) une ventilation de son dommage et a dit la demande en dommages-intérêts de X.) dirigée contre Y. non fondée au motif que X.) ne rapportait pas la preuve de son dommage imputable à la seule intervention matérielle du véhicule de Y.), alors cependant que l’article 1384 alinéa 1er du code civil correctement appliqué aurait dû amener la Cour d’appel à retenir la responsabilité de Y.) pour l’intégralité du dommage accru à X.), sauf à Y.) 4 de s’exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui par la preuve d’une cause étrangère et qu’en décidant le contraire, l’arrêt attaqué a violé la disposition visée au moyen » ;
Sur la recevabilité du moyen qui est contestée :
Attendu que les défendeurs en cassation soulèvent l’irrecevabilité du moyen en cassation en lui reprochant d’être mêlé de fait et de droit ;
Mais attendu que les constatations des juges du fond dont les défendeurs en cassation font état sont étrangères au grief formulé par le demandeur en cassation qui se limite à reprocher aux juges du fond de n’avoir pas appliqué correctement l’article 1384 alinéa 1ier du code civil par rapport à la seule responsabilité du défendeur en cassation Y.) ;
Que la Cour de cassation peut statuer par application de la règle de droit invoquée, en ayant recours exclusivement aux faits qui figurent dans la décision attaquée et que les juges du fond ont tenus pour établis ;
Que le moyen est donc recevable ;
Sur le bien-fondé du moyen :
Vu l’article 1384 alinéa 1ier, qui dispose qu’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des choses qu’on a sous sa garde ;
Attendu que la force de la présomption du fait de la chose entrée en contact avec le siège du dommage est telle que le doute qui subsisterait sur la cause exacte du dommage sera supporté par le gardien qui devra alors indemniser la victime pour l’intégralité du dommage subi ;
Attendu que si plusieurs choses interviennent, chacune est censée avoir causé l’entier dommage et que si l’un des gardiens présumé responsable s’est exonéré, l’autre aura la charge exclusive de l’indemnisation ;
Attendu que l’arrêt attaqué, en imposant à la victime la preuve que le dommage corporel subi a été causé par le gardien du véhicule entré en collision avec la voiture de la victime, renverse la charge de la preuve et supprime la présomption de causalité instaurée par l’article 1384 alinéa 1ier dans l’intérêt de la victime ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel a fait une fausse application de l’article 1384, alinéa 1er du code civil ;
5 D’où il suit que l’arrêt encourt cassation ;
Sur la demande en paiement d’une indemnité de procédure :
Attendu que les défendeurs en cassation qui sont condamnés à l’entièreté des frais et dépens de l’instance en cassation ne sauraient prétendre à l’octroi d’une indemnité de procédure ;
Par ces motifs :
casse et annule l’arrêt rendu le 13 juin 2007 sous le numéro 31142 du rôle par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
rejette la demande des défendeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne les défendeurs en cassation aux frais tant de l’instance en cassation que de la décision annulée ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur John PETRY, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.