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13/11/2008 | LUXEMBOURG | N°24455C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 novembre 2008, 24455C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 24455C Inscrit le 3 juin 2008

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Audience publique du 13 novembre 2008 Appel formé par la société anonyme … S.A., … contre un jugement du tribunal administratif du 30 avril 2008 (n°s 22882 et 23384 du rôle) ayant statué sur ses recours dirigés contre des décisions du conseil de la concurrence en matière de concurrence

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 24455C du r...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 24455C Inscrit le 3 juin 2008

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Audience publique du 13 novembre 2008 Appel formé par la société anonyme … S.A., … contre un jugement du tribunal administratif du 30 avril 2008 (n°s 22882 et 23384 du rôle) ayant statué sur ses recours dirigés contre des décisions du conseil de la concurrence en matière de concurrence

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 24455C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 juin 2008 par Maître Henri Frank, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 30 avril 2008 (n°s 22882 et 23384 du rôle) ayant joint les deux recours pour les recevoir en la forme et au fond les déclarer non fondés tout en condamnant la société demanderesse aux frais de l’instance, excepté ceux découlant des actes de procédure posés par le conseil de la concurrence ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juin 2008 par Maître Claude Schmartz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, agissant par son organe, le conseil de la concurrence, établi à L-2449 Luxembourg, 6, bd.

Royal, représenté par son président actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 septembre 2008 par Maître Henri Frank au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 octobre 2008 par Maître Claude Schmartz au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg agissant par son organe, le conseil de la concurrence ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Henri Frank et Claude Schmartz en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 octobre 2008.

Suite à sa demande de renseignement du 26 septembre 2006 restée infructueuse, l’inspection de la concurrence émit, à la date du 4 décembre 2006 une décision à l’encontre de la société anonyme … S.A., ci-après « la société … », fondée sur les dispositions de l’article 13 (3) de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence et ordonna à celle-ci de lui fournir les renseignements y plus amplement définis dans un délai de 6 semaines à compter de sa date de notification, soit concrètement jusqu’au 15 janvier 2007.

En date du 30 mars 2007, le conseil de la concurrence prononça à l’encontre de la société … une amende d’un montant de 3.000.- € et une astreinte journalière d’un taux de 40.- € à partir du 16 janvier 2007 jusqu’à ce qu’elle se conforme à la demande de renseignements émanant de l’inspection de la concurrence et formulée en premier lieu le 28 septembre 2006 dans le cadre d’une dénonciation par le maître de l’ouvrage d’une entente entre divers corps de métiers concernant des prestations de travaux de carrelages pour la nouvelle Cité judiciaire.

Par requête du 27 avril 2007, la société … fit déposer un recours contentieux inscrit sous le numéro 22882, du rôle tendant à la réformation de la décision précitée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure de l’amende d’un montant de 3.000.- € y prononcée, ainsi qu’à son annulation dans la mesure de l’astreinte journalière y contenue.

Par courrier du 23 mai 2007, la société … fit transmettre au conseil de la concurrence les réponses aux questions posées par l’inspection de la concurrence dans sa décision du 4 décembre 2006, tout en sollicitant l’annulation pure et simple des amende et astreinte prononcées, sinon en ordre subsidiaire la cessation de l’astreinte pour l’avenir.

Par décision du 6 juillet 2007, le conseil de la concurrence refusa de faire droit à ces dernières demandes concernant les amende et astreinte prononcées, sauf à décider de faire cesser l’astreinte avec effet à partir du 24 mai 2007.

C’est contre cette décision du 6 juillet 2007 que la société … fit introduire le 30 août 2007 un recours contentieux, enrôlé sous le numéro 23384 du rôle, tendant suivant son dispositif, à la réformation de la décision du conseil de la concurrence du 6 juillet 2007 dans la mesure où celle-ci a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’amende prononcée à son encontre, et à la réformation de la même décision dans la mesure où celle-ci a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’astreinte journalière également prononcée à son encontre.

Par jugement du 30 avril 2008, le tribunal administratif joignit les deux recours pour les déclarer recevables mais non fondés. La société demanderesse fut condamnée aux frais de l’instance, à l’exception de ceux découlant des actes de procédure posés par le conseil de la concurrence.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 juin 2008, la société … fait entreprendre le jugement précité du 30 avril 2008 dont elle sollicite la réformation sinon l’annulation tout en proposant la saisine de la Cour Constitutionnelle de deux questions préjudicielles posées, ainsi que celle de la Cour de Justice des Communautés Européennes d’une autre question préjudicielle proposée.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante affirme en premier lieu que du fait que le conseil de la concurrence, en tant que simple autorité administrative indépendante, ne pourrait agir en justice faute de personnalité juridique, il faudrait en déduire que tous les actes de procédure posés par ledit conseil sont nuls et de nul effet. L’appelante en tire la conséquence que faute de moyen propre développé par le délégué du gouvernement, tous les actes de procédure émanant du conseil de la concurrence sont à déclarer nuls.

En second lieu l’appelante met en avant une violation de l’article 9 de la loi du 17 mai 2004 précitée en ce que le conseil de la concurrence a été en l’occurrence saisi par simple courrier de la part de l’inspection de la concurrence, alors que la loi ne prévoirait que deux modes de saisine possibles, à savoir la lettre recommandée avec accusé de réception ou la déclaration au conseil. La violation de l’article 9 en question constituerait une formalité substantielle à sanctionner de nullité entraînant la nullité de toute la procédure ultérieure.

En troisième lieu, il est reproché au tribunal d’avoir mal interprété le moyen tiré de l’irrégularité alléguée de la composition du conseil de la concurrence comprenant au moins un magistrat actuellement en fonctions. L’appelante de préciser que le moyen ne viserait pas le président du conseil, se trouvant en vacance de poste de magistrat durant la période de son mandat, mais les magistrats en exercice nommés conformément à l’article 7 de la loi du 17 mai 2004 prévoyant qu’un conseiller et un conseiller suppléant relevant de la magistrature font partie du conseil de la concurrence. L’appelante précise que le moyen est d’ordre structurel et que ni la compétence, ni l’intégrité des magistrats concernés ne seraient mises en discussion.

L’appelante avance qu’il y irait de la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, question à trancher par la Cour Constitutionnelle suivant le libellé proposé :

« Est-ce que l’article 7 de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence prévoyant qu’un conseiller et un conseiller suppléant relevant de la magistrature font partie du conseil de la concurrence n’est pas contraire au principe fondamental constitutionnel de la séparation des pouvoirs ? ».

En quatrième lieu, l’appelante soulève la question de constitutionnalité du conseil de la concurrence lui-même instauré en tant qu’autorité administrative indépendante par l’article 6 (1) de ladite loi du 17 mai 2004. La question préjudicielle proposée est libellée comme suit : « Est-ce que l’article 6 instituant dans le chef du conseil une autorité administrative indépendante n’est pas contraire au texte sinon à l’esprit de la Constitution en que ce conseil ne relèverait d’aucune autorité supérieure ni ne serait soumis à aucun contrôle du pouvoir central ? ».

En cinquième lieu, l’appelante conclut à l’annulation de la décision du conseil de la concurrence fixant l’amende prononcée à 3000.- € pour défaut de motivation. En ordre subsidiaire une réduction de l’amende à de plus justes proportions est demandée.

En sixième lieu, l’appelante invoque le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs dans le chef de l’inspection de la concurrence en ce qu’elle a entendu étendre ses investigations sur des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2004. Elle en déduit la nécessité d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne l’astreinte prononcée.

En septième et dernier lieu, l’appelante invoque les dispositions de l’article 33 du règlement CE n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité prévoyant un recours en réformation également pour les astreintes prononcées. A partir de cette disposition de droit européen l’appelante propose de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes de la question préjudicielle suivante : « Le droit communautaire est-il respecté dans l’éventualité où un Etat national en transposant dans son droit interne le règlement CE numéro 1/2003 a réservé, contrairement au droit communautaire, un recours en annulation, seulement pour l’astreinte au lieu d’un recours en réformation prévu par le droit communautaire, limitant ce faisant le recours des juridictions nationales à un contrôle de pure légalité ? ».

A travers son mémoire en réponse, la partie publique conclut à l’irrecevabilité sinon au caractère non fondé de l’appel. Elle demande à voir dire que les questions préjudicielles posées, tant devant la Cour Constitutionnelle que devant la Cour de Justice des Communautés européennes soient écartées comme n’étant pas pertinentes.

En substance, la partie publique requiert la confirmation du jugement dont appel.

Plus particulièrement, elle souligne que le jugement entrepris a considéré que tous les actes de la partie publique ont toujours été déposés par l’Etat, agissant par son organe, le conseil de la concurrence, sauf à employer une formulation erronée, de sorte à ne pas tirer à conséquence.

Les affirmations relatives à une saisine inadéquate du conseil de la concurrence par simple lettre ne seraient pas de nature à énerver l’argumentaire pertinent des premiers juges sur ce point.

La partie publique se rapporte à la sagesse de la Cour quant à la question de savoir si le troisième moyen tel que présenté en première instance visait la présence au conseil de la concurrence d’un président mis en congé de ses fonctions judiciaires pour assumer lesdites fonctions de président ou la présence de conseillers et de conseillers suppléants issus de la magistrature. Dans la première hypothèse, le moyen serait à écarter comme étant irrecevable car nouveau. Dans la deuxième hypothèse, il serait non fondé. Ainsi, le conseil de la concurrence ne ferait-il pas partie du pouvoir exécutif au sens traditionnel de la notion, de sorte à ne pas se voir appliquer les principes généraux tel celui de la séparation des pouvoirs. En second lieu ce principe n’aurait pas de valeur constitutionnelle. Il appartiendrait à la Cour administrative de se prononcer sur la valeur juridique de la notion de séparation des pouvoirs et sur la question de son intégration dans une question préjudicielle à poser à la Cour Constitutionnelle. Suivant la partie publique, le principe de la séparation des pouvoirs n’aurait pas la portée lui attribuée par la partie appelante. Ainsi, la participation d’un magistrat à l’action administrative ne serait pas de nature à opérer une confusion entre les deux catégories d’organes, exécutif et judiciaire. En conclusion, la question suggérée par la partie appelante ne serait pas pertinente concernant la constitution du conseil de la concurrence lui-même. La partie publique fait valoir que le conseil n’est pas appelé à développer ou à appliquer une certaine politique, mais à mettre en œuvre une loi votée et promulguée par les organes étatiques compétents, de sorte que la question d’un contrôle politique ne se poserait pas. D’autre part, l’idée de l’indépendance du statut du conseil résiderait justement dans le souci de le soustraire à toutes contingences et considérations politiques, à l’instar des juridictions, pour lui permettre d’appliquer le droit de la concurrence sur des bases techniques, juridiques et économiques neutres et objectives. Par ailleurs, les décisions du conseil seraient précisément contrôlées à travers les recours produits devant les juridictions de l’ordre administratif. La question de constitutionnalité posée ne se poserait dès lors pas.

Le cinquième moyen tiré du défaut de motivation de la fixation de l’amende serait à écarter comme étant nouveau en appel. En ordre subsidiaire, il y aurait lieu de se référer aux points 10 à 12 de la décision du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 exposant de façon exhaustive l’approche adoptée. A titre plus subsidiaire, la partie publique expose que la prise en compte des critères d’appréciation prévus par la loi se dégagerait de la décision du conseil de la concurrence et du dossier.

Quant à la rétroactivité des actes administratifs, la partie publique conclut encore à l’irrecevabilité du moyen pour être nouveau en appel. En ordre subsidiaire, le moyen serait encore irrecevable pour viser l’action de l’inspection de la concurrence, alors que l’objet du recours porterait sur une décision du conseil de la concurrence. En ordre plus subsidiaire la partie publique estime que l’appelante n’avance aucun argument de nature à infirmer les développements pertinents des premiers juges.

Egalement à l’encontre du septième argument tiré de l’inexistence d’un recours en réformation concernant le volet de l’astreinte, la partie publique invoque son caractère irrecevable pour être nouveau en instance d’appel. En ordre subsidiaire, elle estime que le règlement CE 1/2003 en question organiserait le système du recours juridictionnel au niveau communautaire, sans imposer d’obligation concrète aux Etats membres à ce niveau, l’Etat luxembourgeois ayant dès lors été libre d’organiser ces recours juridictionnels selon ses besoins et traditions. La question suggérée n’aurait dès lors pas lieu d’être posée à la Cour de Justice des Communautés européennes.

A travers son mémoire en réplique, la partie appelante précise sa première question à poser à la Cour Constitutionnelle en se référant à l’article 93 de la Constitution. Le nouveau libellé proposé s’agence comme suit : « Si l’article 7 (1) al.2 de la loi du 17 mai 2004 disposant expressément qu’un conseiller et un conseiller suppléant relevant de la magistrature faisant partie du Conseil de la concurrence n’est pas contraire à l’article 93 de la Constitution qui dispose que sauf les cas d’exception prévus par la loi, aucun juge ne peut accepter du Gouvernement des fonctions salariées à moins qu’il ne les exerce gratuitement, sans préjudice toutefois aux cas d’incompatibilité par la loi ?».

A partir des arguments proposés en appel par la partie publique, l’appelante pose la question de savoir comment un conseil tel celui de la concurrence puisse être créé par la loi sans qu’une telle création ait un quelconque fondement constitutionnel. Elle réagence dès lors la question proposée par rapport à l’article 36 de la Constitution relatif au pouvoir réglementaire du Grand-Duc. S’agissant d’une question d’ordre public, l’appelante estime être habilitée à proposer des questions de constitutionnalité y compris jusqu’à l’instance d’appel incluse. La question réagencée se lit comme suit : « Si l’article 6 (1) de la loi du 17 mai 2004 en ce que cette loi institue une autorité administrative indépendante, autorité qui n’est soumise à aucun contrôle gouvernemental ni grand-ducal n’est pas contraire à l’article 36 de la Constitution qui accorde au seul Grand-Duc la prérogative d’exécuter les lois sans pouvoir jamais les suspendre ? ».

Concernant la motivation de la décision du conseil de la concurrence critiquée, l’appelante estime que les développements avancés en instance d’appel ne sauraient pallier au manque de motivation par elle constaté au niveau de la décision administrative critiquée. Enfin, concernant la question du recours juridictionnel à prévoir, l’appelante argue que dans la mesure où le système juridictionnel administratif luxembourgeois prévoit l’autonomie entre le recours en annulation et le plein contentieux, le législateur luxembourgeois n’aurait pas pu méconnaître le règlement CE 1/2003 prévoyant précisément non pas un recours en annulation mais un recours de plein contentieux. L’appelante réitère sans reformuler sa question préjudicielle proposée à soumettre à la Cour de Justice des Communautés européennes.

La partie publique insiste sur sa lecture des dispositions de l’article 93 de la Constitution suivant laquelle un magistrat peut accepter des fonctions rémunérées de la part du gouvernement si une loi le prévoit, hormis les cas d’exception prévus par ailleurs par la loi et non vérifiés en l’occurrence. De même, n’y aurait-il point d’incompatibilité déterminée par la loi à ce niveau. Dans la mesure où les développements de la partie publique n’auraient jamais été à comprendre dans le sens que le conseil de la concurrence serait pourvu d’un pouvoir réglementaire quelconque, il ne saurait être question que la loi du 17 mai 2004 prive le Grand-Duc d’une quelconque prérogative lui dévolue de la part de la Constitution et plus particulièrement au niveau du pouvoir réglementaire, de sorte que la question préjudicielle proposée serait en toute hypothèse à écarter.

Suivant la partie publique, il se dégagerait de ses propres développements et des pièces du dossier que la motivation existerait bel et bien au niveau de la décision originaire concernant le montant de l’amende retenue. Enfin, la partie publique avance que le recours en annulation tel que prévu dans le droit procédural administratif luxembourgeois ne se distinguerait pas fondamentalement du recours de pleine juridiction étant donné que dans l’un et dans l’autre il y aurait vérification de l’erreur d’appréciation, le recours en annulation ne se résumant pas à un simple contrôle de la légalité de la décision déférée. Le moyen avancé partirait dès lors d’une fausse prémisse. Au fond, le législateur communautaire aurait réservé aux législateurs nationaux la liberté concernant la portée du recours juridictionnel administratif à prévoir.

A l’audience, le mandataire de l’appelante reformula la seconde question préjudicielle proposée pour être posée à la Cour Constitutionnelle dans le sens de savoir « si l’article 6 (1) de la loi du 17 mai 2004 qui institue une autorité indépendante n’est pas contraire à la Constitution en ce que celle-ci ne prévoit pas d’autorité administrative indépendante et que dès lors cet organe est dépourvu de base constitutionnelle, le législateur ne pouvant créer un tel organe exnilo sans que la Constitution ne l’y autorise ».

Le mandataire de la partie publique de conclure au caractère non pertinent de la question reformulée dans la mesure où aucune disposition de la Constitution, par rapport à laquelle la loi du 17 mai 2004 serait contraire, n’aurait été mise en avant.

Considérant que l’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que suivant l’article 41 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les moyens nouveaux en appel sont admis, contrairement aux demandes nouvelles qui, elles, sont prohibées ;

Considérant que la partie intimée sollicitant à plusieurs reprises l’irrecevabilité de moyens d’appel pour avoir été pour la première fois soulevés en instance d’appel, cet argument est à chaque fois à écarter au regard de la disposition légale sous analyse ;

Considérant que la Cour n’est pas liée par l’ordre dans lequel les moyens d’appel ont été formulés et dispose de la faculté de les toiser dans un ordre différent, si notamment la logique juridique l’impose ;

Considérant que dans la mesure où les trois questions préjudicielles proposées, chacune en ce qui la concerne, sont a priori susceptibles, per se, de conditionner le cadre légal applicable, il y a lieu de traiter celles-ci à titre préalable ;

Considérant que l’article 93 de la Constitution dispose que « sauf les cas d’exception prévus par la loi, aucun juge ne peut accepter du Gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement, sans préjudice toutefois aux cas d’incompatibilité déterminés par la loi » ;

Considérant que suivant l’article 7 (1) de la loi du 17 mai 2004 précitée traitant de la composition du conseil de la concurrence « un conseiller et un conseiller suppléant relèvent de la magistrature » tandis que suivant son article 7 (2) dernier alinéa « … les conseillers et les conseillers suppléants du Conseil bénéficient d’une indemnité spéciale tenant compte de l’engagement requis par les fonctions, à fixer par règlement grand-ducal » ;

Considérant qu’il est constant qu’au niveau de la décision critiquée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007, un des trois membres du conseil ayant siégé relève de la magistrature ;

Considérant que suivant les dispositions de l’article 6 alinéa 2 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

Considérant qu’aux termes mêmes de l’article 93 de la Constitution, la prévision par l’article 7 de la loi du 17 mai 2004 portant que le conseil de la concurrence comporte un conseiller et un conseiller suppléant relevant de la magistrature s’analyse en une exception prévue par une loi ;

Que par ailleurs les fonctions de conseiller et de conseiller suppléant au conseil de la concurrence ne s’analysent pas en fonctions salariées comportant un lien de subordination mais en celles de membres d’une autorité administrative indépendante et collégiale, rémunérés par voie d’indemnité spéciale tenant compte de l’engagement requis par les fonctions ;

Considérant qu’au-delà de l’absence d’incompatibilité afférente déterminée par la loi, l’article 7 de la loi du 17 mai 2004 s’analyse dès lors essentiellement en une exception prévue par la loi aux termes dudit article 93 de la Constitution, de sorte que la question de la constitutionnalité dudit article 7 posée est dénuée de fondement, ne fût-ce que sous ce seul aspect ;

Considérant que l’appelante n’a par ailleurs plus insisté dans sa dernière version de la question préjudicielle proposée à inclure un contrôle par rapport au principe de la séparation des pouvoirs, non énoncé comme tel dans la Constitution ;

Que par ailleurs le fait pour des magistrats de figurer comme conseiller du conseil de la concurrence d’après une disposition légale expresse, par exception couverte par l’article 93 de la Constitution, correspond à un aménagement d’exception de la ligne démarcatrice non absolument rigide entre les pouvoirs exécutif et judiciaire, étant entendu que les magistrats en question ne figurent pas au sein dudit conseil en leur qualité de magistrat en exercice mais en celle de praticien professionnel étatique du droit dans une matière touchant de près au droit économique ;

Qu’il n’y a dès lors pas lieu de poser la question proposée à la Cour Constitutionnelle ;

Considérant que la seconde question préjudicielle proposée par la partie appelante pour être posée à la Cour Constitutionnelle est à son tour à écarter sur base des dispositions de l’article 6 alinéa 2 b) de la loi du 27 juillet 1997 précitée pour être dénuée de tout fondement eu égard au fait que la partie appelante omet d’indiquer la ou les dispositions de la Constitution qui se trouveraient violées, tandis que l’article 36 par elle initialement invoqué et non réitéré dans la version finale de la question posée est par ailleurs étranger aux éléments du litige à toiser ;

Considérant que par rapport à la question proposée pour être posée à la Cour de Justice des Communautés européennes, il convient de préciser d’abord que le règlement CE 1/2003 du 16 décembre 2004 précité dispose dans son article 31 intitulé « contrôle de la Cour de Justice » que « la Cour de Justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée » ;

Considérant qu’il est patent que la Cour de Justice visée par l’article 31 en question est la Cour de Justice des Communautés européennes ;

Considérant que d’un autre côté l’article 26 de la loi du 17 mai 2004 précitée prévoit pour l’astreinte un recours en annulation ;

Considérant qu’un règlement communautaire est d’application directe et ne nécessite en principe aucune transposition hormis les mesures que le règlement imposerait lui-

même aux Etats membres en vue d’assurer que ses dispositions puissent être effectivement appliquées, sans que l’effet direct propre au règlement ne puisse jamais être entravé ;

Considérant que force est de constater que le règlement CE n° 1/2003 du Conseil ne prévoit aucune mesure de la sorte concernant le contrôle juridictionnel au niveau des Etats membres dans le chef des décisions des autorités nationales en matière de concurrence concernant plus précisément une astreinte par elles prononcée ;

Considérant que l’article 31 du règlement CE n° 1/2003 en question vise uniquement le contrôle juridictionnel des décisions de la Commission européenne par la Cour de Justice des Communautés européennes sans imposer une quelconque obligation aux Etats quant à l’organisation dans leurs droits internes respectifs du contrôle juridictionnel des décisions de leurs autorités de concurrence ;

Considérant que par ailleurs le recours en annulation, recours de droit commun prévu par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, comporte parmi les missions du juge de la légalité ainsi désigné la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis, à l’exclusion de tout doute et se trouvent dans un rapport de proportionnalité, de sorte à être exempts, sous cet aspect, de toute erreur d’appréciation vérifiée ;

Que dès lors le recours en annulation revêt à son tour un caractère effectif en ce qu’il prévoit un contrôle de proportionnalité comportant lui-même une analyse sur l’existence d’une erreur d’appréciation vérifiée ;

Considérant qu’il s’ensuit que la Cour n’entrevoit pas que la loi du 17 mai 2004 viole le règlement CE n° 1/2003 en prévoyant pour les astreintes un recours en annulation et non point un recours de pleine juridiction ;

Que dès lors il n’y a pas lieu de poser à la Cour de Justice des Communautés européennes la question préjudicielle proposée ;

Considérant que c’est à bon droit que le tribunal administratif, à travers son jugement entrepris, en suivant l’arrêt de la Cour administrative du 24 janvier 2008 (n° 23178C du rôle) a retenu qu’étant donné que la capacité active d’ester en justice ne peut être reconnue qu’à une des personnes disposant de la personnalité juridique et que le conseil de la concurrence, créé par la loi précitée du 17 mai 2004, n’a pas été doté de la personnalité juridique, il ne saurait être admis à agir en justice en son nom personnel et pour son propre compte, fut-ce comme partie défenderesse dans le cadre d’un contentieux administratif en vue de la défense d’une décision qu’il a été amené à prendre ;

Qu’a fortiori et à défaut de personnalité juridique propre, le conseil de la concurrence ne saurait pas non plus être partie intimée en nom personnel et pour son compte propre en instance d’appel devant la Cour administrative ;

Considérant que c’est encore en bonne logique que le tribunal a retenu que quoique la loi du 17 mai 2004 reconnaisse une large indépendance au conseil de la concurrence, il n’a été institué en définitive qu’en tant que simple organe de l’Etat n’ayant pas une existence juridique personnelle propre ;

Que c’est encore de façon conséquente que les premiers juges ont décidé qu’à défaut de personnalité juridique vérifiée dans le chef du conseil de la concurrence, celui-ci ne saurait être admis à présenter sa propre défense dans le présent litige, de sorte à écarter les actes de procédure déposés en son nom tout en admettant que les actes posés par l’Etat, agissant par l’organe de son conseil de la concurrence, puissent être admis ;

Que par voie de conséquence l’argumentaire de la partie appelante tendant en définitive à écarter de plano l’ensemble des actes de procédure déposés au nom de la partie publique est à écarter ;

Considérant que relativement à la saisine du conseil de la concurrence, l’article 9 alinéa 2 de la loi du 17 mai 2004 précitée dispose que ledit conseil « est saisi par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au Conseil » ;

Considérant que les règles de forme ont pour objectif premier de garantir les libertés et d’encadrer l’exercice légal des droits des administrés, de même que les attributions de l’administration ;

Considérant que dans la mesure où l’article 9 alinéa 2 sous revue admet la saisine du conseil de la concurrence par simple déclaration, le cas échéant orale, la saisine par simple lettre ne saurait être exclue comme se plaçant en dehors du cadre formel posé par la loi, mais doit être admise par raisonnement a fortiori ;

Que le moyen laisse dès lors à son tour d’être fondé ;

Considérant que l’argumentaire de l’appelante tiré d’une violation de l’article 18 de la loi du 17 mai 2004 ne porte pas sur le principe de l’amende encourue du fait que la société … a refusé de fournir dans un premier temps les renseignements sollicités, étant constant que ledit article 18 prévoit dans son paragraphe (1) point 2 que le conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes, lorsque, intentionnellement ou non, en réponse à une demande faite par voie de décision prise en application de l’article 13 paragraphe 3 elles fournissent un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai prescrit ;

Considérant que l’argumentaire de l’appelante tourne autour de la question de la motivation de l’amende prononcée ;

Que sous cet aspect l’article 18 prévoit en son paragraphe 2 que « les amendes prévues au paragraphe précédent sont proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus, l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par la présente loi ;

Les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque amende.

Le montant maximum de l’amende prononcée sur base des paragraphes précédents est de 10 pour cent du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante » ;

Considérant que par rapport à la critique élevée quant au principe de l’existence d’une motivation à la base de la fixation de l’amende, il importe de constater d’abord que des éléments de motivation divers se trouvent aux points 10 à 12 de la décision critiquée du conseil de la concurrence, ensemble le calcul d’application effectué au point 19, abstraction faite à ce stade du caractère pertinent de cette motivation ;

Considérant que le conseil de la concurrence retient tout d’abord à travers le point 10 de sa décision critiquée que les deux séries de critères précitées et prévues par le paragraphe (2) de l’article 18 de la loi du 17 mai 2004 se réfèrent aux éléments de fond du dossier, alors qu’au stade de la procédure auquel l’inspection de la concurrence met en œuvre les pouvoirs d’enquête prévue par les articles 13 et suivants de la même loi, il n’est établi ni qu’il existerait une violation de la loi, ni à partir de quel moment elle a été, le cas échéant, mise en œuvre, ni qu’une éventuelle violation de la loi pourra être imputée à l’entreprise sollicitée pour fournir des renseignements ;

Que le conseil de la concurrence se déclare ainsi amené à devoir appliquer à la fixation du taux de l’amende des critères qui ne peuvent être appréciés à ce stade, tout en mettant en avant que la faculté de prononcer des amendes est destinée à persuader les entreprises d’une façon générale, par crainte de la sanction financière, à coopérer avec l’inspection de la concurrence afin de permettre à celle-ci de collecter les données nécessaires à l’exécution de sa mission légale ;

Que c’est ainsi que le conseil de la concurrence a déclaré se trouver enfermé de par la rédaction de la loi dans « un cercle vicieux », dont les origines seraient à rechercher dans la genèse des dispositions légales afférentes ;

Qu’il en dégage que les critères de fond n’étant pas appropriés, sinon inapplicables au domaine des mesures d’instruction, l’intention du législateur n’aurait cependant pas pu être de laisser lettre morte des pouvoirs d’enquête de l’inspection de la concurrence ni des pouvoirs de coercition du conseil, consistant plus particulièrement dans le prononcé d’une amende dans le cas notamment de non-fourniture dans les délais d’informations requises ;

Considérant que la Cour est amenée, à partir des dispositions de l’article 18 sous revue à opérer une analyse plus nuancée, en ce sens que le paragraphe (2) dudit article 18 renvoie expressément aux « amendes prévues au paragraphe précédent », donc également à celles prévues dans l’hypothèse de non-fourniture d’un renseignement demandé sur base de l’article 13 paragraphe (3), de sorte qu’il ressort du libellé même de l’article 18 en question que les principes prévus en son paragraphe (2) sont a priori d’application ;

Considérant que le paragraphe (2) en question énonce tout d’abord le principe général que les amendes doivent être proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus ;

Considérant que ce principe général reste éminemment valable pour les faits sous analyse, la gravité visant en l’occurrence le fait de ne pas fournir les renseignements requis dans le délai et la durée des faits retenus visant dans le cadre précis de l’espèce la durée de non-fourniture des renseignements sollicités, compte tenu notamment du délai fixé ;

Considérant que par ailleurs l’alinéa 2 du paragraphe (2) de l’article 18 prérelaté trouve également pleine application en l’occurrence en ce que « les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque amende » ;

Considérant que d’un autre côté la Cour partage l’analyse du conseil de la concurrence en ce que le montant maximum de l’amende prononcée sur base des paragraphes précédents, tel qu’énoncé par l’alinéa 3 du paragraphe 2 dudit article 18, évalué à dix pour cent du montant du chiffre d’affaires mondial y précisé doit valoir essentiellement pour les amendes à prononcer au fond également prévues par le paragraphe 1er du même article 18 ;

Considérant que s’il est manifeste que le paragraphe (2) de l’article 18 répond aux hypothèses multiples relatives aux phases d’instruction et de fond prévues par le paragraphe (1) et épouse dès lors cette diversité par le renvoi opéré sans formuler une réponse distributive complète, le texte légal en question ne se résume cependant pas en un cercle vicieux tel que mis en avant par le conseil de la concurrence ;

Considérant qu’il est patent que si le critère de l’importance du dommage causé à l’économie, repris par le paragraphe (2) de l’article 18 sous revue a essentiellement trait aux amendes prononcées au fond, de même que celui de l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par la loi de 2004, le critère de la situation de l’entreprise ou du groupe concerné est cependant en général tel qu’il est applicable à toutes les amendes énumérées au paragraphe (1) dudit article 18 ;

Considérant que force est à la Cour de retenir que le législateur, à travers le texte de loi inégalement différencié finit par laisser au conseil de la concurrence une marge d’appréciation qui, sans être cadrée en tous points in concreto, se trouve néanmoins balisée à travers les principes généraux de la proportionnalité, de l’individualité, voire de la spécialité, de la gravité des faits, de la durée de la situation ainsi que de l’exigence de motivation ut singula pour chaque amende prononcée ;

Considérant que c’est à bon droit que le conseil de la concurrence a considéré le maximum de l’amende fixée au paragraphe (2) alinéa 3 de l’article 18 sous revue comme étant un maximum plutôt lointain, devant valoir pour les amendes prononcées au fond ;

Considérant que dans le cadre de son pouvoir d’appréciation le conseil a pu, tel qu’il l’a fait, prendre référence par rapport à des standards existant en droit communautaire ;

Que plus particulièrement c’est de façon adéquate que le conseil s’est orienté par rapport au maximum d’un pour cent du chiffre d’affaires total réalisé au courant de l’exercice social précédent les faits sanctionnés, notamment en cas de non-fourniture de renseignements sollicités dans le délai imparti, prévu dans le cas précis où la Commission européenne peut infliger une amende conformément à l’article 23 dudit règlement CE 1/2003 aux entreprises y visées dans le cadre de ses attributions propres ;

Considérant que c’est par parallélisme à l’argumentaire ci-avant déployé concernant la nature du recours juridictionnel à prévoir qu’il convient également à ce stade de souligner que l’article 23 en question vise le cadre spécifique des sanctions prononcées par la Commission européenne dans le cadre de ses compétences propres et que dès lors le montant maximum des amendes ne s’impose pas tel quel aux autorités nationales statuant au niveau de leur compétence nationale propre, mais peut être valablement considéré comme référence dans le cadre de la marge d’appréciation laissée à l’autorité nationale par sa législation propre ;

Considérant que force est encore de constater que le conseil de la concurrence, à travers le point 19 de la décision critiquée, après avoir retenu que « le maximum de l’amende est à fixer à 1 pour cent du chiffre d’affaires, partant à (851.413,89 x 1 pour cent =) 8514,14 € », a procédé à une appréciation aboutissant au résultat que « dans ces limites, le conseil estime approprié de fixer l’amende à 3000 € » ;

Considérant que compte tenu des éléments complémentaires valablement produits par le mandataire de la partie publique en instance d’appel, la décision portant sur le montant de l’amende retenu se trouve être à suffisance motivée quant à son principe, alors que prenant position par rapport à la gravité des faits retenus et à l’importance du dommage causé à l’économie à travers l’importance des renseignements demandés en vue de l’instruction menée, ainsi qu’à la durée des faits retenus en visant l’abstention de l’entreprise perdurant depuis la date limite du 15 janvier 2007 et à la situation de l’entreprise telle que considérée dans la décision critiquée aux points 18 à 20, de même qu’à l’absence de réitération de la pratique dans le chef de l’appelante ;

Considérant que sur base des éléments qui précèdent force est à la Cour de constater que quant au principe de la motivation, la partie publique a suffisamment justifié la prise en compte des paramètres différents prévus par la législation applicable et que dès lors l’argumentaire de l’appelante tiré de l’absence de motivation ne saurait pas non plus être retenu sous ces aspects-là ;

Considérant qu’au niveau de l’application des principes ci-avant dégagés au montant de l’amende fixée en l’occurrence, il y a lieu de constater qu’à partir du seuil de référence constitué par le montant d’un pour cent du chiffre d’affaires pertinent non autrement remis en question soit en l’espèce 8.514,14.- €, le conseil de la concurrence est arrivé à une amende représentant un peu plus du tiers du montant de référence en question, soit 3.000.- € ;

Considérant que compte tenu de la gravité des faits et de l’importance des renseignements pour l’instruction, ensemble le dépassement de la date limite fixée, d’un côté, ainsi que de la situation financière de l’entreprise et du fait qu’il s’agissait d’une procédure relativement nouvelle, s’accompagnant d’une non-réitération dans le chef de l’intéressée, le montant retenu de 3000.- € est à qualifier de proportionné et adéquat, compte tenu des différents éléments d’aggravation et de diminution ainsi que de plage financière de l’intéressée valablement mis en avant par l’autorité publique ;

Que dès lors le moyen laisse également d’être fondé sous ce dernier aspect ;

Considérant que sous le volet des faits survenus antérieurement à la date de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 17 mai 2004, le moyen tiré de la violation du principe de la non-rétroactivité des actes administratifs a été toisé par la Cour dans un arrêt rendu entre parties, il est vrai relativement à une autre décision, celle de l’inspection de la concurrence du 4 décembre 2006 enjoignant à l’appelante actuelle de fournir dans le délai de six semaines à compter de sa notification les renseignements y plus précisément visés ;

Considérant que par rapport à un argumentaire similaire, la Cour, (arrêt du 20 mars 2008, n° 23772C du rôle) par confirmation du jugement entrepris (trib. adm. 15 novembre 2007 (n° 22405 du rôle)) a pu retenir que la société appelante, l’appelante actuelle, se méprenait en situant la problématique dans le contexte d’une prétendue rétroactivité de la loi du 17 mai 2004, le raisonnement afférent tablant sur la prémisse de base erronée de ce que ce serait ladite loi de 2004 qui incriminerait des faits qui se sont déroulés avant son entrée en vigueur ;

Qu’ainsi, il ne saurait être question d’incrimination par la loi de 2004 de faits survenus antérieurement à son entrée en vigueur, alors qu’en substance et sous ce rapport, la loi de 2004 ne confère que compétence aux autorités en matière de concurrence nouvellement créées pour traiter des faits qui se sont réalisés avant leur mise en place, étant constaté que ces faits ont déjà été incriminés à l’époque de leur survenance ;

Que dans ce contexte, la Cour a confirmé le tribunal en ce qu’il a pu valablement souligner qu’il se dégage de la juxtaposition de la loi du 17 juin 1970 concernant les pratiques commerciales restrictives et de sa loi abrogatoire du 17 mai 2004, dont plus particulièrement de la comparaison de l’article 1er, point 1 de la loi de 1970 avec l’article 3 de la loi de 2004, que l’une et l’autre incriminent en substance les mêmes agissements et qu’en l’espèce, les faits sur lesquels portait l’enquête entamée par l’inspection de la concurrence se trouvaient incriminés de manière largement parallèle par la loi précitée du 17 juin 1970 ;

Que la Cour retient qu’il a pu être décidé à bon droit par les premiers juges que la loi précitée du 17 mai 2004 permettait au conseil de la concurrence, l’autorité compétente nouvellement créée par elle et investie du pouvoir de sanctionner des agissements anti-concurrenciels, de sanctionner également des faits survenus antérieurement à son entrée en vigueur, d’une part, et que ladite loi de 2004 permettait corrélativement à l’inspection de la concurrence d’user de ses prérogatives pour effectuer des enquêtes relativement à de tels agissements, d’autre part ;

Considérant que l’argumentaire en question toisant entièrement également le volet sous analyse du moyen proposé en l’occurrence, celui-ci est à son tour à écarter ;

Considérant que le moyen ayant trait à la violation du principe de la non-rétroactivité est encore à entrevoir par rapport à l’effet rétroactif de l’astreinte prononcée à travers la décision déférée du 30 mars 2007, comme devant prendre effet à partir du 16 janvier 2007, ce volet ayant été implicitement visé par l’appelante, tout en ayant trait à l’ordre public ;

Considérant que relativement à l’astreinte, il convient de retenir tout d’abord que dans la mesure où la Convention Benelux sur la loi uniforme relative à l’astreinte, approuvée par la loi du 21 juillet 1976 et incorporée aux articles 2059 et suivants du code civil, traite uniquement des astreintes prononcées par une juridiction, les textes légaux en question sont inapplicables en tant que tels aux astreintes prévues par la loi précitée du 17 mai 2004 pour y être prononcées par le conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante et organe de l’Etat, ne constituant point une juridiction ;

Considérant que ladite loi du 17 mai 2004 dispose en son article 20, intitulé « astreinte », plus particulièrement sous son paragraphe (1) que « le conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des astreintes jusqu’à concurrence de 5 pour cent du chiffre d’affaire journalier moyen réalisé au cours de l’exercice social précédent par jour de retard à compter de la date qu’elle [sic] fixe dans sa décision, pour les contraindre : … 3) à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu’elle [sic] a demandé par voie de décision prise en application de l’article 13, paragraphe 3 » ;

Considérant qu’il convient de souligner que le texte légal contient une incohérence apparente, dans la mesure où il emploie à deux reprises le pronom « elle » alors que le sujet de la phrase constituée par le paragraphe 1er prérelaté est nécessairement « le conseil », nom masculin ;

Considérant que dans la mesure où le pronom « elle » ne saurait valablement, sans déformation du sens devant être revêtu par le texte légal en question, se rapporter à un autre nom que « le conseil », il y a lieu de lire le texte de loi en question dans le sens que le pronom « elle » est à deux reprises à remplacer par « il » devant se rapporter nécessairement à « le conseil » ;

Considérant qu’au niveau des concepts il y a lieu de préciser encore que l’astreinte visée par la loi précitée du 17 mai 2004 doit être entrevue par analogie à celle visée par le règlement CE 1/2003 et ce dans le sens qu’elle s’analyse en condamnation pécuniaire, accessoire et éventuelle, fixée dans le cadre dudit règlement communautaire par la Commission de l’Union Européenne et, dans le cadre de ladite loi de 2004, par le conseil de la concurrence à un montant X par jour de retard, montant qui doit servir à obtenir d’une entreprise qu’elle fournisse les renseignements demandés ;

Considérant que dans la mesure où pour l’omission de fourniture des mêmes renseignements une amende peut être parallèlement prononcée, il convient de ne pas confondre l’astreinte spécifique prévue notamment par l’article 20 de la loi précitée du 17 mai 2004 avec l’astreinte qui, en règle générale s’analyse en accessoire d’une condamnation principale, sans qu’elle ne puisse, en principe, être assortie à une condamnation pécuniaire, s’analysant en définitive elle-même en pareille condamnation ;

Considérant qu’il est constant qu’aux termes de l’article 20 paragraphe (1er) point 3) prérelaté, l’astreinte tend à contraindre l’entreprise concernée à fournir de manière complète et exacte un renseignement qui lui a été demandé par voie de décision prise en application de l’article 13 paragraphe (3) de la même loi ;

Considérant qu’il découle des termes mêmes employés par la disposition légale de l’article 20 sous revue que l’astreinte comporte un champ d’application dans le futur alors que par définition elle est accessoire et éventuelle, signifiant qu’elle ne peut être appliquée que pour l’avenir à compter de la décision prise par l’autorité compétente sous observation nécessaire d’un délai raisonnable permettant au destinataire de la dite décision d’en prendre connaissance et d’agir en conséquence ;

Considérant que cette analyse se dégageant à la fois de la définition spécifique de l’astreinte et des termes mêmes de l’article 20 (1) point 3) sous revue se trouve encore corroborée par le paragraphe (2) du même article disposant que « lorsque les entreprises ou les associations d’entreprises ont satisfait à l’obligation pour l’exécution de laquelle l’astreinte a été infligée, le Conseil peut fixer le montant définitif de celle-ci à un chiffre inférieur à celui qui résulte de la décision initiale » ;

Considérant qu’il découle directement du paragraphe (2) en question qu’au moment de la fixation de l’astreinte à travers la décision initiale, l’objectif ne devait, par définition, pas encore avoir été atteint, c’est-à-dire en l’occurrence les renseignements sollicités n’avaient pas encore été fournis de manière complète et exacte ;

Que dans cette hypothèse visée précisément par ledit paragraphe (2), le conseil de la concurrence a le pouvoir de fixer le montant définitif de l’astreinte une fois cristallisé le fait que l’entreprise a suffi à l’obligation de renseignement lui incombant ;

Que c’est toujours dans cette hypothèse que le conseil peut fixer le montant définitif de l’astreinte à un chiffre inférieur à celui initialement par lui retenu ;

Considérant que force est à la Cour de constater qu’à travers sa décision du 30 mars 2007, le conseil de la concurrence a fixé dans le chef de l’appelante actuelle une astreinte prenant cours à la date du 16 janvier 2007 ;

Considérant qu’au vu des développements qui précèdent, pareille fixation, à effet rétroactif, contrevient directement aux exigences de la loi telles que prévues précisément à l’article 20 paragraphe (1) point 3) prérelaté, alors qu’il n’était légalement possible pour le conseil de fixer l’astreinte, dans la mesure où les renseignements requis ne se trouvaient pas fournis de manière complète et exacte, qu’au plus tôt à partir de la date de la notification faite de la décision contenant la fixation de l’astreinte en question ;

Considérant que dès lors dans la mesure de la violation de la loi ci-avant constatée visant le caractère rétroactif de la fixation de l’astreinte opérée par le conseil de la concurrence, il convient, par réformation du jugement entrepris, d’annuler la décision déférée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où elle statue de façon rétroactive pour la période du 16 janvier 2007 jusqu’à la date de sa notification à l’appelante actuelle ;

Considérant qu’eu égard à l’issue du litige il convient de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer pour deux tiers à la partie appelante et pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, partie intimée ;

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare l’appel recevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de poser respectivement à la Cour Constitutionnelle et à la Cour de Justice des Communautés Européennes les questions préjudicielles proposées ;

au fond, dit l’appel partiellement fondé ;

partant, par réformation du jugement entrepris, annule la décision déférée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où l’astreinte y prononcée porte sur la période allant du 16 janvier 2007 jusqu’à la date de la notification à l’appelante actuelle de ladite décision déférée ;

déclare l’appel non fondé pour le surplus et confirme le jugement entrepris dans cette mesure ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose pour deux tiers à l’appelante et pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, vice-président, Henri CAMPILL, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

s. MAY S. DELAPORTE 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24455C
Date de la décision : 13/11/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2008-11-13;24455c ?

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