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13/11/2008 | LUXEMBOURG | N°24433C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 novembre 2008, 24433C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 24433C Inscrit le 29 mai 2008

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Audience publique du 13 novembre 2008 Appel formé par la société en commandite simple … s.e.c.s, … contre un jugement du tribunal administratif du 30 avril 2008 (n°s 22862, 22958 et 23252 du rôle) ayant statuté sur ses recours dirigés contre des décisions du conseil de la concurrence en matière de concurrence

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Vu la requête d’appel inscrite so...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 24433C Inscrit le 29 mai 2008

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Audience publique du 13 novembre 2008 Appel formé par la société en commandite simple … s.e.c.s, … contre un jugement du tribunal administratif du 30 avril 2008 (n°s 22862, 22958 et 23252 du rôle) ayant statuté sur ses recours dirigés contre des décisions du conseil de la concurrence en matière de concurrence

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 24433C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 mai 2008 par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite simple … s.e.c.s., établie et ayant son siège social à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 30 avril 2008 (n°s 22862, 22958 et 23252 du rôle) ayant déclaré irrecevable le recours introduit sous le numéro 22958 du rôle pour déclarer non fondés les recours inscrits respectivement sous les numéros 22862 et 23252 du rôle, le premier tendant à la réformation d’une décision du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure de l’amende y prononcée à concurrence d’un montant de 17.000.- €, ainsi qu’à l’annulation de la même décision dans la mesure du prononcé d’une astreinte journalière d’un taux de 230.- € à partir du 16 janvier 2007 jusqu’au terme y fixé, le second recours tendant à l’annulation d’une décision du conseil de la concurrence du 6 juillet 2007 dans la mesure où celle-ci portait refus de procéder à l’annulation, la réduction ou la cessation respectivement de l’amende et de l’astreinte ci-avant prononcées ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juin 2008 par Maître Claude Schmartz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, agissant par son organe, le conseil de la concurrence, établi à L-2449 Luxembourg, 6, bd.

Royal, représenté par son président actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 septembre 2008 par Maître Fernand Entringer au nom de la société en commandite simple … s.e.c.s ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2008 par Maître Claude Schmartz au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg agissant par son organe, le conseil de la concurrence ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Florence Holz, en remplacement de Maître Fernand Entringer, et Claude Schmartz en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 octobre 2008.

Suite à sa demande de renseignements du 28 septembre 2006 restée infructueuse, l’inspection de la concurrence, par décision du 4 décembre 2006, enjoignit à la société en commandite simple … s.e.c.s., ci-après « la société … » de lui fournir les renseignements y plus amplement précisés dans un délai de 6 semaines à courir de sa notification, soit concrètement jusqu’au 15 janvier 2007.

En date du 30 mars 2007, le conseil de la concurrence prononça à l’encontre de la société en commandite simple … s.e.c.s, ci-après « la société … » une amende d’un montant de 17.000.- € et une astreinte journalière d’un taux de 230.- € à partir du 16 janvier 2007 jusqu’à ce qu’elle se conforme à la demande de renseignements émanant de l’inspection de la concurrence et formulée en premier lieu le 28 septembre 2006 dans le cadre d’une dénonciation par le maître de l’ouvrage d’une entente entre divers corps de métiers concernant des prestations de travaux de carrelages pour la nouvelle Cité judiciaire.

Par requête du 25 avril 2007, la société … fit déposer un recours contentieux inscrit sous le numéro 22862 du rôle tendant à la réformation de la décision précitée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure de l’amende d’un montant de 17.000.- € y prononcée, ainsi qu’à son annulation dans la mesure de l’astreinte journalière y contenue.

Par requête déposée le 18 mai 2007 et enrôlée sous le numéro 22958, la même société dirigea un « recours complémentaire » contre la même décision du conseil de la concurrence.

Par courrier du 7 mai 2007, la société … fit transmettre au conseil de la concurrence les réponses aux questions posées par l’inspection de la concurrence dans sa décision du 4 décembre 2006, tout en sollicitant l’annulation pure et simple des amende et astreinte prononcées, sinon en ordre subsidiaire la cessation de l’astreinte pour l’avenir.

Par décision du 6 juillet 2007, le conseil de la concurrence refusa de faire droit à ces dernières demandes concernant les amende et astreinte prononcées, sauf à décider de faire cesser l’astreinte avec effet à partir du 24 mai 2007.

C’est contre cette décision du 6 juillet 2007 que la société … fit introduire le 23 juillet 2007 un recours contentieux, enrôlé sous le numéro 23252 du rôle, tendant suivant son dispositif, à l’annulation de ladite décision du 6 juillet 2007 dans la mesure du refus de procéder à l’annulation, à la réduction ou la cessation de l’amende y prononcée, ainsi qu’à la réformation de la même décision dans la mesure du refus de procéder à l’annulation, à la réduction ou la cessation de l’astreinte journalière y prononcé.

Par jugement du 30 avril 2008, le tribunal administratif a joint les trois recours pour déclarer irrecevable celui introduit suivant le numéro 22958 du rôle. Les deux autres recours ont été déclarés recevables mais non fondés. La société demanderesse a été condamnée aux frais de l’instance, à l’exception de ceux découlant des actes de procédure posés par le conseil de la concurrence.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 mai 2008, la société … fait entreprendre le jugement précité du 30 avril 2008 dont elle sollicite la réformation dans toutes ses branches, tout en proposant avant tout progrès en cause une question préjudicielle à poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes concernant la conformité des articles 20 et 26 de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence par rapport à l’article 30 du règlement CE n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité, concernant le fait pour la loi luxembourgeoise de ne prévoir qu’un recours en annulation et non pas un recours en réformation relativement à l’astreinte à prononcer par les organes nationaux en matière de concurrence.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante fait valoir en premier lieu que le fait pour le conseil de la concurrence de ne pas jouir de la personnalité juridique emporterait que les actes de procédure posés en son nom en première instance sont nuls et de nullité absolue, de sorte à ne pas pouvoir être confirmés ou repris ou autrement invoqués en justice, notamment par le délégué du gouvernement, par simple référence.

En second lieu, il est reproché aux premiers juges d’avoir validé la saisine par simple lettre du conseil de la concurrence par l’inspection de la concurrence, alors que d’après les dispositions de l’article 9 de loi du 17 mai 2004 précitée cette saisine aurait dû se faire soit par déclaration orale, soit par lettre recommandée seulement. La troisième voie ouverte par le tribunal ne serait pas conforme à la loi. De plus l’imprécision de cette simple lettre de saisine et du questionnaire afférent aurait constitué une violation des droits de la défense de l’appelante actuelle.

En troisième lieu, il est conclu à la violation de l’article 18 de ladite loi du 17 mai 2004 en ce qui concerne l’amende. Suivant les critères d’application de ce texte de loi une amende ne saurait être prononcée que pour une infraction dûment constatée, mais non pas pour un incident de procédure tel celui de l’espèce. Les premiers juges auraient méconnu l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme pour avoir prononcé une condamnation pour une peine non comminée au moment des faits.

En ordre subsidiaire, le renvoi par le règlement CE n° 1/2003 précité au droit national quant aux amendes à prononcer ne permettrait pas aux autorités nationales de s’emparer de l’article 23 du même règlement pour prononcer des amendes que le droit national ne connaît pas.

En quatrième lieu, il est reproché aux premiers juges de ne pas avoir motivé la décision entérinant l’amende prononcée au regard des critères énoncés par l’article 18 de la loi précitée du 17 mai 2004 concernant les éléments circonstanciés de l’espèce, la situation de l’intéressée ainsi que le caractère de proportionnalité par rapport à la gravité des faits sanctionnés. Dans la mesure où le conseil de la concurrence se serait borné à fixer l’amende à 1 % du chiffre d’affaires annuel de l’appelante, l’article 18 en question aurait encore été violé.

En cinquième lieu, l’appelante met en exergue que dans la mesure où la loi luxembourgeoise n’aurait pas spécifié la notion d’astreinte, il y aurait lieu de se référer, du moins implicitement, à l’article 2059 du code civil tel que modifié par l’article 1er de la loi du 21 juillet 1976 portant approbation de la Convention Benelux sur la loi uniforme relative à l’astreinte.

En ordre subsidiaire, tout en admettant qu’une astreinte vise à vaincre une volonté rebelle passée, l’appelante souligne qu’elle ne saurait valoir que pour l’avenir et ce uniquement une fois que la décision fixant l’astreinte a été notifiée en bonne et due forme. Ces principes élémentaires dans un Etat de droit seraient à respecter, ce qui précisément n’aurait pas été le cas en l’espèce.

En sixième lieu, tout en admettant que l’amende et l’astreinte seraient des institutions de natures différentes, l’appelante met en avant que dans la mesure où l’astreinte aurait été rétroactive, il y aurait eu application cumulative pour les mêmes faits de deux sanctions différentes, l’amende et l’astreinte. Il est reproché au montant de l’astreinte de ne pas être plus motivé que celui de l’amende prononcée. Il est enfin reproché aux premiers juges d’avoir retenu que l’applicabilité directe d’un règlement communautaire exclurait en principe toute transposition, ce raisonnement étant sans nuance tout en méconnaissant le texte même du règlement CE n° 1/2003 précité.

Enfin et en septième lieu, l’appelante propose que soit posée la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice des Communautés européennes :

« Le droit communautaire est-il respecté dans l’éventualité où un Etat national en transposant dans son droit interne le règlement CE n° 1/2003 a réservé, contrairement au droit communautaire, un recours en annulation, seulement pour l’astreinte au lieu d’un recours en réformation prévu par le droit communautaire, limitant ce faisant le recours des juridictions nationales à un contrôle de pure légalité ? » Le fait de refuser le recours en réformation reviendrait à limiter les droits de la défense de la partie intéressée dans un Etat démocratique. Pour autant que de besoin l’appelante déclare reprendre ses mémoires de première instance.

La partie publique conclut au caractère irrecevable, sinon non fondé de l’appel ainsi qu’au caractère non pertinent de la question préjudicielle proposée. Plus particulièrement, elle estime qu’il résulterait du jugement entrepris que tous les actes ont toujours été déposés par l’Etat, agissant par son organe, le conseil de la concurrence, sauf à employer une formulation erronée, de sorte à ne pas tirer à conséquence.

Concernant la saisine du conseil de la concurrence, les premiers juges seraient à confirmer dans leur analyse concernant la simple lettre, admissible a fortiori, la saisine par voie orale étant admise. Quant au caractère non précis de la lettre de saisine, l’appelante se bornerait à affirmer une mauvaise appréciation des premiers juges sans préciser son affirmation. Le moyen d’appel serait dès lors irrecevable sinon non fondé sous cet aspect.

Contrairement aux affirmations de l’appelante ce serait l’article 18, paragraphe 1er, points 1 et 2 de la loi du 17 mai 2004 précitée, tel qu’analysé à bon escient par le tribunal qui fournirait sans équivoque possible une base légale au prononcé des amendes dans le cas de figure donné. Contrairement à la motivation de l’acte d’appel, le jugement entreprit s’emparerait pas non plus du règlement CE n° 1/2003 également précité. Le moyen serait dès lors irrecevable sinon non fondé. Concernant la motivation de la fixation de l’amende la partie publique fait valoir que le jugement entrepris lui-même serait motivé à suffisance de droit et le moyen d’appel afférent serait à rejeter quant à cette branche. Concernant la décision attaquée, le moyen tiré de la non-motivation serait à écarter comme nouveau en appel. En ordre subsidiaire, la motivation donnée au niveau de la décision critiquée serait suffisante ainsi que l’auraient analysé à juste titre les premiers juges. En ordre plus subsidiaire, il y aurait lieu de se référer aux points 15 à 18 de la décision du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 exposant de façon exhaustive l’approche adoptée par le conseil de la concurrence pour prendre sa décision afférente. A titre infiniment subsidiaire, les critères d’appréciation prévus par la loi se dégageraient de la décision du conseil de la concurrence, ainsi que du dossier tel que réexposé par la partie publique dans son mémoire en réponse d’appel.

Concernant la rétroactivité de l’astreinte, la partie publique conclut encore au caractère irrecevable sinon non fondé du moyen au motif que, d’une part, les dispositions du code civil et de la loi uniforme Benelux ne s’appliqueraient pas à l’acte administratif et à l’autorité administrative et que, d’autre part, l’astreinte peut rétroagir au jour auquel l’entreprise était en défaut et consciente d’être en défaut de répondre à la demande de renseignements lui adressée par l’inspection de la concurrence. Le jugement entrepris serait à confirmer dans toute sa teneur concernant la prévision cumulative de l’amende et de l’astreinte, s’analysant en deux mécanismes juridiques différents. Le moyen tiré de la motivation insuffisante du montant de l’astreinte serait irrecevable pour être nouveau en instance d’appel. En ordre subsidiaire, il y aurait lieu de constater que le tribunal retiendrait implicitement que la fixation de ce montant a été faite in concreto. En ordre de dernière subsidiarité, contrairement aux dispositions relatives aux amendes, la loi serait muette quant au critère devant présider à la fixation des astreintes, sauf à fixer un plafond. Aucun reproche ne saurait dès lors être formulé à l’encontre du conseil de la concurrence sous cet aspect.

Enfin sous l’aspect du recours prévu au niveau national, le jugement entrepris aurait correctement analysé la situation dans le sens que le système prévu par l’article 31 du règlement CE 1/2003 consisterait à ne prévoir un recours de pleine juridiction qu’au niveau communautaire sans imposer d’obligation de transposition afférente aux Etats membres concernant le recours au niveau national. La jurisprudence serait constante dans le sens de l’autonomie procédurale dont jouissent les Etats membres dans la mise en application du droit communautaire et de la marge d’appréciation leur laissée à ce niveau.

L’appelante réplique pour souligner que concernant la motivation de l’amende l’argumentaire des premiers juges basé sur l’article 18 de la loi précitée du 17 mai 2004 serait différent de celui mis en avant par le conseil de la concurrence aux pages 9 à 11 de sa décision déférée, qui aurait pris argument dans l’obligation de tout système juridique national de respecter le droit communautaire et aurait en conséquence appliqué le règlement CE 1/2003, dont plus particulièrement les articles 5, 23 et 35. L’appelante fait valoir que dans son chef il n’y aurait eu aucune volonté de braver les autorités, ni de violer délibérément les normes en la matière, lesquelles auraient été nouvelles, de sorte que c’aurait été normal qu’elle fasse valoir son droit de poser des objections de principe à l’encontre des demandes d’investigation de l’inspection de la concurrence. Quant au taux de l’amende. il y aurait lieu de distinguer suivant qu’il s’agirait d’une violation consommée d’une atteinte à la concurrence ou « infractions en cours d’instruction ». De même faudrait-il distinguer suivant qu’uniquement le droit et le marché national étaient concernés ou si aussi le droit communautaire l’était. Force serait de constater qu’en l’occurrence ni pour l’amende, ni pour l’astreinte le législateur ne distinguerait. Ce fait ne devrait pas empêcher le juge d’appliquer, dans son office, les principes de proportionnalité à la cause lui soumise. En conséquence, à supposer qu’une amende soit due, celle-ci ne devrait être que de principe et ne saurait en aucune façon être basée, de près, ni de loin sur le chiffre d’affaires réalisé par l’appelante. Celle-ci d’insister que cet argumentaire ne vaudrait qu’en ordre subsidiaire et à supposer « que les lacunes de la loi luxembourgeoise du 17 mai 2004 soient sans effet ».

A partir de l’article 20 de ladite loi de 2004 prévoyant trois éventualités pour l’astreinte, l’appelante développe que nulle part il ne serait prévu qu’une astreinte puisse rétroagir. Dans la mesure où en l’occurrence il y aurait application cumulative de l’astreinte et de l’amende, il y aurait, pour le moins, quant à la période pour laquelle la rétroactivité de l’astreinte agirait, cumul des deux mécanismes. Suivant l’appelante le droit communautaire serait clairement dans le sens que même si le cumul était théoriquement possible, il faudrait cependant, dans cette éventualité, que l’astreinte ne soit point rétroactive. Au besoin il y aurait lieu de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle tendant à savoir si les principes du droit communautaire et plus particulièrement le règlement CE 1/2003 permettent a) la prononciation d’une astreinte à effet rétroactif et, dans l’affirmative, b) la prononciation d’une astreinte rétroactive cumulativement avec une amende pour les mêmes faits. L’appelante de mettre encore en avant que pour l’astreinte les mêmes observations vaudraient que pour ce qu’elle a argué concernant le taux de l’amende.

Concernant enfin la question du recours juridictionnel national à prévoir, l’appelante souligne que le droit communautaire serait beaucoup plus respectueux des droits de la défense que ne le serait le droit national, alors qu’en l’occurrence il s’agirait d’une pure question de droit de la défense et non pas d’une question d’autonomie procédurale, tel qu’avancé par la partie publique. La question préjudicielle posée garderait dès lors toute sa valeur, étant donné que le droit national serait censé appliquer et non pas entraver le droit communautaire.

La partie publique duplique en insistant que la décision critiquée du conseil de la concurrence baserait elle aussi l’amende prononcée sur les dispositions de l’article 18 de la loi du 17 mai 2004 précitée, contrairement aux conclusions de l’appelante. Si le jugement entrepris avait estimé que le droit national était suffisamment précis pour fournir tous les éléments juridiques requis au prononcé de l’amende, sans qu’il ne se soit référé au droit communautaire, il ne serait pas pour autant vicié. Le fait qu’il y eut un non-lieu au pénal au profit du gérant de l’appelante resterait sans incidence sur l’issue du présent litige. De même, la nouveauté de la loi de 2004 ne dispenserait pas de son respect.

Quant à la fixation du taux de l’amende, la partie publique fait valoir que l’amende retenue n’aurait pas été fixée en fonction du chiffre d’affaires de l’appelante mais que le conseil de la concurrence aurait fixé comme limite supérieure un chiffre déterminé par rapport audit chiffre d’affaires. L’appelante ne ferait d’ailleurs valoir aucun argument concret susceptible d’entraîner la réformation de la fixation de l’amende telle qu’intervenue. L’appelante ne fournirait par ailleurs aucun argument juridique s’opposant à la non-rétroactivité mise en avant concernant l’astreinte. Vu la qualification juridique admise par l’appelante concernant l’astreinte et l’amende, aucun cumul de sanctions ne saurait être valablement mis en avant. La Cour de Justice des Communautés européennes ne saurait être saisie d’une question préjudicielle que dans l’hypothèse où la juridiction nationale pourrait éventuellement déduire de la portée du droit communautaire une non-conformité du droit national au droit communautaire.

Les suggestions portées par la partie appelante concernant le caractère rétroactif de l’amende et sa conformité par rapport au droit communautaire seraient sans fondement.

Concernant enfin le recours juridictionnel interne, le moyen avancé par la partie appelante partirait d’une fausse prémisse en ce qu’à la fois le recours en annulation et le recours en réformation incluraient un contrôle de l’erreur d’appréciation, le recours en annulation ne se limitant pas à un simple contrôle de la légalité de la décision déférée. La partie publique met en doute que la question posée ait trait aux droits de la défense. Le droit communautaire primaire et dérivé n’aurait pas vocation à créer ou à protéger des droits de la défense, sauf en être respectueux lui-même. Si dès lors le droit communautaire contenait des dispositions protectrices des droits fondamentaux, il n’en découlerait aucune obligation pour les Etats membres de les protéger de la même façon. Enfin, il y aurait lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme suivant laquelle il n’y aurait pas de violation disproportionnée pertinente de la Convention européenne des droits de l’homme pour autant que le contrôle juridictionnel exercé par la juridiction interne atteigne un certain degré d’effectivité, degré manifestement atteint au Luxembourg à travers le recours en annulation concernant le volet de l’astreinte.

Considérant que l’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que suivant l’article 41 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les moyens nouveaux en appel sont admis, contrairement aux demandes nouvelles qui, elles, sont prohibées ;

Considérant que la partie intimée sollicitant à plusieurs reprises l’irrecevabilité de moyens d’appel pour avoir été pour la première fois soulevés en instance d’appel, cet argument est à chaque fois à écarter au regard de la disposition légale sous analyse ;

Considérant que la Cour n’est pas liée par l’ordre dans lequel les moyens d’appel ont été formulés et dispose de la faculté de les toiser dans un ordre différent, si notamment la logique juridique l’impose ;

Considérant que dans la mesure où la question préjudicielle proposée est a priori susceptible, per se, de conditionner le cadre légal applicable, il y a lieu de traiter celle-ci à titre préalable ;

Considérant que par rapport à la question proposée pour être posée à la Cour de Justice des Communautés européennes il convient de préciser d’abord que le règlement CE 1/2003 du 16 décembre 2004 précité dispose dans son article 31 intitulé « contrôle de la Cour de Justice » que « la Cour de Justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée » ;

Considérant qu’il est patent que la Cour de Justice visée par l’article 31 en question est la Cour de Justice des Communautés européennes ;

Considérant que d’un autre côté l’article 26 de la loi du 17 mai 2004 précitée prévoit pour l’astreinte un recours en annulation ;

Considérant qu’un règlement communautaire est d’application directe et ne nécessite en principe aucune transposition hormis les mesures que le règlement imposerait lui-

même aux Etats membres en vue d’assurer que ses dispositions puissent être effectivement appliquées, sans que l’effet direct propre au règlement ne puisse jamais être entravé ;

Considérant que force est de constater que le règlement CE n° 1/2003 du Conseil ne prévoit aucune mesure de la sorte concernant le contrôle juridictionnel au niveau des Etats membres dans le chef des décisions des autorités nationales en matière de concurrence concernant plus précisément une astreinte par elles stipulée ;

Considérant que l’article 31 du règlement CE n° 1/2003 en question vise uniquement le contrôle juridictionnel des décisions de la Commission européenne par la Cour de Justice des Communautés européennes sans imposer une quelconque obligation aux Etats quant à l’organisation dans leurs droits internes respectifs du contrôle juridictionnel des décisions de leurs autorités de concurrence ;

Considérant que par ailleurs le recours en annulation, recours de droit commun prévu par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, comporte parmi les missions du juge de la légalité ainsi désigné la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis, à l’exclusion de tout doute et se trouvent dans un rapport de proportionnalité, de sorte à être exempts, sous cet aspect, de toute erreur d’appréciation vérifiée ;

Que dès lors le recours en annulation revêt à son tour un caractère effectif en ce qu’il prévoit un contrôle de proportionnalité comportant lui-même une analyse sur l’existence d’une erreur d’appréciation vérifiée ;

Considérant qu’il s’ensuit que la Cour n’entrevoit pas que la loi précitée du 17 mai 2004 viole le règlement CE n° 1/2003 en prévoyant pour les astreintes un recours en annulation et non point un recours de pleine juridiction ;

Que dès lors il n’y a pas lieu de poser à la Cour de Justice des Communautés européennes la question préjudicielle proposée ;

Considérant que c’est à bon droit que le tribunal administratif, à travers son jugement entrepris, en suivant l’arrêt de la Cour administrative du 24 janvier 2008 (n° 23178C du rôle) a retenu qu’étant donné que la capacité active d’ester en justice ne peut être reconnue qu’à une des personnes disposant de la personnalité juridique et que le conseil de la concurrence, créé par la loi précitée du 17 mai 2004, n’a pas été doté de la personnalité juridique, il ne saurait être admis à agir en justice en son nom personnel et pour son propre compte, fut-ce comme partie défenderesse dans le cadre d’un contentieux administratif en vue de la défense d’une décision qu’il a été amené à prendre ;

Qu’a fortiori et à défaut de personnalité juridique propre, le conseil de la concurrence ne saurait pas non plus être partie intimée en nom personnel et pour son compte propre en instance d’appel devant la Cour administrative ;

Considérant que c’est encore en bonne logique que le tribunal a retenu que quoique la loi précitée du 17 mai 2004 reconnaisse une large indépendance au conseil de la concurrence, il n’a été institué en définitive qu’en tant que simple organe de l’Etat n’ayant pas une existence juridique personnelle propre ;

Que c’est de même de façon conséquente que les premiers juges ont décidé qu’à défaut de personnalité juridique vérifiée dans le chef du conseil de la concurrence, celui-ci ne saurait être admis à présenter sa propre défense dans le présent litige, de sorte à écarter les actes de procédure déposés en son nom tout en admettant que les actes posés par l’Etat, agissant par l’organe de son conseil de la concurrence, puissent être admis ;

Que par voie de conséquence l’argumentaire de la partie appelante tendant en définitive à écarter de plano l’ensemble des actes de procédure déposés au nom de la partie publique est à rejeter ;

Considérant que relativement à la saisine du conseil de la concurrence, l’article 9 alinéa 2 de la loi du 17 mai 2004 précitée dispose que ledit conseil « est saisi par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au Conseil » ;

Considérant que les règles de forme ont pour objectif premier de garantir les libertés et d’encadrer l’exercice légal des droits des administrés, de même que les attributions de l’administration ;

Considérant que dans la mesure où l’article 9 alinéa 2 sous revue admet la saisine du conseil de la concurrence par simple déclaration, le cas échéant orale, la saisine par simple lettre ne saurait être exclue comme se plaçant en dehors du cadre formel posé par la loi, mais doit être admise par raisonnement a fortiori ;

Considérant que par confirmation de l’analyse des premiers juges, la Cour ne saurait entrevoir au niveau de la lettre de saisine du questionnaire une imprécision telle qu’elle aurait été constitutive d’une violation des droits de la défense de l’appelante actuelle, les premiers juges ayant apprécié de façon adéquate les éléments du moyen présenté y relativement en première instance, auxquels l’appelante ne fait que renvoyer ;

Que le moyen laisse à son tour d’être fondé sous tous ses aspects ;

Considérant que l’argumentaire de l’appelante tiré d’une violation de l’article 18 de la loi précitée du 17 mai 2004 ne porte pas sur le principe de l’amende encourue du fait que la société … a refusé de fournir dans un premier temps les renseignements sollicités, étant constant que ledit article 18 prévoit dans son paragraphe (1) point 2 que le conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes, lorsque, intentionnellement ou non, en réponse à une demande faite par voie de décision prise en application de l’article 13 paragraphe 3 elle fournissent un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai prescrit ;

Considérant que l’argumentaire de l’appelante tourne autour de la question de la motivation de l’amende prononcée ;

Que sous cet aspect l’article 18 prévoit en son paragraphe 2 que « les amendes prévues au paragraphe précédent sont proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus, l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par la présente loi ;

Les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque amende.

Le montant maximum de l’amende prononcée sur base des paragraphes précédents est de 10 pour cent du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante » ;

Considérant que par rapport à la critique élevée quant au principe de l’existence d’une motivation à la base de la fixation de l’amende, il importe de constater d’abord que des éléments de motivation divers se trouvent aux points 15 et suivants de la décision critiquée du conseil de la concurrence ensemble le calcul d’application effectué au point 34, abstraction faite à ce stade du caractère pertinent de cette motivation ;

Considérant que le conseil de la concurrence retient tout d’abord à travers le point 10 de sa décision critiquée que les deux séries de critères précitées et prévues par le paragraphe (2) de l’article 18 de la loi précitée du 17 mai 2004 se réfèrent aux éléments de fond du dossier, alors qu’au stade de la procédure auquel l’inspection de la concurrence met en œuvre les pouvoirs d’enquête prévus par les articles 13 et suivants de la même loi, il n’est établi ni qu’il existerait une violation de la loi, ni à partir de quel moment elle a été, le cas échéant, mise en œuvre, ni qu’une éventuelle violation de la loi pourra être imputée à l’entreprise sollicitée pour fournir des renseignements ;

Que le conseil de la concurrence se déclare ainsi amené à devoir appliquer à la fixation du taux de l’amende des critères qui ne peuvent être appréciés à ce stade, tout en mettant en avant que la faculté de prononcer des amendes est destinée à persuader les entreprises d’une façon générale, par crainte de la sanction financière, à coopérer avec l’inspection de la concurrence afin de permettre à celle-ci de collecter les données nécessaires à l’exécution de sa mission légale ;

Que c’est ainsi que le conseil de la concurrence a déclaré se trouver enfermé de par la rédaction de la loi dans « un cercle vicieux », dont des origines seraient à rechercher dans la genèse des dispositions légales afférentes ;

Qu’il en dégage que les critères de fond n’étant pas appropriés, sinon inapplicables au domaine des mesures d’instruction, l’intention du législateur n’aurait cependant pas pu être de laisser lettre morte des pouvoirs d’enquête de l’inspection de la concurrence ni des pouvoirs de coercition du conseil consistant plus particulièrement dans le prononcé d’une amende dans le cas notamment de non-fourniture dans les délais d’informations requises ;

Considérant que la Cour est amenée, à partir des dispositions de l’article 18 sous revue à opérer une analyse plus nuancée, en ce sens que le paragraphe (2) dudit article 18 renvoie expressément aux « amendes prévues au paragraphe précédent », donc également à celles prévues dans l’hypothèse de non-fourniture d’un renseignement demandé sur base de l’article 13 paragraphe (3), de sorte qu’il ressort du libellé même de l’article 18 en question que les principes prévus en son paragraphe (2) sont a priori d’application ;

Considérant que dès ce constat, il convient d’écarter l’argumentaire de la partie appelante tiré d’une violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme consacrant le principe « pas de peine sans loi » ;

Considérant que le paragraphe (2) en question énonce tout d’abord le principe général que les amendes doivent être proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus ;

Considérant que ce principe général reste éminemment valable pour les faits sous analyse, la gravité visant en l’occurrence le fait de ne pas fournir les renseignements requis dan le délai et la durée des faits retenus visant dans le cadre précis de l’espèce la durée de non-fourniture des renseignements sollicités, compte tenu notamment du délai fixé ;

Considérant que par ailleurs l’alinéa 2 du paragraphe (2) de l’article 18 prérelaté trouve également pleine application en l’occurrence en ce que « les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque amende » ;

Considérant que d’un autre côté la Cour partage l’analyse du conseil de la concurrence en ce que le montant maximum de l’amende prononcée sur base des paragraphes précédents, tel qu’énoncé par l’alinéa 3 du paragraphe (2) dudit article 18, évalué à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial y précisé doit valoir essentiellement pour les amendes à prononcer au fond également prévues par le paragraphe 1er du même article 18 ;

Considérant que s’il est manifeste que le paragraphe (2) de l’article 18 répond aux hypothèses multiples relatives aux phases d’instruction et de fond prévues par le paragraphe (1) et épouse dès lors cette diversité par le renvoi opéré sans formuler une réponse distributive complète, le texte légal en question ne se résume cependant pas en un cercle vicieux tel que mis en avant par le conseil de la concurrence ;

Considérant qu’il est patent que si le critère de l’importance du dommage causé à l’économie, repris par le paragraphe (2) de l’article 18 sous revue a essentiellement trait aux amendes prononcées au fond, de même que celui de l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par la loi de 2004, le critère de la situation de l’entreprise ou du groupe concerné est cependant en général tel qu’il est applicable à toutes les amendes énumérées au paragraphe (1) dudit article 18 ;

Considérant que force est à la Cour de retenir que le législateur, à travers le texte de loi inégalement différencié, finit par laisser au conseil de la concurrence une marge d’appréciation qui, sans être cadrée en tous points in concreto, se trouve néanmoins balisée à travers les principes généraux de la proportionnalité, de l’individualité, voire de la spécialité, de la gravité des faits, de la durée de la situation ainsi que de l’exigence de motivation ut singula pour chaque amende prononcée ;

Considérant que c’est à bon droit que le conseil de la concurrence a considéré le maximum de l’amende fixée au paragraphe (2) alinéa 3 de l’article 18 sous revue comme étant un maximum plutôt lointain, devant valoir pour les amendes prononcées au fond ;

Considérant que dans le cadre de son pouvoir d’appréciation le conseil a pu, tel qu’il l’a fait, prendre référence par rapport à des standards existant en droit communautaire ;

Que plus particulièrement c’est de façon adéquate que le conseil s’est orienté par rapport au maximum de 1 % du chiffre d’affaires total réalisé au courant de l’exercice social précédent les faits sanctionnés, notamment en cas de non-fourniture de renseignements sollicités dans le délai imparti, prévu dans le cas précis où la Commission européenne peut infliger une amende conformément à l’article 23 dudit règlement CE 1/2003 aux entreprises y visées dans le cadre de ses attributions propres ;

Considérant que c’est par parallélisme à l’argumentaire ci-avant déployé concernant la nature du recours juridictionnel à prévoir qu’il convient également à ce stade de souligner que l’article 23 en question vise le cadre spécifique des sanctions prononcées par la Commission européenne dans le cadre de ses compétences propres et que dès lors le montant maximum des amendes ne s’impose pas tel quel aux autorités nationales statuant au niveau de leur compétence nationale propre, mais peut être valablement considéré comme référence dans le cadre de la marge d’appréciation laissée à l’autorité nationale par sa législation propre ;

Considérant que force est encore de constater que le conseil de la concurrence, à travers le point 34 de la décision critiquée, après avoir retenu que « le maximum de l’amende est à fixer à 1 pour cent du chiffre d’affaires, partant à (5.050.612,07 x 1 pour cent =) 50.506.12 € », a procédé à une appréciation aboutissant au résultat que « dans ces limites, le conseil estime approprié de fixer l’amende à 17.000 € » ;

Considérant que compte tenu des éléments complémentaires valablement produits par le mandataire de la partie publique en instance d’appel, la décision portant sur le montant de l’amende retenu se trouve être à suffisance motivée quant à son principe, alors que prenant position par rapport à la gravité des faits retenus et à l’importance du dommage causé à l’économie à travers l’importance des renseignements demandés en vue de l’instruction menée, ainsi qu’à la durée des faits retenus en visant l’abstention de l’entreprise perdurant depuis la date limite du 15 janvier 2007 et à la situation de l’entreprise telle que considérée dans la décision critiquée, de même qu’à l’absence de réitération de la pratique dans le chef de l’appelante ;

Considérant que sur base des éléments qui précèdent, force est à la Cour de constater que quant au principe de la motivation la partie publique a suffisamment justifié la prise en compte des paramètres différents prévus par la législation applicable et que dès lors l’argumentaire de l’appelante tiré de l’absence de motivation ne saurait pas non plus être retenu sous ces aspects-là ;

Considérant que contrairement à l’affirmation présentée dans la requête d’appel, le conseil de la concurrence ne s’est pas borné à fixer l’amende à 1 % de son chiffre d’affaire annuel, de sorte à ne pas avoir méconnu des dispositions de l’article 18 de la loi précitée du 17 mai 2004 sous ce volet ;

Considérant qu’au niveau de l’application des principes ci-avant dégagés au montant de l’amende fixée en l’occurrence, il y a en effet lieu de constater qu’à partir du seuil de référence constitué par le montant de 1 % du chiffre d’affaires pertinent non autrement remis en question, soit en l’espèce 50.506,12 €, le conseil de la concurrence est arrivé à une amende représentant un peu plus du tiers du montant de référence en question, soit 17.000.- € ;

Considérant que compte tenu de la gravité des faits entrevue par rapport à l’importance des renseignements pour l’instruction, ensemble le dépassement de la date limite fixée, d’un côté, ainsi que de la situation financière de l’entreprise et du fait qu’il s’agissait d’une procédure relativement nouvelle, s’accompagnant d’une non-réitération dans le chef de l’intéressée, d’un autre côté le montant retenu de 17.000.- € est à qualifier de proportionné et adéquat, compte tenu des différents éléments d’aggravation et de diminution ci-avant retenus ainsi que de la plage financière de l’intéressée tels que valablement mis en avant par l’autorité publique ;

Que dès lors le moyen laisse également d’être fondé sous ce dernier aspect ;

Considérant que relativement à l’argumentaire présenté par l’appelante concernant l’astreinte, il convient de retenir tout d’abord que dans la mesure où la Convention Benelux sur la loi uniforme relative à l’astreinte, approuvée par la loi du 21 juillet 1976 et incorporée aux articles 2059 et suivants du code civil, traite uniquement des astreintes prononcées par une juridiction, les textes légaux en question sont inapplicables en tant que tels aux astreintes prévues par la loi précitée du 17 mai 2004 pour y être prononcées par le conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante et organe de l’Etat, ne constituant point une juridiction ;

Considérant que ladite loi du 17 mai 2004 dispose en son article 20, intitulé « astreinte », plus particulièrement sous son paragraphe (1) que « le conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des astreintes jusqu’à concurrence de 5 pour cent du chiffre d’affaire journalier moyen réalisé au cours de l’exercice social précédent par jour de retard à compter de la date qu’elle [sic] fixe dans sa décision, pour les contraindre : … 3) à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu’elle [sic] a demandé par voie de décision prise en application de l’article 13, paragraphe 3 » ;

Considérant qu’il convient tout d’abord de souligner que le texte légal contient une incohérence apparente, dans la mesure où il emploie à deux reprises le pronom « elle » alors que le sujet de la phrase constituée par le paragraphe 1er prérelaté est nécessairement « le conseil », nom masculin ;

Considérant que dans la mesure où le pronom « elle » ne saurait valablement, sans déformation du sens devant être revêtu par le texte légal en question, se rapporter à un autre nom que « le conseil », il y a lieu de lire le texte de loi en question dans le sens que le pronom « elle » est à deux reprises à remplacer par « il » devant se rapporter nécessairement à « le conseil » ;

Considérant qu’au niveau des concepts il y a lieu de préciser encore que l’astreinte visée par la loi précitée du 17 mai 2004 doit être entrevue par analogie à celle visée par le règlement CE 1/2003 et ce dans le sens qu’elle s’analyse en condamnation pécuniaire, accessoire et éventuelle, fixée dans le cadre dudit règlement communautaire par la Commission de l’Union Européenne et, dans le cadre de ladite loi de 2004, par le conseil de la concurrence à un montant X par jour de retard, montant qui doit servir à obtenir d’une entreprise qu’elle fournisse les renseignements demandés ;

Considérant que dans la mesure où pour l’omission de fourniture des mêmes renseignements une amende peut être parallèlement prononcée, il convient de ne pas confondre l’astreinte spécifique prévue notamment par l’article 20 de la loi précitée du 17 mai 2004 avec l’astreinte qui, en règle générale s’analyse en accessoire d’une condamnation principale, sans qu’elle ne puisse, en principe, être assortie à une condamnation pécuniaire, s’analysant en définitive elle-même en pareille condamnation ;

Considérant qu’il est constant qu’aux termes de l’article 20 paragraphe (1er) point 3) prérelaté, l’astreinte tend à contraindre l’entreprise concernée à fournir de manière complète et exacte un renseignement qui lui a été demandé par voie de décision prise en application de l’article 13 paragraphe (3) de la même loi ;

Considérant qu’il découle des termes mêmes employés par la disposition légale de l’article 20 sous revue que l’astreinte comporte un champ d’application dans le futur alors que par définition elle est accessoire et éventuelle, signifiant qu’elle ne peut être appliquée que pour l’avenir à compter de la décision prise par l’autorité compétente sous observation nécessaire d’un délai raisonnable permettant au destinataire de la dite décision d’en prendre connaissance et d’agir en conséquence ;

Considérant que cette analyse se dégageant à la fois de la définition spécifique de l’astreinte et des termes mêmes de l’article 20 (1) point 3) sous revue se trouve encore corroborée par le paragraphe (2) du même article disposant que « lorsque les entreprises ou les associations d’entreprises ont satisfait à l’obligation pour l’exécution de laquelle l’astreinte a été infligée, le Conseil peut fixer le montant définitif de celle-ci à un chiffre inférieur à celui qui résulte de la décision initiale » ;

Considérant qu’il découle directement du paragraphe (2) en question qu’au moment de la fixation de l’astreinte à travers la décision initiale, l’objectif ne devait, par définition, pas encore avoir été atteint, c’est-à-dire en l’occurrence les renseignements sollicités n’avaient pas encore été fournis de manière complète et exacte ;

Que dans cette hypothèse visée précisément par ledit paragraphe (2), le conseil de la concurrence a le pouvoir de fixer le montant définitif de l’astreinte une fois cristallisé le fait que l’entreprise a suffi à l’obligation de renseignement lui incombant ;

Que c’est toujours dans cette hypothèse que le conseil peut fixer le montant définitif de l’astreinte à un chiffre inférieur à celui initialement par lui retenu ;

Considérant que force est à la Cour de constater qu’à travers sa décision du 30 mars 2007, le conseil de la concurrence a fixé dans le chef de l’appelante actuelle une astreinte prenant cours à la date du 16 janvier 2007 ;

Considérant qu’au vu des développements qui précèdent, pareille fixation, à effet rétroactif, contrevient directement aux exigences de la loi telles que prévues précisément à l’article 20 paragraphe (1) point 3) prérelaté, alors qu’il n’était légalement possible pour le conseil de fixer l’astreinte, dans la mesure où les renseignements requis ne se trouvaient pas fournis de manière complète et exacte, qu’au plus tôt à partir de la date de la notification faite de la décision contenant la fixation de l’astreinte en question ;

Considérant que dès lors dans la mesure de la violation de la loi ci-avant constatée visant le caractère rétroactif de la fixation de l’astreinte opérée par le conseil de la concurrence, il convient, par réformation du jugement entrepris, d’annuler la décision déférée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où elle statue de façon rétroactive pour la période du 16 janvier 2007 jusqu’à la date de sa notification à l’appelante actuelle ;

Considérant que du fait de l’annulation à prononcer de la décision déférée du conseil de la concurrence concernant le volet du caractère rétroactif de l’astreinte, le moyen de l’appelante concernant l’exigence du non-cumul de l’astreinte et de l’amende, dans la mesure où l’astreinte aurait été rétroactive, devient sans objet ;

Considérant que l’appelante met encore en avant la non-motivation, selon elle, de l’astreinte prononcée, quant à son montant retenu ;

Considérant que force est à la Cour de retenir que dans le point 35 de la décision déférée le conseil de la concurrence établit tout d’abord « le maximum de l’astreinte journalière » qui « est à fixer à 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen, partant à (5.050.612,07 : 365 x 5 % =) 691,86.- € » ;

Considérant que dans la logique opérée concernant la fixation de l’amende, le conseil de la concurrence estime approprié de fixer l’astreinte journalière au taux arrondi correspondant plus au moins au tiers du maximum prévu par la loi, à savoir en l’occurrence 230.- € ;

Considérant que le taux journalier maximum retenu par l’article 20 de la loi du 17 mai 2004 précitée, correspond, concernant l’astreinte, à celui également prévu dans le chef de la Commission européenne par l’article 24 du règlement de référence CE 1/2003, de sorte, que c’est dans une logique parallèle que le conseil de la concurrence a en l’occurrence appliqué un barème comparable à celui retenu lors de la fixation de l’amende ;

Considérant que le juge administratif étant amené à statuer comme juge de l’annulation par rapport à l’astreinte et à analyser la situation au jour de la prise de la décision critiquée de l’autorité administrative en question, il convient à ce stade, par parallélisme, de retenir le caractère proportionné et adéquat de l’astreinte prononcée au moment précis de l’époque pour la plage utile se situant à l’avenir de la décision du 30 mars 2007, compte tenu d’un délai raisonnable à partir de sa notification, sans préjudice des dispositions du paragraphe (2) de son article 20 de la loi du 17 mai 2004 ouvrant au conseil de la concurrence la possibilité de fixer le montant définitif de l’astreinte à un chiffre inférieur à celui résultant de sa décision initiale une fois l’obligation de fourniture des renseignements satisfaite par l’entreprise concernée ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a débouté la société … de son moyen concernant le défaut de motivation de l’astreinte prononcée, mais que conformément à ce qui a été retenu plus haut, ce même jugement encourt la réformation quant au point de départ de l’astreinte arrêtée par la décision du conseil de la concurrence du 30 mars 2007, en ce que celle-ci est à annuler dans la mesure où elle a porté sur la période allant du 16 janvier 2007 jusqu’au jour de sa notification à l’appelante actuelle, de sorte à n’être maintenue qu’à partir de cette date de notification qui en constitue le point de départ ;

Considérant qu’eu égard à l’issue du litige il convient de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer pour deux tiers à la partie appelante et pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, partie intimée ;

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle proposée ;

au fond, dit l’appel partiellement fondé ;

partant, par réformation du jugement entrepris, annule la décision déférée du conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où l’astreinte y prononcée porte sur la période allant du 16 janvier 2007 jusqu’à la date de la notification à l’appelante actuelle de ladite décision déférée ;

déclare l’appel non fondé pour le surplus et confirme le jugement entrepris dans cette mesure ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose pour deux tiers à l’appelante et pour un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, vice-président, Henri CAMPILL, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

s. MAY S. DELAPORTE 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24433C
Date de la décision : 13/11/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2008-11-13;24433c ?

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