GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 21357 C Inscrit le 3 mai 2006
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
-----------
AUDIENCE PUBLIQUE DU 14 NOVEMBRE 2006 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -
(jugement entrepris du 3 avril 2006, no 20750 du rôle)
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2006 par Maître Valérie Demeure, avocat à la Cour, au nom de …, née le …(Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif à la date du 3 avril 2006, à la requête de l’actuelle appelante tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 septembre 2005 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 10 novembre 2005 rendue sur recours gracieux.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2006 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï le vice-président en son rapport et Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Valérie Demeure, ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs observations orales.
Vu la rupture du délibéré du délibéré ordonnée par la Cour administrative en date du 4 juillet 2006 invitant la partie la plus diligente de verser à la Cour le passeport de l’appelante, sinon une attestation des autorités helvétiques compétentes attestant la délivrance d’un visa à l’appelante pour l’époque où elle soutient être entrée en Suisse et refixant l’affaire à l’audience publique du mardi, 26 septembre 2006 à 9.00 heures.
Vu le résultat de l’enquête menée par le Service de Police Judiciaire auprès des autorités Suisses déposé au greffe de la Cour administrative le 10 août 2006 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.
A l’audience du 26 septembre 2006, Maître Valérie Demeure ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück furent réentendues en leurs observations orales.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Par jugement du 3 avril 2006, le tribunal administratif a rejeté comme non justifié le recours introduit par …, née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, et tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 septembre 2005 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 10 novembre 2005 rendue sur recours gracieux.
Le même jugement a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.
Le jugement a retenu en ce qui concerne le motif d’asile tiré de ce que la demanderesse se sent persécutée à titre de représailles du fait de son refus d’accepter un mariage forcé que s’il est vrai que les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé, dont l’attitude est regardée par tout ou partie de la société de leur pays d’origine comme transgressive à l’égard des lois et coutumes en vigueur, et qui sont susceptibles d’être exposées de ce fait à des persécutions contre lesquelles les autorités refusent ou ne sont pas en mesure de les protéger doivent être regardées comme appartenant à un groupe social au sens des dispositions de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, il ne ressortirait toutefois pas des éléments du dossier que la demanderesse n’aurait pas pu s’adresser aux autorités de son pays pour solliciter leur protection, la simple affirmation que les autorités camerounaises n’auraient pas d’influence sur ces traditions étant insuffisante à cet égard.
Il a par ailleurs été retenu que la demanderesse n’établirait pas en l’espèce qu’elle ne peut pas trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de son pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.
Appel a été relevé par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2006. Il est conclu à voir en ordre principal réformer, subsidiairement annuler le jugement rendu le 3 avril 2006 et à reconnaître à la requérante le statut de réfugié tel que prévu par la Convention de Genève.
L’appelante reproduit les faits invoqués à l’appui de sa demande en soutenant que le jugement dont appel en aurait fait une appréciation erronée.
En son mémoire du 12 mai 2006, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement pour les motifs y contenus et par référence à son mémoire de première instance.
Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi ;
2 Considérant que des pièces versées par le délégué du Gouvernement à la suite de la rupture du délibéré, il résulte que le récit de l’appelante, en ce qui concerne son passage en Suisse d’où elle se serait rendue au Luxembourg, est plausible ;
Considérant que la Cour prend acte de l’absence de contradiction, au mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, à l’égard de l’admission par le jugement de ce que les femmes qui entendent s’opposer à des coutumes locales leur imposant des mariages auxquels elles n’auraient pas librement consenti doivent être regardées comme appartenant à un groupe social au sens des dispositions de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève ;
Considérant toutefois que la Cour adopte pareillement les motifs du tribunal que la demanderesse n’établit pas en l’espèce qu’elle ne peut pas trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de son pays d’origine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale ;
qu’en effet l’étendue considérable et en partie urbanisée du Cameroun est de nature à ne pas rendre impossible à l’appelante de trouver un séjour sûr dans d’autres parties de son pays, possibilité dont elle a d’ailleurs profité avant son départ pour la Suisse et pour le Luxembourg ;
Considérant que le territoire du pays d’origine d’un demandeur d’asile devant être considéré en son ensemble pour l’appréciation des possibilités de fuite interne en cas de risques de persécutions locales émanant d’éléments de la population autres que l’autorité en place il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, à confirmation du jugement et à dire l’appel non fondé.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit l’acte d’appel du 3 mai 2006, le dit non fondé et en déboute, partant, confirme le jugement du 3 avril 2006, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Henri Campill, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
3 le greffier le vice-président 4