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14/11/2006 | LUXEMBOURG | N°18040C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 novembre 2006, 18040C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18040 C Inscrit le 10 mai 2004

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Audience publique du 14 novembre 2006 Recours formé par …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, n° 17048 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous l

e numéro 18040C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2004 par Maî...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18040 C Inscrit le 10 mai 2004

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Audience publique du 14 novembre 2006 Recours formé par …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, n° 17048 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 18040C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2004 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom des époux …, de nationalité luxembourgeoise, et …, de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à B-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 29 mars 2004, par lequel il a dit qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes de la question préjudicielle proposée et a déclaré non justifié le recours en annulation introduit contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 14 juillet 2003, portant refus de délivrance d’un permis de travail en faveur d’… pour un poste d’ouvrier auprès de l’entreprise … ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 11 janvier 2005 transmettant le dossier à la Cour de Justice des Communautés Européennes avec la question préjucielle ci-

après plus amplement spécifiée;

Vu l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 30 mars 2006 ;

Vu le mémoire intitulé mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2006 par Maître Ardavan Fatholahzadeh ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 2006 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le vice-président en son rapport supplémentaire, Maître Ardavan Fatholahzdeh et la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par arrêt du 11 janvier 2005, la Cour, tout en déclarant irrecevable la requête introductive de première instance dans la mesure où elle était introduite par … et en réformant le jugement dont appel sur ce point, a posé à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle de savoir « si les règles communautaires concernant la libre circulation des travailleurs sont applicables à la situation d’un ressortissant d’un Etat tiers conjoint d’un ressortissant communautaire qui, dans un pays membre autre que le sien, a effectué une formation et un stage professionnels et si de ce fait la partie non communautaire peut se trouver dispensée d’un permis de travail sur base des règles garantissant aux ressortissants communautaires et aux membres de leur famille ressortissants de pays tiers le droit à la libre circulation des travailleurs ».

Le dit arrêt a retenu qu’en attendant l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes, il y aurait lieu de surseoir sur les autres moyens d’appel et a sursis à statuer sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure.

En son arrêt n° 10/05 du 30 mars 2006, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que : « dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992, ne confère pas à un ressortissant d’un Etat tiers le droit d’accéder à une activité salariée dans un Etat membre autre que celui où son conjoint, ressortissant communautaire ayant fait usage de son droit à la libre circulation, exerce ou a exercé une activité salariée ».

La Cour a encore, entre autres, retenu qu’ « il appartient au juge national, lors de l’appréciation des faits dont il est seul compétent, de vérifier si, dans le cadre de son stage professionnel, Mme … a exercé une activité salariée réelle et effective, lui permettant d’être considérée comme un travailleur au sens de l’article 39 CE ».

A la demande de la Cour, l’appelant … a fait déposer un mémoire supplémentaire intitulé « mémoire en duplique » le 17 juillet 2006.

Il conclut à voir statuer conformément à la requête d’appel déposée par l’appelant en date du 10 mai 2004, ainsi qu’au mémoire en réplique déposé devant la Cour en date du 5 juillet 2004 et à dire que … était dispensé de permis de travail au Grand-

Duché de Luxembourg sur base de la liberté de circulation décrite par le règlement CEE précité 1612/68 et l’article 2.2, paragraphe 2, de la directive 93/96 CEE du Conseil relative au droit de séjour des étudiants.

L’appelant se réfère à l’article 39 du traité CE et au règlement CEE du Conseil n° 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs et subsidiairement à la directive des étudiants précitée.

Le délégué du Gouvernement a fait déposer un mémoire supplémentaire le 28 juillet 2006.

Il conclut à voire dire que la directive 1612/68 ne s’applique pas à … alors que son épouse …, de la situation de laquelle il déduirait l’existence de son droit, n’aurait pas eu la qualité de travailleur au sens du droit communautaire au moment où a été prise la décision litigieuse. Il est encore soutenu que la directive « étudiants » invoquée par l’appelant serait sans pertinence en la matière.

Considérant qu’à l’arrêt rendu sur question préjudicielle la Cour de Justice des Communautés européennes a retenu que, dans la mesure où l’épouse de l’appelant aurait, dans le cadre de son stage professionnel en Belgique, exercé une activité salariée réelle et effective qui lui aurait permis d’être considérée comme travailleur au sens de l’article 39 CE, le droit de se prévaloir de l’article 11 du règlement 1612/68 se limiterait au territoire de la Belgique, seul pays où la dame … a, en exerçant une activité salariée, fait usage de son droit à la libre circulation ;

Considérant que la décision ministérielle entreprise refusant à … le permis de travail sollicité est datée du 14 juillet 2003, cette date étant dès lors à retenir pour apprécier la situation en fait et en droit du dossier;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que …, l’épouse de …, a disposé d’un certificat de nationalité luxembourgeoise daté du 8 novembre 2002 ;

que la carte de séjour en Belgique des époux …-… renseigne qu’ils étaient mariés au jour de la décision ministérielle ;

Considérant, en ce qui concerne la situation de … au moment de la décision litigieuse, qu’il résulte des pièces versées qu’elle a obtenu en Belgique, le 30 juin 2003 une « certification de qualification de 6e année de l’enseignement secondaire professionnel ; subdivision : auxiliaire familial et sanitaire », et que, pendant la même période, de mars à juin 2003, elle a effectué un stage d’aide-soignante aux « Résidences d’Euroster » à Messancy (B), sans que le certificat ne renseigne de l’existence ou du montant d’appointements ou de salaire;

Considérant que le dossier ne permet donc pas de résoudre de façon univoque si … a séjourné en Belgique en tant que travailleur migrant, situation réglée par le règlement 1612/68 ou comme étudiant au sens de la directive 93/96/CEE, soit de décider laquelle des deux bases légales invoquées par … est applicable en cause ;

Considérant cependant qu’il n’y a pas lieu d’ordonner un complément d’information alors qu’il appert des deux textes envisageables que sur la base ni de l’un ni de l’autre il y a lieu à annulation, pour contrariété au droit communautaire, de la décision déférée ;

Considérant en effet, quant au règlement 1612/68, qu’il est constant pour avoir été décidé à l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes qu’à supposer que … doive être considérée comme travailleur migrant, que les droits revenant à … ne peuvent être mis en œuvre qu’en Belgique où les époux ont résidé au moment de la décision litigieuse et où … a fait valoir ses droits de travailleur migrant ;

Considérant que la même solution s’impose à supposer que la situation de … soit réglée par la directive « Etudiants » n° 93/96 CEE invoquée à titre subsidiaire par … alors que l’article 2.2. de la dite directive dispose que « le conjoint et les enfants à charge d’un ressortissant d’un Etat membre bénéficiant du droit de séjour sur le territoire d’un Etat membre ont le droit d’accéder à toute activité salariée ou non salariée sur l’ensemble du territoire de cet Etat membre(soit en l’espèce le seul Royaume de Belgique), même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre » ;

Considérant qu’étant constant en cause que … a, au moment de la décision déférée, continué à séjourner en Belgique, la question si, au titre de travailleur ou d’étudiant, elle aurait pu continuer, en son pays, à tirer profit du bénéfice acquis dans un autre pays membre (cf. arrêt C-370/90 visant la situation d’un travailleur rentrant en son pays après une période d’activité dans un autre Etat membre) ne se pose pas;

Considérant qu’il s’ensuit que les conclusions de … tendant à l’annulation de la décision déférée pour violation de la loi communautaire sont à rejeter ;

que pour être complet, il échet de rencontrer, pour les motifs développés ci-dessus, l’argument de la requête d’appel soutenant que … « se voit appliquer au Luxembourg, dont son épouse est ressortissante, un traitement moins favorable que celui dont bénéficierait un ressortissant d’un autre Etat membre », en retenant que l’épouse de l’appelant n’a pas eu au Luxembourg le statut de travailleur migrant ou alors d’étudiant ni, ayant au moment de la décision séjourné en Belgique, n’a réimporté ce statut vers le Luxembourg ;

Considérant que, quant aux autres moyens d’appel, c’est à tort que l’appelant reproche aux premiers juges qu’ils n’auraient pas pris position aux autres moyens juridiques invoqués par les appelants dans le cadre de leur recours introductif d’instance, à savoir la violation des articles 212 et suivants du code civil et la violation du principe de la proportionnalité et légalité, alors que ces moyens ont été rencontrés et rejetés au jugement dont appel (p.7 alinéa 4) et que la Cour constate que les motifs afférents du jugement ne font pas l’objet de contestations circonstanciées à la requête d’appel de sorte que, étant par ailleurs suffisamment justifiés au jugement dont appel, ils sont à confirmer ;

Considérant qu’enfin l’appelant se réfère à une réponse des ministres du Travail et de la Justice à une question parlementaire où il aurait été retenu « que le conjoint d’un ressortissant luxembourgeois bénéficie d’un droit au permis de travail ».

Considérant que, sans qu’il ne soit besoin d’examiner la valeur légale de la manifestation d’opinion des ministres résultant de la réponse à une question parlementaire et la mesure dans laquelle cette déclaration politique lie en droit la pratique administrative, il échet de constater que la déclaration ministérielle, évoquant la situation de ressortissants d’Etats non membres de l’Union Européenne munis de cartes de séjour, n’a vocation à s’appliquer qu’à des personnes résidant au Grand-Duché de Luxembourg, ce qui n’a été, au moment de la décision le cas ni de l’appelant ni de son épouse, de sorte que la pièce invoquée n’est pas susceptible d’influer sur la solution à donner au litige ;

Considérant que les critiques quant à l’applicabilité du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers et 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère, au regard de l’article 95 de la Constitution alors que le règlement grand-ducal modificatif du 29 avril 1999 n’aurait pas fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat, ne sont pas pertinentes alors que, sans que la Cour ne doive examiner les conséquences éventuelles qu’il y aurait lieu à attacher au fait que le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 a été adopté par la procédure d’urgence, il y a lieu de retenir que la décision ministérielle repose, quant aux volets de sa motivation tirés de ce que le permis de travail a été refusé pour des raisons inhérentes à la situation et l’organisation du marché de l’emploi, sur des considérations assises sur les dispositions du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 tel que modifié par règlement grand-ducal du 17 juin 1994, textes qui, tous les deux ont fait l’objet d’avis du Conseil d’Etat ;

Considérant que la référence à la disponibilité d’un grand nombre, au demeurant précisé à la décision, de demandeurs d’emploi et à la priorité d’emploi à réserver légalement aux ressortissants de l’Espace Economique Européen motive la décision à suffisance, sa légalité étant dès lors établie, abstraction faite de la non-déclaration de la déclaration de vacance de poste critiquée en droit par l’exception d’illégalité du règlement grand-ducal modificatif du 29 avril 1999 et retenue dans la motivation du jugement dont appel ;

que faute par le futur employeur d’avoir mis l’administration, par une déclaration de vacance et un descriptif du poste à pourvoir, en situation de pouvoir assigner des candidats spécifiquement aptes au travail à fournir, la décision, en se référant à une présence sur le marché de l’emploi, de 2022 ouvriers non qualifiés, et en invoquant la situation du marché et le principe légal communautaire de la priorité des demandeurs d’emploi ressortissants de l’Espace Economique Européen, se trouve suffisamment justifiée;

Considérant par ailleurs que, dans le cadre d’un recours en annulation, la juridiction administrative n’est pas habilitée à examiner voire à censurer la conclusion d’opportunité que le ministre, à travers la décision litigieuse, a tirée du fait non autrement contesté de l’existence de 2022 demandeurs d’emploi constaté au moment de la décision, sauf le cas de disproportion, non vérifié en l’espèce ;

Considérant qu’il y a lieu d’écarter le moyen tiré de ce que la décision, voire les règlements et lois appliqués violeraient les dispositions constitutionnelles de l’article 11(3) de la Constitution qui garantit les droits naturels de la personne humaine et de la famille ou encore l’article 212 du Code civil alors que l’appelant …, ressortissant non luxembourgeois, habitant en Belgique, n’a aucune qualité à se prévaloir d’une disposition de la Constitution luxembourgeoise, la disposition invoquée, qui d’après l’appelant aurait été violée par la décision refusant le permis de travail, donc le mettant dans l’impossibilité de vaquer à son obligation alimentaire envers sa famille, n’ayant par ailleurs pas vocation à s’appliquer en matière de permis de travail ;

Considérant que la question préjudicielle que dans le contexte l’appelant entend faire poser à la Cour Constitutionnelle est au surplus irrecevable alors que de son libellé : « Le refus d’un permis du travail par le ministère du Travail à un étranger non-communautaire époux d’une ressortissante luxembourgeoise est-il conforme à la finalité et l’esprit de l’article 11(3) et (4) de la Constitution quant à la protection de la famille au sens large du terme » entend soumettre à la Cour Constitutionnelle la question de la constitutionnalité d’une décision ministérielle, la compétence de la Cour étant au contraire et se limitant au contrôle de la constitutionnalité des seules lois ;

Considérant que, par substitution partielle des motifs, il y a lieu à confirmation du jugement et à dire l’appel non fondé ;

que dans ces conditions, il n’y a pas lieu à allocation à l’appelant d’une indemnité de procédure.

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, vidant l’arrêt d’avant dire droit du 4 janvier 2005 ;

dit l’appel non fondé ;

confirme le jugement dont appel ;

met les frais de l’instance d’appel à charge de … sauf la partie qui, en vertu de l’arrêt du 11 janvier 2005, a été mise à charge de … ;

dit qu’il n’y a pas lieu à allocation d’une indemnité de procédure.

Ainsi délibéré et jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Francis Delaporte, premier conseiller Marc Feyereisen, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18040C
Date de la décision : 14/11/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2006-11-14;18040c ?

Source

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