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24/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20146C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 novembre 2005, 20146C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 20146 C Inscrit le 22 juillet 2005

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Audience publique du 24 novembre 2005 Recours formé par Madame ….. ….. et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 20 juin 2005, n° 19511 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 20146C du rôle et déposée au gref...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 20146 C Inscrit le 22 juillet 2005

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Audience publique du 24 novembre 2005 Recours formé par Madame ….. ….. et consorts contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 20 juin 2005, n° 19511 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 20146C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juillet 2005 par Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, au nom de Madame ….. …..-….., née le 24 mai 1953 à Dragas (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de Monsieur ….. ….. , né le 17 juin 1975 à Skopje (Macédonie) et de Mademoiselle….. ….. , née le 16 février 1982 à Skopje, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-….. ….. , ….., rue ….. ….., dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 20 juin 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 décembre 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 21 février 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Pascale Hansen et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 19511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2005, Madame ….. …..-….., Monsieur ….. ….. et Mademoiselle ….. ….. ont fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 décembre 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative prise par le même ministre le 21 février 2005 à la suite d’un recours gracieux.

Par jugement rendu le 20 juin 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté les actuels appelants.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que les actuels appelants, déclarant être originaires de la Macédoine, y appartenir à la minorité des Goranais de religion musulmane, et d’y avoir fait l’objet de nombreuses discriminations en raison de leur origine ethnique, ce qui aurait notamment eu pour conséquence que Madame ….. aurait été harcelée par un inconnu désirant qu’elle devienne sa maîtresse et qu’à la suite de son refus, elle aurait été menacée par ledit inconnu, la police n’ayant pas réagi et Monsieur ….. ….. ayant été agressé à deux reprises et Mademoiselle ….. ….. ayant été menacée d’être kidnappée par des inconnus, n’ont pas fait état de faits d’une gravité suffisante pour constituer des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève. En outre, dans la mesure où les faits mis en avant par les actuels appelants émanent de personnes privées et non pas de l’Etat, les premiers juges ont constaté que les actuels appelants n’ont rapporté en l’espèce aucun élément de nature à établir un défaut caractérisé de protection dans leur chef de la part des autorités en place en Macédoine.

En date du 22 juillet 2005, Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Madame ….. ….., épouse ….. , de Monsieur ….. ….. et de Mademoiselle ….. ….. , inscrite sous le numéro 20146C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants estiment que le jugement entrepris leur causerait torts et griefs dans la mesure où les premiers juges n’ont pas fait droit à leurs conclusions telles que développées en première instance et qui auraient dû aboutir à la reconnaissance dans leur chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Ils estiment tout d’abord avoir présenté un récit cohérent et crédible quant à leur situation particulière et quant aux nombreuses discriminations dont ils auraient fait l’objet dans leur pays d’origine, tout en soutenant que les premiers juges auraient décidé à tort qu’ils seraient restés en défaut d’établir concrètement que leur situation particulière et spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leurs personnes. Ils expliquent plus précisément que Monsieur ….. ….. aurait à maintes reprises dû être hospitalisé en raison des blessures qui lui auraient été infligées par des ressortissants albanais, à la suite desquelles il aurait porté plainte qui serait toutefois restée sans suite de la part de la police. En ce qui concerne Mademoiselle ….. ….. , les appelants exposent qu’elle aurait failli être kidnappée et qu’elle se serait également adressée en vain aux autorités policières. Les appelants ont conclu que les autorités macédoniennes seraient dans l’incapacité de leur fournir une protection appropriée pour les protéger contre les persécutions dont ils risqueraient de faire l’objet en cas de retour dans leur pays d’origine.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 8 septembre 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à bon droit que le tribunal a constaté que les éléments de persécution mis en avant par les appelants, à savoir des menaces et deux agressions physiques dirigées contre Monsieur ….. ….. , à les supposer établies, constituent certainement des pratiques condamnables, mais ne dénotent pas en l’espèce une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans leur chef au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine.

Il y a encore lieu de confirmer les juges de première instance dans leur analyse suivant laquelle les actes concrets de persécution mis en avant par les appelants émanent d’un groupe de la population qui s’opposerait à la communauté ethnique des ….. résidant en ….. , à laquelle les appelants déclarent appartenir, de sorte qu’ils émanent non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ils ne sauraient dès lors être reconnus comme motifs d’octroi du statut de réfugié que si les personnes en cause, à savoir en l’espèce les appelants, ne bénéficient pas de la protection des autorités de leur pays d’origine pour l’une des 5 causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

S’y ajoute que, s’agissant d’actes émanant de certains groupements de la population, force est de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel. En effet, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf.

Jean-Yves Carlier : Qu’est ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113 nos 73-s).

Si les appelants tendent en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité en Macédonie, leur dernier pays de résidence après avoir quitté le Kosovo en 1999, avant de s’installer au Luxembourg, ils n’ont soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de leur fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place. En effet, il ne se dégage d’aucune pièce du dossier que les appelants auraient porté plainte auprès des autorités compétentes de la Macédoine en vue d’obtenir une protection adéquate. Il en résulte que les appelants restent en défaut d’établir l’incapacité des autorités en place de leur assurer une telle protection.

Il suit de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 20 juin 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 22 juillet 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 20 juin 2005 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20146C
Date de la décision : 24/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-11-24;20146c ?

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