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24/11/2005 | LUXEMBOURG | N°20124C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 novembre 2005, 20124C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 20124 C Inscrit le 18 juillet 2005

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Audience publique du 24 novembre 2005 Recours formé par Monsieur ….. …..

contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 juin 2005, n° 19270 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 20124C du rôle et déposée au greffe de la C...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 20124 C Inscrit le 18 juillet 2005

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Audience publique du 24 novembre 2005 Recours formé par Monsieur ….. …..

contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 15 juin 2005, n° 19270 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 20124C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 18 juillet 2005 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, au nom de Monsieur ….. ….., né le 26 mai 1978 à Pristina (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…..

….., ….., avenue ….. ….. ….. , dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 15 juin 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 janvier 2005, confirmant sur recours gracieux une décision du même ministre du 18 novembre 2004 ayant porté refus de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 19270 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2005, Monsieur ….. ….. a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 janvier 2005 confirmant sur recours gracieux une décision du même ministre du 18 novembre 2004 ayant porté refus de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 15 juin 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur ….. …… Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant appartenir à la population albanaise de religion musulmane résidant au Kosovo et y craindre des persécutions du fait d’avoir vendu des livres concernant un certain ….. ….. et d’avoir refusé de participer à une manifestation anti-serbe, n’a pas démontré avoir recherché la protection des autorités en place dans son pays d’origine pour le protéger contre les comportements que d’autres Albanais risqueraient d’avoir à son égard, étant relevé qu’il n’a pas porté plainte au sujet des faits ayant eu lieu au cours de l’année 2003 et qu’il ressort de ses propres déclarations que certains de ses agresseurs ont néanmoins pu être appréhendés par les autorités policières et les premiers juges ont partant conclu que l’actuel appelant n’a pas démontré se trouver dans l’impossibilité de trouver une protection appropriée de la part des autorités de son pays d’origine. Pour le surplus, le tribunal a retenu que les raisons qui ont poussé l’actuel appelant à quitter son pays d’origine ont trait d’une manière générale au malaise caractérisant les relations interethniques au Kosovo, de sorte que sa situation ne se distingue pas fondamentalement de celle de ses concitoyens globalement considérés.

En date du 18 juillet 2005, Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur ….. ….., inscrite sous le numéro 20124C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions telles que développées en première instance qui auraient dû aboutir à la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il insiste plus particulièrement sur la spécificité de sa situation, en ce qu’il aurait eu un comportement non-équivoque qui aurait amené ses agresseurs à en déduire qu’il avait des opinions politiques contraires à celles de la majorité des Albanais du Kosovo. C’est ainsi que la vente par lui de livres concernant un certain ….. ….. , et son refus de participer à une manifestation anti-

serbe auraient entraîné des agressions et des menaces à son égard de la part de ressortissants albanais. Il fait encore état de ce qu’il aurait fait l’objet d’agressions physiques au cours de l’année 2004 et que par la suite, il aurait déposé plainte, sans que toutefois les autorités policières aient donné une suite à cette plainte.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne de prime abord la situation générale régnant au Kosovo, région dont l’appelant déclare être originaire, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

A cet égard, abstraction faite de ce que l’appelant déclare lui-même appartenir à la population albanaise du Kosovo, à savoir non pas à une minorité ethnique, mais au groupe majoritairement représenté au Kosovo, il échet de constater qu’il fait essentiellement état de problèmes qu’il aurait eus de la part d’autres ressortissants albanais du Kosovo en raison de son refus de participer à une manifestation anti-

serbe et de sa vente d’un certain livre, ce qui aurait amené ses concitoyens à en déduire qu’il aurait des opinions contraires à celles de la majorité des Albanais du Kosovo, lesdits problèmes ayant eu pour conséquence des agressions physiques, ainsi que des menaces à son égard.

Il échet tout d’abord de constater que ces faits ne sont pas d’une gravité suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Par ailleurs, même au cas où les faits invoqués par l’appelant lui rendent la vie difficile dans la région dont il est originaire, et où il peut y avoir des problèmes pour lui d’y résider paisiblement, il n’en reste pas moins que l’appelant reste en défaut d’établir qu’il ne peut pas trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie de son pays d’origine, et plus particulièrement au Kosovo dont la grande majorité de la population appartient, comme lui, au groupe des Albanais. A ce sujet, il y a lieu de relever que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Par ailleurs, l’appelant n’a pas établi qu’il se trouverait dans l’impossibilité de trouver une protection appropriée de la part des autorités actuellement en place au Kosovo. Il y a lieu de relever dans ce contexte, comme l’ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, qu’il se dégage des déclarations de l’appelant que celui-ci n’a pas porté plainte relativement aux éléments invoqués remontant à l’année 2003, de même que les précisions par lui apportées permettent de dégager que certains des agresseurs ont néanmoins pu être appréhendés par les autorités policières.

Il suit de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 15 juin 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 18 juillet 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 15 juin 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20124C
Date de la décision : 24/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-11-24;20124c ?

Source

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