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15/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19954C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 novembre 2005, 19954C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19954 C Inscrit le 15 juin 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 NOVEMBRE 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de garantie de salaires - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 19172 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19954C du ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19954 C Inscrit le 15 juin 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 NOVEMBRE 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de garantie de salaires - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 19172 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19954C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2005 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, agissant en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, pris en sa qualité de gestionnaire du fonds sur l’emploi, représenté par son Premier Ministre, Ministre d’Etat, établi à Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son ministre du travail, établi à Luxembourg, 26, rue Zithe, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 11 mai 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé par …, maçon, demeurant à L-…e la décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 10 décembre 2004 portant refus de garantie de créances salariales à défaut de permis de travail ayant existé dans son chef pour la période concernée, a reçu le recours en annulation dirigé contre cette décision en la forme, au fond, l’a dit justifié, a annulé la décision directoriale déférée du 10 décembre 2004 et renvoyé l’affaire en prosécution de cause devant le directeur de l’administration de l’Emploi en condamnant l’Etat aux frais;

Vu la notification de ladite requête d’appel par voie postale à l’intimé à … et à son mandataire Maître Jean Tonnar en date du 16 juin 2005 et la signification par acte d’huissier Pierre Kremmer à … en date du 21 juin 2005;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juillet 2005 par Maître Jean Tonnar, au nom de … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 août 2005 par Maître Georges Pierret, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et sa notification par télécopie en date du 24 août 2005 à Maître Jean Tonnar;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;Ouï le vice-président en son rapport à l’audience publique de la Cour administrative ainsi que Maître Gabrielle Eynard, en remplacement de Maître Georges Pierret et Maître Patricia Loesch, en remplacement de Maître Jean Tonnar, en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 juin 2005, l’Etat du Grand-Duché a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 11 mai 2005 qui, sur requête de …, a annulé une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 10 décembre 2004 portant refus de garantie de créances salariales à défaut de permis de travail ayant existé dans son chef pour la période concernée.

Dans le cadre de la faillite s. à r.l. Kortmann Bau, sur sa demande en obtention de la garantie salariale prévue par l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, … se vit notifier en date du 10 décembre 2004 une décision de refus du directeur de l’administration de l’Emploi au motif qu’il n’a pas été en possession d’un permis de travail, celui-ci constituant l’autorisation prévue par la loi pour occuper un emploi sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Le tribunal a retenu qu’à défaut d’exclusions légalement prévues au titre de la garantie salariale de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989, notamment sur base des prévisions de l’article 10 de la directive modifiée 80/987/CEE du Conseil, la décision directoriale déférée n’a pas pu valablement exclure du bénéfice de la garantie salariale le salarié non-

communautaire par ailleurs fiscalement et socialement traité, en l’état des informations soumises au tribunal, par les autorités étatiques compétentes comme s’il disposait d’un permis de travail valable alors que, la relation de salarié devant s’analyser in concreto entre l’employeur, failli par hypothèse, et la partie demanderesse sollicitant le bénéfice de la garantie salariale, elle ne saurait être valablement tenue en échec notamment par l’absence d’un permis de travail dans le chef du demandeur ou la carence d’une autorisation d’établissement dans le chef de son employeur, à défaut de dispositions légales d’exclusion y relatives au titre de la garantie salariale en question.

L’Etat conclut à la réformation du jugement en ce qu’il a annulé la décision déférée alors que la garantie des créances salariales impliquerait l’existence d’un contrat de travail régulier lui-

même subordonné à l’existence d’un permis de travail dont l’intimé n’aurait pas disposé, la décision déférée étant dès lors légalement motivée sur base de l’article 46 de la loi du 24 mai 1989 sur les contrats de travail et des règlements grand-ducaux afférents.

A titre subsidiaire, il est conclu au renvoi du dossier devant qui de droit.

L’intimé a fait déposer un mémoire en réponse le 14 juillet 2005.

Il est conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement intervenu.

L’intimé s’empare de la considération du jugement entrepris que la généralité des termes de l’article 46 précité de la loi de 1989 ne prévoirait pas de clause d’exclusion et soutient que, de bonne foi, il ne saurait souffrir en ses droits de négligences imputables à son ancien employeur voire à l’Administration.

2 L’Etat a fait déposer un mémoire en réplique le 26 août 2005. Les conclusions de la requête d’appel sont maintenues et la partie appelante soutient encore que la garantie salariale présuppose l’existence d’un contrat de travail valable qui, de son côté, pour l’intimé, ne saurait exister sans permis de travail.

L’appel est à déclarer recevable pour avoir été déposé dans les forme et délais de la loi.

L’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989, pris sur transposition de la directive modifiée n° 80/987/CEE du conseil de l’UE relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, dispose ce qui suit :

« (1) En cas de faillite de l’employeur, le fonds pour l’emploi garantit les créances résultant du contrat de travail sous les conditions et dans les limites fixées au présent article.

(2) Sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101, paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail.

(3) En cas de continuation des affaires par le curateur de la faillite, la garantie visée au présent article est applicable, dans les limites visées à l’alinéa qui précède, aux créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié le jour de la résiliation du contrat de travail et celles résultant de la résiliation du contrat de travail.

(4) Pour l’application des dispositions des alinéas qui précèdent, sont considérées les créances de rémunération et d’indemnité, déduction faite des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires et de traitements.

(5) Le droit à la garantie s´ouvre pour le salarié, lorsque les créances visées au présent article ne peuvent être payées, en tout ou en partie, sur les fonds disponibles dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement déclaratif de la faillite.

(6) A la demande du curateur, le fonds pour l´emploi verse aux salariés, dans les limites visées au présent article, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge-commissaire et vérifié par l´administration de l´emploi. Le relevé prévu au présent alinéa peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-

verbal de vérification des créances.

(7) Le fonds pour l´emploi peut verser les sommes garanties par le présent article même en cas de contestation par un tiers.

(8) Le fonds pour l´emploi se trouve subrogé dans les droits du salarié auquel il a payé les créances dans les conditions prévues au présent article.» Il résulte de cet article que le législateur a, comme soutenu par la partie appelante, entendu conférer à l’administration de l’emploi un pouvoir de vérification étendu sans distinguer s’il s’agit pour cette administration de vérifier l’existence de la créance ou simplement son contenu.

3 L’administration de l’emploi est notamment en droit de vérifier la qualité de salarié du bénéficiaire de la garantie salariale. (CA 5 juin 2003, N° 15903C du rôle, Etat c/ Etchian) Dans la mesure où le relevé des créances peut être présenté avant toute clôture du procès-

verbal de vérification des créances, à un moment où aucune autorité de chose jugée ne saurait être reconnue à l’inscription de la créance au relevé visé à l’article 46 (6) prémentionné, et en l’absence de modulation prévue par la loi quant au pouvoir de vérification de l’administration de l’emploi, cette dernière est en droit de procéder à son propre examen des créances qui lui sont soumises, de façon indistincte, étant donné que les garanties salariales assurées par le fonds pour l’Emploi émanent de deniers prélevés au titre d’impôts au profit de l’Etat (CA 29 janvier 1998, 10423C, Ministre du Travail c/ Jeanpaul-Samson, confirmant un jugement du TA du 8 octobre 1997, N° 9756 du rôle).

Dans la mesure où l’administration de l’emploi est ainsi amenée à vérifier notamment les limites de la garantie exorbitante du droit commun accordée au salarié d’un employeur failli en application des dispositions de l’article 46 en question, elle est nécessairement appelée à analyser plus particulièrement les conditions donnant ouverture aux relations contractuelles de travail entre les parties concernées sur base de la législation applicable étant entendu que la légalité d’une décision administrative vérifiée par le juge saisi dans le cadre du recours en annulation lui soumis, s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise.

Il résulte d’abord de la combinaison des paragraphes 1 à 4 et du paragraphe 6 de l’article 46 que les créances garanties de rémunération et d’indemnité sont nécessairement celles pour lesquelles des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires et de traitements ont pu se faire.

Or une retenue sociale obligatoire à opérer présuppose l’existence d’une affiliation à un organisme de sécurité sociale telle qu’exigée par les dispositions pertinentes de droit international, sinon luxembourgeois applicables.

Par ailleurs, étant donné que les garanties salariales assurées par le fonds pour l’Emploi émanent de deniers prélevés au titre d’impôts au profit de l’Etat, la liquidation des créances des rémunérations et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail ne saurait être faite qu’entre les mains de salariés ayant exercé leur activité sur le territoire national de façon légale et notamment en conformité du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Il résulte des pièces soumises à la Cour que …, ressortissant non communautaire, salarié de la société faillie a, contrairement aux prévisions de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, été engagé sans être en possession du permis de travail obligatoirement requis et sans même qu’une demande en obtention d’un permis de travail n’a été présentée, le permis de travail A dont l’intimé était titulaire s’étant uniquement appliqué à un précédent emploi auprès d’une société Multi-Bau AG et, alloué pour une période allant jusqu’au 28 février 2003, avait perdu toute validité au moment de son emploi auprès de la société faillie Kortmann-Bau, ceci spécialement au jour de la faillite, 12 juillet 2004.

4 C’est partant à juste titre que la partie appelante fait valoir qu’il n’appartient pas au Fonds pour l’emploi de prendre en charge des indemnités revenant à des personnes engagées et employées illégalement au Luxembourg, la circonstance que … était affilié auprès d’un organisme de la sécurité sociale étant dans ce contexte sans pertinence.

Il en résulte que la décision de l’administration de l’emploi datée du 10 décembre 2004 portant refus de garantie de créances salariales à défaut de permis de travail délivré dans son chef est justifiée sur base des dispositions légales par elle invoquées de sorte que le jugement du 11 mai 2005 est à réformer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit l’acte d’appel du 15 juin 2005, le déclare également fondé, par réformation du jugement du 11 mai 2005, dit non fondé le recours dirigé contre la décision de l’administration de l’emploi datée du 10 décembre 2004 portant refus de garantie de créances salariales à défaut de permis de travail délivré à … ;

condamne … aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 novembre 2005 Le greffier de la Cour administrative 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19954C
Date de la décision : 15/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-11-15;19954c ?

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