La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19602C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 novembre 2005, 19602C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19602 C Inscrit le 4 avril 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 8 novembre 2005 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dirigé contre un jugement du tribunal administratif rendu dans une affaire ayant opposé … et … à une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et à des décisions de l’Institut viti-vinicole en matière de viticulture (jugement entrepr

is du 21 février 2005, n° 18191 du rôle)

--------------------------------------...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19602 C Inscrit le 4 avril 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 8 novembre 2005 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dirigé contre un jugement du tribunal administratif rendu dans une affaire ayant opposé … et … à une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et à des décisions de l’Institut viti-vinicole en matière de viticulture (jugement entrepris du 21 février 2005, n° 18191 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19602C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 avril 2005 par Monsieur Guy Schleder, agissant en sa qualité de délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives, sur base d’un mandat lui conféré en date du 31 mars 2005 par le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 21 février 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 4 mars 2004 refusant à …, demeurant à L-… et à feu …, décédé le 24 juillet 2004, ayant demeuré à L-…, le maintien de leurs numéros d’exploitation respectifs 140-311 et 140-320, ainsi que contre des décisions de l’Institut viti-vinicole portant clôture du dossier de feu …, réduction arbitraire à zéro de la surface cadastrale viticole de sa propriété et annulation implicite de son autorisation d’exploitation sous le numéro 140-320 avec imputation corrélative de ladite surface à … pour le calcul des cotisations sociales auprès du centre commun de la sécurité sociale et par lequel il a déclaré justifié le recours en annulation pour autant qu’il a été dirigé contre les décisions litigieuses de l’Institut viti-vinicole en annulant en conséquence lesdites décisions et en renvoyant le dossier en prosécution de cause devant le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural aux fins de transmission à l’Institut viti-vinicole en déclarant le recours sans objet pour le surplus ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2005 par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, agissant au nom de…, préqualifié, et de …, …, reprenant l’action de feu son mari …. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2005 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 juin 2005 par Maître André Lutgen ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître André Lutgen et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2004, … et … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 4 mars 2004 leur refusant le maintien de leurs numéros d’exploitation respectifs 140-311 et 140-320, ainsi que des décisions de l’Institut viti-vinicole portant clôture du dossier de feu …, réduction arbitraire à zéro de la surface cadastrale viticole de sa propriété et annulation implicite de son autorisation d’exploitation sur le numéro 140-320 avec imputation corrélative de ladite surface à … pour le calcul des cotisations sociales auprès du Centre commun de la sécurité sociale.

Par jugement rendu le 21 février 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme et, au fond, l’a dit justifié pour autant que dirigé contre les décisions de l’Institut viti-vinicole, a partant annulé les décisions litigieuses de l’Institut viti-vinicole et a renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le ministre compétent aux fins de transmission à l’Institut précité et a déclaré ledit recours en annulation sans objet pour le surplus.

Les premiers juges ont déclaré fondé le premier moyen invoqué par les actuels intimés et tiré de la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en retenant notamment que la décision de considérer pour l’avenir deux surfaces viticoles, pour les besoins de l’inscription au cadastre viticole, jusque lors exploitées sous deux numéros distincts, comme formant une seule unité technico-

économique, est de nature à modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits aux exploitants respectivement concernés.

Les premiers juges ont retenu que la décision en question, bien que non exactement situable dans le temps, est intervenue en dehors de l’initiative des parties concernées, en ce que le dossier administratif soumis aux premiers juges ne permettait pas de documenter une quelconque demande afférente qui aurait été formulée à l’époque par les consorts ….

Le tribunal a encore constaté dans ce contexte que l’Etat n’a pas fait état de l’existence d’une quelconque information préalable qui aurait été adressée aux consorts … au cours de l’année 2002 afin de les mettre en mesure de prendre position par rapport à l’intention des autorités compétentes de considérer pour l’avenir les surfaces viticoles concernées comme formant une seule unité cadastrale.

Les premiers juges ont en conséquence annulé la décision de réduire à zéro la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu …, ainsi que celle d’imputer ladite surface à l’actuel intimé ….

Quant à la décision litigieuse du 4 mars 2004, les premiers juges ont constaté que celle-ci avait pour objet de refuser de faire droit à la réclamation de … ayant tendu en substance au rétablissement des deux numéros d’exploitation litigieux 140-320 et 140-310 et qu’en raison de l’annulation des décisions ci-avant énumérées, la réclamation à l’origine de la décision litigieuse du 4 mars 2004, ainsi que cette dernière étaient à considérer comme étant devenues sans objet, de sorte que le recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision du 4 mars 2004 est également à considérer comme étant devenu sans objet.

En date du 4 avril 2005, le délégué du Gouvernement Guy Schleder, déclarant agir en sa qualité de délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives, sur base d’un mandat lui conféré en date du 31 mars 2005 par le secrétaire d’Etat à l’Agriculture, à la Viticulture et au Développement rural, en remplacement du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, inscrite sous le numéro 19602C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu le moyen développé en première instance par les actuels intimés et consistant dans la violation par les décisions litigieuses de l’Institut viti-vinicole de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, alors que contrairement aux constatations retenues par les premiers juges, … aurait été informé par une lettre lui adressée au courant du mois de juillet 2003 par le directeur de l’Institut viti-

vinicole, par laquelle il aurait été informé qu’en fonction de la définition de la notion d’exploitation agricole au sens de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2001 concernant le soutien au développement rural, il ne serait plus possible de subdiviser la superficie de son exploitation en soi-disantes sous-exploitations et que les superficies concernées de la sous-exploitation de feu … devraient être réunies dans une seule exploitation, gérée par le seul chef d’exploitation …. Dans le courrier en question, le directeur dudit Institut se serait référé expressis verbis aux dispositions du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, par lequel … aurait été invité à présenter dans un délai de six jours ses observations soit oralement soit par écrit. Le délégué du Gouvernement entend établir le fait que … a bien réceptionné la lettre en question par le fait qu’il aurait fait paraître un article sous sa plume dans le périodique « Fraie Letzebuerger Bauer » du 12 décembre 2003, dans lequel il aurait fait référence à sa propre exploitation viticole. Partant, … aurait été parfaitement au courant de l’intention de l’Institut viti-vinicole de considérer son exploitation et celle déclarée comme sous-exploitation sous le nom de son père comme une seule unité technico-économique et les exigences du règlement grand-ducal précité de l979 auraient partant été parfaitement respectées.

En date du 3 mai 2005, Maître André Lutgen, avocat à la Cour, agissant en nom et pour compte de … et de …, veuve …, ayant repris l’action de feu son mari …, a déposé un mémoire en réponse au greffe de la Cour administrative.

Les intimés font valoir qu’à aucun moment, ils n’auraient été informés de l’intention des autorités administratives de clôturer le dossier cadastral de …, d’annuler l’autorisation d’exploitation existant sous le numéro 140-320 concernant les vignobles dont il a été propriétaire et d’imputer lesdites surfaces à …, pour les besoins des calculs des cotisations sociales. Dans ce contexte, les intimés estiment que ce serait en vain que l’Etat mettrait en évidence un courrier non daté du mois de juillet 2003 par lequel l’Institut viti-vinicole aurait fait savoir à … qu’il n’était plus possible de subdiviser la superficie de son exploitation et que les superficies de la « sous-exploitation » de feu … devraient être incorporées dans la sienne pour ne former qu’une seule exploitation, étant donné que ledit courrier n’aurait été adressé qu’au seul …, de sorte qu’en tout état de cause aucune information n’aurait été adressée à feu …. Il s’en suivrait que les autorités administratives auraient violé l’article 9 du règlement grand-ducal précité de 1979, de sorte que ce serait à bon droit que les premiers juges ont annulé les décisions visées en raison de la violation du règlement grand-ducal en question. Ils auraient également décidé à bon droit que tant la réclamation à l’origine de la décision litigieuse du 4 mars 2004 que cette dernière seraient à considérer comme étant devenues sans objet.

A titre subsidiaire, les intimés font encore valoir que les décisions litigieuses violeraient l’article 6 dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce que cet article impose aux autorités administratives une obligation d’indiquer les motifs légaux qui gisent à la base de leurs décisions à partir du moment où celles-ci ont pour objet de révoquer ou de modifier une décision antérieure. En l’espèce, les décisions prises par l’Institut viti-vinicole auraient pour objet de retirer l’autorisation d’exploitation agricole de feu …, de réduire à zéro les surfaces cadastrales viticoles, sans que l’intéressé n’ait été informé au préalable et spontanément ni, a fortiori, sans que les dites décisions ne contiennent une indication des motifs.

Les intimés font valoir dans ce contexte que l’Institut viti-vinicole aurait intégré l’exploitation de feu … à celle de …, en alourdissant ainsi les charges de la sécurité sociale et fiscale pour ce dernier, « sans information directe, ni explication ni motivation ». Ainsi, dans son courrier du 4 mars 2004, le conseiller du Gouvernement se serait borné à expliquer le refus du maintien de deux numéros d’exploitation, à savoir les numéros 140-311 et 140-320, en ne motivant toutefois pas l’intégration ou la fusion des exploitations des consorts …, tel que découlant des décisions de l’Institut précité.

Les intimés soutiennent en outre que dans sa décision du 4 mars 2004, le représentant du ministre de l’Agriculture leur aurait interdit le maintien de deux numéros d’exploitation agricole distincts, en se référant à la loi du 24 juillet 2001, alors qu’ils n’auraient sollicité aucune aide sur base de la loi en question.

Ils se réfèrent encore à leurs appartenances respectives à la coopérative MBR (Maschinenbetriebsring-Services), association agricole, ainsi qu’à un décompte établi par ladite association suivant lequel … aurait agi en qualité de comettant vis-

à-vis de son fils en vue de la prestation ponctuelle de services en sa faveur en ce qui concerne l’exploitation de son vignoble, pour démontrer que les deux exploitations agricoles du père et du fils seraient des exploitations distinctes l’une de l’autre.

Par ailleurs, ils estiment que les décisions litigieuses seraient contraires au droit de propriété, tel que protégé par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952, ainsi que par l’article 16 de la Constitution, en violant en outre les articles 544 et 546 du Code civil.

Enfin, ils reprochent, dans le cadre d’un appel incident implicite, aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande tendant à se voir allouer une indemnité de procédure de 2.000 € et ils sollicitent en outre, en instance d’appel, le paiement d’une telle indemnité d’un montant de 2.000 € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative en date du 1er juin 2005. Il y fait expliquer que « depuis des années » les exploitations de … et de feu … seraient considérées comme une unité d’exploitation comprenant partant également la surface viticole de …, qui serait mentionnée en tant que sous-exploitation dans ce contexte. Partant, aucun changement n’aurait été opéré « durant les années concernées » au niveau du cadastre viticole, en ce qui concerne l’exploitation en question et cette inscription serait d’ailleurs conforme avec le fait que la totalité de la récolte provenant des vignobles dont sont propriétaires les intimés est vendue depuis des années au nom de … et que lors des pertes de récolte de 1997, qui auraient été partiellement compensées par des aides publiques, la déclaration des récoltes pour l’exploitation … aurait été faite par le seul … et elle aurait porté sur la totalité de la surface de cette exploitation, partant également sur les terrains appartenant à feu ….

L’Etat reconnaît toutefois que jusqu’à l’année 2003, … aurait bénéficié d’une affiliation auprès du Centre commun de la sécurité sociale sur base d’une surface viticole ne comprenant pas celle appartenant à son père, en expliquant toutefois que cette situation serait exclusivement due au fait que jusqu’à cette année l’affiliation se serait faite exclusivement sur base des déclarations personnelles, indépendamment des inscriptions figurant au cadastre viticole et des déclarations faites par … dans le cadre d’autres mesures ou régimes d’aide. L’Etat conteste partant avoir annulé l’autorisation d’exploitation dans le chef de feu … et transféré la superficie d’exploitation de celui-ci sur le compte de son fils …, ce qui ressortirait des inscriptions cadastrales conformément auxquelles il n’y aurait jamais figuré une inscription quant à une exploitation viticole indépendante et autonome au nom de …, étant entendu que les vignobles appartenant à celui-ci auraient été mentionnés au titre d’une sous-exploitation par rapport à l’exploitation principale exploitée par …, lequel y serait indiqué comme étant le chef d’exploitation. Enfin, l’Etat cite à nouveau la lettre précitée de l’Institut viti-vinicole du mois de juillet 2002 par laquelle … aurait été informé en temps utile quant aux inscriptions le concernant et figurant au cadastre viticole, de sorte que cette lettre respecterait les prescriptions du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979. L’Etat indique encore dans ce contexte que cette lettre n’aurait aucun lien avec l’assiette cotisable de … auprès du Centre commun de la sécurité sociale, mais qu’elle se limiterait à annoncer une inscription au cadastre viticole, afin de respecter l’article 2 de la loi précitée du 24 juillet 2001 quant à la définition de la notion d’exploitation viticole.

En date du 24 juin 2005 a été déposé un mémoire en duplique au greffe de la Cour administrative de la part des intimés. A l’appui de ce mémoire, les intimés estiment que l’Etat admettrait implicitement dans son mémoire en réplique « qu’à un moment donné », l’Institut Viti-Vinicole aurait pris la décision de réduire à zéro la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu … et de l’imputer à Guy …. C’est cette décision implicite qui, d’après les intimés, aurait dû être précédée d’une information préalable en application de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, puisqu’elle aurait été de nature à modifier les droits d’un administré.

Les intimés contestent l’affirmation de l’Etat suivant laquelle il n’aurait jamais figuré au cadastre viticole une exploitation viticole indépendante et autonome au nom de …, en soulignant qu’une telle exploitation aurait été inscrite sous le numéro 140-320. A ce sujet, les intimés versent plusieurs pièces à l’appui de leur mémoire en duplique pour établir la véracité de leurs affirmations.

Le fait que l’exploitation de feu … serait actuellement inscrite comme sous-

exploitation de celle de … ne serait pas de nature à énerver les conclusions des intimés.

D’une manière générale, les intimés soutiennent qu’aucune information préalable ne leur aurait été adressée.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Il échet tout d’abord de confirmer les premiers juges dans leur analyse des faits suivant laquelle il ressort des explications fournies en cause qu’après avoir été exploitées sous les numéros respectifs 140-311 et 140-320, les surfaces viticoles exploitées par les consorts … furent, à partir d’un moment donné, considérées par l’Institut viti-vinicole comme constituant une unité d’exploitation unique attribuée au seul ….

Les premiers juges ont encore pu retenir à bon droit que cette décision s’analyse en la réduction à zéro de la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu … et en l’imputation corrélative de la même surface à son fils … avec la conséquence notamment de la prise en considération de la surface totale ainsi obtenue dans le chef de ce dernier comme base de calcul des cotisations sociales auprès du centre commun de la sécurité sociale.

S’il est vrai que ni les pièces versées au dossier ni les explications fournies en cause pour compte de l’Etat ne permettent de déterminer de manière précise la date du changement ainsi intervenu au niveau des inscriptions au cadastre viti-vinicole, au motif que les surfaces correspondant aux deux numéros d’exploitation concernés constitueraient en réalité une seule unité technico-économique au sens de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2001, précitée, il n’en demeure pas moins qu’une décision afférente est intervenue à un moment donné, puisque le délégué du Gouvernement admet lui-même, de manière, il est vrai, implicite, l’existence d’une décision en ce sens en faisant valoir que la décision litigieuse du 4 mars 2004 est intervenue sur base des inscriptions au cadastre viticole qui renseignerait précisément cette unicité d’exploitation sans qu’un changement afférent n’ait été opéré récemment.

L’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 dispose que « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir ».

La décision de considérer pour l’avenir deux surfaces viticoles, pour les besoins de l’inscription au cadastre viticole, jusque lors exploitées sous deux numéros distincts, comme formant une seule unité technico-économique, est de nature à modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits aux exploitants respectivement concernés. Il s’y ajoute qu’en l’espèce, la décision afférente, bien que non exactement situable dans le temps, est intervenue en dehors de l’initiative des parties concernées, le dossier ne permettant en effet pas de documenter une quelconque demande afférente qui aurait été formulée à l’époque par les consorts ….

Il se dégage partant des considérations qui précèdent que les décisions litigieuses de l’Institut viti-vinicole s’inscrivent clairement dans les prévisions de l’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont pu déclarer fondé le premier moyen invoqué par les actuels appelants et basé sur une violation alléguée dudit article.

En effet, les premiers juges ont pu retenir à bon droit que faute par l’Etat de faire état de l’existence d’une quelconque information préalable qui aurait été adressée aux consorts … au cours de l’année 2002 afin de leur permettre de prendre position en bonne et due forme par rapport à l’intention des autorités compétentes de considérer pour l’avenir les surfaces viticoles concernées comme formant une seule unité cadastrale, la décision de réduire à zéro la surface cadastrale viticole correspondant à la propriété de feu … ainsi que d’imputer ladite surface à l’intimé … encourt l’annulation pour cause de violation de la loi.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’envoi à une date non autrement précisée à … d’une lettre par le directeur de l’Institut viti-vinicole l’informant qu’« il n’est plus possible de subdiviser la superficie de votre exploitation en soi-disantes sous-exploitations » et qu’« en conséquence, les superficies concernées de la sous-

exploitation Monsieur …-… doivent être réunies dans une seule exploitation, gérée par un chef d’exploitation Monsieur …-… ». En effet, à part le fait qu’il n’a pas été possible de déterminer la date à laquelle ledit courrier a été adressé à …, il est constant en cause, pour ne pas être contesté par l’Etat, que l’autre partie directement intéressée à la décision ainsi projetée, à savoir …, ne s’est pas vu adresser en courrier en conformité avec l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer sous cet aspect le jugement entrepris du 21 février 2005. En ce qui concerne les indemnités de procédure sollicitées par les parties intimées, reprochant non seulement aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande tendant à se voir allouer une indemnité de procédure de 2000 € pour la première instance et sollicitant pour l’instance d’appel une indemnité d’un montant de 2000 € sur base de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, il échet de retenir que ce faisant, elles introduisent un appel incident contre le jugement entrepris dans la mesure où elles reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande ayant tendu à se voir allouer une indemnité de procédure de 2000 € pour la première instance.

Ledit appel incident est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Au vu du libellé du dispositif du jugement entrepris, il y a lieu de conclure qu’alors même que celui-ci n’a pas expressément pris position par rapport à cette demande, celle-ci a implicitement, mais nécessairement, été rejetée par le tribunal.

Toutefois, au vu de l’issue du litige et de ce que les actuelles parties intimées ont obtenu gain de cause en première instance, il y a lieu de réformer le premier jugement en leur accordant une indemnité de procédure fixée à 1000 €, en l’absence de pièces justificatives permettant de documenter leurs dépenses de manière plus précise.

Quant à la demande soumise à la Cour, pour couvrir les dépenses engagées pour l’instance d’appel, il échet également d’allouer aux parties intimées un montant de 1000 €, pour les mêmes motifs.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 4 avril 2005 en la forme ;

au fond, la déclare non justifiée et en déboute ;

reçoit l’appel incident en la forme et le déclare partiellement justifié ;

partant par réformation du jugement entrepris du 21 février 2005, alloue une indemnité de procédure de 1000 € aux actuelles parties intimées pour la première instance, et confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

condamne en outre l’Etat à allouer une indemnité de procédure de 1000 € aux parties intimées pour l’instance d’appel ;

condamne l’Etat aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19602C
Date de la décision : 08/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-11-08;19602c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award