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11/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19871C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 octobre 2005, 19871C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19871 C Inscrit le 30 mai 2005

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Audience publique du 11 octobre 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 avril 2005, n° 19151 du rôle)

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Vu la requête d’

appel, inscrite sous le numéro 19871C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19871 C Inscrit le 30 mai 2005

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Audience publique du 11 octobre 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 avril 2005, n° 19151 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19871C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 mai 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 27 avril 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 octobre 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2005 ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Nicky Stoffel et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 19151 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2005, … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 octobre 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 27 avril 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire de Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement de la ville de Supotnik, située dans la commune de Zvornik en République Srpska, être de nationalité bosniaque et de confession musulmane et affirmant avoir subi des persécutions de la part de ses voisins et d’avoir été battu et maltraité en raison de sa qualité de témoin du massacre de Srebrnica et ne pas avoir obtenu une protection efficace de la part des forces de l’ordre en place dans son pays d’origine, n’a pas établi des faits d’une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans son chef au point que sa vie lui serait intolérable dans son pays d’origine. Les premiers juges ont relevé dans ce contexte que les déclarations de l’actuel appelant étaient très vagues, notamment en ce qu’elles ont trait à des menaces et des insultes qui auraient été proférées à son encontre par des membres de la population serbe et que la seule qualité de membre de la communauté des musulmans résidant en République Srpska n’était pas à elle seule suffisante pour se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Quant au prétendu défaut de protection de la part des autorités en place en Bosnie-

Herzégovine, le tribunal a relevé que l’actuel appelant restait en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place dans ce pays ne sont pas capables de lui assurer une protection adéquate. Le tribunal a encore relevé que l’actuel appelant n’a pas démontré qu’il ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne au vu de ce que ses craintes de persécution se cristallisaient essentiellement à la région de Zvornik.

Enfin, le tribunal a retenu que l’invocation de la déclaration universelle des droits de l’homme et de la prétendue violation du libre choix de son lieu de résidence par l’actuel appelant n’était pas pertinente en l’espèce, puisque le simple fait de tomber dans le champ d’application de cet instrument juridique international n’autorisait pas une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié.

En date du 30 mai 2005, Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19871C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite principalement l’annulation et subsidiairement la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié. Il explique plus particulièrement qu’il ne lui serait plus possible de vivre « tranquillement » dans son pays d’origine, en raison de ce qu’il y aurait fait l’objet de menaces de mort, ainsi que de coups et de blessures de la part de ses voisins. Il ajoute que l’intégralité des membres de sa famille aurait été tuée ou déportée pendant la guerre et qu’il aurait personnellement subi un traumatisme crânien lors des massacres de Srebrnica. Enfin, il ajoute qu’il serait actuellement en train de suivre un traitement psychiatrique pour guérir les séquelles dont il serait victime en raison de sa qualité de survivant des massacres de Srebrnica.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 juin 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

En date du 7 juillet 2005, l’appelant a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative, dans lequel il fait soutenir qu’en sa qualité de bosniaque il risquerait de faire l’objet d’une décision d’interdiction du territoire de la République Srpska ou de s’y faire enlever le « droit de citoyenneté ». Il fait ajouter qu’il serait actuellement victime de traumatismes « très graves » en raison des attaques qui auraient été dirigées contre les minorités en République Srpska et qu’il serait actuellement en train de suivre un traitement auprès d’un médecin psychiatre au Luxembourg.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aucun moyen n’ayant été soulevé par l’appelant à l’appui de sa demande tendant à l’annulation du jugement entrepris, cette demande est à déclarer non fondée et partant à rejeter.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’appelant déclare être originaire d’un village situé actuellement en République Srpska en Bosnie-Herzégovine et y craindre des actes de persécution de la part de ses voisins d’origine serbe. Abstraction faite de ce que le récit de l’appelant est extrêmement vague et non circonstancié, en ce qu’il ne précise pas en quoi ont consisté lesdits actes, son récit se résumant à des affirmations générales, il échet de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques en République Srpska, en l’espèce celle des musulmans, reste difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Loin de fournir de tels éléments concrets de nature à faire croire d’une manière crédible à des actes de persécution qui ont pu être commis à l’encontre de l’appelant, celui-ci fait tout au plus état d’un sentiment général de peur, sans que les faits invoqués par lui ne soient d’une gravité suffisante pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

En outre, même à supposer que l’appelant puisse raisonnablement faire état d’un sentiment général d’insécurité dans son pays d’origine, il n’a pas établi que les autorités actuellement en place dans son pays ne soient pas en mesure de lui fournir une protection appropriée ou qu’elles lui refusent une telle aide et qu’il n’est pas en mesure de profiter d’une possibilité de fuite interne en Bosnie-Herzégovine, composée non seulement de la République Srpska, mais également de la République de Bosnie-Herzégovine composée majoritairement d’autres ethnies que celle des Serbes.

L’appelant n’a par ailleurs soumis aucun élément à la Cour administrative de nature à établir qu’il risquerait de faire l’objet d’une décision d’interdiction du territoire de la République Srpska ou de s’y faire enlever le « droit de citoyenneté », de sorte que cette argumentation développée en instance d’appel par l’appelant n’est pas de nature à convaincre la Cour de la véracité des affirmations ainsi soulevées.

Enfin, le simple fait que l’appelant se trouve actuellement en traitement psychiatrique au Luxembourg, tel que cela ressort d’un certificat médical établi le 7 septembre 2005 par un médecin psychiatre-psychothérapeute établi au Luxembourg, n’est pas à lui seul de nature à conférer à l’appelant la qualité de réfugié au sens de la Convention de Genève, une telle situation de fait étant tout au plus de nature à être soulevée dans le cadre d’une demande en autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il suit des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 27 avril 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 30 mai 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 27 avril 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19871C
Date de la décision : 11/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-10-11;19871c ?

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