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14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19787C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 juillet 2005, 19787C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19787 C Inscrit le 10 mai 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par les époux XXX XXX et XXX XXX contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 25 avril 2005, n° 19087 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19787C du rôle et déposée au greffe...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19787 C Inscrit le 10 mai 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par les époux XXX XXX et XXX XXX contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 25 avril 2005, n° 19087 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19787C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2005 par Maître Marie-Christine Gautier, avocat à la Cour, assistée de Maître Dogan Demircan, avocat, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 21 octobre 1976 à XXX (Biélorussie), et de son épouse, Madame XXX XXX, née le 5 avril 1976 à XXX, tous les deux de nationalité biélorusse, demeurant actuellement ensemble à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 25 avril 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 octobre 2004, par laquelle ledit ministre a déclaré non fondée leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 6 décembre 2004, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en ses plaidoiries.

Par requête, inscrite sous le numéro 19087 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 décembre 2004, Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 octobre 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré non fondée leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 6 décembre 2004.

Par jugement rendu le 25 avril 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant tout d’abord qu’il n’y avait pas lieu de faire droit au reproche suivant lequel la décision confirmative sur recours gracieux ne serait pas motivée, étant donné qu’il se dégage du libellé de la décision ministérielle initiale que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a indiqué une motivation circonstanciée tant en droit qu’en fait et que faute d’élément nouveau produit dans le cadre du recours gracieux, le ministre a pu se référer dans sa décision confirmative à la décision initiale. Les premiers juges ont relevé dans ce contexte que des explications ou précisions voire des moyens de preuve se rapportant à des motifs antérieurement mis en avant ne constituent pas des faits nouveaux appelant le ministre à compléter sa motivation.

Quant au fond, les premiers juges ont estimé que les actuels appelants, en leur qualité de personnes originaires de la Biélorussie, et craignant y subir des persécutions de la part des autorités actuellement en place du fait que Monsieur XXX aurait participé à des manifestations organisées par des syndicats de sa ville d’origine à l’encontre de la politique du Gouvernement en place, à la suite desquelles il aurait été arrêté à deux reprises par la police qui lui aurait fait subir des sévices corporels, des brimades, des intimidations et des menaces, n’ont pas établi des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, ils risquent de subir des persécutions, mais qu’ils n’ont fait état que de craintes qui s’analysent essentiellement en un sentiment général d’insécurité qui ne saurait à lui seul justifier la reconnaissance du statut de réfugié. Ils ont ainsi retenu qu’à supposer vrais les arrestations et les mauvais traitements dont a fait état Monsieur XXX, ainsi que sa participation à deux manifestations politiques, le comportement ainsi témoigné de la police était certes à considérer comme constituant une pratique condamnable, mais qu’il serait insuffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie des appelants leur serait intolérable dans leur pays d’origine.

En date du 10 mai 2005, Maître Marie-Christine Gautier, avocat à la Cour, assistée de Maître Dogan Demircan, avocat, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX et son épouse, Madame XXX XXX, inscrite sous le numéro 19787C du rôle, par laquelle les parties appelantes sollicitent la réformation du premier jugement.

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants reprochent tout d’abord aux premiers juges de ne pas avoir retenu leur premier moyen développé devant eux et tiré d’un défaut de motivation de la décision confirmative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 décembre 2004, en estimant que celui-ci aurait dû prendre expressément et spécifiquement position par rapport à leur recours gracieux, dans la mesure où celui-ci aurait contenu des éléments nouveaux notamment quant à la situation existant actuellement en Biélorussie. Ils reprochent partant au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de n’avoir rendu qu’une décision standardisée en date du 6 décembre 2004, en reprenant rigoureusement un libellé identique à d’autres décisions rendues à l’égard de demandeurs d’asile. Ils ajoutent encore dans ce contexte qu’à l’appui de leur recours gracieux, ils auraient versé un certificat médical qui aurait été expédié le 8 janvier 2004 par leur famille et qui attesterait une blessure au visage et une commotion cérébrale dont aurait été victime Monsieur XXX. Ils contestent toutefois la conclusion retenue par le médecin ayant rédigé ledit certificat, suivant laquelle les blessures dont aurait souffert Monsieur XXX auraient été occasionnées par un accident domestique. Ils estiment que ledit certificat constituerait un faux qui aurait été établi par ledit médecin de peur de subir des « conséquences graves et inéluctables » de la part des autorités russes au cas où il aurait indiqué la vraie cause desdites blessures.

Quant au fond, ils estiment que leur situation individuelle serait telle qu’elle justifierait la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef, en soutenant que les peines qu’ils risqueraient d’encourir constitueraient une sanction manifestement disproportionnée par rapport à la gravité objective des infractions commises par eux et que les conditions carcérales qu’ils auraient à subir s’analyseraient en une véritable persécution.

Ils contestent encore la conclusion retenue par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration suivant laquelle ils auraient pu profiter d’une possibilité de fuite interne, alors qu’une telle possibilité serait nécessairement vouée à l’échec, au vu de la structure gouvernementale et de la société fortement policée.

Par ailleurs, ils mettent en doute la compétence de l’interprète ayant procédé à la traduction de leurs déclarations lors de leurs auditions par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leurs motifs de persécution, en soutenant qu’elle n’aurait pas su traduire exactement le nom de l’organisation dont ils auraient été membres.

Enfin, ils font état de ce que d’une manière générale la situation serait mauvaise en Biélorussie et que les déplacements seraient entravés par des barrages.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mai 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris, en relevant que l’interprète ayant traduit les déclarations lors de l’audition des appelants, à savoir Madame XXX XXX, est également originaire de Biélorussie et qu’elle aurait partant été particulièrement compétente pour traduire lesdites déclarations.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

En ce qui concerne tout d’abord le moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs dans la décision confirmative du 6 décembre 2004, il échet de constater à la lecture du recours gracieux introduit le 24 novembre 2004 à la direction de l’Immigration du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, dirigé contre la décision initiale de refus de reconnaissance du statut de réfugié dans le chef des appelants du 15 octobre 2004, que ce recours gracieux ne contient pas d’éléments nouveaux par rapport à ceux qui avaient déjà été soumis audit ministère lors des auditions des appelants en date des 21 octobre 2003, 30 septembre et 1er octobre 2004. Il y a au contraire lieu de constater que ledit recours gracieux contient un résumé des faits tels que se dégageant desdites auditions, en faisant en plus quelques références vagues à la situation générale régnant actuellement en Biélorussie, sans expliquer en quoi cette situation serait de nature à entraîner des persécutions dans le chef des appelants.

Il s’ensuit que dans sa décision confirmative du 6 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu confirmer la décision initiale du 15 octobre 2004, au motif que les appelants n’avaient pas présenté des éléments pertinents nouveaux. Cette décision confirmative se trouve par conséquent amplement motivée par les motifs très explicites et circonstanciés tels qu’indiqués dans la décision initiale.

Les premiers juges ont partant à bon droit pu rejeter le moyen afférent. Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que la décision confirmative présente un libellé semblable ou identique à d’autres décisions confirmatives adressées à des demandeurs d’asile, étant donné que cette considération à elle seule n’est pas de nature à établir à suffisance de droit une violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. Quant au certificat médical qu’ils auraient joint à leur recours gracieux, il échet de constater qu’il ne se dégage pas du recours gracieux qu’un certificat médical y ait été joint. Pour le surplus, il échet de constater que les explications fournies par les appelants mêmes quant au contenu dudit certificat sont de nature à mettre fortement en doute la pertinence de celui-ci dans le cadre d’une demande ayant pour objet la reconnaissance du statut de réfugié.

Quant au fond, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

La Cour est amenée à retenir que les éléments de persécution mis en avant par les appelants, à savoir le fait d’avoir été arrêté à deux reprises par la police à la suite de la participation à des manifestations politiques et d’avoir subi des sévices corporels, des brimades, des intimidations et des menaces, à les supposer établis, constituent certainement des pratiques condamnables, mais ne dénotent pas en l’espèce une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans leur chef au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine.

Quant au risque d’être emprisonné en Biélorussie et d’y subir des conditions carcérales difficiles, il échet de constater que la Cour ne se trouve saisie d’aucun élément de nature à faire croire à la probabilité de la réalisation de tels risques, de sorte que ces éléments ne sauraient être retenus pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Quant à l’argumentation développée par les appelants suivant laquelle ils ne seraient pas en mesure de profiter d’une possibilité de fuite interne en Biélorussie, il échet de constater que ce reproche s’adresse au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, et non pas aux premiers juges qui n’ont pas retenu ce motif pour déclarer non fondé le recours en réformation introduit contre les décisions litigieuses. Dans la mesure où la Cour n’est toutefois compétente que pour analyser les moyens et arguments lui soumis par un appelant et dirigés contre un jugement du tribunal administratif, et où en l’espèce, tel n’est pas le cas, cette argumentation ne saurait être analysée plus en avant par la Cour.

Il échet encore de retenir que la situation générale régnant actuellement en Biélorussie ne saurait à elle seule, en l’absence surtout de développements de la part des appelants de nature à établir de manière circonstanciée de quelle manière cette situation générale pourrait avoir des répercussions sur leur situation individuelle, être de nature à justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Enfin, en ce qui concerne les reproches adressés à la compétence de l’interprète ayant traduit les déclarations des appelants lors de leurs auditions par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, il échet de constater que l’interprète en question, à savoir Madame XXX XXX, est également originaire de Biélorussie et qu’en outre, les auditions se sont déroulées en langue russe, tel que cela ressort des pièces et éléments du dossier, qui constitue la langue maternelle des appelants, de sorte que ceux-ci sont particulièrement malvenus de critiquer les compétences professionnelles de l’interprète en question.

Il suit de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu refuser la demande d’asile lui soumise par les appelants et que le tribunal administratif a déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles litigieuses, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 25 avril 2005 est à confirmer.

L’arrêt est rendu contradictoirement à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire des appelants à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que les appelants ont fait déposer une requête d’appel.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 10 mai 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 25 avril 2005 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le premier conseiller Christiane Diederich-Tournay, délégué à cette fin, en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19787C
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-07-14;19787c ?

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