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14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19409C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 juillet 2005, 19409C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19409 C Inscrit le 28 février 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par …, Luxembourg contre un arrêté grand-ducal de refus de promotion en matière de fonctionnaires et agents publics - Appel -

(jugement entrepris du 17 janvier 2005, n° 18566 du rôle)

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Vu la requête d’a

ppel, inscrite sous le numéro 19409C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19409 C Inscrit le 28 février 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par …, Luxembourg contre un arrêté grand-ducal de refus de promotion en matière de fonctionnaires et agents publics - Appel -

(jugement entrepris du 17 janvier 2005, n° 18566 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19409C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 février 2005 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth, agissant en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat lui conféré par le ministre des Finances en date du 25 février 2005, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 17 janvier 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a déclaré le recours en annulation recevable, au fond l’a dit justifié, a annulé l’arrêté grand-ducal déféré et renvoyé l’affaire devant le ministre des Finances en vue de sa transmission utile au Grand-Duc en prosécution de cause ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 30 mars 2005 par Maître Jean-Marie Bauler au nom et pour compte de …;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2005 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth;

Vu la requête en intervention volontaire déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2005 par Maître François Moyse, au nom de … demeurant…, signifiée à … le 4 mai 2005 ;

Vu le mémoire intitulé mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2005 par Maître Jean-Marie Bauler ainsi que sa notification par télécopie à Maître Moyse à la même date;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2005 par Maître Jean-Marie Bauler ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le vice-président en son rapport, le délégué du Gouvernement Gilles Roth et Maître Jean-Marie Bauler, ainsi que Maître Nathalie Prüm-Carré, en remplacement de Maître François Moyse, en leurs observations orales.

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Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 février 2005 l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 17 janvier 2005 par lequel l’arrêté grand-ducal du 12 mai 2004 refusant à … une promotion au grade 15 de conseiller de direction à l’administration de l’Enregistrement et des Domaines a été annulé.

Le jugement dont appel a annulé l’arrêté déféré en retenant que l’avancement au premier grade du cadre fermé se ferait sur base du tableau d’avancement et que, le fonctionnaire remplissant les conditions du point III du paragraphe 1er de l’article 1er de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions d’avancement dans les différentes carrières et administrations, cette promotion devrait lui revenir sans que ne saurait jouer le pouvoir d’appréciation de l’autorité de nomination.

L’Etat appelant conclut à la réformation du jugement et à voir dire le recours en annulation non fondé. Il est soutenu que la disposition de l’article 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat aurait été méconnue par le jugement entrepris, ce texte d’application générale devant s’imposer à toute promotion et conférant à l’autorité de nomination l’appréciation de l’existence des qualités professionnelles et morales requises pour exercer les fonctions d’un grade supérieur. Le délégué du Gouvernement expose dans l’acte d’appel cinq faisceaux d’éléments desquels il soutient que résulterait que l’intéressé ne remplirait pas les conditions de la loi.

Un mémoire en réponse a été déposé par l’intimé le 30 mars 2005. Il est conclu à la confirmation du jugement et à voir déclarer l’article 5 du statut général inapplicable en l’espèce. A titre subsidiaire l’intimé qui fait dans son mémoire un rapport des antécédents de sa carrière contre la motivation de la décision de refus telle que fournie par l’Etat au mémoire d’appel conclut à voir dire qu’il remplit toutes les qualités professionnelles et morales pour exercer les fonctions du grade supérieur.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réplique le 2 mai 2005. Il y est soutenu que le refus de promotion serait étranger aux litiges opposant l’intimé au directeur de son administration, mais se trouverait motivé sur base de l’appréciation de sa qualité professionnelle. Le délégué du Gouvernement prend encore attitude par rapport à l’article 5 du statut.

Quant aux motifs du refus de promotion, le délégué du Gouvernement se réfère aux pièces du dossier desquelles résulterait que « tant par ses capacités professionnelles que par son comportement à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques et collègues de travail, le sieur … ne répond pas à ce qui est exigé d’un agent qui entend briguer les plus hautes fonctions de la carrière supérieure étatique. » En date du 3 mai 2005, le directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, a fait déposer une requête en intervention volontaire. L’intervenant apporte des observations au sujet des éléments de fait et de droit du dossier, en demande acte et se rallie aux conclusions d’appel de l’Etat.

L’intimé a déposé un mémoire en duplique le 10 mai 2005. Il se rapporte à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réplique. L’intimé prend une nouvelle fois attitude quant aux rétroactes de l’affaire concernant en particulier ses relations avec le directeur de l’administration, quant aux motifs de fait du refus de promotion et quant à l’applicabilité de l’article 5 du statut.

A la même date, l’intimé a déposé un mémoire en réponse quant à l’intervention volontaire. Il conclut à voir dire cette intervention irrecevable sinon non fondée et conclut de ce fait à la condamnation de l’intervenant volontaire à une indemnité de procédure.

Considérant que l’appel est recevable pour être intervenu dans les formes et délai de la loi ;

Considérant que le jugement dont appel, intervenu sur recours de … dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 17 mai 2004 qui lui a refusé la promotion au grade 15 à la fonction de conseiller de direction auprès de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, se trouve motivé par un ensemble de considérations tirées de la loi du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat telle que modifiée notamment par la loi du 19 mai 2003 ;

Considérant que le tribunal a retenu en particulier, à partir de l’amendement apporté à l’article 1er III de la loi du 28 mars 1986 par la loi du 19 mai 2003 qui a disposé que « l’accès au cadre fermé se fait sur la base du tableau d’avancement », que cette disposition « revêt un caractère dirimant » et que « toute la discussion menée entre parties concernant le pouvoir d’appréciation de l’autorité de nomination en matière d’accès au cadre fermé tombe à faux depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 2003 ayant ajouté un paragraphe 3 à l’article 1er (III) de la loi modifiée du 26 mars 1986 » ;

Considérant que, contredit en ceci par l’intimé qui conclut à la confirmation du jugement, le délégué du Gouvernement, tout en reconnaissant le caractère « dirimant », plus correctement dit « contraignant » du tableau d’avancement pour départager plusieurs candidats en présence pour un seul poste vacant, estime qu’il n’y a à charge de l’autorité de nomination aucune obligation légale de procéder à la promotion d’un fonctionnaire, alors qu’il appartient à l’administration de décider si et quand elle procède à la promotion, le fait de ne procéder à aucune promotion trouvant sa base dans le pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont elle disposerait, pouvoir non mis en question par la loi d’harmonisation et qui demeurerait légalement consacré par l’article 5 du statut général des fonctionnaires résultant de la loi modifiée du 16 avril 1979, le délégué du Gouvernement faisant par la suite état de plusieurs éléments personnels à l’intimé propres selon lui de refuser la promotion sollicitée ;

Considérant que le but et l’effet de la loi précitée du 26 mars 1986 a été de garantir au fonctionnaire un développement continu de sa carrière, but obtenu par le biais de la définition des années que le fonctionnaire, dans les différentes carrières a à passer dans les différents grades ;

que la loi a défini d’une part un cadre ouvert dans les grades duquel tous les fonctionnaires sont admis à parcourir les différents grades après une période déterminée à passer dans chaque grade inférieur et un cadre fermé comprenant les grades supérieurs de chaque carrière auquel les fonctionnaires sont admis après avoir suffi aux conditions de formation mais seulement à concurrence de pourcentages définis par rapport à l’effectif total de chaque carrière, l’avancement au cadre fermé auquel, du fait du pourcentage limité, tous les fonctionnaires n’ont pas un droit d’accès immédiat se faisant, sur la base du tableau d’avancement ;

Considérant qu’il est constant et non contesté en cause que l’intimé … remplit, quant à l’accès au cadre fermé, les conditions de durée et de formation telles que définies à l’article 1er III 1 et 2 de la loi du 26 mars 1986 ;

Considérant que son droit à la promotion doit toutefois être considéré comme se situant dans le contexte général du statut des fonctionnaires et plus particulièrement de l’article 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 qui définit et règle de manière générale la matière des promotions des fonctionnaires ;

Considérant que l’article 5 de la loi, après avoir défini la notion de promotion dispose à l’article 2 de son point 1 que « nul fonctionnaire ne peut prétendre à une promotion s’il est établi qu’il ne possède pas les qualités professionnelles ou morales requises pour exercer la fonction du grade supérieur » ;

Considérant que la formulation péremptoire de cette disposition introduite au statut par une loi du 27 août 1986 et donc postérieure à la loi dite d’harmonisation du 28 mars 1986 lui confère un caractère s’imposant à toutes les promotions ;

qu’en disposant que, pour que le fonctionnaire ne puisse pas accéder à une promotion il faut qu’il soit « établi qu’il ne possède pas les qualités professionnelles ou morales requises pour exercer la fonction du grade supérieur » , la loi respecte le principe du droit à la promotion automatique suivant la loi d’harmonisation, mais réserve au pouvoir de nomination une faculté d’intervenir, dans l’hypothèse de non-aptitude définie au texte sous examen ;

Considérant toutefois que le pouvoir de l’autorité est limité à la faculté d’une suspension de l’avancement à charge de se conformer aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 5, 1 du statut général qui dispose que « la suspension de l’avancement est prononcée par le ministre du ressort sur le vu d’un rapport circonstancié établi par le chef d’administration et les explications écrites de l’intéressé qui aura reçu copie du rapport précité » ;

Considérant qu’il en résulte que, en prononçant un refus pur et simple de la promotion sollicitée par l’intimé, l’autorité de nomination a dépassé les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et que la décision déférée doit, bien que par substitution de ces motifs à ceux retenus au jugement dont appel, encourir l’annulation ;

Considérant que par requête déposée le 3 mai 2005 … a déclaré vouloir intervenir dans la procédure, a demandé acte de ses moyens au fond consistant en son appréciation des éléments de la cause tels que présentés par l’appelant et de ce qu’il se rallie aux moyens de l’Etat quant aux moyens de réformation de la décision ;

Considérant qu’aux termes de l’article 43 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aucune intervention volontaire n’est reçue en cas d’appel si ce n’est de la part de ceux qui ont droit de former tierce-

opposition ;

que ces personnes, aux termes de l’article 36 de la loi auquel renvoie son article 55 énonce « ceux qui veulent s’opposer à des décisions » respectivement du tribunal et de la Cour ;

Considérant que « vouloir s’opposer » présuppose, comme toute action en justice, l’existence d’un intérêt à agir ;

Considérant que l’intervenant n’a, ni en tant que personne privée, ni en tant que directeur de l’administration dont relève l’intimé aucun intérêt matériel à l’issue du litige, donc à obtenir que la promotion sollicitée soit refusée ou accordée à l’intimé ;

qu’il n’a aucun intérêt moral non plus quant au sort de l’arrêté grand-ducal déféré alors que la décision intervenue n’est pas de sa compétence, son intervention étant épuisée par l’avis qu’en tant que directeur il a été appelé à émettre sur le mérite de la candidature, un directeur n’ayant aucune qualité pour contester les décisions de l’autorité supérieure, fussent-elles mêmes intervenues dans le cadre du personnel de son administration, la décision sur la demande de promotion de … n’étant en rien susceptible de préjudicier aux droits de l’intervenant ;

qu’il en résulte que, … n’ayant ni en nom personnel ni en vertu de ses fonctions intérêt à former tierce-opposition contre le présent arrêt, ni aucun de ses droits n’étant susceptibles d’en subir préjudice, son intervention volontaire dans la procédure est irrecevable ;

Considérant qu’en son mémoire en réponse au mémoire d’intervention, … conclut à voir condamner l’intervenant à une indemnité de procédure de 1.250 € ;

Considérant qu’aux termes de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, applicable en instance d’appel, « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine » ;

Considérant que la Cour estime que la demande est fondée en son principe ;

que le caractère inéquitable de la situation qui, du fait de l’intervention irrecevable, a fait exposer des frais à … résulte du caractère téméraire et irréfléchi de l’intervention dont l’auteur, en tant que juriste d’expérience, aurait dû connaître l’irrecevabilité tenant à ce que un directeur d’administration n’a ni intérêt ni qualité pour attaquer en justice une nomination acquise à l’un des fonctionnaires de son administration, ce de quoi il résulte qu’il n’a pas non plus ni intérêt ni qualité pour former tierce-opposition contre une décision intervenue dans le cadre d’un recours en la matière ;

Considérant qu’il y a lieu de fixer le montant de la somme à allouer ex æquo et bono à 500 € ;

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son vice-président, reçoit l’acte d’appel de l’Etat en la forme, par substitution des motifs ci-dessus à ceux du jugement dont appel, confirme l’annulation de l’arrêté grand-ducal déféré, renvoie l’affaire devant l’autorité compétente pour être statué sur la demande de promotion de l’intimé ;

déclare l’intervention de … irrecevable ;

dit la demande en allocation d’une indemnité de procédure justifiée et condamne … à payer à … la somme de cinq cents (500) € ;

met les frais de l’instance d’appel à charge de l’Etat sauf ceux tenant à l’intervention qui doivent rester à charge de l’intervenant.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président, rapporteur Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19409C
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-07-14;19409c ?

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