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12/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19701C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 juillet 2005, 19701C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19701 C Inscrit le 21 avril 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 23 mars 2005, n° 18961 du rôle)

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Vu la requête d

’appel, inscrite sous le numéro 19701C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19701 C Inscrit le 21 avril 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 23 mars 2005, n° 18961 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19701C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 21 avril 2005 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, au nom de …, né le …. à Tirana (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 23 mars 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et contre celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 8 novembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18961 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2004, … a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 8 novembre 2004.

Par jugement rendu le 23 mars 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté ….

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire de l’Albanie et y avoir fait l’objet de menaces de la part des services secrets albanais, et qu’il n’aurait pas pu profiter d’une protection adéquate de la part des autorités de son pays d’origine, en raison de l’inefficacité et la corruption des autorités judiciaires, n’a pas suffisamment établi ni le lien causal entre les différents événements relatés par lui, à savoir un accident de la circulation datant de 1997 causé par des prétendus agents secrets, des coups de téléphone anonymes reçus au cours du mois de mai 2002 et des menaces exercées contre lui par ces mêmes agents secrets en début 2003, ni la cause de ces différents événements, ni le fait que les actes dont il se prévaut émanent des autorités publiques et non pas de personnes privées. Les premiers juges ont relevé dans ce contexte que l’actuel appelant était en aveu que pendant les années 1998 à mai 2002, rien de spécial ne se serait passé.

En date du 21 avril 2005, Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19701C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions présentées en première instance et qui auraient dû aboutir à la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il conclut tout d’abord à la véracité et à la cohérence de son récit qui serait par ailleurs appuyé par de nombreuses pièces versées au cours de l’instruction de son dossier. Il expose ainsi qu’il aurait été victime dans son pays d’origine, à savoir l’Albanie, de persécutions émanant de personnes travaillant pour le pouvoir en place, et plus particulièrement pour les services secrets. Il ajoute que les faits qui l’auraient conduit à quitter précipitamment son pays, auraient eu lieu au cours du mois de mars 2003, et qu’ils auraient été commis par un délinquant de droit commun connu sous le nom de …, ce qui ne serait toutefois pas surprenant, puisque les politiciens albanais seraient « de connivence avec certains réseaux mafieux ». Il serait partant établi que les menaces et agressions dont il aurait fait l’objet auraient été commises par les autorités en place en Albanie. Il se réfère encore à des incidents qui auraient eu lieu à l’occasion des élections de 1997, lors desquelles il aurait travaillé en tant qu’interprète aux côtés des membres de l’OSCE et il expose qu’il aurait été menacé à cette occasion, ainsi que les autres membres de la commission d’élection, par cinq personnes armées arrivées en voiture officielle.

Il fait encore état d’un accident qui aurait eu lieu quelques mois après les élections de 1997, qu’il estime avoir été organisé par les mêmes membres des services secrets que ceux qui l’auraient menacé au cours des opérations des élections en question.

Enfin, il fait état de ce qu’un incident aurait eu lieu en l’année 2003, lors duquel deux personnes se seraient présentées à son domicile comme étant des membres des services secrets. Au vu de tous ces éléments, il estime que le lien de causalité serait établi entre les violences et menaces subies par lui et les autorités étatiques qui seraient à considérer comme les auteurs desdits actes.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 mai 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à bon droit, après avoir fait une exacte appréciation des déclarations faites par l’appelant lors de son audition par un agent du ministère de la Justice, que les premiers juges ont retenu qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure au fait que l’appelant ait été persécuté pour un des motifs prévus par la Convention de Genève et qu’il n’a pas suffisamment établi ni le lien causal entre les différents événements invoqués par lui, ni leur cause, ni le fait que les actes dont il se prévaut émanent des autorités publiques et non pas de personnes privées, de sorte à considérer ses craintes, en l’état actuel du dossier, comme étant purement hypothétiques.

Il suit de ce qui précède que de simples craintes hypothétiques, non étayées par un quelconque élément de preuve, ne sont pas de nature à justifier dans le chef de l’appelant la reconnaissance du statut de réfugié.

Pour le surplus, il y a lieu de retenir, à défaut de preuve contraire rapportée par l’appelant, que les faits invoqués relèvent davantage d’une criminalité de droit commun commise par des personnes privées.

Or, dans la mesure où il s’agit d’actes émanant de personnes privées ou de personnes appartenant à certains groupements de la population, force est de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre les agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel. En effet, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile.

L’appelant n’a soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes en Albanie de lui fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place. En effet, il ne se dégage d’aucune pièce du dossier que l’appelant aurait porté plainte auprès des autorités compétentes de l’Albanie en vue d’obtenir une protection adéquate. Il en résulte que l’appelant reste en défaut d’établir l’incapacité des autorités en place de lui assurer une telle protection.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré non fondé le recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles entreprises, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 23 mars 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 21 avril 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 23 mars 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19701C
Date de la décision : 12/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-07-12;19701c ?

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