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12/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19529C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 juillet 2005, 19529C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19529 C Inscrit le 22 mars 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ainsi que des communications du préposé du bureau de Recette de Luxembourg, sinon du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de rôle de restitution - Appel -

(jugement entrepris du 2 mars 2005,

n° 18683 du rôle)

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19529 C Inscrit le 22 mars 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ainsi que des communications du préposé du bureau de Recette de Luxembourg, sinon du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de rôle de restitution - Appel -

(jugement entrepris du 2 mars 2005, n° 18683 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19529C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 mars 2005 par Maître Mathias Poncin, avocat à la Cour, au nom de …, sans état particulier, demeurant actuellement à …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 2 mars 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours ayant tendu principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’un arrêté du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 2 avril 2004, portant sur la restitution dans son chef du montant de 23.282,56 € pour la période du 6 janvier 1999 au 30 mai 2001 et pour autant que de besoin des autres décisions administratives qui se seraient greffées sur ledit arrêté ministériel et plus particulièrement de l’extrait de compte émanant du préposé du bureau de Recettes de Luxembourg, sinon du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 juillet 2004, portant sur le même montant ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Mathias Poncin et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18683 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2004, … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un arrêté du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, du 2 avril 2004, portant sur la restitution dans son chef du montant de 23.282,56 € pour la période du 6 janvier 1999 au 30 mai 2001 et pour autant que de besoin des autres décisions administratives qui se seraient greffées sur ledit arrêté ministériel et plus particulièrement de l’extrait de compte émanant du préposé du bureau de Recette de Luxembourg, sinon du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 juillet 2004, portant sur le même montant.

Par jugement rendu le 2 mars 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours.

Les premiers juges ont justifié leur décision en rappelant tout d’abord que les contestations issues de la relation de travail des ouvriers de l’Etat avec leur employeur ne relèvent point de la compétence des juridictions de l’ordre administratif, mais de celle des tribunaux du travail.

Ils ont encore retenu que bien que la toile de fond du recours dont ils étaient saisis était constituée par la relation de travail de l’actuelle appelante en tant qu’ouvrière de l’Etat et les paiements de son salaire effectués au-delà de la cessation de ladite relation de travail, l’objet du litige, tel que cerné par l’actuelle appelante, ne pouvait toutefois pas être relié de façon immédiate auxdites relations de travail, étant donné que le recours était directement dirigé contre l’arrêté ministériel déféré en tant qu’il se trouve à la base de la procédure en restitution des salaires payés après la cessation du contrat d’emploi invoqué. Les premiers juges ont au contraire estimé que l’arrêté ministériel litigieux du 2 avril 2004 s’inscrit dans les prévisions de l’article 65 de la loi modifiée du 8 juin 1999 sur le budget, la comptabilité et la trésorerie de l’Etat et que les juridictions administratives sont incompétentes sous l’empire de ladite loi pour connaître en principe d’affaires qui se situent non pas dans le cadre de la loi modifiée du 7 novembre 1996 concernant l’organisation des juridictions de l’ordre administratif, mais dans celui de l’exécution du budget et de la comptabilité de l’Etat.

Le tribunal a enfin constaté que dans le cas d’espèce, l’actuelle appelante disposait d’un recours contentieux contre une décision de l’administration du Personnel de l’Etat du 31 juillet 2001, par laquelle elle fut notamment informée de ce qu’elle avait touché indûment les salaires du 6 janvier 1999 au 30 mai 2001, à savoir la somme litigieuse de 23.282,53 €, qu’elle n’avait toutefois point exercé, de sorte qu’il n’y avait aucune raison pour la juridiction administrative de se déclarer compétente pour connaître du recours, afin d’éviter que le justiciable ne soit dépourvu de toute possibilité de recours contentieux et de pouvoir ainsi faire valoir ses moyens et observations. Partant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait aucune raison de faire une exception à la règle d’incompétence des juridictions de l’ordre administratif pour connaître d’affaires se situant dans le cadre de l’exécution du budget et de la comptabilité de l’Etat, en rejetant par ailleurs la qualification d’acte détachable que l’actuelle partie appelante souhaitait vouloir donner à la décision litigieuse.

En date du 22 mars 2005, Maître Mathias Poncin, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19529C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

Elle souhaite encore voir déclarer l’arrêt à intervenir commun à l’administration des Contributions directes.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante conteste la conclusion retenue par les premiers juges suivant laquelle le courrier de l’administration du Personnel de l’Etat du 31 juillet 2001 constituait une décision au sens de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, respectivement au sens de l’article 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996 et qu’elle aurait partant disposé d’une possibilité d’introduire un recours contentieux contre ledit courrier.

Dans ce contexte, elle fait soutenir que le courrier précité du 31 juillet 2001 ne constituerait pas une décision de nature à produire un effet juridique affectant sa situation personnelle ou patrimoniale, de sorte qu’elle ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’article 2 de la loi précitée du 7 novembre 1996. Elle estime au contraire que ledit courrier aurait eu un simple caractère informatif, de sorte à constituer un acte simplement préparatoire auquel par la suite plus aucune référence n’aurait été faite. Elle fait encore ajouter que ledit courrier n’aurait contenu aucune indication quant aux voies de recours et que la réaction de son mandataire par rapport audit courrier, par lettre du 6 septembre 2001, n’aurait également eu qu’un caractère d’information, afin de porter à la connaissance de l’administration du Personnel de l’Etat qu’elle n’était pas disposée à donner une quelconque suite à la demande lui adressée quant au remboursement des salaires indûment perçus.

En deuxième lieu, l’appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu ses conclusions présentées en première instance suivant lesquelles l’arrêté ministériel du 2 avril 2004 était à qualifier d’acte détachable contre lequel un recours contentieux pouvait valablement être introduit devant les juridictions administratives. Elle fait dans ce contexte état de ce que l’arrêté ministériel en question du 2 avril 2004 lui causerait directement un préjudice et qu’il s’agirait du seul acte qui lui aurait été communiqué dans le cadre de la procédure suivie par l’Etat sur base de l’article 65 de la loi précitée du 8 juin 1999.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 avril 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il estime que contrairement à l’argumentation développée par l’appelante, le courrier précité du 31 juillet 2001 de l’administration du Personnel de l’Etat contenait une invitation à l’attention de l’appelante, afin que celle-ci régularise sa situation en remboursant la somme indûment touchée par elle, de sorte que ce courrier aurait certainement été de nature à causer un préjudice à l’appelante, ce qu’elle aurait d’ailleurs reconnu dans la réaction de son mandataire du 6 septembre 2001. Le simple fait que le courrier en question du 31 juillet 2001 ne contient pas d’indication des voies de recours ne serait pas de nature à ôter audit courrier son caractère décisionnel. Il explique encore que ce serait le refus de l’appelante de respecter la décision du 31 juillet 2001, qui aurait été à la base du déclenchement de la procédure telle que prévue par l’article 65 de la loi précitée du 8 juin 1999.

Le représentant étatique conclut encore à la compétence de l’administration du Personnel de l’Etat de prendre la décision afférente, en se référant à l’article 3, paragraphe 2 de la loi du 1er février 1984 portant création de l’administration du personnel de l’Etat.

Enfin, l’Etat fait valoir qu’il aurait déposé au greffe de la juridiction administrative toutes les pièces se trouvant à la base de la procédure de recouvrement dirigée contre l’appelante, à savoir le rôle de restitution de la part de l’ordonnateur et le visa y relatif du contrôleur financier, qui constitueraient les deux seules pièces nécessaires dans le cadre d’une telle procédure.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

La Cour est tout d’abord amenée à analyser le premier moyen invoqué par l’appelante, suivant lequel elle conteste la conclusion retenue par les premiers juges suivant lesquels le courrier précité de l’administration du personnel de l’Etat du 31 juillet 2001 aurait constitué une décision de nature à lui faire grief contre laquelle elle aurait été en droit de déposer un recours contentieux devant les juridictions administratives.

Il échet de rappeler que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours, la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief.(Cour adm. 6 décembre 2001, n° 13657C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Actes administratifs, n° 4, p. 15 et autres références y citées).

En l’espèce, il échet de constater que par le courrier litigieux du 31 juillet 2001, l’administration du personnel de l’Etat, après avoir fait un résumé des faits se trouvant à la base de sa décision, a informé l’appelante qu’elle avait « indûment touché les salaires du 6 janvier 1999 au 30 mai 2001, c’est-à-dire la somme de 939.216 ; (neuf cent trente-neuf mille deux cent seize) francs ». Ladite administration a encore invité l’appelante, par la lettre en question, à régulariser sa situation, en virant le montant en question au CCP de la trésorerie de l’Etat.

Il y a partant lieu de constater, à la lecture de la décision en question, que celle-ci est manifestement de nature à faire grief à l’appelante, dans la mesure où elle se voit obliger par la décision en question de rembourser le montant litigieux à la trésorerie de l’Etat, en raison de ce qu’elle aurait indûment touché les salaires en question. Quant au caractère décisoire du courrier litigieux, il échet de relever que celui-ci se dégage du constat effectué par l’administration suivant lequel la somme litigieuse a été indûment touchée par l’appelante.

Il s’ensuit que le courrier du 31 juillet 2001, précité, constitue dans l’intention de l’autorité qui l’a émis, une véritable décision qui est de nature à affecter la situation patrimoniale de l’appelante.

D’ailleurs, la partie appelante ne s’est pas trompée sur le caractère décisionnel de la lettre précitée du 31 juillet 2001, puisqu’elle a fait envoyer par l’intermédiaire de son mandataire professionnel une lettre de réclamation à l’administration du personnel de l’Etat, par laquelle elle a marqué son désaccord avec le contenu de la décision en question.

Le simple fait que la lettre litigieuse ne contient pas l’indication des voies de recours conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’est pas de nature à enlever à la lettre en question son caractère décisionnel, le simple fait que cette lettre ne contient pas l’indication des voies de recours étant tout au plus de nature à entraîner que le délai de recours contentieux n’a pas pu commencer à courir.

Il se dégage de l’ensemble des considérations faites ci-avant que loin de constituer une simple lettre d’information qui aurait été adressée à l’appelante par l’administration du personnel de l’Etat en date du 31 juillet 2001, ce courrier constitue une décision de nature à faire grief à l’appelante, de sorte qu’elle disposait d’un recours contentieux contre la décision en question, qu’elle n’a toutefois pas exercé. Le moyen afférent invoqué en instance d’appel est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au deuxième moyen invoqué par l’appelante à l’appui de sa requête d’appel, suivant lequel l’arrêté ministériel litigieux du 2 avril 2004 serait à qualifier d’acte détachable contre lequel elle aurait valablement pu introduire un recours devant les juridictions administratives, il échet tout d’abord de relever que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que ledit arrêté ministériel s’inscrit dans les prévisions de l’article 65 de la loi modifiée du 8 juin 1999 sur le budget, la comptabilité et la trésorerie de l’Etat, lequel dispose que « (1) Les paiements indûment effectués donnent en principe lieu à l’établissement de rôles de restitution par l’ordonnateur. Les rôles de restitution sont soumis au visa du contrôleur financier et recouvrés par les comptables publics chargés de la perception de ces recettes.

(2) Les paiements indûment effectués à titre de rémunération du personnel de l’Etat peuvent être régularisés par l’administration du personnel de l’Etat moyennant l’imputation des sommes en question sur les rémunérations futures. La régularisation est soumise au visa préalable du contrôleur financier ».

Les premiers juges ont encore pu retenir à bon droit que les juridictions administratives sont incompétentes sous l’empire de la loi précitée du 8 juin 1999 pour connaître en principe d’affaires qui se situent non pas dans le cadre de la loi modifiée du 7 novembre 1996 concernant l’organisation des juridictions de l’ordre administratif, mais dans celui de l’exécution du budget et de la comptabilité de l’Etat (cf. Cour adm. 13 juin 2002, n° 14421C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Compétence, n° 42, p. 114).

Il y a encore lieu de confirmer les premiers juges dans leurs conclusions suivant lesquelles c’est à tort que l’appelante estime ne pas avoir reçu communication d’un autre acte contre lequel elle aurait été en mesure d’introduire un recours contentieux, alors que, comme il a été relevé ci-avant, elle disposait de la possibilité d’introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision précitée de l’administration du personnel de l’Etat du 31 juillet 2001, à l’encontre de laquelle elle avait fait adresser à ladite administration un courrier circonstancié de la part de son mandataire daté du 6 septembre 2001, qui pouvait être considéré comme valant recours gracieux, sans qu’à l’époque, elle n’ait poursuivi la procédure en introduisant un recours contentieux.

C’est encore à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’il n’y avait pas lieu de faire exception à la règle de l’incompétence des juridictions de l’ordre administratif dans le cas d’espèce, de sorte qu’il y a lieu de retenir l’incompétence des juridictions administratives pour connaître du recours sous analyse. Il n’y a partant pas lieu de faire droit à l’argumentation développée par l’appelante suivant laquelle l’arrêté ministériel litigieux devrait être qualifié d’acte détachable susceptible d’un recours contentieux devant les juridictions administratives.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris du 2 mars 2005 dans toute sa teneur.

Dans la mesure où l’administration des Contributions directes relève de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, dûment représenté à l’instance, il n’y a pas lieu de donner suite à la demande en déclaration de jugement commun formulée dans le dispositif de la requête d’appel à l’égard de ladite administration.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit la requête d’appel du 22 mars 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 2 mars 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19529C
Date de la décision : 12/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-07-12;19529c ?

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