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12/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19366C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 juillet 2005, 19366C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19366 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat (réintégration) - Appel -

(jugement entrepris du 17 janvier 2005, n° 18254 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19366C du rôle et déposée au gr...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19366 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 12 juillet 2005 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat (réintégration) - Appel -

(jugement entrepris du 17 janvier 2005, n° 18254 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19366C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 février 2005 par Maître Marc Theisen, avocat à la Cour, au nom de …, demeurant actuellement à L-… dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 17 janvier 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 31 mars 2004 portant refus de réintégration à son poste d’employé B, suite à un congé sans traitement auprès de l’administration gouvernementale, ministère des Classes moyennes, accordé par arrêté grand-ducal du 22 mai 2000, a déclaré recevable le recours en annulation introduit contre la même décision ministérielle et, au fond, l’a déclaré non justifié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de l’appelant au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2005 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du Gouvernement au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Marc Theisen, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18254 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004, … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 31 mars 2004 portant refus de réintégration à son poste d’employé de la carrière B, suite à un congé sans traitement, auprès de l’administration gouvernementale, ministère des Classes moyennes, accordé par arrêté grand-ducal du 22 mai 2000.

Par jugement rendu le 17 janvier 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a déclaré recevable le recours subsidiaire en annulation et, quant au fond, l’a déclaré non justifié.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant tout d’abord que l’actuel appelant avait sollicité un congé sans traitement pour raisons professionnelles et qu’à la fin dudit congé, il disposait non pas d’un droit à réintégration automatique, mais d’une faculté de réintégration conditionnée par une vacance de poste à plein temps dans la même administration et la même carrière. Dans ce contexte, les premiers juges ont retenu que l’actuel appelant avait quitté, au début de son congé sans traitement, un poste de la carrière B de l’employé de l’Etat au sein de l’administration gouvernementale et qu’à l’époque, il était affecté au ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement.

Le tribunal a encore décidé que s’il est vrai que les décisions ayant accordé puis prolongé le congé sans traitement de l’actuel appelant ont été prises sur base de l’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommée le « statut général », tel qu’il a été applicable avant sa modification par la loi du 19 mai 2003, il n’en demeure pas moins que les modifications apportées audit article 30 par la loi précitée du 19 mai 2003 s’appliquent à la situation de l’actuel appelant en ce qui concerne sa réintégration dans la carrière de l’employé de l’Etat concernée, entre-temps devenues applicables, à défaut de spécification contraire dans la loi et au titre de dispositions plus favorables nouvellement prises par le législateur.

Les premiers juges ont constaté que l’article 30 ainsi modifié ne prévoit pas non plus un droit absolu à la réintégration dans le chef des fonctionnaires et des employés de l’Etat, en ce que ce droit serait indépendant de toute vacance de poste afférente, les premiers juges se référant plus particulièrement à l’alinéa 5 du paragraphe 3 dudit article 30 suivant lequel le congé sans traitement est prolongé jusqu’à la survenance de la première vacance de poste budgétaire, sans préjudice toutefois de la possibilité pour le fonctionnaire de se faire changer d’administration conformément aux dispositions de la loi modifiée du 27 mars 1986. A ce titre, les premiers juges ont toutefois relevé qu’aucune question de changement d’administration n’avait été soulevée au regard de la décision déférée.

Les premiers juges ont par ailleurs rejeté l’argumentation de l’actuel appelant suivant laquelle son cas d’espèce rentrerait dans le champ d’application de l’alinéa 6 du paragraphe 3 de l’article 30 du statut général, tel que modifié par la loi précitée du 19 mai 2003, étant donné que le congé sans traitement lui accordé pour des raisons professionnelles relève de l’article 30, paragraphe 2b de même que le congé justifié par des raisons personnelles ou familiales, de sorte à ne pas rentrer sous les prévisions de l’alinéa 6 du paragraphe 3 dudit article 30, lequel ne vise que les congés accordés en application des dispositions des paragraphes 1er et 2a ainsi désignés de l’article 30, c’est-à-dire les congés sans traitement consécutivement au congé de maternité, au congé d’accueil et au congé parental (paragraphe 1er) et ceux accordés pour élever un ou plusieurs enfants à charge de moins de 15 ans (paragraphe 2a). C’est ainsi que les premiers juges ont décidé que l’actuel appelant n’avait pas droit à être réintégré à plein temps dans son administration d’origine et sa carrière d’origine, par dépassement des effectifs, jusqu’à la survenance de la première vacance de poste.

Le tribunal note en outre que dans la mesure où la réintégration sur congé sans traitement de l’actuel appelant s’effectue de façon constante dans sa carrière d’origine, en l’espèce la carrière B de l’employé de l’Etat, ses arguments tendant à établir qu’il devrait avoir accès à un poste de la carrière B1, ne présentent pas de caractère pertinent, de même qu’il n’y a pas lieu de prendre autrement position par rapport à la conversion d’un poste d’employé de l’Etat en poste d’attaché de Gouvernement au ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, telle qu’approuvée par le conseil de Gouvernement lors de sa séance du 29 novembre 2002, étant donné que le poste d’employé de l’Etat ainsi converti relevait de la carrière B1 et non pas de la carrière B.

Les premiers juges ont encore noté que suivant un relevé non contesté produit par un courrier ministériel du 1er décembre 2004 concernant les vacances de poste dans les carrières B et B1 au sein de l’administration gouvernementale depuis le 1er avril 2002, aucun poste de la carrière B n’y est mentionné, que ce soit à temps complet ou à temps partiel.

Les premiers juges ont enfin retenu que dans la mesure où, en leur qualité de juges de la légalité, ils n’étaient pas en droit de juger de l’opportunité politique et de prendre position, en l’espèce, quant à la situation créée du fait que l’actuel appelant, en sa qualité d’employé en congé sans traitement, a été remplacé par un employé à durée indéterminée, de sorte à ne pas donner lieu à une vacance de poste au moment de la venue à terme du congé sans traitement.

En date du 24 février 2005, Maître Marc Theisen, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19366C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir violé les dispositions légales telles que fixées par le statut général et modifiées par la loi précitée du 19 mai 2003, en ne faisant pas droit à ses conclusions produites en première instance. Ainsi, il estime qu’au moment où il avait formulé sa première demande de réintégration, il aurait existé une vacance de poste dans la mesure où le contrat de travail à durée déterminée de la personne nommée pour pourvoir à son remplacement au cours de son congé sans traitement, prévoyait une période d’engagement allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2002, à savoir la période qui correspondait exactement à la durée de son congé sans traitement. Il estime qu’il devrait se dégager de cette présentation des faits que le poste qui aurait dû être libéré par sa remplaçante le 31 mars 2002, aurait dû lui revenir, d’autant plus que le ministre aurait été au courant de sa volonté de réintégration, puisqu’il avait déjà formulé une première demande de réintégration en date du 26 janvier 2001. Il reproche partant au ministre d’avoir fait signer, en date du 6 août 2001 et en connaissance de cause de la volonté de l’appelant de réintégrer son administration d’origine dès le 1er avril 2002, un contrat d’engagement à sa remplaçante prévoyant une durée indéterminée de celui-ci. Il reproche partant aux premiers juges de ne pas avoir retenu qu’au moment où il a fait connaître sa volonté de réintégrer son poste, un poste aurait été vacant pour la date du 1er avril 2002, de sorte que ce poste aurait dû rester libre afin qu’il puisse être réservé à sa réintégration. Il insiste dans ce contexte sur le fait que sa remplaçante aurait signé un contrat d’engagement en date du 6 août 2001, à savoir après sa première lettre de demande de réintégration adressée au ministre en date du 26 janvier 2001.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris.

L’appelant a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2005. Estimant que l’Etat aurait repris dans son mémoire en réponse les mêmes moyens d’irrecevabilité du recours initial que ceux développés en première instance, il reprend son argumentation développée devant les premiers juges afin de faire déclarer non fondés lesdits moyens d’irrecevabilité, d’ailleurs écartés en première instance par le tribunal.

Quant au fond, l’appelant soulève un moyen nouveau tiré de ce que l’alinéa 6 du paragraphe 3 de l’article 30 du statut général, sur lequel est basé la décision litigieuse du 31 mars 2004, en ce qu’il prévoit une distinction entre les bénéficiaires d’un congé sans traitement consécutivement au congé de maternité, au congé d’accueil ou au congé parental et celui accordé pour élever un ou plusieurs enfants à charge de moins de 15 ans, d’un côté, et le congé sans traitement accordé pour raisons professionnelles, d’un autre côté, contreviendrait à l’article 10bis point 1 de la Constitution, prévoyant l’égalité des citoyens devant la loi. Il estime en effet qu’une telle différenciation ne serait pas rationnellement justifiée, ni adéquate et proportionnée à son but, de sorte qu’une telle différence de traitement ne se justifierait en aucun cas au regard des exigences du principe constitutionnel précité.

Il demande partant à la Cour administrative de poser une question préjudicielle afférente à la Cour constitutionnelle, en soutenant qu’une décision de celle-ci serait nécessaire afin de résoudre la question actuellement sous analyse qui ne serait pas dénuée de tout fondement, puisque la Cour constitutionnelle n’aurait pas encore statué sur une question ayant le même objet.

Pour le cas où il ne serait pas fait droit à la demande tendant à voir poser une question préjudicielle, l’appelant conclut néanmoins à l’annulation de la décision critiquée en reprenant son argumentation développée dans le cadre de sa requête d’appel. C’est ainsi qu’il reproche plus particulièrement aux premiers juges d’avoir considéré comme une décision relevant de l’opportunité politique celle ayant consisté à engager sa remplaçante par un contrat d’engagement à durée indéterminée en connaissance de cause de ce qu’il avait au préalable fait part de son intention de réintégrer son poste au sujet duquel il bénéficiait du congé sans traitement. Il estime que les juges de la légalité seraient également juges de l’opportunité, de sorte que le tribunal aurait dû constater que le refus de réintégration décidé le 31 mars 2004 serait manifestement disproportionné par rapport aux faits de l’espèce, notamment eu égard au fait que sa remplaçante avait été engagée définitivement en lieu et place par décision du 6 août 2001, à savoir à une époque à laquelle l’Etat aurait pertinemment dû savoir qu’il souhaitait se voir réintégrer à son poste. Il reproche également au tribunal d’avoir accepté que sa remplaçante soit privilégiée en ce qu’elle s’est vu offrir un engagement à durée indéterminée qui a eu pour conséquence son impossibilité à réintégrer son poste initial.

Il estime enfin que même en l’absence d’une demande afférente de sa part, l’administration aurait été obligée, en application du principe de collaboration de l’administration, tel que se dégageant de l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de le faire bénéficier des dispositions de la loi précitée du 27 mars 1986 quant à la possibilité d’un changement d’administration, pour attirer au moins son attention sur la possibilité qu’il aurait pu invoquer les dispositions légales en question au vu de l’impossibilité de le réintégrer au moment de la décision litigieuse à son poste antérieur. Il rappelle encore dans ce contexte qu’en date du 23 mars 2004, à savoir avant la date de la décision sous analyse, il s’est vu promettre par l’administration au cours d’une entrevue entre parties une réembauche au sein de l’administration gouvernementale à intervenir dans les jours suivant l’entrevue en question, proposition qui n’aurait pas été suivie d’effet, de sorte que le ministre compétent se serait manifestement rendu coupable d’une violation du principe de confiance légitime.

En date du 23 mai 2005, l’Etat a déposé un mémoire en duplique au greffe de la Cour. Il s’y oppose à ce qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour constitutionnelle, en soutenant que le but poursuivi par les dispositions légales portant sur le congé sans traitement pour l’éducation des enfants est différent de celui poursuivi par celles portant sur le congé sans traitement pour raisons professionnelles, familiales (autres que pour l’éducation des enfants) ou personnelles, de sorte qu’il s’agirait de deux catégories de situations différentes entre lesquelles le législateur aurait valablement pu effectuer une différenciation sur base de critères objectifs sans violer le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.

En deuxième lieu, l’Etat fait exposer que la loi précitée du 27 mars 1986 n’est pas applicable aux employés de l’Etat et qu’il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas avoir collaboré en vue de la recherche d’une vacance de poste. Il se réfère encore aux nombreux entretiens entre l’appelant et l’administration en vue de trouver un poste de travail adéquat.

Enfin, l’Etat relève une contradiction entre l’entrevue du 23 mars 2004 citée dans la réplique et les conclusions qui en ont été tirées par l’appelant, d’une part, et le courrier du ministre du 31 mars 2004, d’autre part.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Il échet tout d’abord de prendre position par rapport à la question de savoir si en instance d’appel, l’Etat a repris les mêmes moyens d’irrecevabilité du recours initial que ceux développés en première instance, tel qu’allégué par l’appelant dans son mémoire en réplique.

Il échet dans ce contexte de constater que dans leur jugement entrepris du 17 janvier 2005, les premiers juges ont écarté pour être non fondés toute une série de moyens d’irrecevabilité invoqués par le délégué du Gouvernement et dirigés contre la requête introductive d’instance.

La requête d’appel actuellement sous analyse ne contient aucun reproche adressé aux premiers juges quant à leurs conclusions retenues par rapport à ces moyens d’irrecevabilité, étant de toute façon entendu que la partie appelante n’avait aucun intérêt à critiquer ces décisions. Partant, l’Etat aurait seulement pu par la voie de l’appel incident critiquer les décisions afférentes. Or, il échet de constater à la lecture du mémoire en réponse plus que sommaire de l’Etat, que ce dernier conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris dans le cadre du dispositif dudit mémoire, en précisant dans les développements très succincts de celui-ci que l’Etat se réfère à ses mémoires déposés en première instance et qui sont censés faire partie intégrante du mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour dans le cadre de la présente instance.

Abstraction faite de ce que la Cour ne se trouve saisie que des demandes formulées dans le cadre des dispositifs des différents mémoires lui soumis dans le cadre d’une instance pendante, il y a encore lieu de relever qu’un appel incident doit être formé d’une manière formelle et expresse et qu’il ne saurait partant se dégager d’une manière implicite des développements d’un mémoire soumis à la Cour en s’y référant à des mémoires déposés en première instance. En effet, une telle manière de procéder serait difficilement acceptable, dans la mesure où l’Etat n’aurait pas pu ainsi formuler ses critiques dirigées contre les décisions prises par les premiers juges les ayant amené à écarter les moyens d’irrecevabilité rejetés en première instance comme étant non fondés.

Il se dégage de tout ce qui précède qu’un appel incident n’a pas été formé en l’espèce, de sorte que les décisions prises par les premiers juges quant aux moyens d’irrecevabilité invoqués par l’Etat n’ont pas fait l’objet de critiques en instance d’appel et que la Cour n’est pas amenée à analyser le bien-fondé desdites décisions.

Quant au fond, il y a tout d’abord lieu de rappeler que, saisie d’un recours en annulation, la juridiction administrative doit apprécier la légalité de la décision administrative lui soumise en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise.

Quant à la situation de droit, il échet tout d’abord de relever que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que sont applicables à la présente espèce les dispositions de l’article 30 du statut général, tel qu’y insérées par la loi précitée du 19 mai 2003, étant donné que la loi en question de 2003 ne contient aucune spécification contraire et que les dispositions nouvelles sont plus favorables que celles ayant existé antérieurement.

Conformément à l’alinéa 4 du paragraphe 3 de l’article 30 en question « à l’expiration du terme découlant des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, le fonctionnaire assume à nouveau ses fonctions à temps complet ou à temps partiel dans son service et dans sa carrière d’origine. A défaut de vacance de poste dans son service d’origine, il reprend ses fonctions dans un autre service, mais dans la même administration et, le cas échéant, le même département ministériel ». Par ailleurs, conformément à l’alinéa 5 du même paragraphe « lorsqu’une vacance de poste fait défaut dans la même carrière ou dans la même administration, le congé est prolongé jusqu’à la survenance de la première vacance de poste budgétaire, sans préjudice de la possibilité pour le fonctionnaire de se faire changer d’administration conformément aux dispositions de la loi modifiée du 27 mars 1986 ».

Il se dégage de ces deux dispositions légales, que l’article 30, tel que modifié par la loi précitée du 19 mai 2003, ne prévoit pas un droit absolu à la réintégration dans le chef des fonctionnaires et employés de l’Etat par lui visés, puisque ce droit dépend d’une vacance de poste afférente.

Il échet également de constater qu’il n’existe aucune obligation légale de laisser vacant le poste ainsi libéré par le bénéficiaire du congé sans traitement, le paragraphe 3, alinéa 1er de l’article 30 précité prévoyant au contraire que « l’emploi d’un fonctionnaire en congé sans traitement peut être confié à un remplaçant, selon les besoins du service ».

Il est encore constant en cause pour ne pas faire l’objet de contestations de la part des parties qu’au jour de la décision litigieuse, il n’y avait aucune vacance de poste dans les carrières B et B1 au sein de l’administration gouvernementale, fût-ce à temps partiel ou à temps complet.

Il échet encore de constater que l’appelant se plaint essentiellement de ce qu’une autre personne aurait été nommée au poste libéré par lui pendant la période de congé sans traitement et que le contrat de celle-ci, initialement prévu pour couvrir seulement l’intégralité de la période de congé sans traitement, a été converti en un contrat à durée indéterminée à une date à laquelle il aurait déjà fait connaître sa volonté de réintégrer son administration d’origine dès le 1er avril 2002.

Abstraction faite de la considération que, comme il a déjà été relevé ci-dessus, la juridiction administrative saisie d’un recours en annulation dirigé contre une décision ministérielle n’est autorisée à analyser la légalité de celle-ci qu’au vu des circonstances de fait et de droit ayant existé au jour où elle a été prise, de sorte que la situation de fait ayant existé antérieurement à celle-ci n’est pas soumise à son contrôle, il échet de constater que la Cour, au même titre que le tribunal, n’a pas été saisie d’un recours dirigé contre la décision par laquelle la remplaçante de l’appelant a été engagée pour une durée indéterminée. Il s’ensuit que la Cour ne saurait apprécier la légalité de cette décision dans le cadre de la présente instance.

Pour le surplus, il échet de constater qu’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire interdisant le recrutement pour une durée indéterminée d’un employé au poste devenu vacant à la suite d’un congé sans traitement pris par son titulaire.

A part le fait qu’il est erroné de prétendre que les juges saisis d’un recours en annulation d’une décision ministérielle seraient également compétents pour en apprécier l’opportunité, il échet de retenir en conclusion que les juges de première instance ont fait une exacte appréciation en droit et en fait de la décision leur soumise et ils ont pu aboutir à bon droit au rejet du recours en annulation pour ne pas être fondé.

Quant au raisonnement développé par l’appelant suivant lequel l’administration aurait été obligée de faire application des dispositions de la loi précitée du 27 mars 1986, en application de l’article 3 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, pour lui proposer une possibilité de changer d’administration, il échet de constater que dans le cadre de la présente instance, la Cour n’est saisie que d’un recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse du 31 mars 2004 qui a pour objet exclusif le refus de réintégration de l’appelant à son poste d’employé de la carrière B, à la suite d’un congé sans traitement, et que partant la Cour, de même que le tribunal, n’est pas saisie d’un recours dirigé contre une décision rendue en matière de changement d’administration. Il s’ensuit que les considérations relatives à un défaut de collaboration de la part de l’Etat dans ce contexte ne sont pas pertinentes en l’espèce, puisqu’elles ne sont pas de nature à énerver la légalité de la décision ministérielle actuellement sous analyse.

Quant au moyen nouveau tiré de la violation de l’article 10bis point 1 de la Constitution par l’alinéa 6 du paragraphe 3 de l’article 30 du statut général, en ce qu’il prévoit une distinction entre les bénéficiaires d’un congé sans traitement consécutivement au congé de maternité, au congé d’accueil ou au congé parental et celui accordé pour élever un ou plusieurs enfants à charge de moins de 15 ans, d’un côté, et le congé sans traitement accordé pour des raisons personnelles, familiales ou professionnelles, d’un autre côté, il convient tout d’abord de rappeler, conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (cf. Cour. constit. 13 novembre 1998, 26 mars 1999, 9 juillet 1999, 5 mai 2000 et 18 juin 2004), qu’il peut être fait une différenciation de traitement entre deux catégories de personnes à partir du moment où la différence de traitement est basée sur des critères objectifs, dans la mesure où elle est adéquate et proportionnée à son but et qu’elle répond à un intérêt public.

Il échet de relever, pour démontrer la différence de traitement effectuée entre les deux catégories de personnes par l’article 30 du statut général, que la première catégorie de personnes, au terme de l’alinéa 6 du paragraphe 3 de l’article 30 précité, a le droit de se faire réintégrer à temps plein dans son administration et sa carrière d’origine, par dépassement des effectifs, à partir du moment où, au terme d’un an après l’expiration du congé sans traitement accordé en application des dispositions des paragraphes 1 et 2a de l’article 30 en question, le fonctionnaire en question n’a pas pu réintégrer le service de l’Etat. Dans une telle hypothèse, le fonctionnaire ou l’employé public en question est placé hors cadre jusqu’à la survenance de la première vacance de poste.

L’appelant se plaint de ce qu’une telle possibilité légale ne soit pas offerte aux bénéficiaires des congés sans traitement accordés pour des raisons personnelles, familiales ou professionnelles conformément au paragraphe 2b dudit article 30 et il estime qu’il en résulterait une violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi, telle qu’instaurée par l’article 10bis point 1 de la Constitution.

Il échet toutefois de constater à la lecture des travaux parlementaires se trouvant à la base de la loi précitée du 19 mai 2003, ayant introduit les dispositions légales afférentes dans le statut général, que sur proposition du Gouvernement, et plus particulièrement du ministère de la Promotion féminine, le législateur a entendu instaurer des dispositions légales spécifiques afin de faciliter et de valoriser notamment le travail des jeunes mères dans la Fonction publique, dans le but de mieux concilier les contraintes de la vie professionnelle avec celles dictées par l’éducation des enfants. Ces mesures avaient partant pour objectif d’assurer une meilleure conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle, lesdites mesures visant également les fonctionnaires de sexe masculin pour autant qu’ils ont l’intention de s’impliquer davantage dans la vie familiale.

Le but ainsi poursuivi par le législateur doit être considéré comme étant parfaitement légitime.

Par opposition à cette première catégorie de personnes, la deuxième catégorie de personnes regroupe essentiellement des fonctionnaires et employés publics souhaitant, pour des raisons de convenance personnelle, se faire accorder un congé sans traitement pour des raisons autres que celles prévues par la première catégorie se dégageant des paragraphes 1 et 2a de l’article 30 précité. Ainsi, dans le cas d’espèce, il échet de rappeler que l’appelant avait pris son congé sans traitement en le motivant par son désir de réorienter son avenir professionnel dans le secteur du commerce en vue d’une association qui aurait dû consister en une participation au sein d’une entreprise commerciale existante, démarche qui se serait toutefois avérée impossible selon les indications mêmes de l’appelant.

Il se dégage des critères définis pour différencier les deux catégories de personnes ci-avant énumérées que le législateur a ainsi voulu mettre en place une politique de défense des intérêts de la famille en accordant un avantage à ceux des fonctionnaires ayant pris un congé sans traitement pour les raisons énumérées aux paragraphes 1 et 2a de l’article 30 précité du statut général. Une telle différenciation de traitement étant basée sur des critères rationnels, adéquats et proportionnels par rapport au but poursuivi, cette différence de traitement ne viole pas l’article 10bis point 1 de la Constitution. En effet, le législateur a pu distinguer, dans un intérêt public, entre ces deux catégories de personnes ne se trouvant pas dans la même situation de fait, de sorte que les deux situations ne sont pas comparables. La Cour administrative est dispensée de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle en question, dans la mesure où ladite question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 17 janvier 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit en la forme la requête d’appel du 24 février 2005 ;

au fond, la dit non justifiée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 17 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19366C
Date de la décision : 12/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-07-12;19366c ?

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