La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19686C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19686C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19686 C Inscrit le 18 avril 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 17 mars 2005, n° 18764 du rôle)

--------------------------------------------------------------------------

---------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19686C du...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19686 C Inscrit le 18 avril 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 17 mars 2005, n° 18764 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19686C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 18 avril 2005 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 8 mars 1965 à XXX (Soudan), de nationalité soudanaise, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 17 mars 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 14 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 20 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Frank Wies et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18764 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 juillet 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 20 septembre 2004, suite à un recours gracieux de l’actuel appelant.

Par jugement rendu le 17 mars 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur Antony.

Le tribunal a justifié sa décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire du Sud du Soudan, et plus précisément de la région de Tonga, faire partie de la communauté religieuse des « rastafari », dont son père aurait été le chef religieux pour la région en question et avoir subi des persécutions de la part de musulmans qui auraient non seulement attaqué et mis le feu à leur maison familiale mais également assassiné son père, n’a pas fait état d’actes de persécution émanant de la part des autorités publiques du Soudan, mais d’actes commis par des rebelles à l’encontre de lui-même, ainsi que d’autres membres de sa famille. Au vu de cette situation de fait, le tribunal a retenu que l’actuel appelant ne démontre pas que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Soudan ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, en soulignant que la simple affirmation que les autorités locales ne sauraient le protéger est insuffisante à cet égard.

En date du 18 avril 2005, Maître Frank Wies, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19686C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement. Il souhaite encore voir acter de ce qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des éléments de fait qui leur ont été soumis, alors que ceux-ci auraient dû aboutir à la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il rappelle qu’il serait originaire du Sud du Soudan et qu’à l’époque de son départ de son pays d’origine, cette partie de son pays d’origine aurait été en proie à une guerre civile qui opposait le régime de Khartum aux rebelles du SPLA et que lui-même, ainsi que son père auraient fait l’objet d’actes de représailles de la part de musulmans non identifiés en raison de leur appartenance à la communauté religieuse des « rastafari ». Il fait encore état de ce que la communauté des « rastafari » baserait ses croyances également sur les textes de la bible, toutefois moyennant une interprétation différente de celle des églises catholique ou protestante. Cette communauté ferait l’objet, de même que celles des autres chrétiens, d’actes d’intimidation et de discrimination de la part du Gouvernement de Khartoum, et ce par le biais de milices engagés spécifiquement à cette fin, ou qui seraient tolérées par le Gouvernement en place. En ce qui concerne les faits ayant trait à sa situation personnelle, l’appelant fait encore état de ce qu’il aurait été arrêté, ensemble avec son père, à deux reprises par la police du Soudan et détenu pendant un respectivement deux jours. A ces occasions, les policiers auraient exigé de la part de son père d’arrêter de prêcher sa religion. Il se réfère également à l’attaque de leur maison familiale par des musulmans inconnus, lors de laquelle son père serait décédé des suites de l’incendie de leur maison et lui-même aurait été blessé à l’arme blanche.

D’une manière générale, il insiste sur la situation générale existant actuellement au Soudan, qui resterait très préoccupante et instable, malgré un accord de paix signé le 9 janvier 2005 entre le Gouvernement soudanais et l’Armée Populaire de Libération du Soudan. Il estime en effet que cet accord de paix ne mettrait pas fin aux persécution religieuses dont une partie de la population serait victime depuis des décennies.

Il conteste encore les conclusions retenues par les premiers juges en ce que ceux-ci ont limité les persécutions dont il a fait l’objet à des actes commis par des rebelles, alors qu’également des agents appartenant à des autorités étatiques auraient participé aux actes de persécution dont lui-même, ainsi que les membres de sa famille auraient fait l’objet.

Il estime enfin qu’il ne serait pas en mesure de profiter d’une protection appropriée de la part des autorités en place, alors que celles-ci seraient dans l’incapacité totale de l’aider, d’autant plus qu’elles lui auraient interdit la pratique de sa religion.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mai 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Quant à la situation générale régnant actuellement dans la région d’origine de l’appelant, à savoir au Sud du Soudan, il y a tout d’abord lieu de préciser que les provinces du Sud du Soudan doivent être clairement distinguées de la région dénommée Darfour située à l’Ouest du pays et il y a lieu de constater que la situation globale au Sud du Soudan a largement évolué depuis l’époque du départ de l’appelant au courant du mois de janvier 2004, à la suite de la signature d’un accord de paix intervenu entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan, tel que signé à Naivasha, au Kenya en date du 31 décembre 2004, accord qui a mis fin à une guerre civile de 21 ans. Cet accord se trouve également à la base d’un futur déploiement d’une force internationale, destinée à garantir l’accord de paix ainsi intervenu.

Quant à sa situation particulière, l’appelant expose qu’il aurait fait l’objet d’actes de représailles de la part de musulmans non identifiés, ainsi que de la part du Gouvernement du Soudan, et ce par le biais de milices engagées spécifiquement à cette fin ou qui seraient tolérées par ledit Gouvernement, en raison de son appartenance à la communauté religieuse des « Rastafari ».

Il échet tout d’abord de constater à la lecture du récit tel que présenté par l’appelant que celui-ci n’a apporté aucun élément de nature à déterminer les auteurs exacts des prétendues persécutions dont il aurait fait l’objet. Ainsi, à part le fait qu’il parle de musulmans non identifiés, il n’a pas soumis aux autorités luxembourgeoises un quelconque élément convaincant de nature à établir que lesdites persécutions aient également eu lieu à l’initiative soit d’agents du Gouvernement soudanais soit d’agents soutenus par lui. C’est partant à bon droit que les premiers juges ont pu retenir que les actes de persécution dont se prévaut l’appelant, et à les supposer établis, n’émanent pas des autorités publiques, mais de rebelles. C’est encore à bon droit, après avoir ainsi constaté que l’appelant fait état d’un risque de persécution de la part d’un groupe de la population soudanaise, à savoir de la part d’opposants à ses croyances religieuses, que le tribunal administratif a retenu que l’appelant ne démontrait point que les autorités en place au Soudan seraient incapables de lui assurer un niveau de protection suffisant. En effet, il ne ressort d’aucun élément et pièce du dossier que les autorités soudanaises encourageraient ou toléreraient des actes de violences dirigés par des islamistes à l’encontre notamment de personnes membres de la communauté des « Rastafari » ou qu’elles seraient dans l’incapacité d’offrir à de telles personnes une protection appropriée.

En substance, l’appelant a essentiellement fait état d’un sentiment général d’insécurité existant dans son pays, sans qu’il n’apporte suffisamment de précisions quant aux persécutions qu’il risquerait personnellement de subir du fait de sa situation particulière. Cette conclusion est d’ailleurs confortée par le fait, comme il a été indiqué ci-avant, qu’un accord de paix a été conclu entre les groupes de rebelles du Sud du Soudan et le Gouvernement soudanais, de sorte qu’il y a lieu de conclure sur base de cet accord que le Gouvernement soudanais a l’intention de faire régner la paix dans cette partie du Soudan ensemble avec les opposants au régime y ayant soutenu des mouvements de rebelles.

Au vu des éléments qui précèdent, il échet de relever que les simples allégations que les autorités soudanaises refusent de lui fournir une protection appropriée sont insuffisantes pour établir un défaut de protection de l’appelant dans son pays d’origine.

En conclusion, il y a lieu de retenir que le tribunal administratif a décidé à bon droit que les ministres compétents ont valablement pu refuser la demande d’asile leur soumise par l’appelant, de sorte que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 17 mars 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 18 avril 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 17 mars 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19686C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19686c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award