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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19653C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19653C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19653 C Inscrit le 13 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions respectivement du ministre de la Justice et du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 16 mars 2005, n° 18765 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19653C du ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19653 C Inscrit le 13 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions respectivement du ministre de la Justice et du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 16 mars 2005, n° 18765 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19653C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 13 avril 2005 par Maître Adrian Sedlo, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 22 août 1964 à XXX (Serbie, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 16 mars 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 30 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que contre une décision confirmative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 26 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Adrian Sedlo et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18765 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juillet 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 septembre 2004 intervenue sur recours gracieux.

Par jugement rendu le 16 mars 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur XXX.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant de la Serbie et plus particulièrement de la région du Sandjak, déclarant appartenir à la communauté religieuse des musulmans, avoir fait l’objet de chicanes systématiques et de persécutions par les autorités serbes et avoir été membre du parti politique SDA, ce qui aurait entraîné dans son chef une incarcération à laquelle il n’aurait pu mettre fin qu’en s’évadant, n’a pas invoqué des faits de nature à justifier des persécutions ou des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève. Ainsi, en ce qui concerne l’invitation adressée par les autorités serbes à l’appelant de remettre son fusil, les premiers juges ont décidé que ce fait à lui seul, sur la toile de fond du contexte général marqué notamment par des efforts de démilitarisation de la population civile, n’est pas de nature à dénoter une connotation politique, voire un contexte de persécution politique au sens de la Convention de Genève. Les premiers juges ont encore retenu que la même conclusion s’imposait relativement à la convocation adressée à l’appelant en date du 29 novembre 2004 de se présenter devant le tribunal de Novi Pazar, puisqu’à défaut de toute précision quant aux reproches concrètement adressées à l’appelant, la simple indication qu’il sera entendu sur des activités politiques contre la République de Serbie ne présente pas un caractère de précision suffisante pour conclure à l’existence d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève. Enfin, quant à l’incendie de sa grange, le tribunal a retenu que cet élément isolé ne revêt pas une gravité suffisante pour établir à suffisance la persistance à l’heure actuelle d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

En date du 13 avril 2005, Maître Adrian Sedlo, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19653C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant soutient que les premiers juges auraient commis une erreur d’appréciation des faits qui leur ont été soumis et qui auraient dû justifier la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Quant aux faits, il rappelle que fin novembre 1990, il aurait été arrêté par les autorités serbes en tant que membre du parti SDA au sein duquel il aurait exercé les fonctions de courrier. Il aurait par la suite été incarcéré jusqu’en janvier 1991, date à laquelle il se serait évadé de la prison pour s’enfuir vers l’étranger. Il soutient dans ce contexte qu’au cours de sa détention en prison, il aurait été maltraité physiquement et psychologiquement de manière quotidienne par la police serbe, ayant occasionné des blessures importantes. Il fait encore état de ce qu’en 1994, la grange familiale aurait été incendiée. Par ailleurs, l’appelant soutient qu’il recevrait annuellement, depuis sa première fuite de Serbie, des convocations de se présenter devant le tribunal de Novi Pazar en vue de la remise d’une arme détenue illicitement, en soutenant toutefois dans ce contexte qu’il n’aurait jamais été en possession d’une quelconque arme. Il expose encore qu’en l’année 1999, lorsqu’il aurait décidé de rentrer « discrètement » en Serbie, un inconnu aurait tiré sur lui avec un fusil à lunettes en tuant le cheval qu’il aurait chevauché lors d’une promenade. Il ajoute qu’en novembre 2002, sa compagne de l’époque, qui serait entre-temps devenue son épouse, aurait été enlevée et elle n’aurait pu être libérée que suite au paiement d’une rançon de 50.000 €, payée par lui. Enfin, il fait état de ce qu’il aurait récemment été convoqué devant le tribunal de Novi Pazar « en raison d’activités politiques contre la République de Serbie ».

L’appelant estime qu’il ferait l’objet de persécutions en raison de ses activités politiques antérieures au sein du parti SDA qu’il aurait quitté entre-temps pour adhérer au parti SDP et que son incarcération de 1990 et 1991 par la police serbe serait le résultat de ses activités politiques exercées au sein du parti SDA, qui serait un parti musulman opposé au régime serbe en place à l’époque de Milosevic. Quant à l’incendie de sa grange au cours de l’année 1994, il estime que cet acte aurait également été commis en raison de ses activités politiques et de l’hébergement par sa famille d’un autre courrier agissant pour le parti politique SDA.

En ce qui concerne les convocations des 24 novembre 2004 et janvier 2005 par lesquelles il aurait été invité à se présenter devant le tribunal, il conteste que ces convocations ne soient pas suffisamment précises pour prouver qu’il aurait été convoqué devant ledit tribunal en raison de ses activités politiques jugées contraires aux intérêts de la République de Serbie. Il estime que les persécutions dont il ferait l’objet s’inscriraient dans une politique de persécutions, d’intimidations et de mises sous pression systématiques des musulmans ayant agi ou désirant encore agir contre le régime actuellement en place en Serbie.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 avril 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne la situation du demandeur d’asile en cas de retour dans son pays d’origine, en l’occurrence la Serbie, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait avant son départ, respectivement à l’époque de son départ.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il échet de constater qu’au cours des dernières années la situation générale et la situation politique ont favorablement évolué en Serbie, étant relevé plus particulièrement qu’il n’appert pas des éléments d’appréciation soumis en cause que les autorités serbes qui sont actuellement au pouvoir ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de ce pays et plus particulièrement aux ressortissants musulmans du Sandjak ou tolèrent voire encouragent des agressions à l’encontre de ces personnes.

Ceci étant, et au-delà du caractère essentiellement vague des explications fournies par l’appelant au sujet des persécutions qu’il aurait vécues en Serbie, la Cour est amenée à retenir tout d’abord que les faits invoqués par lui et qui auraient eu lieu au cours des années 1990 à 1994 ne revêtent plus un caractère d’actualité faisant dégager qu’en cas de retour au Sandjak en Serbie, l’appelant serait placé dans une situation qu’il faudrait considérer comme intolérable. Ainsi, il n’est pas établi à suffisance de droit qu’à l’heure actuelle, l’appelant serait particulièrement exposé à des actes de persécution en raison de ses prétendues activités politiques, étant précisé pour le surplus que le rôle politique que déclare avoir assumé l’appelant au sein du parti SDA, pour lequel il aurait exercé les fonctions de courrier, n’a pas été un rôle de dirigeant spécialement exposé, mais essentiellement un rôle de simple exécutant.

En ce qui concerne les faits invoqués par l’appelant et se situant postérieurement à l’année 2000, il échet de confirmer les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle, à défaut de toute précision quant aux reproches concrètement adressés à l’appelant, sous forme notamment de référence à un chef d’accusation, la simple indication qu’il sera entendu sur des activités politiques contre la République de Serbie ne présente pas un caractère de précision suffisant pour conclure à l’existence d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans le chef de l’appelant.

En ce qui concerne les convocations que recevrait l’appelant pour se présenter devant le tribunal de Novi Pazar en vue de la remise d’une arme qu’il détiendrait illicitement, il échet de confirmer également les premiers juges dans leur analyse suivant laquelle, sur la toile de fond du contexte général marqué notamment par des efforts de démilitarisation de la population civile, ce fait, à le supposer établi, n’est pas de nature à dénoter à lui seul une connotation politique, voire un contexte de persécution politique au sens de la Convention de Genève.

Enfin, en ce qui concerne les faits ayant eu lieu au cours des années 1999 et 2002, concernant respectivement le fait par un inconnu d’avoir tiré sur son cheval et l’enlèvement de son épouse, la Cour est amenée à constater, en l’absence d’autres précisions à ce sujet apportées par l’appelant, que de tels faits relèvent d’une criminalité de droit commun, de sorte à ne pas pouvoir justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le tribunal a pu rejeter la demande d’asile de l’appelant comme n’étant pas fondée et que la requête d’appel est à rejeter.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 13 avril 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 16 mars 2005 dans toute sa teneur ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19653C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19653c ?

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