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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19618C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19618C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19618 C Inscrit le 7 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers Appel (jugement entrepris du 28 février 2005, n° 18722 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numé

ro 19618C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 avril 2005 par...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19618 C Inscrit le 7 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers Appel (jugement entrepris du 28 février 2005, n° 18722 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19618C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 avril 2005 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 22 octobre 1983 à XXX (Cap-Vert), de nationalité portugaise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 28 février 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 21 avril 2004, lui refusant la carte d’identité d’étranger et retenant qu’il devra quitter le pays dès notification dudit arrêté et, en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté, tout en déclarant non fondé le recours subsidiaire en annulation introduit contre la même décision ministérielle ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Cyril Chapon, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, en ses plaidoiries.

Par requête, inscrite sous le numéro 18722 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 avril 2004, lui refusant la carte d’identité d’étranger et retenant qu’il devra quitter le pays dès notification dudit arrêté et, en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté.

Par jugement rendu le 28 février 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu en la forme le recours en annulation et, au fond, l’a déclaré non justifié.

Les premiers juges ont justifié leur décision en constatant que les condamnations pénales sur lesquelles le ministre de la Justice s’est basé pour justifier la décision litigieuse du 21 avril 2004 sont de par la teneur et la gravité des faits sanctionnés, de nature à dénoter un comportement révélant une atteinte grave et actuelle à l’ordre publique et à justifier ainsi le refus de délivrer une carte de séjour dans le chef de l’actuel appelant, de nationalité portugaise. Le tribunal a encore constaté que l’affirmation de l’actuel appelant suivant laquelle il aurait eu depuis lesdites condamnations un comportement irréprochable et qu’il aurait déployé de considérables efforts en vue de sa réinsertion sociale, se trouve relativisée considérablement par la circonstance que l’intéressé, en ce qu’il a été incarcéré, ne disposait précisément pas de la liberté de faire preuve d’une réinsertion sociale réelle et se trouve par ailleurs contredite en fait par la circonstance qu’à l’occasion de sa libération anticipée, il n’a pas manqué de passer outre immédiatement à la condition qui lui avait été posée dans ce cadre, en l’occurrence la condition de ne plus revenir au pays. Enfin, les premiers juges ont retenu que la décision litigieuse ne saurait par ailleurs être énervée par le fait que l’actuel appelant a mis à profit sa libération anticipée, au mépris de la condition lui imposée de quitter le pays sans délai, et de ne plus revenir, pour créer sur le territoire luxembourgeois des liens familiaux nouveaux, en procréant un enfant, étant donné que c’est en parfaite connaissance de la précarité de sa situation de séjour au pays qu’il s’est engagé dans ces liens familiaux et que ceux-ci restent dès lors sans pertinence en l’espèce.

En date du 7 avril 2005, Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19618C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant estime que le trouble à la sécurité et à l’ordre publics causé par lui ne saurait être qualifié comme suffisamment grave et caractérisé, d’autant plus que les faits qui se trouveraient à la base desdites condamnations pénales se seraient produits au courant du mois de janvier 2002, ainsi qu’au courant du mois de janvier 2003, alors que la décision litigieuse n’aurait été prise que le 21 avril 2004. Il insiste encore sur le fait qu’il serait « un détenu modèle » depuis le jour de son incarcération au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig et que le seul fait que lors de sa libération anticipée, il n’aurait pas respecté la condition lui imposée dans ce cadre, ne saurait être de nature à établir dans son chef la preuve d’un comportement compromettant la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics. Il expose encore que depuis le début de l’année 2005, il serait le père d’un enfant conçu en Belgique et né au Luxembourg, avec lequel il souhaiterait garder des contacts réguliers.

Malgré le fait que la requête d’appel a été notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 7 avril 2005, un mémoire en réponse n’a pas été déposé par l’Etat.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

C’est à bon droit que les premiers juges se sont référés à l’article 9 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, pris en exécution de l’article 37 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, après avoir constaté que l’appelant est un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne et que les dispositions communautaires actuellement en vigueur en la matière ont été transposées en droit national par le biais du règlement grand-ducal précité, afin de tenir compte du principe de la liberté de circulation des travailleurs communautaires, ainsi que du principe relatif au droit de séjour des ressortissants des Etats membres y visés. Ledit article 9 dispose que : « (…) la carte de séjour ne peut être refusée ou retirée (…) et une mesure d’éloignement du pays ne peut être prise (…) que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique (…). La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. (…) Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet ».

Les premiers juges ont encore à bon droit pu retenir que si une condamnation pénale ne constitue ainsi certes pas une cause péremptoire pour refuser de délivrer une carte de séjour à un ressortissant communautaire, elle peut cependant, de par la teneur et la gravité des faits sanctionnés, dénoter un comportement révélant une atteinte grave et actuelle à l’ordre public et justifier le refus de délivrer une carte de séjour.

En l’espèce, le ministre s’est référé à la base de sa décision litigieuse à plusieurs condamnations pénales encourues par l’appelant, ainsi qu’au comportement personnel de celui-ci. Ainsi, il y a lieu de constater qu’après son entrée au Grand-

Duché de Luxembourg en décembre 2000, l’appelant a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales, dont notamment une condamnation à 30 mois de prison avec sursis partiel de 12 mois pour usage illicite de stupéfiants, détention de stupéfiants pour usage personnel, importation illicite de stupéfiants, vente et offre illicite de stupéfiants, acquisition à titre onéreux illicite de stupéfiants en vue d’un usage par autrui et détention illicite de stupéfiants en vue d’un usage par autrui, prononcée par le tribunal correctionnel de Diekirch en date du 24 octobre 2002, ce jugement ayant été confirmé par la Cour d’appel en date du 25 novembre 2003. Il y a encore lieu de relever que l’appelant a fait l’objet d’une autre condamnation du chef de coups volontaires et de non assistance à personne en danger, cette fois-ci à 3 ans de prison sans sursis, qui fut confirmée par la Cour d’appel en date du 15 décembre 2003. L’appelant a en outre fait l’objet d’une itérative condamnation par arrêt de la Cour d’appel du 16 décembre 2004 à 5 ans de prison dont 30 mois avec sursis partiel pour importation et vente illicite de stupéfiants.

Les premiers juges ont encore à bon droit pu se référer au fait qu’en date du 29 mars 2004, l’appelant a fait l’objet d’une libération anticipée sous condition de ne plus revenir au pays, condition qu’il n’a toutefois pas respectée, de sorte que sa libération anticipée a été révoquée en date du 22 juillet 2004.

C’est à bon droit que les premiers juges ont pu aboutir à la conclusion suivant laquelle ces condamnations pénales, ainsi que le comportement de l’appelant sont de nature à dénoter, de par leur gravité et notamment leur répétition sur un laps de temps très peu étendu, un comportement de la part de l’appelant compromettant la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics, de nature à justifier la décision ministérielle attaquée.

De même que les premiers juges, la Cour administrative ne saurait partager l’argumentation développée par l’appelant suivant laquelle il ne risquerait plus de compromettre la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics en raison d’un prétendu comportement irréprochable qu’il aurait eu au cours de son séjour en prison, puisque cette argumentation se trouve fortement relativisée par la circonstance que l’appelant, en ce qu’il a été incarcéré, ne disposait précisément pas de la liberté de faire preuve d’une réinsertion sociale réelle et se trouve par ailleurs contredite, comme il a été relevé également par les premiers juges, en fait par la circonstance qu’à l’occasion de sa libération anticipée, il n’a pas manqué de passer outre immédiatement à la condition qui lui avait été posée dans ce cadre, en l’occurrence la condition de ne plus revenir au pays.

C’est enfin à bon droit que les premiers juges ont estimé que la conclusion ci-avant retenue quant à la justification de la décision litigieuse ne saurait être énervée par le fait que l’appelant a mis à profit sa libération anticipée, au mépris de la condition lui imposée de quitter le pays sans délai et de ne plus y revenir, pour créer sur le territoire luxembourgeois des liens familiaux nouveaux, étant donné que c’est en parfaite connaissance de la précarité de sa situation de séjour au pays qu’il s’est engagé dans ces liens familiaux et que ceux-ci restent dès lors sans pertinence en l’espèce.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun reproche ne saurait être retenu à l’encontre des conclusions retenues par les premiers juges, de sorte qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 28 février 2005.

Malgré le fait que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas déposé de mémoire en réponse dans l’instance pendante devant la Cour administrative, de sorte à ne pas y comparaître, l’arrêt est néanmoins rendu contradictoirement à l’égard de toutes les parties à l’instance, conformément à l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit la requête d’appel du 7 avril 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 28 février 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19618C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19618c ?

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