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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19612C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19612C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19612 C Inscrit le 6 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 7 mars 2005, n° 18883 du rôle)

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Vu la requête d’ap

pel, inscrite sous le numéro 19612C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrat...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19612 C Inscrit le 6 avril 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 7 mars 2005, n° 18883 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19612C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 avril 2005 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 27 août 1963 à XXX (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 7 mars 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 19 avril 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de l’appelant au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Cyril Chapon, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18883 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 septembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée.

Par jugement rendu le 7 mars 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a déclaré irrecevable à défaut d’objet le recours dans la mesure où il tend à l’obtention d’un statut de protection temporaire, a reçu pour le surplus le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur James.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire du Delta State au Nigeria, y avoir fait l’objet de persécutions de la part de membres de la communauté des « Oghene » en sa qualité de membre de la communauté des « Koko », qui auraient eu pour conséquence que des membres de la communauté des « Oghene » auraient détruit les récoltes de sa famille et tué ses parents et qu’il serait par ailleurs sans nouvelles depuis lors de la part de son épouse et de ses deux enfants, a présenté un récit dont le contenu reste à l’état de simples allégations non confortées par un quelconque élément de preuve tangible et que ce récit a trait à des faits se situant dans le cadre d’une criminalité de droit commun, dont il ne se dégage pas à suffisance de droit que l’actuel appelant risque également de devenir la cible des meurtriers. Par ailleurs, dans la mesure où les faits allégués par l’actuel appelant n’émanent pas de l’Etat, mais de personnes privées, le tribunal a retenu que l’actuel appelant n’a pas établi que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Nigeria ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant. Dans la mesure où les faits allégués par l’actuel appelant se révèlent essentiellement limités à son village d’origine, le tribunal a constaté que l’actuel appelant n’a pas établi une impossibilité dans son chef de s’établir dans une autre partie de son Etat d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

En ce qui concerne le recours dans la mesure où il tend également à la reconnaissance d’un statut de protection temporaire, le tribunal a constaté que cette demande a été présentée pour la première fois devant lui, par le biais de la requête introductive d’instance, sans qu’auparavant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration n’ait été saisi d’une demande afférente, de sorte qu’aucune décision y relative n’ait pu être prise, entraînant une impossibilité dans le chef du tribunal de procéder à l’examen de ce volet du recours.

En date du 6 avril 2005, Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19612C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Quant au défaut d’éléments de preuve tangibles de nature à appuyer la crédibilité et la véracité de son récit, tel que retenu par les premiers juges, l’appelant fait valoir qu’il aurait quitté son pays de manière précipitée afin de « sauver sa vie », de sorte qu’il n’aurait pas été en mesure de se procurer les éléments de preuve nécessaires afin d’appuyer sa demande d’asile. Il insiste toutefois sur la cohérence de son témoignage qui serait un élément de nature à accréditer la vraisemblance des faits relatés. Il conteste par ailleurs la conclusion retenue par les premiers juges suivant laquelle les faits relatés s’inscriraient dans le cadre d’une criminalité de droit commun, en exposant que les violences qui auraient coûté la vie à ses parents seraient également de nature à être dirigées contre lui.

Quant à la protection que les autorités de son pays seraient en mesure de lui fournir, l’appelant soutient qu’il ignore si les autorités de son pays ne font que tolérer les exactions dont sa famille, ainsi que lui-même auraient fait l’objet ou si elles les encouragent, mais que de toute façon, une protection ne lui aurait pas été accordée, même après qu’il se soit rendu auprès de la police, à la suite de l’assassinat de ses parents. Il se réfère à ce sujet aux déclarations effectuées lors de son audition par un agent du ministère de la Justice. Enfin, il conteste avoir été en mesure de profiter d’une possibilité de fuite interne au Nigeria, dans la mesure où la tribu des « Oghene » serait une tribu « comportant un nombre important de membres répartis sur l’ensemble du territoire du Nigeria », de sorte qu’il n’aurait pas été en mesure de s’installer en sécurité dans un autre endroit de son pays d’origine.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 19 avril 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

En date du 23 mai 2005, l’appelant a fait déposer un mémoire en réplique au greffe de la Cour. Il y fait insister à nouveau sur le fait que la communauté des « Koko » à laquelle il appartiendrait aurait fait l’objet de persécutions de la part de membres de la communauté des « Oghene », sans que les autorités en place n’aient poursuivi ou réprimé les actes de violences commis, en estimant qu’une telle situation s’expliquerait par la corruption généralisée au Nigeria, qui aurait notamment pour conséquence que la communauté des « Oghene » pourrait se livrer à des exactions en toute impunité.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Au cours de l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, a été soulevée la question de savoir si le mémoire en réplique a été déposé dans le délai légal. Sur question afférente posée par la Cour, le mandataire de l’appelant a déclaré se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité de son mémoire en réplique.

Conformément à l’article 46 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « l’appelant peut fournir une réplique dans le mois de la notification de chaque réponse ; (…) ».

En l’espèce, le mémoire en réponse a été notifié par la voie du greffe au mandataire de l’appelant en date du 19 avril 2005, de sorte à lui parvenir le 20 avril 2005. Il s’ensuit que le délai dans lequel un mémoire en réplique a pu être déposé au greffe de la Cour a expiré en date du 20 mai 2005. Or, le mémoire en réplique a été déposé seulement en date du 23 mai 2005, de sorte à avoir été déposé en dehors du délai légal. Il y a partant lieu de l’écarter des débats.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de constater que l’appelant invoque essentiellement sa crainte d’être poursuivi par des membres de la communauté des « Oghene » en sa qualité de membre de la communauté des « Koko » et de subir le même sort que celui qui aurait été réservé à ses parents, dans la mesure où ils auraient été tués par des membres de la communauté des « Oghene ». Or, les faits allégués par l’appelant, même à les supposer établis, n’émanent pas de l’Etat, mais de personnes privées et, même au cas où ils ne seraient pas considérés comme constituant des faits rentrant dans une criminalité de droit commun, auquel cas de tels faits seraient insusceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié, ils ne sauraient être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-

Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, n°s 73-s).

Or, en l’espèce, l’appelant ne démontre pas que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant. A ce titre, la simple déclaration de l’appelant suivant laquelle une protection ne lui aurait pas été accordée après qu’il se soit rendu auprès de la police, à la suite de l’assassinat de ses parents, n’est pas à elle seule de nature à démontrer le refus des autorités de poursuivre l’infraction en question et de le protéger en cas de besoin.

Pour le surplus, les risques allégués par l’appelant se limitent essentiellement à sa région d’origine et il reste en défaut d’établir à suffisance de droit qu’il ne peut pas trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie du Nigeria, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et que le jugement entrepris du 7 mars 2005 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

écarte des débats le mémoire en réplique déposé tardivement ;

reçoit la requête d’appel du 6 avril 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 7 mars 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19612C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19612c ?

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