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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19498C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19498C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19498 C Inscrit le 17 mars 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 21 février 2005, n° 18842 du rôle)

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Vu

la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19498C du rôle et déposée au greffe de la Cour ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19498 C Inscrit le 17 mars 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 21 février 2005, n° 18842 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19498C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2005 par Maître Benoît Arnauné-Guillot, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 4 septembre 1980 à XXX (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 21 février 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 août 2004, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 11 octobre 2004, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Benoît Arnauné-Guillot et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 18842 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 août 2004, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision du même ministre du 11 octobre 2004, rejetant son recours gracieux formé contre la décision précitée du 18 août 2004.

Par jugement rendu le 21 février 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en constatant que l’actuel appelant, déclarant être originaire du Kosovo, y avoir été victime d’appels téléphoniques de la part de personnes le menaçant de mort à l’instar de son frère, tué par les Serbes lors de la guerre du Kosovo et craindre des persécutions en raison de sa fonction de « courrier pour l’ UCK » lors de ladite guerre, ce qui le placerait « inévitablement en ligne de mire », n’a fait état que d’une crainte hypothétique que les auteurs des menaces téléphoniques qui auraient d’ailleurs pris fin au cours de l’année 2002, bien avant son départ de son pays d’origine en février 2004, mettent celles-ci à exécution. Les premiers juges ont encore retenu que dans la mesure où les menaces dont se prétend avoir été victime l’actuel appelant dans son pays d’origine, émanent de personnes privées, il n’a pas établi un défaut de protection de la part des autorités actuellement en place au Kosovo. En conclusion, le tribunal a retenu que la fuite de l’actuel appelant vers le Luxembourg a été motivée par un sentiment général d’insécurité, mais non par des actes concrets laissant supposer un danger sérieux pour sa personne et qu’il n’a pas non plus établi ne pas être en mesure de pouvoir profiter d’une possibilité de fuite interne dans son pays d’origine, d’autant plus que tant son appartenance ethnique que sa religion et sa langue maternelle sont celles de la majorité albanaise.

En date du 17 mars 2005, Maître Benoît Arnauné-Guillot, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19498C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant fait état de ce qu’il aurait été obligé de quitter son pays d’origine au cours du mois de février 2004, en raison de ce que l’un de ses frères aurait été tué en raison de ce qu’il aurait combattu des Serbes en sa qualité de soldat et que par la suite lui-même aurait reçu des menaces de mort de la part de personnes inconnues, par lesquelles on lui aurait fait comprendre qu’il allait « finir » de la même manière que son frère. Il fait encore état de son rôle de « courrier pour l’UCK », ce qui le placerait « inévitablement en ligne de mire », dans la mesure où « certaines personnes » entretiendraient un esprit de vengeance et de revanche à son égard, malgré le fait qu’il n’a été membre ni d’un parti politique ni d’un quelconque organisme à caractère politique. Il conteste ainsi que ses craintes se résument à un simple sentiment général d’insécurité, alors que les menaces dont il aurait fait l’objet seraient « réelles et sérieuses ». Quant à la situation générale régnant actuellement au Kosovo, il fait état de ce que ce pays serait loin de pouvoir profiter d’une situation politique stable et que les autorités qui y sont actuellement en place ne seraient pas en mesure d’assurer aux ressortissants de ce pays « la protection minimale nécessaire ». Il estime dans ce contexte que le manquement de son Etat d’origine à remplir ses obligations de protection vis-à-vis de ses propres citoyens en violant ainsi la Déclaration universelle des droits de l’homme, telle qu’adoptée par l’assemblée générale des Nations-Unies le 10 décembre 1948, constituerait à lui seul la justification d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, en ce que les autorités de son pays d’origine ne seraient pas en mesure d’accomplir des démarches en vue de la poursuite de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne de prime abord la situation générale régnant au Kosovo, région dont l’appelant déclare être originaire, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

A cet égard, abstraction faite de ce que l’appelant déclare lui-même appartenir à la population albanaise du Kosovo, à savoir non pas à une minorité ethnique, mais au groupe majoritairement représenté au Kosovo, il échet de constater qu’il fait essentiellement état d’actes et de craintes qui s’analysent non pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population ou plutôt de certains membres d’un tel groupe.

Un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités.

Les explications soumises par l’appelant amènent la Cour à retenir que son récit traduit tout au plus un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

En outre, le simple fait par un Etat de ne pas respecter les dispositions d’un traité international, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, n’est pas à lui seul de nature à justifier dans le chef d’un ressortissant de cet Etat la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 21 février 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 17 mars 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 21 février 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19498C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19498c ?

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