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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19457C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19457C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19457 C Inscrit le 8 mars 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18551 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite s

ous le numéro 19457C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2005...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19457 C Inscrit le 8 mars 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18551 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19457C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2005 par Maître Eric Muller, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 18 mai 1978 à XXX (Monténégro-Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 27 janvier 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre une décision implicite de refus du ministre de la Justice, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour et a déclaré non fondé le recours subsidiaire en annulation introduit contre la même décision ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Eric Muller en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de refus du ministre de la Justice, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour.

Par jugement rendu le 27 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, a reçu le recours subsidiaire en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur XXX.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, ayant sollicité de la part du ministre de la Justice une autorisation de séjour pour raisons humanitaires en raison de son état de santé de diabète juvénile, s’est vu refuser à bon droit la délivrance d’une autorisation de séjour en vertu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, en ce qu’il n’a pas rapporté la preuve de moyens personnels suffisants légalement perçus pour supporter les frais de voyage et de séjour au pays. Les premiers juges ont encore constaté dans ce contexte que l’actuel appelant n’était pas autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, et qu’il ne s’adonnait pas légalement à une activité indépendante de nature à lui fournir des moyens personnels propres suffisants et légalement acquis.

En ce qui concerne les raisons humanitaires invoquées par l’actuel appelant devant les premiers juges en vertu desquelles il sollicitait la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, en se basant sur l’article 14, alinéa 3 de la loi précitée du 28 mars 1972, le tribunal a constaté que l’actuel appelant restait en défaut d’établir à suffisance de droit que le traitement médical requis pour traiter sa maladie ne pourrait pas être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine, à savoir le Monténégro. Les premiers juges n’ont ainsi pas retenu l’attestation du docteur G.M., telle que se dégageant de son certificat médical du 5 juin 2002, versé en première instance, suivant laquelle le traitement médical requis par l’actuel appelant ne serait pas réalisable dans son pays d’origine, en ce que ladite attestation serait non autrement circonstanciée, de sorte qu’elle n’a pas emporté la conviction du tribunal. Enfin, les premiers juges ont rejeté les doutes mis en avant par l’actuel appelant quant à l’avis du médecin de contrôle, en décidant que s’il est vrai que ledit médecin de contrôle n’a statué que sur base des certificats établis par les médecins traitants de l’actuel appelant et versés par ce dernier, sans procéder à un examen médical propre, il n’en demeurait pas moins que le médecin de contrôle n’a pas mis en doute la réalité de la maladie dont souffre l’actuel appelant, mais qu’il a simplement conclu que ladite maladie ne présentait pas un caractère de gravité suffisante de nature à empêcher le rapatriement de Monsieur XXX dans son pays d’origine.

En date du 8 mars 2005, Maître Eric Muller, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19457C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu son argumentation telle que développée en première instance, qui aurait dû aboutir à l’annulation de la décision implicite de refus du ministre de la Justice de lui délivrer une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. Il se réfère plus particulièrement aux certificats médicaux soumis aux premiers juges dont il se dégage qu’il est atteint du diabète sucré qui constituerait une maladie « nécessitant plusieurs contrôles des glycémies par jour ainsi qu’un régime adéquat et un traitement à vie à l’insuline », en insistant sur le fait que le médecin ayant émis le certificat médical en question y avait exprimé l’avis que le traitement en question n’était pas « réalisable » dans le pays d’origine du requérant, à savoir au Monténégro. Il reproche encore à l’avis du médecin de contrôle que celui-ci n’était pas spécialement motivé et qu’il a simplement retenu qu’il « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine », alors que l’insuline constitue un produit indispensable à son traitement et que ce produit était toutefois difficilement disponible ou manquait même totalement au Monténégro. Il fait en outre état de ce que l’obtention dudit médicament au Monténégro nécessiterait des démarches multiples, ainsi que des dépenses financières importantes, dans la mesure où son pays d’origine ne connaîtrait pas un régime de sécurité sociale susceptible de rembourser les frais liés à l’acquisition de ce médicament. A ce sujet, il fait état de ce qu’il aurait normalement besoin de 2 injections d’insuline par jour, de sorte qu’il aurait besoin de quantités importantes d’insuline afin d’assurer le bon déroulement de son traitement médical. Dans sa requête d’appel, l’appelant fait encore état de ce qu’il a l’intention de produire des pièces supplémentaires de nature à clarifier la question de la disponibilité de l’insuline dans son pays d’origine. En conclusion, il estime que la situation sanitaire déficiente au Monténégro mettrait en péril sa survie en cas de retour dans ce pays, en insistant encore sur le fait que sa maladie est de nature à entraîner d’autres complications, telle une opération de la cataracte des deux yeux, à laquelle il a déjà dû faire procéder, et qui serait « clairement d’origine diabétique ».

Malgré le fait que la requête d’appel a été notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 8 mars 2005, l’Etat n’a pas fait déposer de mémoire en réponse dans la présente affaire.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

En vertu de l’article 14, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, « l’étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées (…) ».

Il appartient au demandeur d’une autorisation de séjour au titre de raisons humanitaires et plus particulièrement de raisons de santé, telles que prévues par la disposition légale précitée, de prouver qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, en l’espèce, le Monténégro. Ainsi, lorsqu’un tel demandeur établit qu’un suivi médical de son état de santé ne peut pas lui être assuré dans son pays d’origine et qu’il établit en outre devoir bénéficier de soins médicaux spécialisés pendant une durée plus longue au vu de son état de santé, une telle situation justifie l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il ressort en l’espèce d’un certificat médical établi par le docteur G.M., qui constitue le médecin traitant de l’appelant, en date du 5 juin 2002, réitéré suivant un certificat du 9 février 2004, que l’appelant « est atteint d’un diabète insulino-

dépendant qui nécessite plusieurs contrôles des glycémies par jour ainsi qu’un régime adéquat et un traitement à vie à l’insuline. Ce diabète est très difficile à équilibrer et nécessite des consultations régulières ainsi que des analyses sanguines. Ce traitement n’est pas réalisable dans son pays d’origine ».

Dans un certificat daté au 13 février 2004, le docteur S.C. atteste que l’appelant « a nécessité une intervention chirurgicale (cataracte) aux deux yeux effectuée en septembre 2003 à l’œil droit et janvier 2004 à l’œil gauche. Il est actuellement sous traitement ».

Il y a tout d’abord lieu de constater que cet état de santé est constant en cause pour ne pas avoir été contesté devant les premiers juges par l’Etat.

L’Etat a simplement fait verser devant les premiers juges un avis du médecin de contrôle dressé en date du 9 septembre 2002, par examen des certificats médicaux établis, qui estime que l’appelant « ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine ».

Il y a lieu de constater que ce dernier certificat médical ne traite que de la question de l’éventuel rapatriement de l’appelant dans son pays d’origine, qui ne fait pas l’objet du présent litige, et non pas de la situation médicale et sanitaire telle qu’elle existe actuellement au Monténégro, qui seule est en litige, de même que l’état de santé de l’appelant. Cet avis du médecin de contrôle ne saurait partant énerver les certificats médicaux établis par le médecin traitant de l’appelant en dates des 5 juin 2002 et 9 février 2004. Par ailleurs, il échet de relever la motivation plus que lapidaire de l’avis du médecin de contrôle médical précité, qui a été établi sans qu’il n’ait vérifié lui-même l’état de santé du patient et sans qu’il ne précise sur quels faits, documents ou autres éléments il s’est basé pour aboutir à sa conclusion plus que succincte, de sorte qu’il ne saurait pas mettre en doute les conclusions claires et circonstanciées contenues dans les avis médicaux du docteur G.M. Il y a encore lieu d’insister dans ce contexte sur le fait que l’Etat semble se désintéresser de son affaire au niveau de l’instance d’appel, de sorte à donner l’impression de ne plus vouloir maintenir ses conclusions antérieures.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de réformer le jugement de première instance en annulant la décision implicite du ministre de la Justice par laquelle il n’a pas été fait droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour introduite par l’appelant en dates des 1er août 2002 et 21 novembre 2002, au sujet de laquelle un accusé de réception a été envoyé au mandataire de l’appelant par courrier du ministre de la Justice du 4 décembre 2002.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre de la procédure d’appel, conformément à l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 8 mars 2005 en la forme ;

la dit fondée, partant, par réformation du jugement entrepris du 27 janvier 2005, annule la décision implicite de refus du ministre de la Justice d’accorder une autorisation de séjour à Monsieur XXX XXX ;

renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ;

condamne l’Etat aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19457C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19457c ?

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