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30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19397C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19397C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19397 C Inscrit le 28 février 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXXj contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 26 janvier 2005, n° 18775 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite

sous le numéro 19397C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 février...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19397 C Inscrit le 28 février 2005

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Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXXj contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 26 janvier 2005, n° 18775 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19397C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 février 2005 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXXj, né le 21 décembre 1983 à XXX (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 26 janvier 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2004, confirmée sur recours gracieux le 24 septembre 2004, déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en ses plaidoiries.

Par requête, inscrite sous le numéro 18775 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004, Monsieur XXX XXXj a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2004, confirmée sur recours gracieux le 24 septembre 2004, déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié.

Par jugement rendu le 26 janvier 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, en sa qualité de ressortissant albanais du Kosovo déclarant ne pas se sentir en sécurité dans son pays d’origine et craindre des persécutions de la part d’autres membres de la population albanaise, n’a pas démontré que les autorités administratives actuellement en place au Kosovo et chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, en relevant par ailleurs que l’actuel appelant n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités. Les premiers juges en ont conclu que l’actuel appelant a simplement fait état d’un sentiment général d’insécurité, insuffisant pour justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Quant à la crainte générale exprimée par l’actuel appelant de subir des persécutions en raison des activités de son père en tant que policier sous le régime de Milosevic, le tribunal, tout en admettant que de telles personnes sont certes susceptibles d’être exposées à une atmosphère de ressentiments accrus et qu’elles sont plus particulièrement exposées à des discriminations, a néanmoins décidé que leur situation n’est pas telle qu’elles sont exposées de ce seul fait à des persécutions individualisées au sens de la Convention de Genève.

En date du 28 février 2005, Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXXj, inscrite sous le numéro 19397C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite à titre principal l’annulation du jugement entrepris et subsidiairement sa réformation.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant estime que ce serait à tort que les juges de première instance n’ont pas retenu les actes de persécutions qui auraient été commis à son encontre par d’autres ressortissants albanais du Kosovo en raison de ce qu’on lui aurait reproché d’avoir été un collaborateur des Serbes. Il fait plus particulièrement état de ce qu’il aurait été souvent battu par des ressortissants albanais et qu’il aurait subi des menaces de mort de leur part. Il explique que ces ressortissants albanais auraient été à la recherche de son père et que comme ils ne l’auraient pas trouvé, ils auraient décidé de se venger sur ses enfants, ce qui aurait notamment eu pour conséquence que deux bombes auraient été jetées dans la cour de la maison dans laquelle lui-même et son frère auraient habité ainsi que l’enlèvement de son frère par des personnes masquées. Il soutient encore qu’il n’aurait pas pu compter sur l’aide de la police locale, en soutenant que cette dernière n’aurait pas été en mesure de lui garantir sa sécurité au Kosovo. Pour le surplus, l’appelant fait état de la situation politique instable régnant au Kosovo, et plus particulièrement des événements violents ayant eu lieu au cours du mois de mars 2004.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus la loi.

En ce qui concerne tout d’abord la demande principale tendant à l’annulation du jugement entrepris, il échet de constater que l’appelant n’a fourni aucun moyen ou argument à l’appui de cette demande, de sorte que celle-ci est à déclarer non fondée.

Quant à la demande subsidiaire tendant à la réformation dudit jugement, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne de prime abord la situation générale régnant au Kosovo, région dont l’appelant déclare être originaire, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

A cet égard, abstraction faite de ce que l’appelant déclare lui-même appartenir à la population albanaise du Kosovo, à savoir non pas à une minorité ethnique, mais au groupe majoritairement représenté au Kosovo, il échet de constater qu’il fait essentiellement état de problèmes qu’il aurait eus de la part d’autres ressortissants albanais du Kosovo qui lui reprocheraient d’avoir été un collaborateur des Serbes en raison des activités de son père, ayant exercé la profession de policier sous le régime de Milosevic.

Il échet ainsi de constater que les actes et craintes mis en avant par l’appelant ne s’analysent pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population ou plutôt de certains membres d’un tel groupe.

Un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités.

Par ailleurs, même au cas où les faits invoqués par l’appelant lui rendent la vie difficile dans la région dont il est originaire, et où il peut y avoir des problèmes pour lui d’y résider paisiblement, il n’en reste pas moins que l’appelant reste en défaut d’établir qu’il ne peut pas trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie de son pays d’origine, et plus particulièrement au Kosovo dont la grande majorité de la population appartient, comme lui, au groupe des Albanais. A ce sujet, il y a lieu de relever que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

D’une manière générale, il y a lieu de retenir que le récit de l’appelant traduit tout au plus un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 26 janvier 2005.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que l’appelant a fait déposer une requête d’appel.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 28 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 26 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19397C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19397c ?

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