La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19324C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 juin 2005, 19324C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19324 C Inscrit le 17 février 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers - Appel -

(jugement entrepris du 24 janvier 2005, n° 18437 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite

sous le numéro 19324C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 17 févri...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19324 C Inscrit le 17 février 2005

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 30 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers - Appel -

(jugement entrepris du 24 janvier 2005, n° 18437 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19324C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 17 février 2005 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, de nationalité belge, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 24 janvier 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 21 avril 2004 par laquelle il s’est vu expulser du Grand-

Duché de Luxembourg et a déclaré non fondé le recours subsidiaire en annulation introduit contre la même décision ministérielle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Philippe Stroesser et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Par requête, inscrite sous le numéro 18437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juillet 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 avril 2004 par laquelle il s’est vu expulser du Grand-Duché de Luxembourg.

Par jugement rendu le 24 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours subsidiaire en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié.

Le tribunal a justifié sa décision en retenant qu’eu égard à la gravité des faits se trouvant à la base d’une condamnation pénale prononcée par la Cour d’appel de Luxembourg à l’encontre de l’actuel appelant, consistant dans divers attentats à la pudeur sur une personne hors d’état de donner un consentement libre et d’opposer de la résistance et sur laquelle il avait autorité, commis au cours du mois de mai 1997, peu de temps après son installation au pays, et en considération des antécédents judiciaires de l’actuel appelant dont il avait nié l’existence au moment de s’installer au Luxembourg, le ministre de la Justice a valablement pu prendre une décision d’expulsion à son égard. La décision incriminée se trouve ainsi justifiée non seulement en raison du fait que l’actuel appelant a été condamné par la Cour d’appel de Luxembourg à une peine de réclusion de 7 ans pour les faits ci-avant énumérés mais également en raison de ce qu’il était à considérer comme récidiviste, étant donné qu’il a été condamné antérieurement par la Cour militaire de Liège le 4 juin 1992 du chef de viol et d’attentat à la pudeur à une peine de réclusion de 10 ans.

En date du 17 février 2005, Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19324C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir considéré que le trouble à l’ordre public causé par lui était suffisamment grave et caractérisé pour prendre à son encontre la mesure d’expulsion actuellement critiquée, en faisant état de ce qu’il serait devenu un « détenu modèle » depuis son incarcération au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, qu’il y aurait travaillé afin d’être en mesure de rembourser sa dette à l’égard de la partie civile, ce qu’il aurait pu faire à hauteur de 4000 €, qu’il aurait également réglé l’intégralité des frais de la poursuite pénale d’un montant approximatif de 1200 € et qu’enfin, il serait régulièrement suivi par les différents psychologues travaillant au sein de la prison. Il fait également état de ce que la commission consultative en matière de police des étrangers a émis un avis en date du 20 février 2003, se trouvant à la base de la décision litigieuse, par lequel elle s’est exprimée de manière négative quant à l’expulsion envisagée par le ministre de la Justice. Il soutient encore qu’aucun incident n’aurait été causé par lui au sein de la prison et qu’aucun rapport disciplinaire n’aurait été rédigé à son encontre, qu’il dispose d’attaches stables au Luxembourg en la personne de son frère qui serait disposé à l’accueillir dès sa sortie de prison et qu’il serait en mesure de trouver un emploi auprès d’une société luxembourgeoise dès sa sortie de prison. Au vu de ces différents éléments, il estime que la seule existence des condamnations pénales dont a fait état le ministre de la Justice ne saurait légalement justifier la mesure d’expulsion prise à son encontre.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Conformément aux dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, applicable en l’espèce en raison de la qualité de ressortissant communautaire de l’appelant, « la carte de séjour ne peut être refusée ou retirée aux ressortissants énumérés à l’article 1er et une mesure d’éloignement du pays ne peut être prise à leur encontre que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans préjudice de la disposition de l’article 4, alinéa 3. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. (…) Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet ».

La directive 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique impose aux Etats membres un certain nombre de conditions de fond et de forme en matière de police des étrangers à l’observation desquelles veille la Cour de Justice des Communautés européennes, ci-après dénommée la « CJCE ».

L’article 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil précise en son paragraphe 1 que les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet et dans son paragraphe 2 que la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. Ces dispositions ont été transposées en droit national par le règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972, précité, et plus précisément par son article 9 cité ci-avant.

Comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, la CJCE a été amenée à élaborer en matière d’ordre public une œuvre considérable, dont l’examen ne peut être dissocié de celui de la directive 64/221/CEE du 25 février 1964.

Ainsi, dans son arrêt Bouchereau du 27 octobre 1977 (Aff. 30/77) elle a précisé, par référence à son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 (Aff. 41/74), qu’en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des travailleurs, la notion d’ordre public doit être entendue strictement, étant acquis qu’elle est susceptible de varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, de sorte qu’il convient de reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité et les dispositions prises pour son application.

La CJCE a ainsi retenu que des « restrictions ne sauraient être apportées aux droits des ressortissants des Etats membres d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre, d’y séjourner et de s’y déplacer que si leur présence ou leur comportement personnel constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public » (arrêt RUTILI, CJCE 28 octobre 1975, aff. 36/75).

Par ailleurs, le pouvoir étatique en matière de police des étrangers à l’égard d’étrangers délinquants est limité par la règle selon laquelle la « seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver » des décisions de refus d’entrée et de séjour et des décisions d’éloignement.

Il en résulte qu’une décision de refus d’entrée et de séjour, basée sur des raisons d’ordre ou de sécurité publics, ne se justifie qu’à partir du moment où le trouble causé par ledit ressortissant communautaire à l’ordre public est suffisamment grave et caractérisé.

En l’espèce, c’est à bon droit, après avoir fait une analyse exacte des faits et éléments de l’espèce, à laquelle la Cour ne peut que se rallier, que les premiers juges ont considéré que les faits se trouvant à la base de la condamnation pénale prononcée par la Cour d’appel de Luxembourg, ensemble avec le comportement de l’appelant ayant consisté à nier ses antécédents judiciaires au moment de s’installer au Luxembourg, sont suffisamment graves pour justifier la décision d’expulsion litigieuse, de sorte que celle-ci est motivée à suffisance de droit et de fait. Cette conclusion n’est énervée ni par le fait que l’appelant serait en train de rembourser sa dette à l’égard de la partie civile, ainsi que de payer l’intégralité des frais de la poursuite pénale, ces faits n’étant pas de nature à enlever la gravité des faits s’étant trouvés à la base des condamnations pénales indiquées ci-avant, ni par son comportement en prison, dans laquelle il se trouve toujours être incarcéré, étant donné que le simple fait de n’avoir été à l’origine d’aucun incident en prison et de n’avoir fait l’objet d’aucun rapport disciplinaire n’est pas à lui seul de nature à établir d’une manière convaincante qu’une fois remis en liberté, il ne présente pas à nouveau un danger pour l’ordre et la sécurité publics, en commettant des récidives, comme cela a déjà été le cas dans le passé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris du 24 janvier 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 17 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 24 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19324C
Date de la décision : 30/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-30;19324c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award