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28/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19910C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 juin 2005, 19910C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19910 C Inscrit le 6 juin 2005

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Audience publique du 28 juin 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 2 mai 2005, n° 19506 du rôle)

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Vu la requête d’appe

l, inscrite sous le numéro 19910C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 j...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19910 C Inscrit le 6 juin 2005

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Audience publique du 28 juin 2005 Recours formé par … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 2 mai 2005, n° 19506 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19910C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 juin 2005 par Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 2 mai 2005, par lequel le tribunal a déclaré non justifié le recours en annulation introduit contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 janvier 2005, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié manifestement infondée, telle que confirmée par une décision du même ministre du 21 février 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Yvette Ngono Yah, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

Par requête, inscrite sous le numéro 19506 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2005, … a fait introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 janvier 2005, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié manifestement infondée, telle que confirmée par le même ministre le 21 février 2005.

Par jugement rendu le 2 mai 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a reçu le recours en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté ….

Le tribunal a justifié sa décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire de la ville de Conakry en Guinée, et y avoir été exposé à des menaces de la part de son propre père en raison de son homosexualité, a fait des fausses déclarations lors de l’introduction de sa demande d’asile, et plus particulièrement lors de son audition par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, en ce que les faits avancés par lui dans le cadre de sa demande d’asile ont eu lieu à une époque où il se trouvait en Suisse, et ce depuis l’année 2003. Les premiers juges ont encore retenu sur base d’un rapport de la police judiciaire que l’actuel appelant a été identifié à partir de ses empreintes digitales comme ayant séjourné en Suisse sous l’identité de …, et plus précisément à Genève, où il a été interpellé le 11 janvier 2003 pour trafic de stupéfiants. Les premiers juges ont en outre relevé que ni dans son mémoire en réplique déposé en première instance ni lors des plaidoiries ayant eu lieu en date du 13 avril 2005 devant le tribunal administratif, le mandataire de l’actuel appelant n’a fourni une quelconque explication au sujet des contradictions flagrantes telles que relevées ci-

avant. Les premiers juges se sont partant basés sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, ainsi que sur l’article 6, 1) 2 b) et 2 c) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 pour considérer la demande d’asile de l’actuel appelant comme étant manifestement infondée, sur base du caractère manifestement incrédible de son récit et des fausses déclarations verbales faites aux autorités gouvernementales, de sorte qu’ils ont été amenés, par substitution de motifs, à déclarer les décisions litigieuses justifiées, en ce qu’elles ont rejeté la demande d’asile de l’actuel appelant comme étant manifestement infondée.

En date du 6 juin 2005, Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 19910C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant rappelle qu’il aurait été persécuté par son père en raison de son homosexualité, de sorte qu’il ferait partie d’un groupe de personnes qui ne seraient pas tolérées dans les sociétés africaines, en relevant plus particulièrement que le code pénal de son pays d’origine réprimerait sévèrement un tel comportement par des peines d’emprisonnement élevées. L’appelant reproche aux premiers juges de s’être basés sur une comparaison des empreintes digitales se trouvant à la disposition à la fois des autorités luxembourgeoises et des autorités suisses pour en conclure qu’il aurait fait l’objet d’au moins une fausse identité dans l’un de ces deux pays, alors qu’une telle identification par des empreintes digitales ne saurait être retenue comme étant suffisante pour déclarer une demande d’asile manifestement infondée et il sollicite dans ce contexte la remise d’une copie du dossier se trouvant entre les mains des autorités suisses. Il reproche encore tant à l’autorité administrative qu’aux premiers juges de ne pas avoir rapporté la preuve de ce qu’il aurait sollicité le statut de réfugié politique en Suisse sur base de la Convention de Genève. Par ailleurs, il se plaint de ce que les premiers juges n’auraient pas examiné le fond de sa demande en vue d’analyser si le fait d’être homosexuel en Guinée pourrait justifier à bon droit la reconnaissance du statut de réfugié et justifier une fuite de ce pays. Enfin, il conteste avoir fait de fausses déclarations verbales ou écrites dans le cadre de sa demande d’asile introduite au Luxembourg, en estimant que les conclusions retenues par les premiers juges ne reposeraient sur aucune pièce probante autre que le procès-verbal de la police judiciaire.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2005, le délégué du Gouvernement se rapporte tout d’abord à prudence de justice quant à la recevabilité de la requête d’appel du point de vue du respect du délai légal d’introduction. Pour le surplus, il conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il échet tout d’abord de prendre position par rapport au moyen d’irrecevabilité invoqué par l’Etat et de constater suivant les informations obtenues de la part du greffe du tribunal administratif que la notification par la voie du greffe du tribunal du jugement entrepris a eu lieu le 9 mai 2005, de sorte que la requête d’appel déposée au greffe de la Cour le 6 juin 2005 a été introduite dans le délai légal. Le moyen d’irrecevabilité est partant à déclarer non fondé.

La requête d’appel est recevable pour avoir été également introduite dans les formes prévues par la loi.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu des dispositions de l’article 6, 1), 2 a) et 2 b) du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. 2) Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a : a) fondé sa demande sur une fausse identité (…) ; b) délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande, après avoir demandé l’asile ; ».

En l’espèce, il ressort d’un rapport du service de police judiciaire, section des stupéfiants, du 11 mars 2005, que l’appelant a fait état d’une fausse identité lorsqu’il a présenté sa demande d’asile au Luxembourg, étant donné que le signataire dudit rapport de police a constaté que l’appelant était connu sous l’identité de … en Suisse, où il a été interpellé en date du 11 janvier 2003 à Genève en raison d’un trafic de stupéfiants. Ledit officier de police judiciaire a encore constaté qu’au cours de l’année 2003, l’appelant a résidé en Suisse. Il ressort pour le surplus dudit rapport que l’appelant est arrivé au Luxembourg en date du 24 novembre 2004 et qu’en date du 1er février 2005, il a été arrêté en raison d’un trafic de stupéfiants. Or, lors de son audition par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 16 décembre 2004, il a déclaré avoir toujours habité à l’adresse par lui indiquée en Guinée et être directement venu de ce pays pour se rendre au Luxembourg. Il a répondu négativement à la question de savoir s’il avait déjà demandé l’asile dans un autre pays, éventuellement sous une autre identité. Il a encore contesté avoir utilisé dans le passé une fausse identité dans un pays quelconque. Quant aux faits relatés par lui comme se trouvant à la base de ses craintes de persécution en Guinée, il s’avère à la lecture de ses déclarations lors de l’audition précitée qu’ils se seraient passés très peu de temps avant qu’il ne quitte son pays pour se rendre au Luxembourg et y solliciter l’asile. D’après les déclarations de l’appelant, les faits auraient partant dû se situer au cours des mois de juillet à août 2004.

Il suit des constatations faites ci-avant que la présentation des faits telle qu’effectuée par l’appelant, ainsi que son identité sous laquelle il a présenté sa demande d’asile au Luxembourg se trouvent en contradiction flagrante avec les constats effectués dans le procès-verbal précité de la police judiciaire du 11 mars 2005, sans que l’appelant n’ait fourni une quelconque explication au sujet de ses deux identités différentes et au sujet de la contradiction flagrante entre les faits présentés par lui comme se situant au cours de l’année 2004 et le constat effectué par la police judiciaire suivant lequel il aurait séjourné au moins depuis l’année 2003 en Suisse.

L’appelant est encore malvenu de critiquer les constatations faites par l’officier de la police judiciaire dans le procès-verbal précité, sans avoir introduit une quelconque procédure afin de faire constater l’inexactitude des constatations faites dans ledit procès-verbal. Partant, les constatations y effectuées ont valablement pu se trouver à la base de la décision prise par les premiers juges, sans qu’elles n’encourent un quelconque reproche à cet égard.

Au vu des considérations qui précèdent, les premiers juges n’avaient pas à se faire remettre une copie d’un quelconque dossier se trouvant le cas échéant entre les mains des autorités suisses, et il n’y a pas lieu non plus de faire droit à la demande présentée actuellement par la partie appelante afin de se voir remettre une copie d’un tel dossier.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu de retenir la critique dirigée par l’appelant contre les premiers juges et tendant à voir constater que ceux-ci auraient dû se prononcer sur les craintes de persécutions présentées par lui à l’appui de sa demande d’asile, étant donné que le simple fait de tomber sous les dispositions légales et réglementaires précitées suffit pour retenir qu’une demande d’asile est manifestement infondée, sans qu’il y ait lieu d’analyser plus en avant les motifs présentés quant au fond de la demande d’asile.

En conclusion, il y a partant lieu de retenir que la demande d’asile de l’appelant peut être considérée comme étant manifestement infondée, en ce qu’il a fait état d’une fausse identité, ainsi que de fausses déclarations verbales ou écrites lors de la présentation de sa demande d’asile au Luxembourg. Ce ne sont partant pas les dispositions réglementaires b) et c) du paragraphe 2 de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996, mais les points a) et b) du même paragraphe qui justifient les décisions litigieuses, et il y a partant lieu de substituer ainsi la base légale se trouvant à la base de la décision des premiers juges qui ont notamment basé leur décision sur les points b) et c) dudit paragraphe 2. Pour le surplus, le jugement de première instance est à confirmer.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme la requête d’appel du 6 juin 2005 ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 2 mai 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19910C
Date de la décision : 28/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-28;19910c ?

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