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09/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19361C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 juin 2005, 19361C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19361 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18757 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19361...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19361 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18757 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19361C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 février 2005 par Maître Sandra Vion, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 3 janvier 1981 à XXX (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 27 janvier 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 15 juillet 2004 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que contre une décision confirmative prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 septembre 2004, suite à un recours gracieux, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005 ;

Vu la lettre de Maître Sandra Vion, déposée au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2005, par laquelle elle atteste qu’elle était sans nouvelles de la part de son mandant et qu’elle était dans l’ignorance de son lieu de séjour, de sorte qu’elle était obligée de déposer son mandat ;

Vu la lettre de Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, déposée au greffe de la Cour administrative le 28 avril 2005, par laquelle elle prie la Cour de prendre « l’affaire en délibéré » ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en ses plaidoiries.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18757 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 octobre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 juillet 2004 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration le 24 septembre 2004 suite à un recours gracieux de l’actuel appelant.

Par jugement rendu le 27 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté Monsieur XXX.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, en sa qualité de serbo-monténégrin, de confession musulmane, originaire du village de XXX, déclarant avoir fui son pays d’origine, à savoir le Kosovo, en raison des menaces subies de la part d’anciens membres de l’UCK, qui l’auraient notamment agressé lors d’une rixe ayant eu lieu au cours de l’été 2003, a fait état de persécutions émanant non pas de l’Etat, mais de simples particuliers, lesquels ne sauraient en tant que tels être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Pour le surplus, les premiers juges ont constaté que l’actuel appelant restait en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Kosovo ne soient pas capables de lui assurer une protection adéquate. Enfin, le tribunal a relevé que l’actuel appelant, en tant qu’Albanais du Kosovo, de religion musulmane, n’a soumis aucun élément de nature à établir les raisons pour lesquelles il ne serait pas en mesure de trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie du Kosovo.

En date du 24 février 2005, Maître Sandra Vion, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19361C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, alors que dans d’autres cas, le ministre de la Justice aurait lui-même accordé le statut de réfugié à des Serbes originaires du Kosovo, victimes d’actes émanant de la communauté albanaise. Il estime encore que les autorités actuellement en place au Kosovo seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection adéquate contre les agissements des personnes qui le persécuteraient et qu’il serait dans l’impossibilité de profiter d’une fuite interne.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Par courrier déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2005, le mandataire de Monsieur XXX informe la Cour de ce qu’elle a déposé son mandat au motif qu’elle serait sans nouvelles de la part de son mandant et qu’elle ignorerait où se situerait son lieu de séjour actuel.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En ce qui concerne de prime abord la situation générale régnant au Kosovo, région dont l’appelant déclare être originaire, il convient de relever qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de son départ. En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

A cet égard, abstraction faite de ce que l’appelant déclare lui-même appartenir à la population albanaise du Kosovo, à savoir non pas à une minorité ethnique, mais au groupe majoritairement représenté au Kosovo, il échet de constater qu’il fait essentiellement état de problèmes qu’il aurait eus de la part d’autres ressortissants albanais du Kosovo, à savoir d’anciens membres de l’UCK, avec lesquels il aurait eu une rixe au cours de l’été 2003, lors de laquelle il aurait été légèrement blessé à la jambe et de ce que lesquels ressortissants albanais seraient actuellement à sa recherche, sans toutefois fournir une quelconque indication quant aux motifs qui ont pu motiver un tel comportement de la part de ses agresseurs.

Il échet ainsi de constater que de tels faits ont trait à une criminalité de droit commun et sont en tout cas insuffisants pour établir une persécution ou pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant dans son pays d’origine.

Par ailleurs, même au cas où les faits invoqués par l’appelant lui rendent la vie difficile dans la région dont il est originaire, et où il peut y avoir des problèmes pour lui d’y résider paisiblement, il n’en reste pas moins que l’appelant reste en défaut d’établir qu’il ne peut pas trouver refuge à l’heure actuelle dans une autre partie de son pays d’origine, et plus particulièrement au Kosovo dont la grande majorité de la population appartient, comme lui, au groupe des Albanais. A ce sujet, il y a lieu de relever que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

D’une manière générale, il y a lieu de retenir que le récit de l’appelant traduit tout au plus un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il convient pour le surplus de constater que les actes et craintes mis en avant par l’appelant ne s’analysent pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population ou plutôt de certains membres d’un tel groupe.

Un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part desdites autorités. Il y a lieu de relever dans ce contexte que l’appelant déclare lui-même que lors de la rixe précitée, des agents de police se seraient rendus sur les lieux et auraient arrêté les deux auteurs présumés, mais que ceux-ci ont été libérés aussitôt après. Un tel comportement de la part de la police, leur ayant permis de prendre les identités des auteurs en question, et à défaut de preuve contraire, est de nature à démontrer leur volonté de poursuivre les infractions ayant été commises sur le territoire se trouvant sous leur autorité. Il ne saurait partant être valablement soutenu que lesdites autorités policières refuseraient toute aide ou toute protection efficace contre la commission de tels actes.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 27 janvier 2005.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelant à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que l’appelant a fait déposer une requête d’appel.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 24 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 27 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19361C
Date de la décision : 09/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-09;19361c ?

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