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09/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19360C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 juin 2005, 19360C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19360 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18717 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite so

us le numéro 19360C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 février 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19360 C Inscrit le 24 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 27 janvier 2005, n° 18717 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19360C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 février 2005 par Maître Benoît Arnauné-Guillot, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 10 décembre 1974 à XXX (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 27 janvier 2005, par lequel il a déclaré non fondé le recours en réformation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, telle que confirmée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 septembre 2004, intervenue sur recours gracieux, tout en déclarant irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Benoît Arnauné-Guillot et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 18717 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2004, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, telle que confirmée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 septembre 2004, intervenue sur recours gracieux de l’actuel appelant.

Par jugement rendu le 27 janvier 2005, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et a déclaré irrecevable le recours subsidiaire en annulation.

Les premiers juges ont justifié leur décision en retenant que l’actuel appelant, déclarant être originaire de la Ville de XXX en Guinée, avoir dû quitter son pays d’origine en raison de ses sympathies pour le parti politique d’opposition U.P.R. et avoir été emprisonné pendant plus de trois ans sans avoir été jugé et condamné, en raison de ce qu’il se serait battu au cours d’une manifestation politique organisée par ledit parti politique au cours du mois de novembre 2001 avec un militaire qu’il aurait blessé, a présenté un récit contenant des incohérences et qu’en ce qui concerne ses déclarations, celles-ci constituent de simples allégations non confortées par un quelconque élément de preuve tangible et qu’elles sont par ailleurs insuffisantes pour justifier qu’il risquait ou risque, individuellement et concrètement, de subir des persécutions au sens de la Convention de Genève. Ainsi, en ce qui concerne les faits à la base de son prétendu emprisonnement, à savoir les coups portés à un policier, les premiers juges ont décidé qu’ils sont à considérer comme une agression commise à l’encontre d’une tierce personne et s’inscrivent plutôt dans le cadre de la criminalité de droit commun. Par ailleurs, en ce qui concerne l’appartenance à un mouvement au parti politique, sans que l’actuel appelant n’ait exercé une fonction ou un activisme particulier au sein dudit parti, le tribunal a décidé que de tels faits ne sauraient justifier, à eux seuls, une persécution vécue ou une crainte de persécution. Le tribunal a constaté en outre que l’actuel appelant n’a pas établi de raison le mettant dans l’impossibilité de profiter d’une fuite interne soit en Guinée, étant entendu que les difficultés dont il a fait état, se limitent essentiellement à la Ville de XXX, soit au Libéria, pays dans lequel il a déclaré avoir vécu avant son retour en Guinée en l’année 2001. En ce qui concerne finalement l’invocation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les premiers juges ont constaté que celle-ci n’est pas pertinente en l’espèce, étant donné que les décisions critiquées ne contiennent pas une mesure d’éloignement du territoire national à l’égard du demandeur et que pour le surplus, le fait de tomber dans le champ d’application de cet instrument juridique international n’autorise pas une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié.

En date du 24 février 2005, Maître Benoît Arnauné-Guillot, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Monsieur XXX XXX, inscrite sous le numéro 19360C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des éléments de fait leur soumis, en ce qu’ils n’auraient pas suffisamment tenu compte à la fois de la situation générale régnant actuellement dans son pays d’origine, à savoir la Guinée Conakri, et de sa situation particulière, en ce qu’il y aurait été menacé en raison de ses sympathies, depuis 1997, pour le parti politique qui se trouve actuellement dans l’opposition, à savoir l’U.P.R. Il insiste plus particulièrement sur le fait qu’au courant du mois de novembre 2001, au cours de sa participation à une manifestation d’opposition au pouvoir en place, il aurait été blessé et qu’à l’issue de cette manifestation, il aurait été emprisonné pendant une durée d’au moins 2 ans.

En ce qui concerne plus particulièrement les incohérences qui seraient contenues dans son récit, il fait préciser que les faits pertinents remontent à environ 3 ans et qu’il ne maîtrise pas parfaitement la langue française, de sorte que les éventuelles imprécisions seraient parfaitement compréhensibles.

Quant à la situation générale existant actuellement en Guinée Conakri, il insiste sur le fait que ce pays serait loin de bénéficier d’un régime politique stable et qu’il ne serait pas en mesure d’assurer la sécurité la plus élémentaire de ses ressortissants. Il conteste que les éléments mis en avant par lui pour justifier sa crainte de persécution puissent être considérés comme l’expression d’un simple sentiment d’insécurité, alors que les événements qui auraient pu être constatés dans ce pays prouveraient qu’une certaine catégorie de personnes serait la cible de persécutions en raison de leur appartenance à un groupe social, en l’occurrence un parti politique. Il précise encore que des affrontements sociaux, politiques et interethniques permanents pourraient être constatés dans son pays, de sorte qu’en cas de retour dans ce pays, son intégrité physique risquerait d’être menacée.

Quant à sa situation personnelle, il fait état de ce que les pièces versées au dossier établiraient à suffisance de droit les déclarations par lui fournies à l’agent du ministère de la Justice lors de ses auditions portant sur les raisons qui l’ont amené à déposer une demande d’asile au Luxembourg. Il estime en outre que sa crainte de persécutions serait dûment établie du fait que son pays d’origine ne respecterait pas les dispositions de la déclaration universelle des droits de l’homme telle qu’adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 à laquelle le pacte international relatif aux droits civils et politiques a donné force obligatoire. Il relève encore qu’il ne serait pas établi que l’Etat guinéen serait en mesure d’assurer la sécurité la plus élémentaire de ses ressortissants, de sorte que ce serait à bon droit qu’il a fait état de ce qu’il ne saurait y trouver une protection appropriée de nature à le protéger contre les éventuelles persécutions dont il y risquerait de faire l’objet.

Il conteste pouvoir bénéficier d’une possibilité de fuite interne, puisque les persécutions dont il risquerait de faire l’objet, s’étendraient à l’ensemble du pays du seul fait qu’il serait un sympathisant d’un parti politique se trouvant actuellement dans l’opposition.

L’appelant soutient enfin que le but que l’administration poursuivrait à terme consisterait dans sa reconduite à la frontière et qu’une telle décision ne serait en aucune façon proportionnée par rapport à l’atteinte qui serait ainsi portée au respect de sa vie privée et familiale.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à bon droit, après avoir fait une analyse pertinente des faits de l’espèce, que les juges de première instance ont conclu au rejet du recours en réformation introduit par l’appelant, en constatant, d’une part, que les déclarations de celui-ci restent à l’état de simples allégations non confortées par un quelconque élément de preuve tangible et, d’autre part, qu’elles sont insuffisantes pour justifier qu’il risquait ou risque, individuellement et concrètement, de subir des persécutions au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine, à savoir la Guinée. En effet, les seuls faits concrets de persécution dont l’appelant fait état concernent les prétendus risques qui émaneraient de ce qu’il aurait blessé un militaire au cours d’une manifestation politique organisée par le parti politique d’opposition U.P.R. au cours du mois de novembre 2001, à la suite de laquelle il aurait fait l’objet d’une arrestation et d’une détention pendant 2 années. Il y a lieu de préciser dans ce contexte que lors de son audition par un agent du ministère de la Justice en date du 11 février 2004 afin de connaître ses motifs de persécution, l’appelant a déclaré que lors de la manifestation du 4 novembre 2001 ayant eu lieu à l’aéroport, il aurait été mêlé à une bagarre avec un militaire et qu’au moment où ledit militaire a heurté son genou avec le manche de son arme, l’un de ses amis aurait frappé ledit militaire avec « une grosse pierre » et le militaire se serait par la suite effondré, en perdant beaucoup de sang. Il a encore déclaré qu’à cette occasion son ami aurait pu prendre la fuite et que lui-même aurait été arrêté par d’autres militaires. Ce seul fait concret soumis aux juridictions administratives par l’appelant a à bon droit été analysé par les premiers juges comme relevant de la criminalité de droit commun, de sorte qu’une poursuite judiciaire afférente ne saurait justifier à elle seule un risque de persécution au sens de la Convention de Genève.

Les premiers juges ont par ailleurs retenu à bon droit que la simple appartenance à un mouvement ou parti politique de la part de l’appelant, sans qu’il n’ait exercé une fonction ou un activisme particulier au sein dudit parti d’opposition, ne saurait justifier, à elle seule, une persécution vécue ou une crainte de persécution.

Il y a encore lieu de relever que le simple fait par un Etat de ne pas respecter les dispositions de la déclaration universelle des droits de l’homme, telle qu’adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, n’est pas à lui seul suffisant pour établir dans le chef d’un demandeur d’asile originaire d’un tel Etat, qu’il peut raisonnablement craindre faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine, de nature à lui faire reconnaître le statut de réfugié.

En outre, les allégations de l’appelant suivant lesquelles il ne serait pas en mesure d’obtenir une protection efficace de la part des autorités en place en Guinée, demeurent à l’état de simples hypothèses, non autrement établies en cause, de sorte à manquer de crédibilité, étant donné que l’appelant n’a pas établi, voire allégué une démarche concrète de sa part en vue d’obtenir la protection de la part des autorités actuellement en place en Guinée et qu’il n’a pas établi une incapacité générale desdites autorités de fournir une protection adéquate.

Il y a en outre lieu de relever qu’à défaut par l’appelant d’avoir établi un lien entre les actes invoqués par lui et l’un des motifs prévus par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié, il y a lieu d’en conclure que ces prétendus actes sont tout au plus susceptibles d’avoir trait à un crime de droit commun, insusceptible de tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

En l’absence de persécutions subies au sens de la Convention de Genève, il n’y a pas lieu d’analyser plus en avant si l’appelant a été en mesure ou serait en mesure de profiter d’une possibilité de fuite interne dans son pays d’origine afin d’échapper aux actes en question.

Il y a enfin lieu de confirmer les premiers juges dans leur analyse quant au moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’ils ont décidé que l’invocation de ladite disposition de droit international n’est pas pertinente en l’espèce, étant donné que les décisions critiquées ne contiennent pas une mesure d’éloignement du territoire national à l’égard de l’appelant. Pour le surplus, le simple fait de tomber dans le champ d’application de cet instrument juridique international n’autorise pas une personne à se voir reconnaître le statut de réfugié. L’examen du statut de réfugié fait l’objet d’une appréciation au cas par cas à la lumière des normes juridiques existantes régissant les conditions d’octroi du droit d’asile, à savoir la Convention de Genève.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de déclarer la requête d’appel non fondée et de confirmer le jugement entrepris du 27 janvier 2005.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 24 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 27 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente, Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19360C
Date de la décision : 09/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-09;19360c ?

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