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09/06/2005 | LUXEMBOURG | N°19247C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 juin 2005, 19247C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19247 C Inscrit le 3 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Madame XXX XXX contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail - Appel -

(jugement entrepris du 5 janvier 2005, n° 18181 du rôle)

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Vu la requête d’appel, ins

crite sous le numéro 19247C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 fé...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19247 C Inscrit le 3 février 2005

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Audience publique du 9 juin 2005 Recours formé par Madame XXX XXX contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail - Appel -

(jugement entrepris du 5 janvier 2005, n° 18181 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19247C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 février 2005 par Maître Claudia Monti, avocat à la Cour, au nom de Madame XXX XXX, de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-XXX, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 5 janvier 2005, par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 29 mars 2004 portant refus du permis de travail par elle sollicitée en tant que femme de ménage auprès de XXX, demeurant à XXX, a reçu en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel précité et, au fond, a déclaré ce dernier non justifié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 avril 2005 par l’appelante ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en ses plaidoiries.

Par requête, inscrite sous le numéro 18181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2004, Madame XXX XXX a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de l’arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 29 mars 2004, portant refus du permis de travail par elle sollicitée en tant que femme de ménage auprès de XXX, demeurant à XXX.

Par jugement rendu le 5 janvier 2005, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a reçu le recours en annulation en la forme et, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté l’actuelle appelante.

Les premiers juges ont justifié leur décision en écartant tout d’abord le reproche d’une indication insuffisante des motifs dans la décision litigieuse et en constatant qu’à défaut d’une déclaration formelle et explicite de la vacance du poste pour lequel le permis de travail a été sollicité, conformément à l’article 10(2) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel qu’introduit par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, la décision critiquée a valablement pu se baser sur ce motif pour refuser le permis de travail à l’actuelle appelante, étant entendu que le texte réglementaire précité ne précise pas dans le chef de quelle partie, salarié ou employeur, le fait de la non-

déclaration formelle et explicite de la vacance de poste doit être vérifié.

En date du 3 février 2005, Maître Claudia Monti, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de Madame XXX XXX, inscrite sous le numéro 19247C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du premier jugement.

A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante reproche tout d’abord au tribunal administratif d’avoir écarté son moyen invoqué en première instance et tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que la motivation de la décision litigieuse serait « purement stéréotype et abstraite » et ne ferait que reprendre à la lettre une formulation standard utilisée dans de nombreuses autres décisions de refus de délivrance d’un permis de travail. Elle estime plus particulièrement que le ministre du Travail et de l’Emploi, en procédant de la sorte, n’aurait pas effectué un examen de sa situation individuelle et concrète, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer le jugement entrepris et d’annuler la décision critiquée pour violation de l’article 6 précité.

Quant au fond, elle reproche au ministre compétent de ne pas avoir pris en considération sa situation particulière, en ce qu’elle résiderait depuis dix ans ensemble avec sa famille au Luxembourg et qu’elle aurait fait des « efforts énormes » afin de s’intégrer au pays.

Elle conteste que le seul défaut de déclaration de la vacance de poste pourrait constituer à elle seule un motif valable et suffisant pour justifier la décision critiquée, peu importe à qui cette carence serait imputable. Elle expose dans ce contexte que l’employeur n’aurait pas trouvé une personne apte et convenant à ses exigences en vue d’occuper le poste de travail vacant, et qu’elle aurait été la seule personne qui aurait satisfait à ses exigences. Elle conteste encore au ministre compétent le droit de ne choisir qu’un demandeur d’emploi d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen pour occuper le poste de travail vacant, une telle approche étant d’après elle trop « restrictive et abstraite », en soulignant qu’elle proviendrait d’un Etat « qui fait partie des Etats candidats à intégrer justement l’Union européenne ».

En conclusion, elle estime que le ministre du Travail et de l’Emploi aurait dû prendre en considération sa situation particulière et lui délivrer en conséquence le permis de travail sollicité.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2005, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Un mémoire en réplique a été déposé au greffe de la Cour le 4 avril 2005 pour compte de l’appelante. Elle y fait soutenir qu’elle résiderait au Luxembourg depuis 1993, que deux de ses enfants seraient nés au Luxembourg et que l’aîné, son troisième enfant, y aurait vécu la majeure partie de sa vie, tout en admettant que leur droit de séjour constituerait une « question très précaire » pour sa famille. Elle fait ajouter qu’il y aurait un rapport évident entre la dignité humaine et le droit au travail et que le défaut d’avoir accès au marché du travail aurait des conséquences psychiques. Quant à son droit de séjour, l’appelante fait souligner qu’elle bénéficierait depuis de « longues années » d’un statut de tolérance et d’une reconnaissance implicite d’un droit au séjour.

Elle estime que le refus de lui accorder un permis de travail en raison du défaut de la déclaration de la vacance de poste ferait preuve d’une attitude protectionniste et discriminatoire tant pour l’employeur qui ne serait pas autorisé à engager une personne de son choix que pour elle-même, dépourvue ainsi de toute possibilité d’accéder au marché du travail.

Enfin, elle fait état de ce que son époux serait autorisé à travailler au Luxembourg.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant au premier moyen invoqué par l’appelante à l’appui de sa requête d’appel, à savoir celui tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, il y a lieu de constater que les premiers juges ont à bon droit pu écarter le moyen en question comme étant non fondé, après avoir constaté que la décision litigieuse du 29 mars 2004 énonçait trois motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et qu’elle respectait partant l’article 6 en question. Le seul fait que la décision sous analyse indique comme motifs à sa base des motifs se trouvant dans d’autres décisions individuelles adressées à d’autres personnes sollicitant la délivrance d’un permis de travail, n’est pas à lui seul de nature à établir une violation dudit article 6, puisque les mêmes raisons qui ont pu s’opposer à la délivrance d’un permis de travail dans le chef de l’appelante ont également pu être de nature à justifier le refus de délivrance d’un permis de travail à d’autres personnes. Par ailleurs, l’appelante n’a pas établi que sa demande n’aurait pas fait l’objet d’une analyse individuelle, et un tel état de fait ne ressort pas non plus des pièces et éléments se trouvant à la disposition de la Cour. C’est partant à bon droit que les premiers juges ont pu écarter comme étant non fondé le moyen tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

En ce qui concerne le deuxième et dernier moyen invoqué par l’appelante à l’appui de sa requête d’appel, basé sur ce que les premiers juges n’auraient pas été en droit de rejeter son recours comme n’étant pas fondé, en retenant que la seule absence de déclaration de la vacance de poste a été de nature à justifier la décision litigieuse, il échet de rappeler que suivant l’article 10 (2) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel qu’introduit par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe 2 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

En l’espèce, il ne ressort ni des pièces et éléments du dossier ni des déclarations effectuées par l’appelante, qu’une déclaration formelle et explicite de la vacance du poste pour lequel le permis de travail a été sollicité à la base de la décision de refus déférée, a été effectuée. D’ailleurs, l’appelante ne conteste pas le défaut d’une telle déclaration de la vacance de poste, en estimant toutefois que cette formalité aurait incombé à son employeur et qu’elle ne saurait lui être préjudiciable.

Il suit tout d’abord des constatations ci-avant énoncées qu’il n’est pas contesté en l’espèce que l’article 10 (2) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 n’a pas été respecté.

Par ailleurs, les premiers juges ont à bon droit pu retenir que le texte réglementaire sous revue ne distingue point à qui incombe le fait de la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste, de sorte que le seul défaut de la déclaration en question est de nature à justifier à lui seul le refus du permis de travail, quelle que soit la personne à qui l’accomplissement de la formalité en question aurait dû incomber.

Il échet de rappeler dans ce contexte que le défaut de la déclaration du poste met l’administration dans l’impossibilité d’établir que des ressortissants de l’Espace Economique Européen auraient pu être disponibles pour occuper le poste vacant, conformément à l’article 10 (1), premier alinéa, du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972.

En outre, en ce qui concerne les explications de l’appelante suivant lesquelles son employeur n’aurait pas été en mesure de trouver une autre personne apte pour occuper le poste de travail vacant, il y a lieu de décider que la Cour n’est pas amenée à prendre position par rapport à ces explications, au vu du fait que le motif retenu ci-avant est de nature à justifier à lui seul le refus du permis de travail litigieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’analyser les autres motifs invoqués à l’appui de ladite décision. Il y a toutefois lieu de rappeler que l’employeur, s’il avait respecté les dispositions précitées de l’article 10 (2) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, se serait donné un moyen supplémentaire pour trouver une telle personne qualifiée en vue de l’exercice du métier de femme de ménage.

Enfin, en ce qui concerne les considérations soulevées par l’appelante au sujet de sa situation familiale et son intégration au Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de retenir que de telles considérations sont étrangères à la présente matière et ne sauraient être prises en considération dans le cadre d’une décision à prendre quant à la délivrance d’un permis de travail.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête d’appel n’est pas fondée et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris du 5 janvier 2005.

L’arrêt à intervenir statue à l’égard de toutes les parties à l’instance, nonobstant l’absence du mandataire de l’appelante à l’audience des plaidoiries, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que l’appelante a fait déposer une requête d’appel, ainsi qu’un mémoire en réplique.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit la requête d’appel du 3 février 2005 en la forme ;

la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 5 janvier 2005 dans toute sa teneur;

condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19247C
Date de la décision : 09/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-06-09;19247c ?

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