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26/05/2005 | LUXEMBOURG | N°19308C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 26 mai 2005, 19308C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19308C Inscrit le 14 février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 26 MAI 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée XXX S.à r.l., XXX contre le ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement Appel (jugement entrepris du 27 janvier 2005, no 17980 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 19308C Inscrit le 14 février 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 26 MAI 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée XXX S.à r.l., XXX contre le ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement Appel (jugement entrepris du 27 janvier 2005, no 17980 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 février 2005 par Maître Henri Frank, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX, établie et ayant son siège social à L-XXX, représentée par son gérant actuellement en fonctions, contre un jugement rendu en matière de protection de l’environnement par le tribunal administratif à la date du 27 janvier 2005, à la requête de l’actuelle appelante contre une décision du ministre de l’Environnement.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement Gilles Roth à la date du 14 mars 2005.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le premier conseiller en son rapport et Maître Henri Frank ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17980 du rôle, déposée le 29 avril 2004 au greffe du tribunal administratif, Maître Henri Frank, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée XXX S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-XXX, représentée par son gérant actuellement en fonctions, a demandé principalement la réformation et subsidiairement l’annulation de l’arrêté n° 1/04/0063 du ministre de l’Environnement du 22 mars 2004 fixant les conditions pour assurer la décontamination, l’assainissement du sous-sol et la remise en état du site sis à XXX, au motif que la demanderesse n’aurait pas déclaré la cessation d’activité de l’établissement en question.

Par jugement rendu à la date du 27 janvier 2005, le tribunal administratif, après avoir déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté la partie demanderesse, tout en rejetant les demandes en institution d’une expertise et en production de pièces supplémentaires par elle sollicitées.

Maître Henri Frank, avocat à la Cour, à déposé le 14 février 2005, au greffe de la Cour administrative, une requête d’appel contre le prédit jugement au nom de la partie préqualifiée.

L’appelante soulève des moyens tendant à la violation de l’article 6.1. de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour n’avoir pas bénéficié de procès équitable et loyal, et à la violation de l’article 2 du Code Civil, alors que le jugement attaqué viole le prédit article qui stipule que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, et, qu’en l’espèce, la loi du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ne peut trouver application.

La partie appelante invoque subsidiairement la violation du principe de l’égalité devant la loi, impliquant l’égalité de traitement de tous les administrés, et la violation du principe de proportionnalité, l’obligation d’assainir le site étant disproportionnée par rapport au but poursuivi par les lois successives depuis 1990 et elle demande à la Cour d’ordonner une nouvelle expertise, sinon une expertise complémentaire pour étudier si des infiltrations ont pu provenir d’entreprises voisines afin de dégager le degré de responsabilité de chacun.

Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 mars 2005, le délégué du Gouvernement Gilles Roth se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel et demande la confirmation du jugement entrepris, en reprenant pour autant que de besoin les mémoires déposés par l’Etat en première instance.

L’acte d’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

L’appelante soulève un moyen tendant à la violation de l’article 6.1. de la Convention européenne des Droits de l’Homme et fait valoir qu’elle n’a pas bénéficié d’un procès équitable et loyal, en prenant comme preuve le terme « turpitude » figurant à l’avant-dernier alinéa de la page 5 du jugement attaqué, qui traduirait une certaine partialité des premiers juges.

Il y a lieu de replacer le terme « turpitude » dans le contexte du jugement, alors que la phrase incriminée se lit comme suit : « Or, nul ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude ». Ceci est la traduction française de l’adage latin bien connu « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » employé dans le vocabulaire juridique d’une manière usuelle, et dont l’emploi ne peut offusquer quiconque, ni révéler « un soupçon de partialité ».

D’autre part, c’est à tort que la partie appelante reproche au jugement attaqué d’avoir écarté le principal moyen en ne répondant pas par une augmentation précise, alors que la problématique de la base légale de l’arrêté ministériel du 22 mars 2004 a été l’objet d’une analyse exhaustive de la part des premiers juges.

En conséquence, le moyen tendant à la violation de l’article 6.1. de la Convention européenne des Droits de l’Homme est à écarter comme non fondé.

En deuxième lieu, la partie appelante soutient que le jugement attaqué viole manifestement l’article 2 du Code civil qui stipule que la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif, et qu’une jurisprudence abondante confirme ce principe fondamental et sacramentel.

La loi du 9 mars 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes était une loi qui, pour pouvoir être appliquée à des situations acquises au moment de son entrée en vigueur, aurait nécessairement dû contenir une disposition décrétant clairement qu’elle s’appliquait à de telles situations, et à défaut d’une telle disposition, la loi du 9 mars 1990 ne pouvait avoir d’effet que pour l’avenir, et ce en vertu du principe de non-rétroactivité.

En l’espèce, l’entreprise XXX a cessé toute exploitation sur le site en question dès l’année 1994, site qui était exploité depuis le 20 décembre 1974, date d’acquisition du terrain par la société XXX. Cependant, la prédite société n’a pas informé en 1994 l’administration de l’Environnement de sa cessation d’activité sur le site, mais c’est cette dernière qui a invité la société XXX a introduire une déclaration de cessation d’activité à partir d’octobre 2002.

Or, l’arrêté du 22 mars 2004 a été délivré principalement sur base de l’article 13.7, dernier alinéa, de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés qui dispose que « les mêmes dispositions s’appliquent lorsque la cessation d’activité n’est pas déclarée alors qu’elle est constatée par l’autorité compétente ». Cet alinéa a été introduit par la loi du 19 novembre 2003 modifiant la prédite loi de 1999 pour conférer explicitement aux autorités compétentes le droit d’imposer aux anciens exploitants des conditions relatives à la remise en état d’un site en l’absence d’une déclaration de cessation d’activités de leur part.

C’est pour de justes motifs auxquels la Cour se rallie que le tribunal, après une analyse exhaustive, a estimé que le ministre de l’Environnement, en qualifiant une situation de fait existante au moment de la prise de décision et en appliquant les dispositions légales en vigueur, n’a pas conféré d’effet rétroactif à une loi quelconque, mais a tiré les conséquences qui s’imposaient en prenant l’arrêté litigieux prescrivant les mesures de remise en état, ladite obligation de remise en état d’un site pollué étant inscrite tant dans l’article 9 dernier alinéa de la loi du 9 mai 1990 qu’à l’article 13.7 de la loi du 10 juin 1999, l’article 13.7 dernier alinéa constituant une disposition interprétatoire à effet rétroactif car il s’applique également aux situations juridiques anciennes ayant pris naissance avant son entrée en vigueur.

Le moyen afférent laisse d’être fondé.

Le moyen tendant à la violation du principe d’égalité de traitement laisse d’être fondé, à défaut par l’appelante de rapporter la preuve qu’il existerait d’autres personnes se trouvant dans une situation identique, et qu’elles se verraient appliquer un traitement plus favorable que celui auquel la requérante est soumise par l’administration.

Il n’y a, par ailleurs, pas lieu de faire droit à la demande, en ordre subsidiaire, de la société XXX d’ordonner une nouvelle expertise, sinon une expertise complémentaire, au motif que des infiltrations ayant pu provenir d’entreprises voisines, elle ne saurait être tenue seule de procéder à l’assainissement du site.

En effet, la Cour est d’avis qu’une expertise telle que sollicitée par l’appelante ferait double emploi avec l’étude d’impact de la société XXX S.A. dont les conclusions ont été admises par l’administration de l’Environnement, assurant ainsi le respect du principe du contradictoire.

Enfin l’appelante maintient que l’obligation d’assainir son site est disproportionnée par rapport au but poursuivi par les lois successives depuis 1990.

Le moyen afférant de la violation du principe de proportionnalité laisse d’être fondé, alors que l’appelante n’établit pas en quoi les prescriptions de remise en état du site ne seraient pas conformes aux objectifs de la loi sur les établissements classés, et les coûts engendrés par l’assainissement ne sont pas disproportionnés, car il résulte de l’étude XXX, que la pollution peut être éliminée en majeure partie par simple excavation, travaux pouvant, en grande partie, être réalisés par la société XXX elle-même.

L’acte d’appel n’étant pas fondé, le jugement entrepris est à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs La Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’acte d’appel du 14 février 2005, écarte la demande en institution d’une expertise, dit l’appel non fondé et en déboute, partant confirme le jugement du 27 janvier 2005, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Marion Lanners, présidente Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19308C
Date de la décision : 26/05/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2005-05-26;19308c ?

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